La Corée du Sud à la croisée des chemins, par PiBi

Illustration par DALL·E

La Corée du Sud est confrontée à des choix stratégiques majeurs dans un contexte d’instabilité politique et de profondes mutations de l’ordre international. À la suite de l’instauration de la loi martiale, le débat sur la destitution du président se poursuit, son issue étant susceptible de modifier fondamentalement la politique étrangère et de sécurité du pays.

Si le parti conservateur se maintient au pouvoir, il renforcera l’alliance avec les États-Unis et approfondira la coopération avec le Japon. Cependant, il devra faire face aux exigences d’augmentation des dépenses de défense et aux pressions réclamant le retrait des troupes américaines. Parallèlement, le Japon consolidera son rôle stratégique en Asie du Nord-Est et demeurera un partenaire clé des États-Unis. En revanche, une victoire du parti progressiste Démocratie entraînerait probablement un éloignement des États-Unis au profit d’un rapprochement avec la Chine et la Corée du Nord. Cette réorientation pourrait provoquer des pressions économiques sur la Corée du Sud, qui risquerait alors d’être marginalisée des principales chaînes d’approvisionnement de l’industrie américaine. De plus, une coopération renforcée avec la Chine pourrait l’amener à soutenir le principe de la « Chine unique », accentuant les tensions autour de sa position sur Taïwan, question cruciale pour l’avenir des relations sino-sud-coréennes et des liens avec les États-Unis.

Le second mandat de l’administration Trump est davantage centré sur la doctrine « America First », exigeant des alliés qu’ils assument une plus grande part des coûts. Plutôt que de jouer un rôle de leader pour la stabilité mondiale, la politique américaine privilégie désormais ses intérêts nationaux, n’intervenant que dans des régions jugées stratégiquement cruciales. Pour mettre fin à la guerre russo-ukrainienne, Trump négocie directement avec Poutine sans la participation de Zelensky, conditionnant l’accord à l’accès à des ressources minérales stratégiques, dont les terres rares. Face à cette situation, l’Ukraine envisage de se doter d’armes nucléaires si son adhésion à l’OTAN échoue, alimentant de nouvelles tensions dans l’ordre mondial.

Sur le plan économique, Trump privilégie les pressions sur la Corée du Sud au détriment de la coopération en matière de sécurité. Un rapprochement de Séoul avec Pékin risquerait de provoquer de sévères représailles économiques. À l’inverse, maintenir l’alliance avec Washington pourrait entraîner la relocalisation des investissements sud-coréens vers les États-Unis et l’imposition de droits de douane plus élevés. Bien qu’ouvert au dialogue avec la Corée du Nord, Trump, pas plus que dans le cas de l’Ukraine, définit sa stratégie régionale sans concertation directe avec Séoul.

Or, la coopération militaire entre la Corée du Nord et la Russie constitue une menace grandissante pour la sécurité sud-coréenne. Pyongyang bénéficie de technologies militaires russes, finance ses activités par le cyberpiratage et les manigances financières, et fournit des troupes en soutien à la Russie en Ukraine. Des soldats Nord-coréens récemment capturés en Ukraine ont demandé l’asile en Corée du Sud, ajoutant une nouvelle dimension aux relations intercoréennes.

Les provocations militaires nord-coréennes risquent de se multiplier. Sans un renforcement de ses défenses, la Corée du Sud est de plus en plus vulnérable à des cyberattaques et exposée à une escalade des tensions. Néanmoins, une réponse strictement militaire ne suffira pas à stabiliser la péninsule. Un équilibre diplomatique est nécessaire, alliant dialogue stratégique et prévention des provocations. La dépendance accrue de Pyongyang à Moscou pourrait ainsi être exploitée comme levier diplomatique.

La Chine, quant à elle, reste silencieuse sur la destitution du président sud-coréen tout en poursuivant ses propres objectifs stratégiques. Des accusations d’ingérence chinoise dans les élections sud-coréennes viennent encore compliquer l’équilibre politique régional.

Dans ce contexte, l’indépendance économique et militaire de la Corée du Sud ne relève plus d’un simple choix diplomatique, mais d’une nécessité vitale. Neuvième exportateur mondial de matériel de défense en 2024, le pays dispose d’une capacité militaire robuste. L’opinion publique se montre de plus en plus favorable à la constitution d’un arsenal nucléaire, face aux incertitudes entourant les garanties de sécurité américaines. Cependant, cette option pourrait susciter une forte opposition internationale et nuire aux relations avec les États-Unis, le Japon et la Chine.

Pour préserver ses intérêts, la Corée du Sud doit diversifier ses échanges commerciaux et ses investissements, tout en élargissant sa coopération avec l’Asie du Sud-Est, l’Europe et le Moyen-Orient. L’autonomie dans des secteurs stratégiques tels que les semi-conducteurs, l’intelligence artificielle et la défense devient cruciale. Par ailleurs, une approche diplomatique réfléchie est nécessaire pour régler les contentieux historiques avec le Japon et ajuster la coopération avec l’OTAN et les principaux pays européens.

Si la Corée du Sud persiste dans une posture passive, se contentant de suivre les grandes puissances, elle aggravera son instabilité diplomatique, économique et sécuritaire. Le moment est venu pour elle de tracer sa propre voie, d’élaborer sans tarder un plan stratégique clair et résolu. Cette décision ne se limite pas à un choix de politique étrangère : elle engage la survie et la souveraineté même du pays.

Illustration par DALL·E

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22 réponses à “La Corée du Sud à la croisée des chemins, par PiBi”

  1. Avatar de Kikok
    Kikok

    Ayant servi dans l’armée en Corée du Sud, j’ai pu constater que l’environnement sécuritaire de la péninsule évolue rapidement et que les réponses purement militaires ne suffisent pas à le stabiliser. Le renforcement des capacités de défense doit s’accompagner d’une stratégie diplomatique réfléchie. Il est particulièrement crucial de maintenir les alliances tout en développant une approche stratégique indépendante.

  2. Avatar de Alex
    Alex

    La Corée du Sud est un modèle réduit de l’Europe de l’ouest : vassal des États-Unis depuis 1953 comme l’Europe de l’ouest l’est depuis 1945, elle sent le vent tourner.
    La Corée du Sud a été une construction uniquement conçue pour d’une part s’opposer à la Chine et d’autre part pour élargir le monopole capitaliste US : mission accomplie.
    Et là, comme en Europe, ça coince, le Trump se fout de ses vassaux si ils ne rapportent que des miettes.
    Et on tombe de l’armoire car on pensait que les ricains étaient nos potes, erreur absolue.
    Et c’est Kissinger qui l’a le mieux résumé :
    « Être l’ennemi des USA peut-être dangereux, être leur ami peut-être fatal. »

    ( Commentaire envoyé à 18h30 )

  3. Avatar de arkao

    @PiBi
    Cette posture passive n’est-elle pas la conséquence d’un campisme et d’un bipartisme sclérosant depuis plusieurs décennies ?
    L’émergence d’un nouveau parti est-elle possible en Corée du Sud ?

    1. Avatar de PiBi
      PiBi

      @arkao, la passivité de la politique sud-coréenne découle du clivage idéologique et de la rigidité du bipartisme, renforçant une dépendance aux grandes puissances au détriment des intérêts nationaux.

      Par le passé, de nouveaux partis ont émergé, mais ils n’ont pas réussi à surmonter les barrières du bipartisme et ont fini par fusionner ou perdre en influence. Toutefois, face à une lassitude croissante, une nouvelle force politique pourrait émerger autour d’enjeux non résolus tels que la baisse de la natalité, le vieillissement, les inégalités économiques, l’intelligence artificielle et la sécurité.

      Cependant, la simple création d’un nouveau parti ne suffira pas à surmonter ces limites. Un modèle politique innovant est nécessaire pour dépasser les cadres actuels et permettre à la Corée du Sud de mener une politique étrangère et de sécurité indépendante et stratégique.

      1. Avatar de Ruiz
        Ruiz

        @PiBi Manquerait-il à la Corée du Sud un Macron pour sortir du bipartisme et à terme ajouter les joies politiques de la situation française par d’autres points déjà assez comparable.

  4. Avatar de timiota
    timiota

    Ne pas négliger le contexte démographique ! (0.75 enfant par femme, projection d’une diminution de la population de 50 millions à 32 millions d’ici quelques décennies, 240 000 naissances par an, un petit hoquet positif sur la courbe descendante en 2024 suite à une politique se voulant très nataliste).

    Cela pourrait conduire le pays à rechercher diverses sortes d’immigration, et à les utiliser pour alimenter des industries profitables par exemple en relocalisant des activités de l’Asie du Sud-Est (Vietnam Philippines, Indonésie).

    Ce type de paramètre peut influer sur la trajectoire vis-à-vis des USA, de la Chine etc.
    Un « cygne noir » assez blanc (:;) serait la fin de la dictature en Corée du Nord à l’occasion d’une importante crise de régime en Chine. Car les grandes puissances stables, ça ne semble plus être un axiome tenable.

    1. Avatar de arkao

      @Timiota
      Pas besoin d’aller chercher si loin, il y a tout ce qu’il faut au nord de la DMZ (matières premières, main-d’œuvre, débouchés).
      Il y a eu une brève tentative en ce sens avec la zone industrielle de Kaesong:
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_industrielle_de_Kaesong
      La Corée du nord étant aussi très dépendante de grandes puissances extérieures, l’avenir souhaitable ne serait-il pas un rapprochement et une mutualisation des moyens entre ces deux pays qui à l’origine n’en sont qu’un ?
      Je sais, je rêve 😉

      1. Avatar de Kikok
        Kikok

        Le commentaire de @arkao met en évidence le potentiel de la coopération économique intercoréenne tout en soulignant ses obstacles réalistes.

        Il est vrai que des initiatives de coopération comme la zone industrielle de Kaesong et le tourisme au mont Kumgang ont existé dans le passé, mais depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, les relations intercoréennes sont devenues extrêmement difficiles à surmonter, et le nombre de familles séparées diminue considérablement.

        Beaucoup d’Occidentaux soutiennent la réunification des deux Corées en prenant pour référence l’exemple de l’Allemagne, mais l’écart économique entre le Nord et le Sud s’est considérablement creusé. De plus, leurs systèmes politiques et sociaux sont fondamentalement différents, ce qui signifie que même en cas de réunification, le coût économique pour la Corée du Sud serait immense.

        La question coréenne ne se limite pas aux relations intercoréennes mais est complexement imbriquée dans les intérêts des grandes puissances comme les États-Unis, la Chine, le Japon et la Russie, ce qui rend une solution indépendante difficile à envisager.

        Comme l’a souligné @arkao, la coopération économique et le partage des ressources entre les deux Corées seraient une alternative attrayante en théorie, mais il faut reconnaître la faible faisabilité de cette approche dans la réalité. Néanmoins, la nécessité pour la Corée du Sud de réduire sa dépendance aux grandes puissances et de développer une stratégie autonome demeure un point de vue essentiel.

        1. Avatar de arkao

          @Kikok
          Je ne pensais pas à une réunification mais plutôt à des échanges économiques de bon sens.
          C’est vrai que l’exemple allemand a de quoi refroidir les ardeurs. Un coût estimé entre 1500 et 2000 milliards d’euros, soit 4 à 5% du PIB par an mais quand même des frustrations aboutissant à un vote massif pour l’extrême droite dans les länder de l’ex RDA.

  5. Avatar de Garorock
    Garorock

    Le grand panda de Pangolie prendra Taiwan et la corée du sud dans son empire.
    C’est qu’une question de temps.

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Avant ou après que les USA se servent des bases anglaises pour fournir des renseignements à la Russie lors de son attaque balto-polono-germanique ?
      (cf le dernier billet de George Monbiot que je n’attendais pas vraiment dans ce registre :
      https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/feb/27/britain-defend-itself-us-military)

      1. Avatar de Garorock
        Garorock

        Après avoir négocié Taiwan avec Trump, Xi se servira de la corée du Nord et de Poutine pour récupérer une partie de la Corée du sud.
        Les mêmes plans peuvent servir plusieurs fois.
        Y’a pleins d’endroits avec de jolies plages…

        1. Avatar de Garorock
          Garorock

          Mais ne pas oublier qu’il y a toujours un Pangolin quelque part…
          😎

  6. Avatar de Tom
    Tom

    Est-ce que je suis le seul à trouver que PiBi et Kikok écrivent comme une IA ? Je ne sais pas si c’est voulu ou fortuit, mais personnellement, je trouve cela un peu gênant à lire à la longue (dissonant pour être exact). Si c’est une IA qui rédige, soyez aimable de le préciser.

    1. Avatar de ludyveen
      ludyveen

      Je viens de relire qq com et c’est troublant en effet, entre tournures de phrase, vocabulaire redondant et construction de paragraphe, on peut se poser la question…si ton hypothèse est bonne, bravo!

      1. Avatar de Paul Jorion

        Je viens de répondre à Tom. Je suis sensible à cette critique : à l’époque où j’étais enseignant à Cambridge j’utilisais en parlant un anglais bizarrement trop littéraire. Il s’agissait chez moi d’une surréaction à la critique qui m’avait été faite lorsque j’étais étudiant, lors de mon premier exposé, que mon anglais n’était pas de niveau suffisant pour un thésard à Cambridge. Quelle humiliation ! J’avais surréagi : je parlais désormais comme Thomas Hardy écrivait !

        – Did you say the stars were worlds, Tess?
        – Yes.
        – All like ours?
        – I don’t know; but I think so. They sometimes seem to be like the apples on our stubbard-tree. Most of them splendid and sound—a few blighted.
        – Which do we live on — a splendid one or a blighted one?
        – A blighted one.

    2. Avatar de JMarc
      JMarc

      Même impression sauf que, pour Kikok, seulement ses derniers commentaires
      (j’espère que ça ne sera pas trop vexant pour eux).

    3. Avatar de Paul Jorion

      Ce que vous écrivez là me rappelle ce qui s’est passé au moment où est sorti ChatGPT 4. Les enseignants se sont aussitôt affolés que l’évaluation devenait impossible et on a bricolé en vitesse un logiciel qui révélerait si l’auteur d’un texte était une intelligence artificielle ou naturelle. Las ! les personnes dont l’anglais n’était pas la langue maternelle se sont vues assimilées en masse à un LLM. C’est la surcorrection sans doute qui explique cela, qui donne un côté un peu « robotique » au texte. Du coup, bien sûr, le logiciel à la poubelle ! C’est sans doute cela qui a attiré votre attention.

      1. Avatar de Kikok
        Kikok

        @Paul Jorion,
        On nous dit : « Grâce à l’IA plus personne ne devra apprendre une langue étrangère ». Peut-être, mais on verra apparaître un nouveau genre de Blade Runner comme Tom, ludyveen et JMarc, traquant les « réplicants » dissimulés parmi les « de souche » : le racisme à bas bruit.

    4. Avatar de PiBi
      PiBi

      Je suis Coréenne, lorsque j’écris de longs articles, je le fais d’abord en coréen. Après j’utilise DeepL pour les traduire en français, puis je retravaille les phrases pour les affiner. Ma langue maternelle est très différente des langues latines en termes d’ordre des mots, de tours de phrase et de position des adjectifs dans une phrase.

      Il est possible que mon texte ne vous plaise pas entièrement. Cependant, étant donné le temps et les efforts que j’ai consacrés à l’écrire, « À quels critères faudrait-il répondre, selon vous, pour qu’il soit valable comme un texte écrit par un humain ? ».

      1. Avatar de Tom
        Tom

        Bonjour PiBi,
        je vous présente mes excuses à vous et à Kikok, je ne cherchais pas à être offensant. C’était une interrogation manquant certainement de réflexion, assez spontanée, comme dans une discussion (il parait que je suis parfois trop direct, même pour un français).
        Donc après réflexion.
        Comme l’a fait remarquer Paul Jorion, votre texte est parfait techniquement et je peux bien imaginer le temps que vous avez du y consacrer.
        Ce qui serait à « améliorer » c’est de réduire l’impression générale de décalage entre le niveau technique/lexical élevé et du coup l’absence de raccourcis dans l’expression ou de choix d’expressions typiquement françaises ou francophones qui sont généralement associées à une telle maîtrise technique chez un humain (et chez l’IA quand on lui demande désormais).
        Donc à la question « À quels critères faudrait-il répondre, selon vous, pour qu’il soit valable comme un texte écrit par un humain ? », je répond : rajouter du contexte (ce que vous venez de faire).
        Ça ne se joue pas à grand chose, ce n’est pas nécessaire de modifier le texte lui-même. A mon sens, mais ça n’engage que moi, pour un article dans une langue pour laquelle je ne serai pas natif, je le préciserai (et/ou le mode d’écriture particulier que vous avez décrit). C’est comme un signal qu’on envoie en plus au lecteur pour lui dire, c’est bon, ne fait pas attention au « petit bruit » inhabituel, voilà l’explication.

        1. Avatar de Tom
          Tom

          *Expressions ou tournures de phrases

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