Retranscription de Les temps qui sont les nôtres : Trump contre le FBI et la CIA. Merci à Cyril Touboulic !
Bonjour, nous sommes le mardi 20 mars 2018, et si vous êtes allés au cinéma quelquefois, vous avez dû vous faire une idée de ce qu’est le FBI (Federal Bureau of Investigation) : c’est la police au niveau fédéral aux États-Unis.
Vous savez qu’il y a une police des États et vous connaissez ces scènes où la voiture du shérif est obligée de s’arrêter à la limite du comté, et le bandit ou le sympathique héros – c’est souvent le même – continue son voyage vers le Mexique, ou je ne sais quoi, ou vers le Canada, et la voiture doit s’arrêter. Mais, on peut appeler les agents du FBI et ceux-là peuvent se promener d’un État à un autre. Et souvent, vous vous souvenez, dans ces films, il y a un conflit entre ces gens (au niveau de l’État et au niveau du FBI) : un mépris réciproque. Mais, ceci dit, le FBI c’est une agence dont l’histoire est une histoire intéressante. Il y a eu une époque avec M. Edgar Hoover – où c’était une sorte véritablement d’État dans l’État –, un anti-communiste un peu cinglé. Mais bon, c’est une institution qui fonctionne et qui, dans l’ensemble, fonctionne bien. Tout au moins, selon ses principes d’être la police d’un grand État fédéral.
Alors, la CIA (Central Intelligence Agency), vous savez, c’est l’agence de contre-espionnage américaine. Elle fait un peu la même chose que le FBI, mais elle le fait dans les relations extérieures : ce sont les services secrets du pays.
Alors, si vous avez suivi, si vous avez regardé ces films avec attention, vous savez qu’il vaut mieux ne pas se battre contre le FBI, parce qu’on perd. Même chose, si on se bat contre la CIA, on n’a pas, sauf dans quelques films très très particuliers où il y a des conflits à l’intérieur de ces agences, on s’en sort, sinon… mais alors quand on a les deux contre soi, on est assez mal barré quand même.
M. Trump s’est convaincu qu’il a maintenant compris suffisamment comment fonctionne la présidence des États-Unis pour s’être débarrassé de tous ses conseillers qui lui donnaient des conseils, qui l’empêchaient de faire les choses comme il l’entendait. Et maintenant, il s’en prend avec virulence à ces deux institutions. Au point d’ailleurs, et c’est ça qui est nouveau essentiellement, que les gens qui représentent ces institutions, et qu’il a virés ou qui sont d’anciens fonctionnaires, s’en prennent à lui dans les mêmes termes que lui s’en prend à eux. C’est la guerre ouverte ! Voilà, on n’est plus à fleurets mouchetés, on est directement dans l’affrontement.
Alors, je vais vous montrer un truc pour ceux qui lisent l’anglais, ils vont pouvoir le lire comme ça, là (j’ai un peu de mal… voilà, si vous voulez lire l’anglais, vous pouvez arrêter la vidéo et regarder l’écran un moment : « When the full extent of your venality, moral turpitude, and political corruption becomes known, you will take your rightful place as a disgraced demagogue in the dustbin of history. You may scapegoat Andy McCabe, but you will not destroy America… America will triumph over you ». Sinon, je vais vous donner une traduction libre de ce qui est écrit. Il est écrit : « Quand la pleine ampleur de votre vénalité, de votre turpitude morale, de votre corruption politique sera connue, vous prendrez la place qui vous revient comme un démagogue en disgrâce dans les poubelles de l’histoire. Vous pouvez vous en prendre comme à un bouc-émissaire à M. Andy McCabe (le n°2 du FBI jusqu’à récemment, que M. Trump a viré, et non seulement viré, mais à trois jours du moment où il pouvait prendre sa retraite), mais vous ne détruirez pas l’Amérique… l’Amérique triomphera sur vous. » Alors, qui est-ce qui a écrit ça ? Eh bien, M. John Brennan, un ancien directeur de la CIA [rires]. Voilà où on en est.
M. James Comey, qui était un directeur du FBI qui a été viré par M. Trump au moment où M. Trump a compris qu’il n’allait pas laisser tranquille M. Michael Flynn, qui était un monsieur très impliqué déjà dans ces histoires de relation avec la Russie… M. Comey a promis un livre, qui sort ces jours-ci, et où il dit : « On verra qui est honorable de vous ou de moi. » Il y a encore des fleurs du même genre qui circulent [rires], entre autres de l’avocat de ce M. McCabe, qui a été viré et qui parle d’un personnage, il répond à Trump : « Vous êtes un personnage infantile, ridicule », et ainsi de suite (une série de fleurs).
Alors, voilà, si on nous disait, et c’est ça que les commentateurs nous disent maintenant, si on voyait ça dans un film sur une république bananière encore assez caricaturale [rires], on dirait : « Oui, c’est comme ça que ça se passe là-bas ! ». Que ça se passe en ce moment, aux Etats-Unis, c’est évidemment gênant. Et c’est gênant pas seulement pour eux : c’est une honte, et c’est ce que disent certains d’entre eux (directeur du FBI et directeur de la CIA) : « C’est une honte. On est arrivés au plus bas, on racle le fond. » Ce sont les expressions qu’on voit ces jours-ci, et avec un personnage qui se convainc que c’est parce qu’il y avait trop de démocratie autour de lui que les choses ne marchaient pas [rires], et que s’il est de plus en plus dictatorial, s’il se conduit véritablement comme le général Alcazar ou le général Tapioca dans des livres bien connus de nous tous (L’Oreille cassée, en l’occurrence), que c’est comme ça qu’il va arranger les choses.
Alors, certains l’encouragent autour de lui. Il a encore un carré, en particulier de sénateurs et de congressmen ou congresswomen (des parlementaires) autour de lui et qui représentent encore peut-être plus de la moitié encore du Parti républicain, mais d’autres qui crient casse-cou en disant : « On est en train de détruire les institutions. On est en train de détruire la réputation de choses qui sont importantes quand même dans un pays comme sa police et ses services secrets, son contre-espionnage, et on ne peut pas continuer comme ça ! » Mais ça continue. Pourquoi ? Essentiellement parce qu’il n’y a pas une majorité Démocrate qui pourrait lancer une procédure d’impeachment, c’est-à-dire d’une destitution de ce président. Et donc il peut non seulement continuer, mais il peut continuer de se convaincre qu’il a trouvé le style : qu’il a trouvé maintenant comment il fallait faire et que c’est en se débarrassant des gens qui lui mettaient des freins ou qui lui expliquaient comment ça marchait avant, ce qui, finalement, n’était pas du tout utile de son point de vue.
Alors, qu’est-ce qui va se passer ? Est-ce que les contre-pouvoirs seront suffisants ? Certains des gens autour de lui essayent, par exemple, qu’on créé une commission d’enquête sur le fait qu’il y a une commission d’enquête sur la collusion éventuelle entre la Russie et l’équipe Trump au moment de la campagne électorale, et peut-être même après.
Si Trump est aussi fâché maintenant c’est parce qu’il avait dit qu’il y avait une ligne rouge à ne pas dépasser : c’est que pour cette commission, dirigée par M. Robert Mueller, sur la collusion possible avec la Russie, Trump avait dit : « Il ne faudra pas se mêler de mes affaires ! », voilà, de l’empire Trump. Or il apparaît que l’enquête, maintenant, se poursuit de ce côté-là et, en particulier, il y a la procédure qu’on appelle « subpoena », c’est-à-dire, en fait, une saisie d’archives de l’affaire de M. Trump à proprement parler, par cette commission Mueller. Alors, c’est probablement ça qui rend M. Trump absolument berserk [complètement disjoncté] maintenant, alors qu’il ne s’attaquait pas de front à cette commission Mueller. Depuis le week-end, et en particulier dimanche, il s’y attaque de front, il veut se débarrasser de ça, et pour ça tous les moyens sont bons : il mobilise tout ce qu’il peut.
Ce n’est pas une nouveauté qu’il utilise les insultes les plus grossières dans les tweets qu’il envoie, mais ces jours-ci, il est véritablement déchaîné. Il sait que la seule manière de se débarrasser de cette commission serait de montrer qu’elle est véritablement biaisée. Et là il espère accumuler, en fait, les preuves en disant qu’il n’y a que des Démocrates là-dedans et que c’est une chasse aux sorcières, et ainsi de suite. Or, c’est tout à fait faux : M. Mueller est un Républicain, M. Comey du FBI et qu’il a démis, qu’il a destitué, qu’il a révoqué… et ainsi que M. McCabe sont aussi des Républicains. En fait, son analyse ne marche pas du tout. Il y a effectivement, dans un pays comme les États-Unis, il y a moitié de Républicains, moitié de Démocrates, et donc on trouvera toujours des gens qui appartiennent à l’un des partis lorsqu’on constituera une commission d’enquête.
Qu’est-ce qui va se passer ? On ne sait pas trop. On va voir ! On va voir si les institutions américaines sont assez solides pour résister à un despote, tyran, pas nécessairement cinglé mais qui se conduit comme il l’a toujours fait à la tête de ses entreprises : comme un tyran, comme un despote, qui fait taire en gueulant le plus possible.
Par ailleurs, il y a une affaire qui s’est développée : ce qui est apparu en pleine lumière, c’est à quel point la campagne de M. Trump a utilisé des outils qui sont disponibles, c’est-à-dire la possibilité d’obtenir des profils extrêmement précis des citoyens américains et de les aborder. Et c’est fait essentiellement par une entreprise qui s’appelle Cambridge Analytica. Une entreprise, en fait britannique avec des gens qui sont liés, malheureusement pour la réputation de l’université de Cambridge, qui lui sont liés. Et, est passée hier à la télévision en Grande-Bretagne, au Royaume-Uni, une émission sur Channel 4, l’une des chaînes de télévision, où une caméra cachée interroge le dirigeant de cette entreprise et qui propose à un faux client : un client dont il croyait qu’il était un vrai mais qui était quelqu’un qui avait une caméra et des micros, il lui propose, les services que cette entreprise, qui a travaillé pour Trump à la demande de Steve Bannon (son âme damnée d’extrême-droite qui était à la tête de l’agence de presse Breitbart, qui a été viré mais qui est toujours aussi actif et qui a rencontré en grande pompe Mme Le Pen dimanche de la semaine précédente, à Lille), cette compagnie offre de ternir la réputation de gens par des fausses nouvelles. Le directeur insiste que pour descendre quelqu’un, il n’est même pas nécessaire que les informations soient vraies : il suffit simplement que les gens le croient : de les mêler à des scandales de prostitution, de mettre en scène de fausses scènes de corruption dans lesquelles les gens se retrouveraient… enfin, tous les moyens, absolument tous les moyens sont bons.
Et la compagnie Facebook ne se trouve même pas avoir été bernée, parce qu’elle a accepté de travailler avec des gens dans ces conditions-là, en leur demandant simplement de supprimer les données une fois qu’ils n’en avaient plus besoin, mais sans vérification aucune, sans aucun audit, sans aucune véritable politique d’essayer de gérer ces informations disponibles sur le public. Alors, qu’est-ce qui s’est passé hier ? Eh bien, le prix de l’action de Facebook a baissé de 7 % et donc, voilà, tout le monde en parle parce que ça se passe maintenant à la Bourse, et ça montre où on en est.
Et donc, ce que ça révèle bien entendu, c’est ce dont je parlais dans quelques vidéos récentes : il y a une guerre de tout le monde contre tout le monde. C’est évidemment… ça caractérise les périodes de transition. Tous les moyens sont bons pour ternir la réputation de quelqu’un, surtout quelqu’un qui essaye de changer les choses, et les moyens dont on dispose maintenant grâce au big data, aux méthodes statistiques de data mining, etc., rendent les choses encore plus faciles. Si vous apprenez demain que j’ai tué mon père et ma mère, sachez bien que c’est simplement parce que leurs méthodes sont excellentes maintenant… et aussi, ça sera pour dire qu’on me prend enfin au sérieux [rires] ! Donc préparez vous pour ça. J’y suis prêt également. Il vaut mieux évidemment ne pas avoir grand chose dans les dossiers pour être préparé de la meilleure manière – je crois que c’est mon cas –, mais attendons-nous à tout puisque tout est maintenant possible ! Il y a des données sur absolument tout. Tout le monde est surveillé. Les services secrets ne savent pas seulement ce que je vous raconte là, mais ils savent tout le reste, et donc on est dans un monde comme celui-là : de la manipulation, du mensonge. On n’est même plus dans la société du spectacle, comme disait l’ami Debord, non : on est dans la société du guignol [rires] ! On est dans la société du guignol avancé.
Enfin voilà, il y a des choses à raconter ! J’essaye de vous tenir au courant sur des choses que vous n’avez peut-être pas entendues, parce que vous ne lisez peut-être pas cinquante articles dans la presse anglo-saxonne tous les jours, et donc, voilà : je vous en tire la substantifique moelle et je vous tiens au courant.
Allez, à bientôt !
Ah, parce qu’un coup de semonce, ce n’est pas une escalade militaire ? Régulièrement, Poutine rajoute un degré de plus…