L’habitude a été prise de lire les chiffres d’un scrutin comme le résultat des courses : Untel arrive en-tête, Machin second, et Tartempion en dernier. Une autre manière, au-delà des sigles de parti et de la personnalité des différents ténors, est de prendre au sérieux ce que les différents partis révèlent par leur image de marque comme étant les questions de société qu’ils ont principalement à cœur.
Ainsi, l’un d’entre eux fait savoir que viennent au premier rang de ses priorités, les questions liées à l’environnement, tel autre met la question du travail au premier plan en plaçant celui-ci dans son nom même, tel autre encore affirme fièrement son identité nationale ou régionale, qu’il la définisse par une unité de langue, ou par les liens du sang. Notons au passage que l’identité par la langue est ouverte dans les deux sens : dans l’une des directions, il suffit de l’apprendre et de s’appliquer à la prononcer correctement (cf. « Schild en vriend »), dans l’autre, de cesser de la parler pour en adopter une autre. L’identité par le sang est au contraire fermée : elle définit une fois pour toutes les bons comme nous et les méchants comme les autres, selon le hasard de la naissance – si ce n’est que les identitaires nient précisément tout hasard dans cette affaire : les bons naissent bons par nécessité d’ordre divin, et les mauvais, mauvais, ce qui simplifie considérablement les choses.
D’autres partis encore mettent en avant des principes : le fait de souscrire au credo de telle religion, avec ce qu’elle implique en termes de dogmes à considérer comme véridiques et de rites à respecter, ou bien l’affirmation de la prévalence de la liberté individuelle sur les considérations de tout autre nature. Il arrive aussi, tout particulièrement dans le monde chrétien, que la religion en tant que telle se soit peu à peu effacée mais que demeure une morale laïque ancrée dans le même esprit.
Et de ce point de vue, les partis « à principes » ont très clairement subi une défaite lors des élections communales du 14 octobre. Notons que contrairement à l’évolution récente du monde occidental dans son ensemble, la Belgique n’a pas vu se poursuivre la progression des partis identitaires, même si ceux-ci maintiennent leur position à un niveau élevé en Flandre.
Les percées évidentes, en particulier en Belgique francophone, ont été celles des partis mettant l’accent d’une part sur l’environnement, d’autre part sur le travail, ce dont il convient de féliciter l’électorat pour sa clairvoyance puisque c’est sur ces deux terrains que se posent aujourd’hui des questions de société majeures et dont la solution est d’une extrême urgence.
La survie de notre espèce est en effet menacée par l’activité des hommes sur notre planète, comme celle d’ailleurs des autres animaux autour de nous car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque l’on parle de « baisse dramatique de la biodiversité ». À notre propre échelle, le travail salarié est lui aussi menacé : de l’ouvrier assembleur remplacé par le robot, au spécialiste oncologue rendu caduc par le diagnostic bien plus sûr de l’Intelligence Artificielle, en passant par la sténodactylo, espèce éteinte, éradiquée complètement par le traitement de texte.
Disparition du travail et de l’espèce tout entière : une chose est sûre, les deux questions sont intimement liées et leur solution doit être trouvée conjointement.
Seul un cadre véritablement mondial est envisageable quand il s’agit de relever les défis de l’environnement. La disparition de l’emploi de son côté aggrave les disparités sociales, alimentant une fringale consumériste qui précipite la dégradation et l’épuisement du monde qui est le nôtre. Seule solution : déconnecter les revenus du travail effectué pour mobiliser dans un cadre de gratuité les énergies libérées et les canaliser dans un effort commun de sauvetage de la planète.
Les partis mettant l’environnement et le travail au centre des priorités posent-ils les questions et apportent-ils les réponses de la meilleure manière qui soit ? C’est là une autre question sur laquelle se pencher sans plus tarder et tous ensemble, dans l’effort collaboratif le plus formidable qu’aura connu notre espèce : notre lutte ultime, celle contre l’extinction.
1) On peut utiliser des bombes nucléaires pour stériliser l’entrée d’abris souterrains (au sens galeries bien bouchées, comme au sens…