TRUMP CONTRE KIM JONG-UN : LE QI, EN FAIT, ÇA COMPTE !, le 26 mai 2018 – Retranscription

Retranscription de Trump contre Kim Jong-un : le QI, en fait, ça compte !. Merci à Cyril Touboulic !

Bonjour, nous sommes le samedi 26 mai 2018. Et le titre de ma petite causerie, aujourd’hui, c’est « M. Trump contre M. Kim Jong-un : le QI, finalement, ça compte ».

Alors, je vous rappelle ce qui s’est passé ces jours derniers – je commence par jeudi. Jeudi, M. Trump dit que la rencontre prévue le 12 juin à Singapour, entre le président nord-coréen et lui, n’aura pas lieu en raison des propos insultants qui ont été proférés les jours précédents, en particulier par une officielle de haut rang nord-coréenne qui a appelé Mike Pence, le vice-président américain, « dummy », c’est-à-dire un « crétin ». Pourquoi ? Parce que M. Pence a repris les propos de M. John Bolton, récent conseiller de M. Trump sur les affaires de sécurité nationale, auteur par ailleurs d’un livre qui s’appelle « Taper les premiers sur la Corée du Nord », voilà.

Ce M. John Bolton est connu depuis longtemps (depuis l’époque de M. Bush), c’est un va-t-en-guerre, c’est quelqu’un qui considère que c’est par la guerre que les États-Unis vont l’emporter. Et ce M. Bolton, dans des propos, comme je dis, repris par le vice-président Pence, parle depuis quelques semaines, pour la Corée du Nord, de la « solution libyenne ». Alors je vous rappelle ce que c’est la solution libyenne : c’est d’engager un pays à renoncer à son arme nucléaire, et ensuite à faire lyncher par une foule en colère le président. Alors, ça ne plaît pas trop effectivement en Corée du Nord. Ça ne paraît pas sympathique. Ça ne paraît pas la manière d’aborder les choses entre des parties qui négocient.

Trump donc décide, jeudi, que la rencontre n’aura pas lieu. La Corée du Nord répond de manière extrêmement aimable que M. Trump ne devrait pas s’emporter comme cela, parce qu’ils sont disposés à se rencontrer dans toutes les circonstances et qu’il n’y a pas de raison de se fâcher sur des questions de cet ordre-là. Et, bon, les Nord-Coréens ajoutent que ce serait la première fois qu’un président américain mènerait des discussions sur la Corée à un aussi haut niveau. Et aussitôt, M. Trump, sans doute, je ne suis pas dans sa tête (ça serait difficile), mais il doit se dire : « [grand enthousiasme] Mon prix Nobel qui revient peut-être ! » Alors il répond en disant : « Mais nous pourrions reconsidérer effectivement cette chose. La réunion pourrait être reportée légèrement ou peut-être même avoir lieu quand même le 12 juin, à Singapour. »

L’espoir renaît et on est très content à Washington de voir que les choses sont remises sur les rails, quand on apprend ce matin (samedi) que le président de la Corée du Sud, M. Moon Jae-in, et le président de la Corée du Nord, M. Kim Jong-un, se sont rencontrés et se sont embrassés comme on le voit sur la photo.

Alors, qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’on a roulé dans la farine M. Trump, et que le président nord-coréen a peut-être réussi à faire ce qui était une des choses qui serait sans doute la plus, comment dire, la plus payante à son point de vue, c’est-à-dire d’enfoncer un coin entre la Corée du Sud et les États-Unis, voilà. D’où le titre de mon exposé.

C’est M. Trump qui a dit un jour, ça a été rapporté par son « nègre » (son ghostwriter), Monsieur, comment s’appelle-t-il… Tony Schwartz : que M. Trump a dit, un jour : « Écoutez, les promoteurs de Manhattan à New York, c’est des requins, vous pouvez pas imaginer négocier avec ces gars-là, c’est l’enfer. Et moi j’adore ça. J’adore me jeter dans la bagarre et de gagner des combats de ce type-là. »  D’où la conclusion sans doute faite par M. Trump : que tout type de négociation est de ce type-là, c’est-à-dire on double la mise pour commencer (ça a été rapporté par M. Tony Schwartz). Il n’y a pas eu de moment connu, dans l’histoire de M. Trump, où il ne se soit pas trompé et où il n’ait pas doublé la mise, même, et ça on le raconte sur son enfance aussi, c’est un trait de sa jeunesse et de son adolescence. Tout le monde rigole autour de lui, en disant : « Il s’est absolument trompé », et lui, il double la mise, il dit : « Non, non, non, c’est vous les imbéciles, etc., etc. », et bien entendu les rires redoublent autour de lui, même si ce n’est pas devant lui mais derrière son dos, parce que c’est un type dangereux auquel, encore M. Tony Schwartz, explique qu’on n’a jamais vu à la Maison blanche quelqu’un ne pas être d’accord avec M. Trump, parce que c’est beaucoup trop dangereux.

Imaginez que la politique internationale, dans le cas de puissances nucléaires, puisque la Corée du Nord est maintenant non seulement une puissance nucléaire mais elle a des fusées qui peuvent aller jusque sur les territoires américains pour livrer là des bombes atomiques, que ce n’est peut-être pas le même genre de combat qu’entre promoteurs immobiliers à New York, que c’est peut-être plus compliqué. Alors, voilà, c’est peut-être une question aussi d’intelligence.

Kim Jong-un sait aussi la manière dont M. Trump se conduit par rapport à des traités anciens, comme celui qui a été… il n’a pas été voté en tant que traité mais enfin l’accord sur l’Iran montre quand même qu’il serait bien difficile, même à M. Trump, même à ce monsieur qui se conduit comme un autocrate absolu, qui considère qu’on peut remettre absolument tout en question puisqu’il traite d’égal à égal avec le président chinois, avec M. Kim Jong-un et compagnie. Au point d’ailleurs que son ministre du commerce considère qu’il n’est quand même pas, comment dire, acceptable qu’il remette en question des accords commerciaux, qu’il remette en question des décisions qui ont été prises, par exemple pour boycotter la firme ZTE (Zhongxing Telecommunication Equipment Company Limited), firme de télécommunication en Chine, à qui on avait rappelé le fait qu’elle avait enfreint des accords, en particulier un embargo américain sur l’Iran et sur la Corée du Nord, et que ses dirigeants avaient absolument décidé de le faire quand même et avaient été pris la main dans la sac. Des mesures avaient été prises par les États-Unis en mettant l’accent aussi sur le fait que les produits électroniques produits par cette compagnie sont des produits stratégiques et que donc on ne peut pas simplement les laisser faire n’importe quoi. Et dans ces négociations avec M. Xi Jinping, M. Trump a dit : « Bon, on laisse tomber tout ça. Il y a des travailleurs qui vont perdre leur emploi et on ne peut pas faire ça, même si c’est en Chine. » Et du coup, il remet en question entièrement tout le système, je dirai, qui est celui de mesures prises par le Congrès et par le Sénat, acceptées et soutenues par le ministère du commerce, aux États-Unis. Il dit : « Non, non, c’est moi qui vais m’occuper de ça. » [On a appris le surlendemain de ma vidéo, le 28 mai, que six jours avant le revirement de Trump sur ZTE, la Chine avait accordé à sa fille Ivanka, conseillère à la Maison Blanche, cinq licences, l’équivalent de ventes se montant à plusieurs millions de dollars].

Alors, il va découvrir et il est en train de découvrir les limites de sa capacité, ce qui peut marcher à petite échelle : le fait de conduire un pays comme une épicerie… encore que ça ait marché. C’est ce que M. Reagan avait fait, et c’est ce que Mme Thatcher avait fait à l’image de ce que faisait son père : elle avait copié la manière dont son père gouvernait son épicerie (rires) pour en faire la manière de gouverner l’Angleterre, et ça a marché pendant un certain temps. Mais peut-être que ça ne marche plus, peut-être que les choses sont devenues plus compliquées.

Alors, la Corée du Nord a besoin d’accords, elle a besoin de sortir de l’embargo qui étouffe sa population sur un plan économique. Mais M. Kim Jong-un a peut-être trouvé la manière, c’est-à-dire de rouler dans la farine M. Trump, qui n’est pas à la hauteur, qui n’a pas compris qu’on pouvait jouer, même des alliés de longue date comme la Corée du Sud, contre lui. Et à voir la manière, effectivement, dont il traite ses alliés ou ses anciens alliés comme non seulement la Corée du Sud mais aussi l’Europe en général, on pourrait arriver à la conclusion qui était celle de cet article que je vous avais cité, sur la manière dont les chefs gorilles se conduisent et les mâles dominés [qui] attendent quand même une certaine, comment dire, prévisibilité dans les actes du mâle dominant. Et l’auteur de l’article – qui ne parlait pas du tout de M. Trump, c’est moi simplement qui avait un peu extrapolé – avait fait remarquer que quand ça ne marche pas du tout, quand le mâle dominant enfreint les règles implicites d’une certaine manière, de ses structures de domination, eh bien, il se passe une chose : c’est qu’il y a une rébellion générale de l’ensemble des dominés qui peut se terminer par le décès prématuré du mâle dominant.

Alors, est-ce qu’on en est là ? Eh bien, on va le savoir dans les jours qui viennent. Mais soyons rassurés, c’est une possibilité.

Voilà !

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