LYON, FÊTONS LA GRATUITÉ, le 5 JANVIER 2019
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Chers Amis, l’heure est grave parce que je me suis rendu aux conseils de ce brave jeune homme qui voulait nous faire boire sa bière artisanale et je ne sais pas si, du coup, je pourrai suivre mon exposé comme je l’aurai souhaité au départ. J’ai quelques antisèches qui devraient m’aider et, heureusement, j’ai pu intervenir de la salle ce matin et dire quelque chose qui me paraissait très important sur le capitalisme. Peut-être que l’on pourra passer sur ce sujet-là…
Soyons sérieux. Deux dangers nous menacent et, vous le savez, une personne qui se trouvait là ce matin m’a glissé dans l’oreille : « Le problème, essentiellement, est de savoir comment nous allons prendre le risque qui est le nôtre maintenant. » C’est vrai, il y a un danger d’extinction pour l’espèce humaine qui est lié au fait que nous risquons effectivement d’enfreindre ce que l’on appelle la capacité de charge d’un environnement pour une espèce, c’est-à-dire le fait que cet environnement doit lui être favorable. Il faut qu’il n’y ait pas de gaz toxiques dans ce que nous respirons. Il nous faut une certaine quantité d’oxygène. Il faut que l’eau ne soit pas polluée, eau que nous buvons, et il faut que nous ayons le droit de la boire, de la trouver. Il faut que nos aliments soient des aliments qui ne soient pas toxiques à leur manière également.
Le risque d’extinction est réel.
Mais, il y a un autre danger immédiat lui aussi, et c’est un sociologue américain qui s’appelle Peter Frase qui attire l’attention là-dessus. Cela fait très mauvaise impression. Il jette un pavé dans la marre. Il parle d’un risque d’exterminisme. C’est quoi l’exterminisme ? C’est quand une partie d’une population décide de se débarrasser d’une autre. Comme nous le savons, il existe maintenant des moyens industriels depuis 1941-42 de se débarrasser d’une partie de la population que l’on juge gênante.
Vous avez peut-être vu cet article. Je l’ai mis en exergue sur mon blog. Cet article écrit par la rédaction du Monde sur la manière dont les rédacteurs du Monde ont été un peu choqués de la manière dont les lecteurs du Monde ont parlé des gilets jaunes en termes extrêmement négatifs. Le regard posé par les riches sur les pauvres est toujours un regard assez consternant. Il n’est pas impossible qu’un certain nombre de personnes dans notre société soient considérés comme des gêneurs essentiellement par d’autres. Nous savons que les moyens existent maintenant. Vous avez dû voir le film Robocop. C’était il y a quelques temps. Ces Robocops existent maintenant. Il y a des moyens d’éliminer. On appelle cela des munitions intelligentes. Il y a des moyens de se débarrasser d’une partie de la population. Ce n’est pas quand vous irez à la manifestation que l’on vous fera disparaître. C’est peut-être quand vous retournerez vers votre bagnole.
Le danger d’exterminisme existe dans notre société. Il existe d’autant plus que le travail disparaît, qu’une grande partie de la population était salariée et que ce travail disparait. Je ne vais pas entrer dans les chiffres. Ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Certains vous disent que c’est seulement 9 % de la population qui va perdre son emploi dans les années qui viennent, d’autres chiffres donnent 40 % – 60 %. Ce n’est pas simplement l’intelligence artificielle. C’est l’automation, la mécanisation. Tout le travail est en train de disparaître et pas simplement au niveau des caissières, pas simplement au niveau des lignes d’assemblage. Aussi les médecins, les grands spécialistes d’oncologie, la machine fait mieux qu’eux maintenant et ils ne vont plus être indispensables.
Qu’est-ce qu’il faut faire ? Il faut le plus rapidement possible séparer la question des revenus des gens qui étaient des « travailleurs », comme on les appelait autrefois, des « salariés » récemment. On les appelait aussi des « prolétaires ». Séparer la question – pour ces personnes qui gagnent leur vie en travaillant – de leurs revenus, de celle du travail qui sera effectué puisque ce travail est en train de disparaître. Ce n’est pas simplement qu’il est délocalisé quelque part. Les secrétaires, les sténodactylos n’ont pas été délocalisées en Chine. Elles ont disparu par l’invention du logiciel qui s’appelle traitement de texte, purement et simplement. Il faut séparer la question des revenus. La personne qui est remplacée par une machine, la machine va continuer à travailler et elle va rémunérer la personne que l’on appelle le capitaliste, c’est-à-dire le propriétaire de la machine qui a pu avancer l’argent.
Que vont devenir les autres ? Deux solutions possibles : la solution du revenu universel, revenu de base. C’est une possibilité, donner de l’argent à tout le monde. Une autre possibilité, c’est la gratuité. Personnellement, j’étais acquis dès le départ à l’idée de revenu universel mais c’est en regardant les chiffres que je me suis aperçu que ce n’était probablement pas le bon angle d’attaque. Cela coûte très cher. Les Anglais ont calculé que cela coûte 12 % du PIB en Grande-Bretagne, le revenu universel. La gratuité sur l’indispensable, cela représente simplement 2,2 %. C’est à notre portée. On ne peut pas dire que ce n’est pas à notre portée.
D’où vient cette question de la gratuité pour l’indispensable ? Elle nous vient d’un fameux discours sur les subsistances d’un certain Maximilien Robespierre, qui nous a posé la question « Quel est le premier objet de la société ? ». Le premier objet de la société est de maintenir en vie les êtres humains. A qui répondait-il ? Il répondait à ceux qui venaient d’inscrire dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen comme un droit sacré, le droit à la propriété privée. Il dit « Avant la propriété privée, il y a le droit de vivre ». Il faudrait séparer l’économie en deux parties : celle pour l’indispensable qui ne serait pas, comme on le dirait, marchandisé, monétarisé, et l’autre, le superflu, que l’on pourrait laisser à l’activité des marchands.
Qu’est-ce que c’est que cet indispensable ? On peut le définir assez rapidement. C’est bien entendu l’alimentation, l’habillement, la santé, l’éducation. Aujourd’hui, le téléphone, la connectivité, etc. Il faudrait revoir la définition de temps à autres bien entendu, mais il faut commencer par là. Le revenu universel, malheureusement, donner des chèques aux personnes – j’ai travaillé 18 ans dans la banque – c’est une proie toute désignée pour les milieux bancaires. Il y a aussi, bien entendu, on appelait ça autrefois « boire sa paie. » Il y a aussi la possibilité de mal utiliser l’argent qui est donné. Il faut le plus possible, pour tout ce qui est de l’ordre de l’indispensable, à mon sens, le protéger, l’immuniser contre la monétisation.
La gratuité, à mon sens, est la première étape. La question a été posée ce matin. La gratuité, pourquoi ? A mon sens, la 2ème étape, je l’ai signalé mais je le rappelle, est d’aller vers un monde sans argent. Quand Keynes, en 1936, pose la question « Qu’est-ce que qui ferait que tout le monde, demain matin, se réveille dans un monde se disant soulagé, le monde est soudain meilleur ? ». Il répondait à l’époque « le plein emploi ». Le plein emploi, nous ne l’aurons plus précisément parce que le travail et l’emploi disparaissent. Qu’est-ce qui pourrait faire que nous nous réveillions demain dans un monde en se disant, tout à coup, « Nous sommes soulagés. La vie est devenue bien plus simple ». Un monde sans argent. Il faut aller vers là.
Pourquoi faut-il aller vers là ? C’est la 2ème étape à mon sens. Pour éliminer, finalement, ce système capitaliste qui repose sur la propriété privée. La propriété privée, nous le savons, elle contient la notion d’abusus. Le propriétaire peut faire ce qu’il veut de la chose dont il est le propriétaire. Des lois sont intervenues ici et là pour protéger, pour empêcher que ce soit véritablement le cas. C’est vrai pour les individus. Ce n’est pas vrai pour les entreprises. L’abusus est encore total pour les entreprises. Notre système de comptabilité aussi ne tient absolument pas compte du fait de savoir si quelque chose est renouvelable ou non. Les externalités négatives, comme on le dit, ne sont pas comptabilisées. Notre système comptable, notre système capitaliste est un système de destruction des ressources. Il ne tient pas compte, d’aucune manière, ni dans l’abusus, ni dans la comptabilité, du fait que nous soyons propriétaires de quelque chose qui est renouvelable ou non. Nous pouvons détruire, dans le système actuel, quelque chose qui ne pourra plus jamais servir à personne sur notre terre.
Si nous voulons survivre, je termine par là, il faut, dans l’immédiat, que nous allions à l’encontre de ce risque d’exterminisme qui est absolument réel, c’est-à-dire qu’une partie de la population apparaisse comme des gêneurs purement et simplement et que l’autre partie de la population, qui n’a plus absolument besoin de ces gêneurs, essaye de les éliminer. C’est la première chose.
La deuxième, c’est la tâche ultime si l’on veut, pour notre espèce bien entendu, c’est empêcher l’extinction. Il faut que nous parcourions l’ensemble de ces étapes dans le bon ordre mais que nous y allions extrêmement rapidement.
Merci.
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