Billet invité.
Ce dimanche 7 janvier, notre président de la République a entamé une visite officielle en Chine. Il était bien sûr flanqué de l’inusable sinophile officiel de service, Jean-Pierre Raffarin, et de la flopée de chefs d’entreprises que tout président français transporte obligatoirement dans ses valises et qui attendent le su-sucre des contrats promis au bout du chemin. Certes, il est bon d’entretenir des relations cordiales d’État à État avec la Chine, mais comme il est humiliant, depuis quelques décennies, d’arriver à Pékin à la manière de ces commis voyageurs ou représentants de commerce de naguère qui sonnaient chez vous avec un aspirateur dans leur mallette et qui coinçaient un pied dans l’entrebâillement de votre porte pour faire durer le temps de vous infliger leurs salades ! À ce qu’on en sait, la porte coincée a, une fois de plus, fonctionné et la Chine, soucieuse de la Face de son interlocuteur-baratineur lui a, par courtoisie, commandé quelques aspirateurs ! Malgré le cheval républicain, apporté par avion spécial, à la manière des offrandes dont s’acquittaient autrefois les royaumes tributaires, la Chine s’est contentée avec Macron du « minimum syndical » : si nous comparons le protocole de cette visite avec celui auquel a eu droit Donald Trump en novembre, il apparaît clairement que nous ne jouons pas dans la même cour. La visite de la Cité Interdite par le couple Macron, si vous enlevez quelques officiels commis d’office, les gros-bras-sécurité de service et la nuée des photographes, c’est la visite d’un touriste moyen quelconque. Où était Xi Jinping ? Avait-il une autorisation d’absence ? Et pourquoi la France n’a-t-elle pas eu droit au cérémonial impérial ébouriffant dont a été gratifié Trump par Xi en personne, avec cérémonie du thé et spectacle d’opéra dans les murs mêmes des Fils du Ciel ? Encore qu’il y aurait sans doute beaucoup à penser au sujet de cette très inhabituelle et insigne réception réservée à Trump : il ne faudrait pas beaucoup nous pousser pour que nous la lisions à la manière d’une fable de La Fontaine. Dans le genre « Le renard et la cigogne » ! L’invitant faisant culminer sa propre tradition de raffinement à son plus haut sommet pour se jouer de l’invité empêtré dans son inculture crasse et sa confondante vulgarité. C’est donc probablement un bon point pour Macron d’avoir échappé à l’épreuve !
Ce qui nous a le plus amusés (on s’amuse d’un rien !), c’est le lapsus de notre président lors de son discours de réception le plus officiel. C’est Yann Barthès, dans son émission « Le Quotidien » sur TMC, qui l’a le premier relevé dès lundi soir. En fait, Barthès n’a pas parlé de lapsus, mais s’est mi-gaussé, mi-scandalisé (c’est le ton général de l’émission) d’une formulation un peu surprenante de Macron qui s’émerveille littéralement d’imaginer en Chine « … quelques milliards de gens libres de penser, de créer, d’inventer… ». Barthès fait « gloup ! » en reprenant la phrase, mais curieusement ne sursaute pas sur la très grosse bourde des « quelques milliards » (Dieu merci, les Chinois ne sont QUE 1 milliard 400 millions !), mais ricane abondamment sur le mot « libres« . Au « Quotidien« , on se donne l’image de ne pas plaisanter avec la rigueur journalistique, on va donc éplucher le communiqué du discours diffusé par l’Élysée dans sa version écrite : or les « quelques milliards » y sont toujours (n’ont fait sourciller personne ?), mais « libres » est remplacé par « capables » (une version ultérieure rétablira le mot effectivement prononcé : « libres« ).
Ce qui nous amuse dans cette petite affaire, c’est qu’il s’agit bel et bien d’un lapsus et l’on sait depuis Freud… hein ? Nous voyons la scène comme si nous y étions et nous sommes même carrément dans la peau d’Emmanuel (si proches, on y va du prénom, non ?). Quelle corvée que ces discours officiels ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas dire comme conneries ! En Chine, plus qu’ailleurs, on marche sur des œufs ! Raffarin a bien répété à quel point leur Face est chatouilleuse. Mais le discours ronronne tellement de poncif en lieu commun que le risque est infime. Les plumes de l’Élysée ont bien travaillé, c’est du cousu main. Et tout à coup, alors que l’allure est pépère et la route dégagée, c’est la plaque de verglas ! Arrivé à l’endroit du « quelques milliards« , dans le cerveau de Macron s’allume soudain une petite loupiote inquiète : ça fait un peu beaucoup, non ? Déstabilisé pendant une fraction de seconde, il s’embarque dans ce qui va devenir sa sortie de route. Car c’est justement le moment où il faut faire gaffe : terrain sensible parce que miné ! Il ne faut absolument pas qu’il parle de quoi que ce soit qui ait un lien avec le mot « liberté« , c’est un point névralgique et litigieux et il n’est pas le moins du monde prévu de mettre les pieds dans le plat sur ce sujet dans un discours de réception lénifiant proposant à Xi Jinping un « main dans la main » sur les nouvelles routes de la soie. Or, dans le texte qu’il a sous les yeux il voit arriver le mot « penser« , lequel, par association d’idées, appelle tout naturellement cette notion de « liberté » qui l’obsède et qu’il faut fuir comme la peste. D’ailleurs, les plumes de l’Élysée, qui ont dû tourner sept fois dans l’encrier avant d’écrire, ont choisi l’expression « capables de penser« . Mais vous savez combien sont vicieux les lapsus : ils vous mettent précisément dans la bouche les mots que vous ne voulez surtout pas dire ! Et voilà Macron qui lâche, horresco referens, « libres de penser » ! La gaffe, la bourde, la boulette ! Nous ne savons pas sous quelle forme exactement le mot est arrivé, après traduction, aux augustes oreilles des dirigeants chinois, mais elles auront sûrement pris acte de ce jugement flatteur et apprécié ce revirement dans nos marottes !
» Le comportement violent, agressif et dangereux de Poutine – non seulement envers l’Ukraine mais aussi envers l’Occident et l’ordre…