Quand ils ont…
Quand ils ont laissé les « sans domicile fixe » crever dans la rue
en soulignant que l’été est aussi dur que l’hiver pour les malheureux,
Et que c’est bien triste,
Je n’ai rien dit car je n’étais pas « sans domicile fixe ».
Quand ils ont laissé des familles vivre dans des logements pourris
pendant toute la durée de l’enfance des enfants,
Sans faire naître en eux l’espérance,
Je n’ai rien dit car je n’étais ni femme ni enfant miséreux
Quand ils ont confié aux restaurants du cœur pendant plus de trente ans
le soin de remplir les ventres vides des pauvres,
et d’assumer l’éducation de leurs gosses,
Je n’ai rien dit car je n’étais ni affamé ni acculturé.
Quand ils ont pourchassé les étrangers,
enfermé leurs enfants dans des centres de rétention
et parqué d’autres traîne-misère dans des zones déshéritées,
Je n’ai rien dit car je n’étais ni pauvre ni nu.
Quand ils ont condamné les ouvriers en colère
qui avaient perdu leur emploi sans l’espoir d’en occuper un autre
et sombrer ensuite dans la misère,
Je n’ai rien dit car je n’étais pas menacé de perdre mes revenus
Quand ils ont laissé les agriculteurs perdre pied peu à peu
se pendre de tristesse aux branches de leurs arbres
car ils désespéraient de trouver l’Amour,
Je n’ai rien dit car je n’étais pas paysan
Quand ils ont commencé à faire croire aux classes moyennes
qu’elles avaient tout intérêt à la baisse des impôts, aux injustices
et à la destruction de leurs environnement,
J’ai regardé mes voisins qui s’accommodaient de la servitude volontaire d’un œil incrédule.
Quand ils ont commencé à lorgner mes revenus avec convoitise,
à imaginer mille stratagèmes pour me faire travailler gratuitement
et remplacer celles et ceux qui avaient disparu,
J’ai commencé à avoir peur et j’ai compris que mon tour était venu de nourrir la bête.
Ah tiens…d’après les réactions des uns et des autres j’étais persuadé mordicus qu’il n’y avait que des milliardaires à Los…