Entamant sa réflexion à partir de l’idée selon laquelle l’humanité serait menacée d’extinction, hypothèse qui n’est pas alarmiste sans fondement, mais qui est solidement étayée dans un livre précédent et dans les six premiers chapitres de cet ouvrage, Paul Jorion se donne comme objectif, dans ce dernier livre, de nous outiller pour tenter de faire en sorte que des générations futures (d’humains) puissent exister.
Le premier chapitre passe en revue les scénarios possibles de notre futur, le posthumanisme en étant un plausible. Il analyse les causes du déni et de la léthargie des hommes face à la destruction de leurs conditions de vie et évalue la marge d’espoir que nous laissent les trois grandes caractéristiques de notre espèce (colonisatrice, sociale et opportuniste). Les chapitres 2 et 6 posent les questions existentielles de la place de l’homme au sein de l’univers et de son rôle dans la nature, tandis que le chapitre 3 retrace l’histoire et les philosophies du trans- et du posthumanisme, mouvements qui se réclament d’un humanisme qui aurait assimilé l’évolutionnisme, mais qui, en pratique, sont avant tout animés des logiques de la guerre, du pouvoir, de l’exploration spatiale et du commerce. Des mouvements dont les philosophies sont tout sauf apolitiques et s’assimilent en réalité à des stratégies de conquête de la part des transnationales des TICs, des biotechs, des nanosciences et de l’aérospatiale d’une part, de ministères de la défense et autres agences de sécurité nationale dont les buts sont notamment de produire des soldats améliorés et des systèmes de surveillance généralisée d’autre part. Le chapitre 4 énonce des obstacles au projet transhumaniste de l’immortalité. Le chapitre 5 examine la probabilité plus ou moins proche de l’émergence de la singularité dans l’intelligence artificielle. A partir de l’idée de ruse de la raison de Hegel, ce chapitre montre qu’en réalité, post- et transhumanistes ont déjà fait le deuil de la Terre et servent le projet de la conquête de l’espace. Rien que pour ces six premiers chapitres, riches en informations scientifiques, profondément philosophiques, mais accessibles à tous, ce livre est à mettre entre toutes les mains et ne peut laisser indifférent quiconque se soucie de l’avenir des enfants et des générations futures de façon générale.
Les cinq chapitres suivants présentent des « outils » inspirés par la philosophie occidentale (l’apport, à cet égard, de grands auteurs est longuement exposé), par la manière de penser et la sagesse chinoises (l’espoir pourrait venir de Chine et certains « outils » qui font défaut en Occident du taoïsme et du confucianisme) et par un modèle de la conscience proposé par Paul Jorion, des « outils » pour que nous puissions élaborer des stratégies d’action, pour sortir du déni, de l’aveuglement et de la léthargie, pour nous permettre de « trouver le juste milieu entre l’embrigadement liberticide et le laisser-faire absolu ». Parmi ces outils (le but de cette note n’étant pas de divulguer tout le contenu du livre, je n’en évoquerai que quelques-uns), le dernier chapitre met en évidence l’importance de la raison, la capacité individuelle à modifier le cours de l’histoire, la capacité de coordonner les comportements humains grâce à des lois, une morale. Il souligne aussi l’importance de prendre au sérieux ce que notre inconscient a à nous dire et l’importance, dans cet univers tragique et a priori dénué de sens, de donner nous-mêmes un sens au monde en le transformant de façon à laisser une place aux générations futures, plutôt qu’à notre remplacement par des machines.
Ce compte-rendu ne suffit évidemment pas à épuiser le contenu de ce livre dont on sort mieux informé(e) et davantage conscient(e) des implications de certaines voies de recherche et des orientations prises par nos sociétés modernes, un livre qui nous plonge dans un questionnement philosophique et existentiel primordial – voulons-nous et pouvons-nous espérer survivre en tant qu’humains ? -, qui ne donne pas de solutions sur-mesure, mais qui offre des pistes pour construire des stratégies d’action, et appelle à la mobilisation.
PSI, chap. X.2 « Petit à petit, le « germe » s’enrobe à la suite des connexions qui s’établissent entre les…