Le billet de Marc Peltier que je viens de mettre en ligne : De l’intelligence artificielle produite par des méthodes optiques, où il a l’amabilité de rapprocher cette découverte faite à UCLA de mes propres recherches me donne envie de faire un parallèle entre « Le réseau profond considéré était un graphe pur, abstrait, autrement dit, de l’information », et le « réseau mnésique » d’ANELLA, lui aussi un « graphe pur, abstrait ». J’espère en faisant cela faire avancer la discussion de manière générale sur la question soulevée : « masses d’information confrontées et intelligence produite ».
Dans un de mes premiers billets, en 2007, Le robot lacanien, je parlais d’ANELLA (Associative Network with Emergent Logic and Learning Abilities), réseau associatif aux propriétés logiques et d’apprentissage émergentes, projet d’intelligence artificielle que j’avais créé pour British Telecom en 1988 et 1989, disant que j’avais retrouvé une disquette contenant le programme. Je n’étais pas tout à fait sûr de mon coup, les dates ne correspondaient pas (1992 au lieu de 1988) et le style de programmation non plus (QuickBasic au lieu de GWBasic) et passant un peu de temps sur les fichiers le mois dernier, j’avais dû déchanter : ce n’était pas ça, simplement une tentative ultérieure de créer une base de données en arrière-plan du logiciel.
Mais ce soir, Alléluia ! je l’ai retrouvé au fond d’un carton, non pas sur une disquette mais comme un dossier contenant le code imprimé sur des feuilles de papier, et cette fois-ci, pas de doute, les dates indiquées au début de chaque module correspondent : de 1988 à 1989, et le style est bel et bien GWBasic : un BASIC avec lignes numérotées comme du FORTRAN et surtout des pointeurs, alors que si j’ai bon souvenir, les pointeurs avaient disparu de QuickBasic.
ANELLA avait plusieurs originalités, la première était sa « dynamique d’affect », qui fonctionnait également comme dynamique de pertinence, la seconde était l’objet mathématique que j’avais inventé pour que se crée dynamiquement une mémoire au fur et à meure qu’ANELLA apprenait de nouveaux mots : un type particulier de dual d’un graphe, que Gisèle de Meur – qui en avait fait la description formelle – avait appelé P-graphe en mon honneur (« P » pour Paul bien entendu). Tout cela est bien expliqué dans mon livre Principes des systèmes intelligents, paru chez Masson en 1989.
La justification du P-graphe était que la mémoire créée par ANELLA quand elle apprenait de nouveaux mots était isomorphe, avait la même forme qu’un réseau neuronal et avait donc une réelle plausibilité en tant que modèle du stockage dans un cerveau humain.
Bien que procédant selon l’algorithme qui transformait un graphe en son dual, la forme que prenait une telle « mémoire » était imprévisible étant donné que sa complexité croissait très rapidement. Je n’avais pas d’autre choix pour représenter la structure qui s’était construite que de « lire » le graphe qui s’était constitué petit à petit, stocké en base de données sous la forme de couples ordonnés, et de le dessiner. Mon fichier contient plusieurs de ces graphes dessinés par moi, et j’en reproduis un ci-dessous. Particularité très visible : les mots fortement connectés à d’autres constituent des « pelotes » (comme l’hexagone noir central), alors que les mots peu connectés vont constituer des unités quasi-indépendantes, comme des « stolons » de fraisier (les structures vertes en haut et en bas).
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