Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Merci pour vos réponses à Création monétaire, l’illustration de Paul Grignon. J’ai lu vos commentaires et j’ai suivi les liens et la conclusion en est claire : mes deux correspondants avaient raison d’attirer mon attention sur le raisonnement de Paul Grignon car il est faux. Son erreur repose sur un malentendu initial quant à la signification de « réserves fractionnaires » qui lui fait transformer un capital 1.111,12 $ mis en réserve auprès de la banque centrale en un crédit de 10.000 $, suivi d’un deuxième calcul, cette fois-ci fondé sur une interprétation correcte des « réserves fractionnaires », mais débouchant sur un chiffre erroné : 100.000 $ au lieu de 90.000 $.
Les banques commerciales peuvent emprunter auprès de la banque centrale et elles peuvent prêter à partir des dépôts de leurs clients à condition de maintenir des « réserves fractionnaires » sur ces dépôts. Ceci a un effet multiplicateur dû à la vitesse de circulation et pose en effet un problème si tous décident de retirer simultanément leur argent (panique bancaire). Mais tout ceci n’a rien d’inquiétant puisqu’il s’agit simplement – comme je l’expliquais dans un de mes billets (17 février 08) de ce qui distingue un organisme de crédit comme une banque, d’un simple coffre-fort.
Je ne peux manquer de m’étonner bien entendu du nombre de personnes – y compris des experts ayant pignon sur rue – commettant la même erreur que Grignon ou des erreurs apparentées mais je m’abstiendrai bien de trancher sur la question : naïveté ou malveillance ?
La boucle est donc bouclée. Je viens de relire mon premier billet sur la monnaie (7 février 08) : Le scandale des banques qui « créent » de l’argent et je pourrais le citer in extenso sans y changer une virgule. Il commençait, je vous le rappelle ainsi :
Comme on le sait lorsque l’on lit ici mes billets, je ne me prive pas de critiquer la finance quand cela me semble justifié. Cela ne signifie pas pour autant que je souscrive à toute critique exprimée vis–à–vis du système financier. Je lis de plus en plus souvent par exemple, que « les banques commerciales créent de l’argent », et qu’il y aurait là un scandale à dénoncer. Or, cette proposition est fausse : les banques commerciales ne créent pas d’argent.
Pour une bonne synthèse de ma position, je peux vous renvoyer à l’un de mes billets intermédiaires (23 mai 08), La monnaie : le point de notre débat (II) :
Voici où je me situe aujourd’hui – à la lumière de notre débat :
1. Le « simple bon sens » est de peu de secours en finance. Mieux, comme en mécanique quantique, il constitue souvent un obstacle à la compréhension.
2. La dématérialisation de la monnaie n’a aucune implication sur la conservation des quantités ; la dématérialisation porte sur la qualité du support, la conservation des quantités est un principe (comme l’ entropie, par exemple).
3. Les apparentes « créations ex nihilo », de même que les « disparitions ex nihilo » sont communes en finance : le calcul de la « valeur actuelle » d’un produit financier (somme des valeurs escomptées de ses flux futurs) semble impliquer une « disparition ex nihilo ». A l’analyse, aucun des processus où ces créations et disparitions apparentes ont lieu n’enfreint la conservation des quantités.
4. La seule « création ex nihilo » de monnaie est celle qu’opèrent les banques centrales. La création de richesse par le travail détermine la quantité de monnaie qui doit être créée au niveau central.
5. Le niveau des réserves fractionnaires déterminera une démultiplication comptable des sommes déposées dans les banques ; cette démultiplication n’enfreint pas le principe de conservation des quantités : le montant mobilisable instantanément demeure égal à celui des sommes déposées.
6. La création / destruction de monnaie par des opérations scripturales respecte également la conservation des quantités : les intérêts exigés sont prélevés sur des flux extérieurs au processus en-soi.
Ce que je dis là n’invalide en rien les revendications que je vous vois exprimer en rapport avec la création de monnaie, et auxquelles je souscris en général. Ceci dit, je suis dans l’impossibilité de les fonder comme vous le proposez alors, à savoir à partir d’une critique de l’intermédiation opérée par les banques commerciales …
Le vrai débat sur la monnaie peut donc commencer, portant sur le rapport entre les banques centrales et les états pour ce qui touche à la dette publique, les politiques des banques centrales et leur « indépendance », les intérêts payés dans le cas du crédit à la consommation, les opérations spéculatives des banques sur leurs « fonds propres », etc. Les sujets ne manquent hélas pas et nous avons du pain sur la planche !
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
52 réponses à “Le vrai débat sur la monnaie peut commencer”
Je l’ai lu, « Harraps » en main. Je viens juste de terminer et n’ai pas compris grand chose… Je reviendrai donc à la charge plus tard, demain sans doute. La suffisance d’aucuns -je ne parle pas spécialement pour vous, je dis en général- est le meilleur stimulant pour arriver à comprendre. pour cette nuit -je devrais dire ce matin- c’est bon ! Il est certain qu’au train où vont les choses, nous irons tous au paradis…
Il y a d’autres aspects intéressants liés à la création monétaire qu’on pourrait développer. Est-il vrai ainsi qu’une trop grande création monétaire amène une inflation plus forte ?. Il y a aussi la distinction possible entre inflation et le fameux IPC l’indice des prix à la consommation. Aux yeux de certains il y a bien longtemps que l’inflation fait rage, mais seulement dans tout ce qui concerne les valeurs d’investissement, tandis que l’IPC permet habilement de masquer cet effet en ce qui concerne les biens de consommation et d’afficher une certaine relative stabilité des prix. La stabilité des prix ne serait alors qu’une vaste escroquerie, scindant l’économie en deux avec d’un côté les biens de consommations et de l’autre tout ce qui concerne les investissement, placements, et ainsi il y aurait vraiment deux ordre et deux mesures différentes. (cas typique de l’immobilier qui serait un bien de nécessité première pour la population en général, alors que cela serait un bien de placement et d’investissements pour une petite minorité au point de fausser les lois du marchés ?)
Il y a aussi de graves questions qui suscitent des divergences profondes chez nombres de spécialistes concernant les futures tendances inflationistes et déflationistes qui risquent d’affecter l’économie, sur leur enchainement chronologique et leur degré d’intensité et bien sur leur influence sur la crise actuelle.
Pour aller jusqu’au bout, au delà de la stabilité des systèmes financiers, on peut aussi s’interroger sur la stabilité même des systèmes monétaires car il apparait de plus en plus un peu partout que nombres devises ont des fluctuations de plus en plus grandes au risque de déstabiliser encore un peu plus certaines économies nationales
Messieurs, il y a beaucoup de sujets connexes à la monnaie qui méritent un peu de vos lumières et éclaircissements 🙂
Le déflateur du PIB est un bien meilleur indicateur de prix en effet que l’indice des prix à la consommation, qui exclut l’immobilier (!!!).
Hormis ce problème, il n’y a pas durablement « refoulement » de l’inflation dans les seuls biens d’investissement. Puisque les prix de ces biens font partie des coûts des entreprises, à terme cela rejaillit sur l’IPC. Avec un malheureux décalage, qui fait que la Banque Centrale peut mener une politique monétaire reposant sur une base de raisonnement fausse (suivant que l’IPC est supérieure ou inférieure à l’indice global des prix).
Le problème de la théorie quantitative de la monnaie (« l’inflation est partout et toujours d’origine monétaire ») est peut-être le plus gros que la pseudo-science économique ait réussi à se créer en 600 ans. Il s’agit d’une erreur colportée par 99% des économistes, qui fait quasiment partie de la discipline elle-même.
Armand, dont je partage nombre de réflexions, cherche néanmoins à utiliser l’or comme étalon de référence de la monnaie, ce qui est dans le meilleur des cas inutile, et au pire profondément néfaste : à terme on n’aura pas assez d’or pour gager toute la monnaie dont a besoin une économie en croissance (verte si possible), et la Grande Dépression a été provoquée par une contraction fulgurante de la masse monétaire aux USA, car la Fed refusait d’émettre plus de monnaie qu’elle n’avait d’or en réserve… en se privant de refinancer des banques saines, elle a provoqué la plus grande catastrophe économique du XX° siècle.
Aftalion l’a dit : il faut inverser la causalité explicative : c’est P qui implique M, quand les prix augmentent il faut plus de monnaie pour payer, d’où la corrélation entre les courbes de prix et de monnaie dans le temps.
Enfin, il faudrait sans doute un indice d’inflation élargi qui incorpore également les prix des actifs financiers, et ce d’autant plus que ceux-ci représentent une large part de l’actif des agents économiques de par le monde.
Vous mélangez plusieurs questions : caractère endogène ou exogène de la monnaie, neutralité ou non de la monnaie, légitimité du taux d’intérêt, système bancaire privé ou public, etc.
La monnaie est l’objet le plus complexe de la théorie économique et le moins bien compris des économistes. Or tout le problème, c’est qu’on s’aperçoit aujourd’hui qu’elle est cruciale d’un point de vue politique parce qu’elle détermine le partage de la valeur dans nos économies alors même qu’elle échappe à toute régulation démocratique et sert donc une conjonction d’intérêts particuliers à laquelle elle offre une rente prélevée sur la production.
Peut-on organiser le système autrement ? Certainement. Chacun peut y réfléchir, par exemple en relisant Keynes qui prônait l’euthanasie des rentiers, ie l’abaissement volontaire du taux d’intérêt pour que le capital devienne si peu rare que l’on aboutirait à l’utopie de Marx d’un monde de la valeur travail, et ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres.
Seulement, du fait de la mondialisation, le pouvoir monétaire échappe à tous les états, pour autant qu’ils soient autre chose que ce que Marx appelait le bras armé du capital (comme aujourd’hui aux Etats-Unis), de sorte que nous n’avons aucun moyen politique, nous qui nous disons citoyens d’une démocratie, d’intervenir sur ces questions (et beaucoup d’autres, comme les guerres, l’impérialisme, l’écologie, l’immigration, etc).
Ce n’est pas le moindre des paradoxes que Mitterrand (qui ne comprenait rien au pouvoir de l’économie) ait favorisé la création d’une monnaie unique (ce qui pourrait être un progrès si elle était gouvernée autrement), qui tue aujourd’hui toute tentative d’autonomie politique d’un pays isolé.
Avant de vouloir réformer la monnaie, il faudrait peut-être comprendre comment acquérir un pouvoir que nous n’avons jamais eu, celui de gouverner le système d’une manière démocratique.
Votre débat reproduit un très vieux débat économique, entre les partisans d’une conception endogène de la monnaie (banking school, Keynes par certains côtés, Marx par d’autres) et ceux d’une conception exogène (currency school, théorie quantitative de la monnaie, monétarisme). – Le point important, et qui devient notable lorsqu’il y a un retournement dans la vision collective du futur, c’est que la monnaie est un ensemble de promesse sur la production future, tant que ces promesses se vérifient on a l’illusion que la monnaie est extérieure, n’étant qu’un instrument d’échange, quand ces promesses sont erronées, soit en positif soit en négatif, on s’aperçoit q
Désolé, le dernier § est hors propos et n’aurait pas dû figurer car trop technique 🙂
C’est pourtant pas compliqué a comprendre
Il est légitime que Les privées utilisent des mécanismes des banques privés, ce n’est pas a l’état de dire qui a le droit d’emprunter quoi.
En revanche que les États payes des intérêts a des banques privés plutôt que de faire l’argent eux même est scandaleux.
Concrètement : C’est un banquier de paris qui va dire si un pont dans le gards est justifier ou pas ?
Alors a quoi cela sert d’etre elu dans le Gards
Vous vous égarez les amis
Bonjour, Je dois dire que, pas économiste mais qui a beaucoup et encore lu sur le problème, avec tentative de comprendre, La, je pense que ça part en délire. Je résume :
Nous voici enfin au coeur du problème et le débat peut enfin commencer. Je cite tes propos:
“Je lis de plus en plus souvent par exemple, que « les banques commerciales créent de l’argent », et qu’il y aurait là un scandale à dénoncer. Or, cette proposition est fausse : les banques commerciales ne créent pas d’argent.” – Si – les banques centrales aussi, si besoin. Le tout sous contrôle, certes, des banques centrales, mais qui ont allègrement laissé filler la masse, l’idéologie des ‘’gardiens’’ étant dominante – Trichet – Greepance. ‘’Ce n’est pas le gouvernement US qui contrôle sa monnaie mais la FED.’’ ? pouvoir totalitaire ?
Lire : La monnaie et ses mécanismes, Dominique Plihon – La découverte.
@ Loïc Abadie dit : « d’une propagande pour les théories du complot, » toujours facile d’utiliser l’argument pour décrédibiliser l’autre ! « Sur les « solutions », ce que propose Grignon est pour moi un vrai cauchemar : ……… et au pire cela dériverait rapidement vers une dictature socialiste ». Forcément dictature, c’est vraie que dictature ne s’applique pas à la droite ‘’libérale’’… Amérique Latine, Indonésie, Afrique du Sud, Pinochet, etc… SVP un peu de retenu, certain peuvent souhaiter que le système ‘’faire de l’argent avec de l’argent’’ perdure sans trot changer (a la marge), ce n’est pas forcement l’avis de tous. LA solution ? Vaste débat.
– Imposer aux banques un leverage ratio (total du bilan / capitaux propres) très strict, par exemple entre 5 et 10 (aucune contrainte aujourd’hui en Europe). Alors, c’est quoi ça, sinon de la création 5 – 10 de monnaie (c’est l’histoire même de la monnaie papier), et certaine banques aux US et dit-on ailleurs sont a 20 et même 50, d’où cet énorme emballement des ‘’pourries’’ insolvables = valeur 0, qu’il faut apurer, d’où pas de confiance.
@TL :
l’IPC français prend en compte l’immobilier, pour … 13.7% incluant ce qui lui est lié (électricité, eau, chauffage, …)
http://www.insee.fr/fr/themes/indicateur.asp?id=29&type=1&page=info_ipc.htm
et son homologue US , le CPI, aussi, mais de façon indirecte par le loyer équivalent qui a notablement sous-estimé l’augmentation des prix.
Pourquoi l’étalon-or serait-il inutile ?
La Révolution Industrielle s’est déroulée sous le régime de la monnaie-or, avec stabilité des prix.
La grande dépression provoquée par l’or ? La FED avait déjà violé la constitution US, coupé la convertibilité or et émis bien plus de son papier qu’elle n’avait d’or. Elle avait ainsi créé et laissé gonfler d’abord la bulle immobilière (Floride) puis la bulle de Wall-Street après l’éclatement de la première et « injection de liquidités » comme on ne disait pas encore à l’époque pour tenter de rattraper les dégâts.
Après l’éclatement de cette seconde bulle la FED a réagit aussi vite et aussi fort que la FED d’aujourd’hui (j’ai perdu ma référence, quelque chose comme une baisse de 6.5% à 2% en 6 mois de son taux directeur) ; au contraire je pense que si la monnaie avait été contrainte par un étalon de mesure stable, la folie séculative engendré par le crédit ne se serait jamais autant dévelopée.
Je ne vois pas pourquoi il faudrait augmenter la quantité de monnaie au même rythme que la quantité de richesse. C’est le dogme actuel de la théorie quantitative de la monnaie. Elle masque les mouvements de prix pour en assurer la stabilité, ce à quoi elle échoue d’ailleurs. Elle ne fait que les perturber. Or les prix sont un signal économique fondamental pour l’entrepreneur qui doit investir. Si ce signal est faussé, c’est un mauvais investissement en puissance. Si des prix sont artificiellement maintenus stables ou en même en hausse par de l’argent quasi gratuit alors qu’il y a déjà surproduction, le problème ne fera qu’empirer et l’éclatement conduira à une crise plus grave encore. C’est ce que nous vivons.
J’avais déjà posté ici que, même si cette théorie était vraie, les deux mesures de quantité de richesse et de monnaie ne pourraient être réalisées que par des sondes statistiques, dont on connait l’extrême précision, et la célérité de mesure. Il s’agit d’un dogme qui relève de l’axiome du choix, pas d’une théorie qui serait vérifiable par l’expérience, surtout que nous en sommes les cobayes.
Tu devrais consulter le site de Feteke ; on y trouve des choses forts intéressantes, notamment au plan historique, sur l’or étalon ou monnaie
@TL (22 novembre 2008 à 18:41)
BASTA ?! le pouvoir de création monétaire est extrêment puissant. Le peuple doit le contrôler de très près.
Sinon mes amis banquiers commerciaux et moi-même, banquier d’affaire, allons repérer des actifs intéressant, pas trop chers.
Mes amis banquiers vont m’accorder un crédit à pas cher, avec de la monnaie qu’il créeront à cette occasion, pour acheter ces actifs les premiers. Je ferai ainsi monter les prix, même si pour cela on doit se revendre la chose entre nous.
Quand ce sera devenu bullesque, je revendrai au plus haut à de pauvres gens qui se seront endettés auprès de mes amis. Je rembourserai l’emprunt et me serai enrichi de la différence. Sans n’avoir jamais eu d’argent, ni mes amis d’ailleurs.
Si par malheur les pauvres gens ne peuvent pas rembourser, je rachèterai à la barre du tribunal, à des taux hyper-bas à cause de la déflation. Sinon mes amis continueront d’encaisser de jolis intérêts calculés sur un montant élevé et à un taux élevé.
Qui a le contrôle de la monnaie peut s’approprier des richesses par le seul jeu de l’inflation puis de la déflation. C’est pour cela que le débat sur la monnaie est fondamental, au moins pour prendre conscience de son importance et des conséquences encourues à s’en désintéresser.
Bonjour Paul,
La vidéo de Paul Grignon m’a aussi bien longtemps turlupiné, et je suis ravi d’avoir un résumé de l’erreur qui s’est glissée dans la vidéo, estampillé « avis d’experts ».
Cependant, je trouve que l’explication n’est pas énoncée clairement: vous parlez d’un résultat de 90.000 au lieu de 100.000. Dans le cas de Paul Grignon, la banque fait un dépôt à la Banque centrale de 1111,12 dollars, elle aboutit donc à un résultat de 10.000 dollars. Le résultat de 90.000 dollars s’obtient à partir d’un dépôt de 10.000 dollars à la banque centrale.
Pourriez-vous clarifier cela dans le texte ?
Votre abnégation vous honore –vis-à-vis de certaines personnes s’entend. Moi je renonce et, d’une manière plus générale, je me sens de moins en moins à l’aise ici. Depuis que je m’efforce –depuis plusieurs années maintenant- de comprendre toutes ces questions économiques et financières, j’ai l’impression de devenir moi aussi insensiblement un trotteur avec des œillères. L’angle de vision du monde adopté dans ces débats finit par m’effrayer.
La seule contribution qui m’a un peu décillé les yeux ces dernières semaines a été celle de Jean Baptiste, le 21 novembre (14h11). En très peu de mots, il a tout dit. Nous sommes censés en outre réfléchir sur ce que pourrait être une constitution économique. Bien ! S’il s’agit d’une constitution des robins -je voulais dire des experts- gracieusement octroyée aux imbéciles, j’ai presque envie de dire à quoi bon une de plus ?
Avant de prendre congés, laissez moi vous glisser un dernier commentaire sur l’une des phrases ultimes de votre billet (charmant par ailleurs). Ne vous faites pas avoir non plus avec ces histoires de « petits porteurs ».
Le « petit porteur » comme le « capitalisme populaire », son frère siamois, est un mythe, bon a nourrir un scénario fade pour concepteur de chez Walt Disney. Le petit porteur, dans l’écrasante majorité des cas, n’est qu’une tirelire anonyme qui s’en remet complètement à un intermédiaire –généralement une OPCVM de type SICAV- pour gérer ses pièces jaunes.
S’il a la chance de posséder directement une miette de capital dans une société, c’est le pigeon que l’on fera voter dans une assemblée générale, après lui avoir collé une heure avant dans les mains un rapport suffisamment informé pour le faire voter dans le bon sens. Les esprits « réalistes » pourront bien me dire qu’il en est à peu près de même dans toute élection dite démocratique, et je leur répondrai alors « : « c’est exact et ce n’est pas un hasard ».
Je sais bien que le « petit porteur », comme tout ce qui est petit et porteur, est presque l’archétype de l’obsessionnelle « solution individuelle » chère aux ultralibéraux (c’est marrant comme ceux-ci –tout comme les ultras gauchistes- ont le chic pour se caser parallèlement dans la fonction publique).
Tout ceci est à vomir.
Sortie de bal.
Bien à Vous.
D.D.
Loïc Abadie dit :
22 novembre 2008 à 04:08
Vous ne croyez pas, ne serait-ce qu’historiquement pour passer dans une « pièce habitable » beaucoup plus aérée naturellement (de la nature), qu’une couverture à 100%-monnaie, déjà, et gérée par des banques commerciales faisant (enfin!) leur vrai métier, préserverait du « tout-État »? Et que la création monétaire et son émission ne relevant que d’un organisme (genre statut ministère de la Justice avec financiers asermentés) garantirait contre le tout-marché et tout-finance?
Vous pouvez voir si vous ne connaissiez pas: http://assoc.pagespro-orange.fr/aded/
Bonjour,
Je prends à la volée un débat qui a commencé il y a quelques mois et dont je viens de parcourrir les posts. Je vais certainement revenir, de manière peut-être maladroite, sur certains points qui semblaient déjà tranchés.
Paul Joiron écrit en conclusion :
« Le vrai débat sur la monnaie peut donc commencer, portant sur le rapport entre les banques centrales et les états pour ce qui touche à la dette publique, les politiques des banques centrales et leur « indépendance », les intérêts payés dans le cas du crédit à la consommation, les opérations spéculatives des banques sur leurs « fonds propres », etc. Les sujets ne manquent hélas pas et nous avons du pain sur la planche ! »
Il me semble que :
1- Considérant que la monnaie est un rapport social (cf. l’extrait d’Adam SMith que P.J a cité dan l’un de ses billets), la question des institutions et des rapports de force devrait être un point focal.
2- (Au risque de dire d’énormes inepties, mais l’anonymat préserve du ridicule). C’est le cadre conceptuel de cette discussion qu’il faudrait reposer. La monnaie pourrait s’analyser comme une langue : elle serait le signifiant et la valeur du bien qu’elle désigne est le signifié. Il ne s’agirait moins d’observer un phénomène (ici la création de la monnaie) que de tirer au clair les conceptions sémantiques que l’on utilise pour traiter de ce sujet.
3- Cette discussion sur la monnaie me fait penser à la conception de la religion pour Durkheim. La religion est la forme hypostasiée de la société. Parallèlement, la monnaie est la réification de la croyance en la valeur comme rapport social.
4- Comme la grammaire est l’ombre du monde, la monnaie, en tant que « signe » est le reflet de l’ordre social.
Le problème avec « l’illusion des banques qui créent l’argent » et de ses arguments imbriqués, c’est qu’il est impossible de débattre de l’expression « les crédits font les dépôts » sans se voir opposé l’argument des « réserves fractionnaires » dont il sera impossible de débattre sans se voir opposer le terme « ex nihilo » cité par Allais, puis le phénomène de la « panique bancaire ». Le débat tourne autour du pot comme une théorie qui ne veut être contredite.
Si, comme je le pense, le postulat mathématique est faux, les citations sorties de leur contexte, les expressions populaires prises au premier degré, alors j’y vois des préjugés. En débattant du signifié, on en oublie le signifiant, or «le concept de chien n’aboie pas».
@ Armand
Dans le billet sur la vidéo de Paul Grignon, vous dites :
Mais « Les dépôts font les crédits » est une expression. Dans ce cahier de Travaux Pratiques pour élèves de 1ere, fiche 8 Les exercices 1.1 a et b enseignent distinctement les deux expressions, deux processus « comptables ». On pourrait dire « les passifs font les actifs », « les actifs font les passifs » ; un œuf de poule donnera naissance à une poule qui pondra des œufs. Pourquoi affirmer telle une vérité «c’est le contraire : les crédits font les dépôts» ! Les oeufs font les poules mais les poules ne font pas d’oeufs ?
@ Xa
Les 1.111,12$ sont les « réserves fractionnaires » mais pour prêter 10.000$, il faut 10.000$. Paul dit : Les 10.000$ peuvent être empruntés auprès de la Banque centrale ou auprès des déposants. J’ajouterai auprès du marché interbancaire à court terme c’est-à-dire auprès des autres banques (sans collatéral contrairement au cas d’un emprunt auprès de la Banque centrale). Les 10.000$ mettront en circulation par dépôts-crédits successifs 90.000$. Le « multiplicateur » que Paul explique à l’aide d’une grille en commentaire dans ce billet . Cependant là non plus pas de « scandale » car il y a conservation des quantités.
Mon fils dépose 10 ballons dans son placard. Sa sœur emprunte 9 ballons qu’elle remplace par 9 morceaux de papier sur lesquels elle écrit « je remplace le ballon dans cinq minutes ». Puis ma fille dépose les 9 ballons dans son placard. J’arrive à mon tour et lui emprunte 8 ballons que je remplace par des bouts de papiers.
Non, à ce moment là il n’y a pas 27 ballons dans mon appartement. Il n’y a toujours que 10 ballons et 17 ballons « scripturaux » ont été « créés » mais pas ex nihilo. Oui, en cas de panique dans l’appartement, mes enfants ne trouveront qu’1 ballon chacun dans leur placard et je serai sûrement désigné comme responsable. Mais si au bout de cinq minutes ma fille replace 1 ballon et échange ses bouts de papier par les miens, lorsqu’à mon tour je replacerai mes 8 ballons tout sera revenu à la normale. Les dettes auront été détruites.
– La « monnaie scripturale » ou monnaie « qui passe de compte en compte au lieu de circuler de la main à la main », selon Maurice Ansiaux qui invente le terme en 1912, est une « monnaie de compte » : des créances-dettes qui s’annulent.
– Oui la « panique bancaire » est un fait réel qui ne peut être nié. Mais remettons les « réserves fractionnaires » dans leur contexte : la loi des grands nombres, un calcul statistique de probabilités. Or les paniques bancaires ne doivent rien au hasard, elles sont des événements humains légitimes.
Ainsi « la panique bancaire » n’est pas un argument qui prouve le caractère « ex nihilo » mais son utilisation dans le débat prouve que les partisans de la « création » ont une vision « exogène » de la « monnaie scripturale » comme le dit justement Fred L. Ils la « considère » (comme dans la citation de Allais) comme de l’argent et non comme une réserve de valeur. Ceci parce que l’on peut payer de manière « scripturale ». Pas touche au grisbi que je viens de déposer en « monnaie de compte », c’est ma propriété ! Le système bancaire ne peut plus être perçu comme une machine à déthésauriser « l’argent qui dort » (déposé en compte et qui n’est pas utilisé tout de suite comme moyen de transaction) : une « monnaie endogène » qui circule vite, c’est un coffre fort troué tenu par des banquiers faiseurs de « fausses promesses ». Et l’on répond par les agrégats des « masses monétaires ». Mais il faut croire au Père Noël pour voir un scandale dans le fait qu’il n’existe pas.
De ce que j’ai lu des partisans de « l’illusion des banques qui créent l’argent », ils préconisent le retour à l’étalon-or (voir au bimétallisme) telle la Currency school dont les héritiers naturels sont les monétaristes, Milton Friedman. Et l’encyclopédie Universalis nous dit « Depuis au moins un siècle, les auteurs reconnaissent que les banques de dépôt sont, elles aussi, créatrices de monnaie. », un argument qui revient souvent comme une preuve du bien fondé de la « création ex nihilo ». Mais j’y vois surtout un constat : « Depuis un siècle » des économistes débattent. Pros contre antis étalon-or puis Keynes versus Friedman. Les libéraux ont gagné, « les banques créent l’argent ». Et « l’intérêt constitue la rétribution de l’investisseur pour l’inconvénient de s’être temporairement départi de son capital» touche pas à mon grisbi te dis-je ! Et l’on peut croire que les Banques centrales triomphent de l’inflation en augmentant leur taux directeur.
Comment peut-on reprocher à Greenspan d’avoir cru à des chimères, au plan Paulson de sauver les banquiers plutôt que les banques, au G20 de se féliciter de ne rien remettre en cause, à la croissance d’être vaine, au développement d’être durable, quand on colonise soi même son imaginaire de « l’illusion des banques qui créent l’argent » ?
Tous,
La difficulté du débat et de ses avancés provient peut être de l’étendue de notions recouvertes par le sujet.
(le travail, les acteurs, les intérêts, la création, les prix, la valeur, le risque, le temps, les buts, les causes, la morale, les mathématiques, …)
Pour certains acteurs, la monnaie serait un moyen.
Pour d’autres serait une finalité.
Un système qui mélange moyen et finalité peut il être stable et juste ?
Si l’on souhaite amoindrir les dérives de ce système peut être faut il axer ses efforts sur cette articulation moyen/finalité.
Malheureusement les acteurs de ce couple ont tellement besoin les uns des autres que cela rend toute possibilité de réforme impossible (à mes yeux) sinon celles qui renforcent le couple.
Je fais une réflexion sur la répartition des richesses capital/travail en partant d’une hypothèse que la croissance moyenne est entre 2 et 3% en moyenne dans nos sociétés occidentales en moyenne sur 30 ans. D’autre part je part du fait que l’on travaille en moyenne 30 ans et je calcule quelle est la part de la richesse dont peut disposer chacun. Je parle de disposition de la richesse et non de répartition du revenu pour débattre du droit de la propriété privée face au travail.
J’admets aussi que suite aux aléas de l’Histoire le fait d’hériter de quelques chose ne veut pas dire que vous disposer à tout coup de l’ensemble des richesses produites par vos ancêtres ni que ceux qui hérite ne dispose pas du travail des autres mais j’essaye de montrer que ceux qui disposent de la richesse aujourd’hui vont encore plus disposer de la richesse produite par le travail des autres.
En partant d’une croissance de 2% par an le gain sur 30 ans est de 1.02^30=1.81
En partant d’une croissance de 3% par an le gain sur 30 ans est de 1.03^30=2.42
Donc première chose quelqu’un qui travaille et qui dispose de ce qu’il produit n’a au mieux ajouté que 1.42 sur 2.42 soit 1.42/2.42=0.58 soit de 58% de la richesse repartie uniformément à la fin
au moins bien a ajouté que 0.81 sur 1.81 soit 0.81/1.81=0.44 soit de 44% de la richesse repartie uniformément à la fin.
Donc entre 42% et 56% de la richesse n’est pas du au travail réellement produit par les personnes durant leur carrière.
De plus ce n’est qu’un résultat à la fin au départ on part de 0
Donc si on divise par 2 pour avoir la médiane on ne dispose en moyenne dans sa vie plus que
de entre 21% et 28% de la richesse que l’on a produite.
On disposerait au départ de 0% de la richesse en commençant à travailler et au mieux de 58% de la richesse uniformément répartie.
On peut dans ce cas parler des héritages. Mais là déjà tout le monde n’en a pas !
Donc certains disposent de la richesse restante.
Aujourd’hui on considère que ce sont des investisseurs qui disposent de la richesse et qu’ils demandent à ce titre la moitié du bénéfice produit
Donc si pour travailler on a besoin d’un investisseur
On recommence il reste
1.42-(1.42/2)-1{le 1 est l’état de depart dont on en disposait pas}=0.71 à diviser par 2.42 soit 29% donc on ne dispose plus que de 29% de la richesse uniformément répartie puisque pour travailler on a eu besoin d’un investisseur
0.81-(0.81/2)-1{le 1 est l’état de depart dont on en disposait pas}=-0.10 à diviser par 1.81 donc on n’a donc perdu de l’argent que l’on avait même pas au départ et on a travailler pour s’endetter !
On peut donc se poser beaucoup de questions
1°) En effet ce qui peut fonctionner avec une croissance à 3% permet par son travail de disposer finalement d’une partie de la richesse mais très inférieure à la distribution uniforme de la richesse
2°) Avec une croissance à 2% vous travaillez pour pouvoir vous endetter !
3°) Pourquoi certains disposent de la richesse qu’il n’ont pas produite si même en tant qu’investisseur
ils ne permettent pas de redistribuer la richesse avec le travail.
Résultat : plus la croissance est faible, plus le richesse va au capital au point même d’endetter le travailleur pour avoir le « droit » de travailler
et pour ne disposer à la fin que d’une part infime de la richesse au mieux!
Ceux qui évitent cela :
Disposer d’un héritage
Disposer d’une rémunération plus forte que ce que l’on produit réellement et socialement admise ce qui n’est pas le cas pour les employés en général puisqu’on leur attribue seulement une part de ce qu’ils produisent
Les plus pauvres étant ramenés au paradigme « produisez la richesse dont vous voulez disposer »
ne peuvent que devenir plus pauvres et n’en n’ont mathématiquement pas la possibilité sauf à avoir des capacités de travail surnaturelles.
Malgré nos demandes réitérées Paul ne peut pas justifier son affirmation sur la conservation des quantités de monnaie (tous les chiffres, toutes les statistiques prouvent d’ailleurs le contraire), et c’est normal qu’il ne puisse le faire car il n’y a aucune conservation des quantités de monnaie.
Et non plus, ce n’est pas la banque Centrale qui émets toute la monnaie supplémentaire correspondant à l’augmentation de richesse par le travail … « nous » l’avons amplement démontré..
« Le vrai débat sur la monnaie » ne peut pas encore commencer tant que ceux qui veulent le lancer n’auront pas compris que c’est bien le système bancaire dans son ensemble qui est « créateur » de monnaie (et monnaie n’est pas synonyme de richesse, mais de « moyen de paiement »).
Je vous livre une définition de la monnaie, qu’on m’a signalé ce matin:
et aussi
Avec ceci notre vrai débat sur la monnaie (sur la nécessité de laisser ce droit de création dans des mains privées, d’imposer aux Etats de se financer auprès d’elles, mais surtout sur la justification de l’intérêt) pourrait-il enfin commencer ?
@ A-J. Holbecq
Les différents chiffres relatifs aux masses monétaires comptent plusieurs fois les mêmes flux monétaires, ils ne prouvent pas une infraction à un principe de « conservation des quantités ». On en a déjà parlé.
Tu reproduis deux citations (je passe sur le fait qu’elles sont anonymes et hors-contexte) à l’appui de ta thèse – qui semble être que chaque banque est son propre émetteur de monnaie et n’en fait qu’à sa guise – mais regarde ce qu’elles disent :
Quel serait le principe qui s’appliquerait à cette vraie « transformation », fausse « création », sinon un principe de « conservation des quantités » ? Aucun ? A l’arbitraire des banques ?
En ce qui cncerne les masses monétaires, malheureusement je ne puis intégrer d’images … il faut donc aller voir celle ci : http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:Components_of_the_United_States_money_supply2.svg
Mais tu as raison … il n’y a de monnaie directement utilisable que dans M1 (monnaie centrale + DAV) … mais regarde aussi la “pente” de M2 et M3 car c’est de la « quasi monnaie »
Je pensais que les extraits pourraient nous « réconcillier » sur la définition de la monnaie .. désolé de m’être trompé . Pour info les extraits viennent de ce livre qui explique, parfois un peu différemment de ce qu’on voit habituellement, la création monétaire ( les extraits accessible, à partir de la page 55).
http://books.google.fr/books?id=Ipc1I0sIa28C&printsec=frontcover
@A-J Holbecq
Choisissant ces définitions de la monnaie vous aboutissez à identifier la monnaie à une institution : la banque. Or il me semble que ni la banque ni la finance ne fondent une société marchande et ses valeurs (ex. : la rareté). Les banques tricotent, ficellent, embrouillent, si vous voulez, mais elle ne fondent pas. Je pense donc pour ma (petite) part que nous devons plutôt réfléchir en amont du système bancaire, loin de l’impasse des ex nihilo, et au-delà de ce qui nous enferme (ex. : un légitime sentiment d’injustice).
@Stubborn
Tout à fait d’accord, mais notre débat était sur la monnaie (cf le titre du billet). Je ne demanderais pas mieux que soient ouverts de nouveaux débats sur les modèles économiques ou de développement par exemple…
Je suis allé sur ce blog par hasard et je viens de lire une partie des commentaires sur la création monetaire. J’enseigne l’économie depuis plus de 20 ans et la création monetaire par le crédit est un chapitre comme un autre. Ne compliquez pas trop ce qui à la base est tres simple. Je n’ai pas le temps de donner mon explication mais en gros c’est ce que dit Mr Holbecq .
Bon debat à tous.