Cette chronique était destinée à être publiée simultanément dans Le Monde.
Poser le regard de l’anthropologue sur les « Paradise papers » n’est peut-être pas superflu, pas plus que ce ne fut un luxe inutile quand il s’est agi de la crise des subprimes en gestation.
Caractérisons les deux « tribus » en présence : celle qui s’adonne à l’évasion fiscale, et celle qui la dénonce, et écoutons ce que dit leur chef.
Pourquoi tenter de ne pas payer l’impôt ? Afin de conserver davantage de l’argent que l’on gagne pour soi-même. Pourquoi verser l’impôt ? Parce que l’impôt assure à la fois le fonctionnement des services publics sous la responsabilité de l’État et la cohésion sociale, par la redistribution d’une partie de la richesse, évitant sa concentration excessive.
Les justifications du praticien de l’évasion fiscale sont multiples : pourquoi partager l’argent que l’on a gagné à la sueur de son propre front, ou pour les immenses risques que l’on a accepté de prendre, ou plus banalement, en raison de son exceptionnel talent ? Peut-être, mais celui qui échappe à l’impôt resquille puisqu’il bénéficie des services sans y contribuer à la hauteur de ses moyens, il manifeste aussi son dédain pour l’effort national de redistribution et le principe d’un filet social pour les malchanceux, et il contribue à son profit à une concentration de la richesse qui fait qu’en l’absence d’une demande suffisante de la part des consommateurs, les sommes en excès alimentent la spéculation, source de risque systémique.
L’État qui échoue à prévenir l’évasion fiscale trahit la confiance de ses citoyens en n’assurant pas l’égalité de tous devant l’impôt et c’est là l’une des motivations de ceux qui dénoncent l’évasion fiscale. Nous connaissons celles-ci par les déclarations de ces lanceurs d’alerte avant qu’on ne les fasse taire en les mettant sous les verrous.
L’un d’entre eux, qui court toujours à l’heure qu’il est, le lanceur d’alerte l’an dernier des « Panama papers » et aujourd’hui des « Paradise Papers », s’est longuement expliqué dans un manifeste. Se faisant appeler « John Doe » – l’équivalent de « Tartempion » – il use d’un ton « présidentiel » et précise de manière surprenante pour un lanceur d’alerte : « je ne travaille ni n’ai jamais travaillé pour un gouvernement ou un service de renseignement ». Il déclarait ceci :
« Le problème de l’évasion fiscale ne pourra être réglé tant que les officiels élus dépendront de l’argent des élites qui ont le plus de raisons de vouloir échapper à l’impôt. »
Et il ajoutait : « La conséquence collective [des] échecs [des autorités et des médias] est l’érosion totale des normes déontologiques, menant en fin de compte à un nouveau système que nous appelons toujours capitalisme, mais qui se rapproche davantage d’un esclavage économique. Dans ce système – notre système – les esclaves n’ont aucune idée de leur propre statut ni de celui de leurs maîtres, qui évoluent dans un monde à part où les chaînes invisibles sont soigneusement dissimulées au milieu de pages et de pages de jargon juridique inaccessible. »
Chacun reconnaissait là des thèmes chers au financier George Soros. Un autre lien existe par ailleurs, bien établi celui-ci, entre le milliardaire et les « Panama papers » puis les « Paradise papers », le fait que le principal sponsor du Consortium International des Journalistes d’investigation (CIJI) qui diffuse ces fuites, est l’Open Society Fondation dont George Soros est à la fois président et fondateur. Un fait à rapprocher peut-être, d’une autre remarque de « John Doe » : « les rédacteurs en chef de plusieurs titres de presse majeurs ont pu consulter des documents issus des « Panama papers » – même s’ils ont assuré le contraire. Ils ont choisi de ne pas les exploiter. »
En son temps, George Soros avait mis les moyens financiers considérables dont il dispose au service de l’avènement de la démocratie en Europe centrale et de l’Est. Serait-il si étonnant qu’il ait adopté la même stratégie pour faire advenir aujourd’hui la démocratie dans l’autre moitié de l’Europe, autrement dit chez nous ?
Paul, Je n’ai vu de ce film, il y a longtemps, que ce passage (au début du film, je crois)…