Retranscription de Le temps qu’il fait le 3 novembre 2017. Merci à Marianne Oppitz.
Bonjour, nous sommes le vendredi 3 novembre 2017. Beaucoup de choses qui se bousculent dans l’actualité. Un petit mot en passant sur l’impôt sur les grandes fortunes – sur les pays qui essayent de le supprimer, comme la France, les États-Unis – ne cherchez pas dans l’économie ni dans la finance une explication pourquoi ça se passe en ce moment. Il y a une explication : elle se trouve dans le « Guardian ». C’est un article qui a été traduit sur le blog. C’est par un certain M. Ganesh Sitaraman et c’est une réflexion de sa part sur deux livres sur l’oligarchie en Grèce ancienne, en Grèce antique. Et dans cet article, ce Monsieur nous explique pratiquement tout ce qui se passe en ce moment : pas besoin d’aller chercher très loin, pas besoin d’aller regarder ce qui se dit dans les parlements. Comprenons comment fonctionnent les oligarchies et le monde autour de nous n’aura plus aucun mystère. Voilà ! Vous comprendrez pourquoi on supprime l’impôt sur les grandes fortunes, alors que la presse ne vous parle que d’une chose : c’est la manière dont l’économie est gangrenée, où elle est grippée, où elle est mourante en raison de la concentration de la richesse. Pourquoi les chefs de gouvernement nous imposent quand même ces mesures qui participent à une accélération de la concentration. Pourquoi le font-ils ? Eh bien parce qu’ils représentent des régimes oligarchiques. C’est-à-dire que, de fait, ce sont des régimes censitaires où la somme d’argent dont vous disposez se reflétera de manière immédiate et, sans la moindre difficulté : par un processus de vases communicants, dans les décisions qui pourront être prises. La classe au pouvoir impose au reste de la population la manière de faire les choses. Ce n’est pas plus compliqué que ça : il ne faut pas invoquer d’anciens économistes ou je ne sais qui : ou Montaigne ou Montesquieu, tout ça s’explique très bien comme ça !
Alors, dans cet article, vous verrez comment c’est que les oligarchies finissent par disparaître, un jour ou l’autre. Et bien, c’est très simple, dans le cas le plus courant, elles s’effondrent sous leur propre poids : soit sous leur contradictions, soit sous les querelles des oligarques. Ou bien, un oligarque trahit son… (rires) – il y a des noms qui me viennent à l’esprit tout de suite – trahit sa classe. Oui, les noms qui me viennent à l’esprit bien entendu c’est George Soros et Warren Buffett. Et, ils prennent la tête d’une révolution et le peuple s’empresse de suivre. Dans cette explication de comment les oligarchies disparaissent, il n’y a pas beaucoup de place pour le peuple. C’est donc, soit l’effondrement des oligarchies sur elles-mêmes, soit un oligarque qui décide de devenir un démocrate. La troisième solution – qui consisterait à ce que le peuple se rebelle et prenne le pouvoir – a connu quelques tentatives brouillonnes dont vous avez entendu parler, mais ce n’est pas comme cela que ça se passe ! Donc, un article très intéressant ! Lisez-le absolument ! Lisez en anglais sur le « Guardian » et lisez le dans la traduction qui a été offerte sur le blog de Paul Jorion par quelqu’un qui a demandé à rester anonyme, donc c’est pour cela que son nom ne se trouve pas là. Mais je le remercie quand même.
Alors, dans le même genre, dans le même genre, un parallèle tout à fait fascinant, tout à fait intéressant, entre deux choses qui sont des décompositions : la décomposition de l’Espagne avec l’affaire catalane qui n’est pas terminée et la décomposition de l’Union européenne avec le Brexit. Dans les deux cas, un cafouillis pas possible, une chatte n’y retrouverait pas ses jeunes ou ses petits… voilà !
Alors, ce sont des processus d’effondrement que nous sommes en train d’observer : celui de l’Espagne avec la Catalogne et celui de l’Union européenne avec la Grande-Bretagne, le Royaume-Uni. Où est-ce que cela va nous mener, c’est difficile à dire. On m’avait posé la question, souvent, en 2008 : « Qu’est-ce qu’on aura à l’arrivée ? » Eh bien, j’avais repris une image de René Thom sur sa théorie des catastrophes : « quand on laisse tomber un miroir par terre, on ne peut pas dire la forme des pièces que ça aura, tout ce qu’on peut savoir c’est que ce sera cassé », voilà ! Il y aura eu brisure. Il y aura eu brisure mais dire exactement comment, ça, ça va être bien plus compliqué. Alors, voilà, ce sont des choses qu’on observe.
Alors, un autre événement, mais c’est un événement qui se passe sur le blog et qui est dû surtout aux travaux de Monsieur Serge Audier qui a écrit des choses très importantes sur l’histoire du néo-libéralisme ou ultralibéralisme. Il utilise, lui, le mot néo-libéralisme et ça lui permet de dire qu’il y a de multiples néo-libéralismes et, effectivement, quand on lit ses bouquins, on peut s’en convaincre. Mais si on utilise comme moi – et comme un certain nombre d’autres personnes – le mot « ultra-libéralisme », il n’y en a qu’un seul. Cet ultralibéralisme n’apparaît pas triomphant dans le Colloque Lippmann, Walter Lippman, en 1938, c’est vrai. Il n’apparaît pas tout au début de la société de Mont-Pèlerin à qui nous devons le Prix Nobel d’économie et beaucoup d’autres catastrophes comme Madame Thatcher et Monsieur Reagan. C’est vrai qu’il y a différents courants dans la société du Mont-Pélerin, au tout début, en 47. Mais l’ultralibéralisme est déjà en germe au colloque Lippmann. Il est représenté par von Mises, bien entendu, et von Hayek et, quand on arrive au Mont-Pélerin, on trouve, bien entendu, toujours von Hayek et Friedman et puis, tous nos grands prix Nobel d’économie, puisque ces braves gens ont eu l’amabilité de se nommer les uns les autres (rires) au prix Nobel d’économie. Et ça continue, à quelques exceptions près, il faut bien dire que Monsieur Richard Thaler et Monsieur Kahneman ne font pas partie de ces gens là. Ce sont – comment dire ? – ce sont des gages que l’on donne un peu à l’opposition mais, tant mieux. Tant mieux si de temps en temps on donne le prix Nobel d’économie à des gens qui sont, soit de vrais économistes, soit des psychologues, des sociologues, etc. qui réforment l’économie de l’extérieur puisque les économistes en place – ceux qui ont pignon sur rue – ne le font pas, à notre consternation générale. Mais, enfin bon ! On est habitué à l’idée.
Alors, que dire encore ? (Les retranscripteurs de ce que je fais le vendredi me poussent un peu de pas trop causer, parce que c’est quand même pas mal de boulot. Alors, je vais essayer d’aller vite.) Qu’est-ce que je voulais encore dire ? Ah! Mon actualité ! Mais, mon actualité c’est … (cherche et montre un livre : A quoi bon penser à l’heure du grand collapse ?) Vous connaissez, vous avez déjà vu ça… enfin, vous l’avez déjà vu, ça paraît officiellement lundi, le 6 et, officieusement, si vous bousculez, si vous brutalisez votre libraire (ce qu’il ne faut pas faire bien entendu !) c’est déjà là. C’est déjà là : si ce n’est pas sur ses tables, en fait c’est déjà dans ses caisses !
Qu’est -ce que c’est ? Eh bien, ce livre vous le savez, c’est ce que j’aurai essayé de dire de neuf. Voilà ! Résumé présenté, mis en valeur par Franck Cormerais et Jacques Athanase Gilbert. Deux professeurs – le premier à Bordeaux et le second à Nantes – qui ont eu l’amabilité de me poser plein de questions – après avoir lu tous mes livres – sur ce qu’ils pensaient, eux, que j’avais pu apporter de neuf et j’ai répondu à leur questions.
C’est ma boîte à outils, c’est ce que je peux apporter à ce que d’autres gens ont pu apporter, comme, je ne sais pas, les Charles Fourier, les … il y a un autre nom qui me venait (rires) c’est Charles Gide, c’est parce que c’est un autre « Charles » que ça m’échappe un peu, les Jacques Ellul, les Gunther Anders, les Annie Le Brun, etc. ce que j’ai pu apporter, moi aussi, pour essayer de réfléchir sur le monde.
Si vous voulez comprendre comment le monde fonctionne, et là, il y a un truc, voilà, on en reparlera parce que j’ai demandé à l’auteur de faire des billets sur le blog. Alors, voilà (montre un livre), c’est Peggy Avez : « L’envers de la Liberté », c’est publié – vous voyez, ce n’est pas très clair, c’est le petit… vous le reconnaissez la tour de la Sorbonne – c’est une publication de la Sorbonne. Le livre s’appelle L’envers de la liberté et je vais vous dire un truc, avant qu’on en parle davantage. Vous avez entendu parler du freudo-marxisme et vous connaissez des noms comme euh,… (rires) si je les retrouve ! Adorno, j’oublie surtout l’homme… ah oui ! Herbert Marcuse : l’auteur de L’homme unidimensionnel, etc. Erich Fromm, des gens qui ont essayé de combiner ce qu’on pouvait apprendre de la psychanalyse et ce qu’on pouvait utiliser dans une approche radicale de l’économie et de la politique comme on la trouve chez Marx, de mettre tout ça ensemble et, d’une certaine manière, c’est ce que j’essaye de faire aussi – bien que je ne sois pas marxiste – mais sur le projet d’utiliser la sociologie et la combiner à la psychologie : sociologie de bonne qualité et psychologie de bonne qualité – là, Peggy Avez a réussi pleinement. Lisez ce livre ! C’est un livre dont on ne parlera [hélas] pas beaucoup. Elle est passée à France Culture au mois d’août, elle a été interrogée par un Monsieur dont je dois bien le dire : il n’avait rien compris de quoi ça parle ! Ce qui est dommage, ça n’a pas permis à l’auteur d’exprimer ce qu’elle avait à dire, qui est tout à fait passionnant. Elle résout beaucoup d’énigmes de la philosophie et beaucoup de questions qui se posent à propos de cette notion de « liberté ». Il faut que nous avancions ! Il faut que nous avancions comme je vous le dis : je vais essayer de lui donner la possibilité de s’exprimer, au moins par le blog. J’espère que d’autres gens le feront aussi.
Mais vous le voyez, vous le voyez bien, nous sommes dans un trou. Et quand on regarde ce livre de Audier, ces deux livres de Audier sur le colloque Lippmann et la société du Mont-Pèlerin, ce dont on s’aperçoit, c’est que nous sommes dans le même marasme qu’à partir des années 1930 -1935, jusqu’à 40. Nous sommes dans le marasme des idées : plus personne n’apporte rien d’intéressant et on hésite entre différentes formes d’ultra-libéralisme et de fascisme, d’une manière ou d’une autre. Nous employons des mots légèrement différents : nous ne disons pas libéralisme et fascisme, nous disons : ultra-libéralisme et populisme. Mais, en fait, c’est exactement la même chose : c’est le même marasme. Et, ce qui est un peu décourageant, si vous regardez ces papiers de Madeleine Théodore sur les livres de Audier, c’est qu’on n’avance pas beaucoup et que tout ce que nous disons maintenant a déjà été dit dans les années 30 avec les résultats que vous connaissez. Ce n’est donc pas tout à fait encourageant. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut plus rien faire, mais ça pourrait conduire à penser – ce qui serait absolument désespérant – (je l’évoque parfois), c’est que la condition humaine n’a pas véritablement de solution.
Je prône la lucidité. La lucidité, à mon avis, c’est la condition sine qua non même, pour regarder comment se présentent les problèmes. Mais la lucidité n’est peut-être pas suffisante à trouver les solutions. Quand on voit tous ces gens de bonne volonté – et de mauvaise volonté (rires) – qui dans les années 30 ont essayé de trouver des solutions à un problème qui est identique au nôtre – à une exception près – on se pose des questions. Est-ce que le problème est soluble ? Et quand je dis « à une exception près », c’est qu’il y a une différence. Il y a une différence : c’est que la technologie nous emporte dans un grand tourbillon et là, c’est ça la différence, c’est que le politique, la « gouvernance », comme on dit (horrible mot), le gouvernement sont pris dans un tourbillon. Ce sont des gens, essentiellement, pour qui le monde va trop vite autour d’eux. Ils vont, eux, au rythme des élections qui ont lieu tous les 4 ans ou tous les 5 ans et, voilà ! Ils s’installent dans un ronron (rires) « Le chat de la voisine » ! Oui, ils essayent de résoudre les problèmes locaux par des moyens locaux. On reprend les vieilles solutions ou alors, on applique simplement les grandes règles du système oligarchique et puis on en tire simplement les conséquences. Mais, on a besoin d’autre chose.
Et là, il y a quand même une bonne nouvelle ! Je le vois par l’audience qui remonte très, très vite sur le blog. Je ne sais pas… je ne sais pas… c’est le printemps ? Non, c’est l’automne (rires) mais, vous êtes fâchés, vous êtes furieux et, c’est peut-être, voilà, pour des trucs comme l’abrogation de l’impôt sur les grandes fortunes, alors que tout le monde sait que c’est exactement le contraire qu’il faudrait faire ! C’est peut-être simplement une réalisation, petit à petit, que nous sommes dans un régime qui … voilà, un régime politique qui n’est plus, de fait, la démocratie, qui est passé à autre chose et … autrefois on avait un mot d’ailleurs pour les gens qui dirigeaient ça (rires) : celui qui est à la tête d’une oligarchie, comment est-ce qu’on l’appelait ? On l’appelait le tyran, eh bien oui : c’est le mot qu’on employait (enfin, je vous glisse ça comme ça, dans la conversation) puisque c’est le propre des oligarchies, c’est de pouvoir dorer la pilule et de faire semblant, comme si tout se passait normalement.
Bon, j’arrête là parce que je ne peux pas continuer à l’infini et qu’il faut que je me réserve un peu pour les semaines qui viennent et pour mes chroniques dans « Le Monde » et dans « Trends-Tendances ». Voilà ! Tout ça me met de très bonne humeur !
Ce qui me met de bonne humeur, c’est le hibou qui est venu me voir hier soir et qui était perché, qui était accroché là… je ne sais pas très bien à quoi il se tenait. Ah oui ! Il se tenait, il se tenait au cadre sur lequel il se trouvait, d’une patte, et de l’autre, il se tenait à la sangle qui fait descendre le volet. Voilà ! Ce petit oiseau… ce grand oiseau ! Il faisait, d’après la taille sur la photo (rires), la taille du cadre, il faisait 30-35 cm, quand même. L’un de vous m’a dit que c’était une effraie. Non, non ce n’était pas du tout une effraie, c’était ce qu’on appelle une hulotte ou un chat huant. C’est un hibou de bonne catégorie !
Voilà ! Allez ! A bientôt !
Forcément, à partir du moment où une doctrine d’utilisation est définie – mais cela reste du « secret défense » pour permettre…