Le remède au populisme : la gratuité pour l’indispensable
Le Monde : « Une Europe du travail et de “l’état de bien-être” »
L’Écho : « Une Europe du travail et de “l’état de bien-être” »
Que reste-t-il du rêve européen ? Si peu ! Au point que quand le choix est offert à un peuple de l’Union, celui-ci exprime le plus souvent son rejet, comme ce fut le cas au Royaume-Uni en 2016 lors du referendum dit du Brexit, lors des législatives du 4 mars en Italie, ou de celles qui viennent de se tenir en Hongrie, mettant en péril la démocratie dans des dérives nauséabondes.
Pourquoi le populisme ? Pour deux raisons, qui chacune exacerbe les interactions par nature difficiles au sein de nos sociétés, héritières de communautés dont le mode traditionnel de réciprocité relève soit, négativement, de la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent), soit, positivement, de l’amour du prochain (tendre l’autre joue). Mais aussi où l’absence de réciprocité se joue dans la non-reconnaissance de l’autre comme personne humaine à part entière.
La première cause du populisme, c’est la peur qu’engendre la concurrence toujours plus forte pour des emplois dont le marché rétrécit comme peau de chagrin avec l’avancée du numérique. Une peur à laquelle les gouvernements ont renoncé à répondre, préférant botter en touche sous prétexte que les évaluations du nombre de postes condamnés divergent. Mais la question devient oiseuse lorsqu’on s’accorde à dire qu’il sera énorme…
La seconde cause est plus sournoise : c’est le délitement de l’État-providence. Au lieu d’être fondé sur une réduction résolue de la disparité des patrimoines, son financement reste essentiellement assuré par les contributions des salariés, complété par l’endettement de l’État. Ceci au nom du dogme du « ruissellement », jamais vérifié, ni jamais autant démenti par les faits, avec la réduction rampante du pouvoir d’achat des populations partout, sauf en Chine paradoxalement.
La revalorisation de l’Europe aux yeux de ses citoyens passe par une mise à plat de ces deux questions : celle du travail et celle de « l’état-de-bien-être », pour reprendre le sens exact du terme anglo-saxon de « welfare state », dont nous avons lâchement accepté qu’il soit traduit, par dérision, sous le nom d’« État providence ».
C’est en 1964, déjà, qu’un rapport du Center for the Study of Democratic Institutions réalisé par l’Ad Hoc Committee on the Triple Revolution et remis au président Johnson, observait que la mécanisation sous toutes ses formes oblige à envisager une société d’un type nouveau où l’obtention des revenus sera dissociée du travail salarié. Une question très loin d’être insoluble puisqu’une fraction non-négligeable de la population vit déjà sous ce régime : celle que l’économiste François Quesnay qualifiait de « classes oisives » dans son Tableau économique de la France (1758), et que nous appelons aujourd’hui « investisseurs », même si le terme ancien de « capitalistes » demeure adéquat.
La transition consisterait à étendre à l’ensemble de la population le bénéfice de la mécanisation en socialisant par un impôt une part de la valeur ajoutée créée par les machines, de la même manière qu’étaient imposés les travailleurs remplacés par celles-ci. Le fruit d’une telle « taxe Sismondi » (du nom du philosophe suisse qui proposa au début du XIXe siècle que le travailleur remplacé par une machine bénéficie désormais d’une rente ponctionnée sur le travail de celle-ci) serait redistribué entre tous sous la forme d’un « service universel de base » assurant la gratuité de l’éducation, de la santé, des transports de proximité, du loyer social, de l’alimentation de base, de la connectivité, revivifiant cet « état-de-bien-être » auxquels les Européens sont viscéralement attachés.
L’Europe enlisée et méprisée par ses peuples pour son égoïsme et sa cupidité retrouverait par cette gratuité de l’indispensable le soutien de ceux qui la rejettent aujourd’hui. Et le flot du populisme se retirerait…
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