Trump et Hitler : un parallèle saisissant, le 7 octobre 2018 – Retranscription

Retranscription de Trump et Hitler : un parallèle saisissant, le 7 octobre 2018. Merci à Eric Muller !

Bonjour, nous sommes le dimanche 7 octobre 2018, et un événement qu’on attendait aux États-Unis depuis plus d’une semaine vient d’avoir lieu : M. Brett Michael Kavanaugh, un juge américain, a été nommé juge à la Cour suprême des États-Unis.

Vous le savez, ça a donné lieu à pas mal de péripéties, en particulier il y a une semaine, quand le sénat américain, qui décide de cette nomination, avait accepté d’inviter Mme Christine Blasey Ford à témoigner d’une tentative de viol de ce M. Kavanaugh, à l’époque où ils étaient très jeunes tous les deux, 17 ans pour M. Kavanaugh et 15 ans pour Mme Ford. Le sénat a écouté les deux témoignages : celui de Mme Ford et celui de M. Kavanaugh. Je vous ai rendu compte en direct de celui de Mme Ford, et je vous ai parlé de celui de M. Kavanaugh que j’ai pu regarder un peu plus tard. On avait d’un côté – ça, c’est ma façon de voir les choses – on avait une dame très digne qui a rapporté une tentative de viol – Elle ne se souvenait pas de tous les détails : ça se passait il y a longtemps. Et ensuite, on a vu M. Kavanaugh, qui, si on n’avait pas une opinion sur lui, on a vu une espèce de beauf’ déchaîné, un rustre, un malpoli, un type avec l’écume au coin des lèvres, le visage déformé par la haine, et il s’agissait du candidat du Parti républicain américain à la Cour suprême [rires].

Alors, si vous êtes proche des idées du Parti républicain, ou si vous vous situez même encore à la droite de celui-là, vous considérez que des malpolis avaient essayé de faire dérailler un processus de nomination à la Cour suprême des États-Unis, et que tout s’est finalement bien terminé.

Si vous êtes plus proche du Parti démocrate, vous considérez qu’il est une honte que, dans un pays démocratique, un personnage de ce type-là se trouve à la direction d’une institution primordiale. Bien sûr, cela a déjà existé, mais peut-être pas à des époques dont on se souvient avec plaisir.

Je vous avais dit aussi, au moment où j’avais assisté en direct à la déposition, à l’audition, de Mme Christine Blasey Ford, qu’il y avait selon moi, là, un moment important dans le mouvement de libération des femmes dans le monde occidental. En tout cas, il y avait là un moment très, très fort. Je ne suis pas le seul à l’avoir pensé : il y a beaucoup de femmes qui ont pensé la même chose et qui ont manifesté pendant la dernière semaine écoulée. Qu’est-ce qui s’est passé pendant cette semaine ? Eh bien, les Républicains, qui dominent le Sénat américain en ce moment – ils ont une majorité de 51/49 – avaient quand même accepté le principe d’une enquête express du F.B.I. sur ce qui s’était passé ce jour, le jour en particulier – le jour qu’on avait pu retrouver, d’ailleurs, grâce aux indications du calendrier de l’agenda de M. Kavanaugh. Une enquête extrêmement rapide a eu lieu, dont on a compris qu’on n’interrogerait que quelques témoins, et en particulier ni M. Kavanaugh, ni Mme Ford. Des personnes ont été interrogées, et l’enquête du F.B.I., nous n’en saurons jamais le résultat. Mais les sénateurs qui font partie du processus de nomination ont pu, un à un, l’un après l’autre, dans une salle fermée, lire le rapport qui était écrit. On a aussi dit à ces sénateurs de ne rien en dire et simplement de voter en leur [âme et] conscience par la suite. Ils ont quand même dit un certain nombre de choses, du genre : « Eh bien, c’est bien ce que je pensais, rien ne s’était passé. » Mme Elizabeth Warren,  sénatrice américaine, elle, a dit qu’une chose était sûre, c’est qu’il était clair que M. Kavanaugh avait menti sous serment. Voilà, c’est une chose qu’elle a pu dire quand même par rapport à ce qui s’est passé.

Qu’est-ce que ça nous donne ? Ça nous donne 3 – 0 pour le Parti républicain dans les nominations à la Cour suprême dans les années récentes. Pourquoi 3 – 0 ? Parce qu’ils ont déjà nommé deux représentants, M. Gorsuch et M. Kavanaugh, et qu’ils avaient pu, en toute fin de mandat de M. Obama, empêcher une nomination qui était en route, ils avaient pu faire de l’obstruction et empêcher que cette nomination ait lieu, qui n’aurait pas été nécessairement de quelqu’un de gauche mais de quelqu’un de plus centriste que les candidats de droite ou d’extrême-droite qu’eux arrivent à faire passer.

Je vous ai dit que ça ne fait pas de très, très grande différence dans la mesure où, dans l’histoire américaine, la Cour suprême des États-Unis a quasiment toujours été un organe de droite, de droite dure, voire même d’extrême-droite, en raison justement de ce mode de scrutin, et en raison – ça m’a valu quelques mails de certains d’entre vous pas très contents [rires] – en disant que, quand c’est plus ou moins la gauche au pouvoir aux États-Unis (parce que ça existe, une gauche aux États-Unis, quand même, contrairement à ce que les gens imaginent souvent en Europe), le processus a lieu dans un cadre entièrement démocratique et c’est un candidat plus ou moins de gauche ou de droite qui passe, mais quand c’est la droite qui est au pouvoir, elle s’arrange pour faire passer – en essayant de couper les coins, de passer par la diagonale – de faire nommer des candidats assez extrêmes, de droite voire même d’extrême-droite.

On peut craindre, avec la nomination de M. Kavanaugh, qu’on remette en question ce qui n’a jamais été une loi aux États-Unis, la réglementation relative à l’avortement qui n’est en fait qu’une décision de la Cour suprême, précisément Roe versus Wade, et il y a des choses de cet ordre-là qui n’ont jamais été inscrites dans la loi à proprement parler et qui relèvent encore de la Cour suprême. Alors, vous savez que c’est la Cour suprême, aussi, des États-Unis, qui a permis à la personne juridique que sont les entreprises de pouvoir dépenser des sommes quasiment illimitées dans la publicité des campagnes électorales, alors que les individus comme vous et moi, pour autant que nous soyons américains – ce qui n’est pas mon cas – n’ont la possibilité que de dépenser, si j’ai bon souvenir, [5000] dollars, mais des sommes relativement limitées.

Quelle leçon tirer de cela ? Une très grande polarisation ! Il est clair que – et on l’a vu pendant la semaine écoulée – la population des États-Unis, et peut-être celle du monde entier, se partage en deux types de personne, et il ne s’agit pas là – comment dire – d’opinion politique, d’affiliation à un camp ou à un autre. C’est que, quand une femme dit qu’un homme a essayé de la violer, il y a les gens qui la croient, je dirais peut-être un peu a priori, et quand l’homme le nie, il y a beaucoup de gens qui le nient, qui prennent son parti, et là je dirais sans doute un peu a priori aussi.

Voilà, ce processus de faire venir des témoins, de les faire parler et d’avoir la parole de l’un contre la parole de l’autre, ça nous renvoie à des grands types psychologiques – et heureusement ça ne correspond pas simplement – que vous croyez une femme si vous êtes une femme et que vous croyez un homme si vous êtes un homme, encore qu’il est particulièrement sinistre de voir des femmes, là aussi, l’écume aux lèvres, applaudir Trump, et – comme le faisait remarquer une éditorialiste de CNN – de voir qu’en fait, elles amènent leurs enfants, et que quand Trump essaye de ridiculiser Mme Christine Blasey Ford en disant : (voix aigüe) « Et c’était quel jour ? Ah ben, je me souviens pas. Et alors, comment est-ce que vous êtes rentrée à la maison ? Ah ben, je me souviens pas… ». Il faut voir ce type. Ce type, c’est un type… si je dis « un type à abattre », ça risque de vouloir dire que j’encourage des gens à l’assassiner : je n’encourage absolument personne à assassiner. Mais c’est un personnage de type Hitler. C’est un personnage de type Hitler : je l’ai déjà souligné plusieurs fois. Je me suis intéressé à son cas dans une perspective un petit peu psychanalytique, c’est une personnalité du même type que Adolf Hitler, et donc c’est extrêmement dangereux, et s’il y a autour lui des forces du même genre, c’est encore beaucoup plus dangereux parce qu’il peut arriver au pouvoir.

Et à ce point de vue, il faut signaler un article de M. Christopher Browning qui fait déjà beaucoup de bruit. Ça paraît dans The New York Review of Books, et ce qui est extraordinaire, c’est que – vous le voyez bien – nous sommes le 7 octobre et cet article va paraitre le 25 octobre, c’est-à-dire dans dix-huit jours, et il est déjà au centre des discussions. Que dit cet article de M. Christopher Browning, qui est un historien et un historien spécialiste du nazisme et de la montée du nazisme en Allemagne ? Que le parallèle est frappant entre ce qui se passe en ce moment aux États-Unis et ce qui s’est passé autrefois en Allemagne, à partir des années 1925.

Et là, il fait une analyse, je dirais, qui n’est pas d’ordre psychanalytique, psychologique… Il fait une analyse en termes de relation de partis et de personnalités. Il fait un rapprochement qui est tout à fait sidérant – surtout si vous ne savez pas qui est M. Mitch McConnell. Mitch McConnell est le leader des sénateurs républicains. C’est lui qui dirige le groupe des sénateurs républicains, au sénat américain. Et le parallèle qui est fait par ce Christopher Browning, entre lui et von Hindenburg, donc président de l’Allemagne en 1925, et qui va petit à petit… parce que c’est un conservateur, il va petit à petit encourager le parti nazi à monter, parce qu’il le voit comme un danger moins grand que la gauche. Il va encourager le fascisme parce que, pour lui, c’est un danger moins grave que la gauche, même une gauche modérée. Bien sûr, il met en place des gouvernements qui vont d’abord interdire le Parti Communiste, puis la liberté d’expression…

Attention, Messieurs-Dames, quand vous recommandez d’interdire aux journalistes de faire leur métier, quand vous dites que les journalistes sont très dangereux, et ainsi de suite.

Il y a eu un débat, je crois que c’est hier, sous l’égide du Monde sur la manière dont la presse est mise, comment dire, sous le boisseau, en France en ce moment. Il y a un rapprochement possible avec ce que dit Christopher Browning et ce qui s’est dit hier au Monde : c’est le fait que, quand un président de la république préfère se confier à des organismes de presse privés – qui agissent à ce moment-là comme des organes de propagande privés – il y a un très grand danger pour la démocratie. Et donc ce monsieur… Le rapprochement fait par Christopher Browning entre Mitch McConnell et von Hindenburg est saisissant. Petit à petit, les gouvernements successifs érodent les libertés, et vient le moment où ce président de la république doit trancher entre soutenir une gauche modérée et les fascistes – et il préfère les fascistes – toujours avec un raisonnement qui est exactement celui des Républicains en ce moment : il y a un monstre, il y a une vipère en notre sein, mais c’est pas grave, nous le tenons sous notre… nous avons la maitrise de ce qu’il peut faire ou pas faire.

Et souvenez-vous. Souvenez-vous de cette déclaration de ce Robin des Bois masqué au sein du gouvernement Trump, qui s’est levé pour dire « Ne vous inquiétez pas. Ne vous inquiétez pas de la politique de M. Trump : il y a, parmi nous, des représentants des vraies valeurs Républicaines qui pouvons le mettre plus ou moins hors d’état de nuire (et en particulier subtiliser des documents sur son bureau, lui faire prendre des vessies pour des lanternes. Mais ne craignez rien : nous sommes déjà parvenus à remporter des victoires très importantes malgré cela. Nous sommes parvenus à faire baisser les impôts pour les grosses fortunes et les grosses entreprises, nous sommes déjà parvenus à ce qu’il y ait un relâchement de la législation sur la finance, et à la suppression des lois de protection de l’environnement. Nous sommes déjà arrivés à nommer de nombreux juges, grâce au pouvoir qui est le nôtre. » Et ça a été dit, donc, bien avant même que M. Kavanaugh soit nommé – hier, dans la soirée.

Voilà où nous en sommes : Il y a, à nouveau, des apprentis sorciers de la droite qui croient qu’elle peut manipuler l’extrême-droite et qu’elle s’en sortira bien à l’arrivée. Elle ne se rend pas compte que, à préférer aux valeurs démocratiques le fascisme, quand il s’agit de choisir entre l’un et l’autre, et à considérer que la gauche est beaucoup plus dangereuse (de toute manière) que le fascisme, là, ça nous conduit tout droit au fascisme parce que justement, cette droite prétendument « civilisée » finit par perdre le pouvoir, et il n’y a plus que le fascisme à la place.

Alors, ceux d’entre vous qui, encore, m’envoyez des messages complimentant M. Trump, je vous le dis assez carrément pour terminer cette petite vidéo : « C’est un nouvel Hitler ! » Et je ne dis pas ça en disant un peu n’importe quoi, comme on pourrait dire « fasciste » à quelqu’un qui ne me plaît pas dans la rue – je ne fais pas ça non plus. Non, M. Trump est, en germe… il a tout : il présente, à la fois sur le plan psychologique et par la configuration politique dans laquelle il se trouve, il a la possibilité de devenir un nouvel Hitler.

Ça ne veut pas dire qu’il va tomber facilement. Ça ne veut pas dire qu’il ne tombera pas sans une guerre civile aux États-Unis, ça ne veut pas dire qu’il ne se crashera pas comme un Mussolini, c’est-à-dire finir, apparaître pendu, [ça ne veut pas dire] c’est-à-dire qu’il ne finira pas comme un Hitler, c’est-à-dire se suicidant dans un bunker dans une ville ravagée du fait de sa stupidité… Ça dure toujours un moment, malheureusement, ce genre de chose, mais ce serait pas mal si on pouvait l’arrêter le plus vite possible.

Voilà. Ne l’encouragez pas : ne dites pas que c’est une bonne chose : C’est l’un des très très grands dangers de l’humanité. On a eu Attila le Hun, on a eu Genghis Khan, on a eu Hitler… Il ne faut pas recommencer si on a la possibilité de ne pas le faire. D’autant qu’il y a d’autres raisons – ne serait ce que pour protéger l’environnement [rires] de ne pas vouloir avoir un bonhomme comme ça, un tyran, un véritable tyran, dans cette capacité : un pervers narcissique qui ne se sent plus parce qu’il a un pouvoir, et que ce pouvoir lui permet d’une certaine manière de voir les choses se réaliser comme il le veut, parce que, parce que il peut se mettre en position de dire « Et si je suis révoqué, j’ai la possibilité de me pardonner moi-même puisqu’il n’y a de règle nulle part qui l’interdise. » C’est un personnage de cet acabit-là.

Ce n’est pas simplement drôle qu’il dise ça – ça pourrait être drôle si c’était dans un film comique, mais on n’est pas dans un film comique. On est au sein d’une civilisation, de plusieurs civilisations, qui sont sur une très très mauvaise pente, et qui risquent de nous conduire vers la disparition de l’humanité en général si on permet à des gens comme ça de continuer à nous diriger.

Voilà ! Allez, à bientôt.

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