Le Monde : Des « dérives sur indice » à la dérive des marchés
L’Écho : Les produits financiers innovants, facteur de risque
L’identité de l’auteur de la baisse boursière qui débuta le 5 février a conduit à de multiples supputations. Bien sûr, une bulle existait (fruit des injections massives de liquidités par les banques centrales) et tout un chacun prévoyait son éclatement, un élément déclencheur spécifique a cependant dû y intervenir le jour même.
Parmi les suspects aussitôt mis en cause, la nouvelle d’une hausse des salaires aux Etats-Unis. Qui dit salaires en hausse dit en effet répercussion probable sur le prix des produits, d’où inflation, d’où anticipation de celle-ci par les prêteurs, d’où exigence de leur part de taux en hausse, d’où dépréciation des portefeuilles existants d’instruments de dette, d’où déprime des investisseurs.
Autre suspect, apparu ensuite, plus plausible que le premier: une anticipation de hausse des taux dans le sillage de la réforme fiscale aux Etats-Unis impliquant une baisse de l’imposition pour les entreprises et pour les particuliers les plus fortunés.
Le déficit anticipé de 1,5 millier de milliards de dollars des rentrées fiscales forcera l’État américain de s’endetter d’autant, suscitant une concurrence exacerbée entre emprunteurs sur le marché des capitaux, d’où rapport de force dégradé en leur défaveur, d’où une hausse des taux.
Troisième larron
Un troisième larron fut alors mentionné: les produits dérivés, contrats à terme futures et options, sur l’indice de volatilité VIX du marché des actions.
Passons sur le fait que l’indice en question ne mesure pas vraiment la volatilité mais une combinaison de volatilité et d’un moment de troisième ordre (skewness), et qu’il se contente de faire apparaître en surface la volatilité implicite utilisée par les pricers d’option, valeur intuitive et donc en réalité arbitraire.
Passons également sur le fait que l’indice se révèle privé du pouvoir prédictif que la théorie des anticipations rationnelles lui attribue. Passons encore sur le fait que s’il disposait vraiment de ce pouvoir prédictif (le principe laplacien qu’une connaissance parfaite du présent permet une connaissance parfaite de l’avenir), la physique contemporaine serait remise en cause, de l’eau étant passée sous les ponts depuis que Pierre-Simon Laplace (1749-1827) affichait sa foi dans un déterminisme absolu.
La finance accueille avec sympathie l’invention d’un nouveau produit financier depuis que Kenneth Arrow et Gérard Debreu (prix Nobel d’économie en 1972 et 1983 respectivement) suggérèrent que tout ce qui contribue à assurer la complétude des marchés est excellent car il nous rapproche de l’équilibre économique.
Sur un marché complet, les frais de transaction sont négligeables et l’information complète quant à son état est à la portée de tous, autorisant tout actif financier à bénéficier d’un prix et d’un seul.
Souci de complétude
Ce souci de complétude conduisant les économistes à fêter tout produit financier innovant ignore l’inquiétude des intervenants quant au risque global qu’il amène avec lui.
Les dérivés sur indice de volatilité sont des paris sur le fait que dans un avenir proche les cours bougeront peu ou beaucoup, paris qui pourront selon les situations particulières servir de police d’assurance, transférant un risque existant d’un intervenant à un autre, ou de paris purs et simples, positions dites « nues », créant ex nihilo un risque jusqu’alors inexistant.
Il va de soi que de tels paris, qui s’avéreront payants tant que tout va bien, ne feront que précipiter la catastrophe une fois celle-ci enclenchée, les parieurs défaillants cherchant à parer leurs pertes en vendant, contribuant ainsi à amplifier encore la débâcle.
Quel bénéfice ces produits dérivés du VIX apportent-ils lorsqu’ils sont offerts au pur spéculateur, sinon une démultiplication du risque systémique en cas d’accident?
Le souci de complétude des marchés, justifiant la bienveillance de principe envers les nouveaux produits financiers, devrait être assorti dans le chef du régulateur d’une évaluation du nouveau risque ainsi créé, débouchant en cas de risque excessif sur une interdiction pure et simple des positions « nues », purement spéculatives, sur ces produits innovants.
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…