Woodward sur Trump et « haute trahison », le 13 septembre 2018 – Retranscription

Retranscription de Woodward sur Trump et « haute trahison », le 13 septembre 2018. Merci à Eric Muller !

Bonjour, nous sommes le jeudi 13 septembre 2018. Je vais aller très très vite en raison du téléchargement extrêmement lent dans la chambre d’hôtel à Strasbourg, où je me trouve. Mais il faut que je vous dise quelques mots à propos de Trump, de Donald Trump, le président des États-Unis – à partir de ce que des gens lisent dans le livre de Bob Woodward, qui est en vente aux États-Unis depuis le 11, depuis avant-hier. Malheureusement – j’ai encore vérifié quand je recevrai [mon exemplaire du livre] – je l’ai commandé en pré-vente et ne le recevrai que vers le 1er octobre, donc je dois faire confiance aux gens qui lisent [avant] moi ce livre, qui trouvent des choses. Et, d’abord, un peu petit retour en arrière.

Le 15 juillet, au moment de l’inculpation de douze agents russes, de fonctionnaires russes travaillant essentiellement pour les services secrets dont les initiales sont G.R.U. (des fonctionnaires donc du ministère, je crois, de l’intérieur en Russie [Non : État-Major des Forces Armées de la Fédération de Russie), j’avais lu ce document avec attention – le document juridique de l’inculpation de ces douze personnes – et je vous étais revenu immédiatement après lecture faite, en disant : « il est écrit en filigrane, en pointillés, dans ce document… le terme de « haute trahison » n’est pas utilisé, mais il est dit dans ce document que M. Trump, Donald Trump est l’agent d’une puissance étrangère. » Voilà.

Comme je vous le dis, ce n’était pas écrit en toutes lettres. C’est ma lecture, je dirais, informée, un peu, par la logique juridique – et je vous avait dit à d’autres occasions (je ne sais plus, même à cette occasion-là) que c’est sans doute le fait que mon père était un juriste intéressé tout particulièrement par les questions techniques de son métier, qui faisait que j’avais entendu, gosse, pas mal de conversations avec des réflexions qui m’avaient alerté [sur] la manière dont on écrit un texte comme celui-là, comme une inculpation. Et donc voilà, ce que je disais, c’était la chose suivante : il est dit Trump est l’agent d’une puissance étrangère, et dans trois jours, il va se retrouver en face de M. Poutine et son attitude va être jugée par le ministère de la justice en fonction de cette accusation qui est faite, là, de manière implicite, sur son comportement. Va-t-il se comporter d’une manière qui va confirmer, oui ou non, le fait qu’il est agent d’une puissance étrangère ? J’avais fait un pronostic moi-même, en disant : « Il va dire : « Poutine, mon brave ami, me dit que tout ça c’est de la foutaise, et je le crois entièrement » », et ça s’était passé exactement, vous le savez, de cette manière-là, au point que la servilité de M. Trump avait déstabilisé un certain nombre de ses partisans, de ses supporters. Et j’avais écrit un papier (le lendemain, je crois, du jour où j’avais constaté le comportement de M. Trump) en disant : « La nasse de la haute trahison s’est refermée sur lui ».

Alors, pourquoi est-ce que je rappelle tout ça ? C’est parce que j’ai regardé, hier, une interview de M. Bob Woodward, qui est l’auteur, donc, de ce nouveau livre qui s’appelle Fear, la peur. M. Woodward qui, avec M. Carl Bernstein avait été le grand reporter du Washington Post, à propos de l’affaire du Watergate, et ils avaient révélé des choses qu’on ne savait pas par ailleurs, en particulier grâce à l’intermédiaire d’un correspondant masqué qui s’est avéré être M. Mark Felt, qui était le numéro deux du FBI.

Alors, qu’a fait Mme Rachel Maddow dans son interview de M. Woodward – ou plutôt dans l’introduction de son interview de M. Woodward ? Elle a attiré l’attention sur des choses qui sont écrites par M. Woodward et dont elle a insisté [sur le fait] que, lui, n’en produit aucune interprétation. Il dit un certain nombre de choses et il nous laisse à chacun, quel que soit le statut du lecteur, la décision d’en tirer les conséquences.

Et elle a lu en particulier deux passages, deux passages qui montrent très clairement, d’après le compte-tendu qu’en fait Woodward à partir de ce qu’ont pu lui dire des gens qui ne sont pas des petites pointures à la Maison-Blanche (M. Gary Cohn qui était le grand conseiller économique et financier de M. Trump à une époque – un ancien de la banque Goldman Sachs -, M. [H. R.] McMaster un général conseiller sur les affaires de défense, et M. Mike Pence, vice-président). Et on voit là des conversations, des conversations entre ces trois personnes associées de différentes manières, des conversations entre ces personnes qui discutent du fait suivant : que M. Trump est avisé de choses que les Russes savent et veulent communiquer avant que quiconque d’autre ne soit au courant. En particulier, qui parlent d’une attitude de l’Ukraine dont les services secrets américains disent : « C’est une déclaration de propagande russe », et dont personne n’a été avisé avant que M. Trump n’en parle. Et d’autres épisodes – comme je vous dit, je veux aller vite – et ce qui apparaît là, donc, dans ce texte de M. Woodward que je ne peux malheureusement pas encore lire véritablement dans le livre (et je dois faire confiance à d’autres) il est dit que dans plusieurs occasions, des hauts fonctionnaires, des gens membres du cabinet de M. Trump d’une manière ou d’une autre, discutent entre eux du fait qu’il sait des choses qui viennent de Russie, et il le sait avant tout le monde. En particulier aussi sur les rapports entre M. Michael Flynn et la Russie.

Et donc, qu’est-ce que ça nous encourage à penser ? Ça nous encourage à penser que cette lettre de la résistance à M. Trump, à l’intérieur même de son administration, elle implique un grand nombre de personnes. Elle implique en particulier M. Mike Pence – le vice-président – en particulier M. McMaster – un conseiller à la sécurité, à la défense – en particulier (quel est le troisième nom que j’ai mentionné ?) M. Gary Cohn qui était le conseiller sur les affaires économiques et financières. C’est-à-dire qu’on voit là, et moi j’ai mentionné le nom de Rod Rosenstein, qui a déjà dit en public (à Aspen, dans le Colorado), qui avait dit aussi, au mois de juillet de cette année-ci, des choses qui ressemblent étonnamment au texte qui a été publié. Donc, qu’est ce que ça nous montre, le texte de Woodward ? Woodward ne veut pas s’impliquer à dire : « haute trahison », mais il le laisse entendre dans ce qu’il écrit à partir du témoignage de personnes haut placées à la Maison-Blanche, et qui ne sont donc pas une seule personne mais un ensemble de personnes, dont le vice-président, dont un conseiller à la défense nationale, dont un ancien conseiller sur les affaires financières et économiques. J’avais donc écrit, le 16 juillet, « La nasse de la haute trahison s’est refermée sur Trump », et le livre de Woodward semble apporter encore des éléments supplémentaires pour confirmer cette hypothèse. Je vous tiens au courant, par la suite.

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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