Retranscription de De la nécessité d’un mouvement comme Place Publique en temps de guerre, le 27 novembre 2018. Merci à Eric Muller ! Ouvert aux commentaires.
Bonjour, nous sommes le mardi 27 novembre 2018, et aujourd’hui, ma causerie s’intitulera : « De la nécessité d’un mouvement comme Place Publique en temps de guerre » .
La partie finale de mon titre est peut-être la plus étonnante, je vais commencer par là. Je vais commencer par vous rappeler une conversation que j’ai rapportée à l’époque : c’était une conversation entre un journaliste ou une journaliste américaine, je ne me souviens plus – et la représentante de la chaîne russe RT, qui est une chaîne officielle du gouvernement de la Fédération de Russie. Et le journaliste ou la journaliste américaine posait la question suivante : « Pourrait-on imaginer qu’à notre insu, il y ait déjà en train d’avoir lieu une guerre entre la Russie et les États-Unis ? » Et cette personne – qui représente donc de manière indirecte le gouvernement russe – dit : « Dans quel camp êtes-vous ? » et j’avais noté le caractère surprenant de la réponse. Cette dame russe avait l’air de dire : « Ne me faites pas croire que vous, les américains, bien malgré votre réputation de grande candeur, de grande naïveté, ne soyez pas au courant qu’il y a cette guerre et que la question, c’est simplement de savoir dans quel camp on se trouve. » La réponse était donnée.
J’ai le sentiment que la personne américaine était de bonne foi. Elle ne savait pas, elle ne connaissait pas la réponse, à savoir si cette guerre avait lieu. Mais du côté russe, on lui disait : « Oui, cette guerre est en train d’avoir lieu. » Et cette guerre, entre un courant pro-occidental incarné par l’Otan et de l’autre côté la Russie, se déroule en ce moment même en Ukraine, l’Ukraine qui depuis 2014 est le siège d’un affrontement entre ce monde de l’Est et de l’Ouest. La guerre cybernétique a lieu depuis plus longtemps. Nous avons dans les inculpations de M. Mueller, à la tête de sa commission aux États-Unis, des listes de gens en Russie – du côté civil (essentiellement à Saint-Pétersbourg), et du côté militaire et officiel, du Ministère de l’Intérieur en tout cas, à Moscou – des gens auxquels on reproche un nombre de choses extrêmement précises, ce qui fait penser que des informations précises sont disponibles et que donc, on est au courant de ce qui se passe.
Et donc, nous avons un cadre d’une guerre qui n’est plus une guerre comme on avait eu. Ce n’était plus la troisième guerre mondiale larvée qui était née en 1945 entre un monde représentant le Communisme de type soviétique et le Capitalisme. Mais ce sont les mêmes puissances qui sont en affrontement, et avec une guerre qui prend des formes différentes en raison des progrès du numérique. Cette guerre est une guerre de propagande en partie, parce que bien entendu, il y a des gens qui meurent véritablement, et déjà [une] dizaine[s] de milliers sont morts sur le terrain de l’Ukraine, à la frontière de la partie revendiquée par des Ukrainiens, je dirais, pro-russes. Nous avons donc une guerre sur le terrain, mais nous avons aussi – nous le savons – des interférences, des ingérences de la Russie à l’intérieur des processus de type démocratique en Occident. Ça ne veut pas dire que l’Occident soit passif, ça ne veut pas dire que l’Occident n’essaie pas d'[encercler] par des alliances du côté de l’Otan, n’essaie pas de mettre la Russie dans une position difficile. Mais ce que j’essaie de dire, ce n’est pas de dire : « Il faut être pour les uns ou pour les autres. » J’essaie de vous décrire une situation, et vous allez voir que ma conclusion a un rapport avec cette description de situation.
Il y a eu des ingérences russes dans les élections américaines, du côté de la propagande, du côté d’ingérences directes, de collusions peut-être – dont nous allons savoir certainement plus dans les jours qui viennent – [au sein de] l’équipe de M. Trump. Est-ce que ce sont des collusions qui sont au niveau de ce qu’on sait déjà, ou bien s’agit-il de bien davantage ? Par exemple le fait que M. Trump serait directement, de manière – comment dire – au-delà de tout doute possible, un agent de la Russie, et ceci depuis un certain temps. Pour des raisons qui pourraient être celles, soit d’un chantage exercé à propos de galipettes qu’il aurait faites dans un des pays qu’il aurait visité, ou bien que, en raison de son engagement massif dans des trafics d’argent sale – blanchiment d’argent sale venant de Russie -, il serait , je dirais, victime d’un chantage de ce côté-là. Ou bien, voilà – parce qu’on a tout vu dans l’Histoire – ou bien même les deux.
Il y a ingérence russe, indépendamment de savoir s’il y a ingérence occidentale, américaine, etc. en Russie, etc. Il y a ingérence russe, de manière soit massive, soit pas massive, mais on en saura plus dans les jours qui viennent. De même, il semble que l’implication de la Russie pour pousser au vote du Brexit – c’est-à-dire de l’éclatement de l’Union Européenne – semble avérée, à tel point – les informations sont à ce point précises au Royaume-Uni – qu’il est question de peut-être annuler le premier référendum en raison des irrégularités qui ont eu lieu. Sont impliqués dans cette collusion, d’une manière ou d’une autre, des mouvements d’extrême-droite, parfois libertariens, parfois – je dirais – d’extrême-droite plus classiques comme néo-nazis ou des choses comme ça. Du côté de l’Occident, il y a une sympathie entre les mouvements de type autoritaire dans les pays occidentaux et la Russie en ce moment. Le lien entre les deux, eh bien, c’est une sorte de populisme, c’est une sorte d’affrontement avec le libéralisme.
Et donc, c’est là que j’en arrive, nous sommes dans un monde où une guerre civile existe à l’intérieur de l’ensemble des pays, entre des régimes libéraux qui ont souvent dérivé vers de l’ultra-libéralisme, c’est-à-dire un pouvoir absolu de la banque sur les choses qui se passent chez nous (ce sont les banques qui rédigent les motions qui vont passer au niveau national et au niveau européen, et elles sont entérinées par les parlements) et en face de cela, apparaît une opposition qu’on appelle « populiste », qui invoque le peuple mais qui souvent est – je dirais – très déficiente au niveau des explications, dont – comment dire – la théorie se confond fort avec des raisonnements extrêmement simplistes, complotistes, où il manque des éléments, ou souvent se tourne vers – en facteur de dernière instance – comme la source de nos malheurs – des étrangers quelconques auxquels on attribue une étiquette – source, classique ou nouvelle, liée à l’immigration récente, et ainsi de suite. Et là, il faut faire la remarque suivante. C’est [que] – vous le savez – le système capitaliste s’accommode, aussi bien en temps de crise, de l’ultra-libéralisme représenté par les banquiers, ou du populisme. Voyez l’histoire du national-socialisme en Allemagne, où finalement ces gens s’entendent comme larrons en foire, et où, à la fin de la guerre, les grosses entreprises ont fait des affaires – ce qui était ce qu’elles voulaient faire – et tout le reste était plus moins mis entre parenthèses, et tout repart comme en 40. Voilà, exactement.
Alors, voilà où nous en sommes. Nous avons des affrontements (qui sont des affrontements qu’il faut absolument rejeter, qu’il faut essayer – comment dire – de faire sauter, de faire imploser ou d’exploser) où des complices, de véritables complices – d’un côté le populisme, d’autre part les régimes libéraux – nous offrent de fausses alternatives, parce que, à l’arrivée, ce sont des gens qui peuvent très bien s’entendre et qui peuvent faire leurs affaires de telle et telle manière, en n’ayant jamais remis quoi que ce soit de sérieux en question. D’où la nécessité d’autre chose au milieu – à la place – quelque chose de positif et pas quelque chose de négatif, de pas quelque chose qui fait exploser la planète, pas quelque chose qui nous rend la vie impossible, à notre espèce, à la surface de la planète : il faut faire apparaître autre chose. D’où la question de, par exemple, comme j’ai vu l’autre jour dans une vidéo, quand quelqu’un propose un nouveau parti, quelqu’un lui dit : « pourquoi un nouveau parti alors qu’il y en a déjà temps ? »
Alors, qu’est-ce qu’il aurait fallu répondre à cette question-là ? Il aurait fallu répondre : « Mais Monsieur, est-ce que vous être membre, vous, d’un de ces partis auxquels vous pensez et qui existent déjà ? Et sinon, si vous n’appartenez pas à un de ces partis, c’est probablement parce que vous trouvez qu’ils ne font pas l’affaire, et probablement que la plupart auxquels on pourrait penser sont absolument morts et qu’ils ne bougent même plus. D’où la nécessité de mettre autre chose à la place. »
D’où cette idée de Place Publique, qui est une excellente idée, à laquelle je me suis rallié de manière un peu spectaculaire vendredi dernier, parce que j’avais l’occasion de me retrouver dans un panel, dans une table ronde, avec Mme Claire Nouvian, et que c’était la manière de présenter les choses devant un public nombreux – plusieurs centaines de personnes – de dire : « Voilà, moi, personnellement, je suis prêt à rejoindre cette fédération à l’endroit où il nous faut quelque chose, quelque chose qui ne soit pas mort et enterré. » Il nous faut quelque chose qui vive, et non seulement qui vive, mais qui reprenne le dessus, qui reprenne le dessus dans une situation où on va une fois de plus nous mettre en scène un affrontement bidon entre un capitalisme de type banquier classique et un populisme qui, finalement, n’a rien d’autre à offrir que, oui, des grandes promesses bien entendu, des explications simplistes sur la source de tous nos maux et beaucoup de morts à la clé, bien entendu. Il faut autre chose, il faut quelque chose de positif.
Il faut quelque chose qui nous permette de sauver l’espèce humaine, quelque chose qui ne soit [pas] simplement, « On continue le pillage » que les banquiers ont organisé depuis des centaines d’années, et voilà : il ne reste plus rien, maintenant il est trop tard. On nous dit : « Le capitalisme nous a rendu tous riches » mais maintenant il va nous rendre tous, non pas simplement pauvres, il va nous rendre tous morts. Parce que c’était un pillage organisé par ceux qui ont le rapport de force de leur côté, et d’un autre côté – disons, voilà – les indignés, mais à qui on vend n’importe quoi (on leur vend des rêves) comme avec le nazisme : il faut voir cette très belle scène du film Cabaret que je remets souvent en ligne sur mon blog (sourire), où on voit ce jeune qui se met à chanter, et c’est un chant splendide, et tout le monde se tourne vers lui, jusqu’à ce que la caméra se recule un peu et qu’on s’aperçoive que c’est un Hitlerjugend et qu’il va nous vendre des salades, et les pires de toutes en particulier… Ni l’un, ni l’autre. (ni ni, ni ni) : Ni la finance au pouvoir (avec jamais personne inculpé pour les crimes qui sont commis), ni de l’autre côté des variantes à la sauce nouvelle du nazisme – dont on a vu ce que ça pouvait faire à la surface de la Terre.
Il nous faut une voie au milieu. Toutes les bonnes volontés doivent se rassembler maintenant pour quelque chose de positif, quelque chose qui ressemble à ces idées généreuses qu’on nous a produit – nos ancêtres – dans la première moitié du 19e siècle, auxquelles il faut ajouter de nouveaux apports, ceux en particulier des années 60, quand il y a eu, voilà, une réflexion générale sur ce qu’on pouvait faire. Et maintenant, en plus de l’apport de la première moitié du 19e siècle – la « Révolution Sociale » comme on l’appelait – en plus de la réflexion hippie, de freudo-marxisme et tout ce que vous voulez de la pensée critique des années 60, il nous faut maintenant une réflexion des années 2010-2020 sur ce qu’il faut faire. Et maintenant, l’urgence est véritablement à nos portes.
Alors, dans la discussion qu’il y a eu hier entre Vincent Burnand-Galpin, « porte-parole officiel du blog de Paul Jorion » (sourire), Paul Jorion, Claire Nouvian et trois autres militants du mouvement Place Publique, nous allons faire avancer les choses et, en particulier, nous allons nous occuper, du côté du blog de Paul Jorion, de participer à cette tâche qui nous a été proposée d’un MA-NI-FES-TE. Un manifeste pour dire, voilà ce qu’on veut faire. Montrer clairement, par des phrases, qu’on ne veut pas les vieilles salades (qu’on refusera) et la facilité de l’ultra-libéralisme (et son côté satisfait), et ce « malheur aux vaincus » qui le caractérise, et d’autre part, les rêves – les rêves qui flottent à mi-hauteur et qui surtout produisent beaucoup de morts – des populismes d’extrême-droite. Il nous faut autre chose. Le moment est venu. Pas de temps à perdre ! Joignez-vous aussi à cette bonne idée. Ne dites pas qu’il n’y a encore personne, parce que, bien entendu, si vous n’êtes pas là, il n’y aura personne. Ne jouez pas, comme certains commentateurs sur mon blog, le rôle satisfait du spectateur sceptique qui dit : « Oui, peut-être, etc. mais finalement on a déjà vu ça… » et ainsi de suite, qui n’est qu’une excuse pour ne rien faire. Le moment n’est plus le moment où on peut dire qu’on ne va rien faire pour une raison X ou Y, ou bien « y’a qu’à » ou « faut qu’on », etc. Le moment est venu de rassembler toutes les énergies et d’essayer de sauver le genre humain à la surface de la planète Terre qui est la nôtre et qui est très belle.
Voilà, chers amis, à bientôt.
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