Illustration par DALL·E
Votre dernier papier sur « Gaza Club Med, Ukraine partagée : que pense Xi Jinping de ce chaos géopolitique ? » m’amène à faire une remarque : Les gesticulations internationales de Trump ont toutes une caractéristique semblable : la stratégie du cliquet énorme. En toile de fond : pouvoir s’occuper pour de bon de la Chine économiquement et politico-militairement, les incendies d’ailleurs étant « maîtrisés ». En toile de fond de la toile de fond ? MAGA ! En toile de fond de la toile de fond de la toile de fond ? Moi, Trump, je prouve ma valeur et nourris mon ego pour contrebalancer l’absence de reconnaissance de mon père.
Gaza ? Marre de ce bourbier bloqué depuis des décennies !
- On menace les uns d’un enfer si pas de signe visible de changement, on annonce une énormité d’annexer Gaza pour en faire un club med, etc.
- Au final on pousse les Arabes à s’engager fissa sur une reconstruction à leurs frais, à faire disparaître le Hamas, on encourage Israël à prêter davantage allégeance pour souligner le bienfondé de sa tutelle US, etc.
- Résultat : en provoquant et menaçant de l’apocalypse, on force les acteurs à bouger ET à financer ce qui doit l’être en lieu et place des US. Les acteurs positionnés derrière cette guerre sans fin sont finalement contraints de modifier leurs positions.
L’Ukraine ? On négocie directement avec le Kremlin, excluant à la fois les premiers concernés : l’Ukraine et les Européens et toutes les instances internationales (ONU, etc.). Toutes les règles sont bafouées, peu importe pourvu qu’on atteigne le résultat.
- Au final ? Selon les positions des uns et des autres, on force l’Ukraine et les Européens à bouger franchement et négocier en urgence une post-paix au moins provisoire. Tant pis pour le droit international, au moins la paix sera maintenue, les européens ne veulent pas de guerre sur leur continent, ils y veilleront assurément… Pas faux. Mais oubliée la stratégie d’expansion de l’OTAN voulue et forcée par les US alors même que le mur de Berlin était tombé et la paix revenue !
Oubliée la déstabilisation assumée de l’UE, ensemble économique plus important que les USA, afin de pouvoir s’occuper… de la Chine…
L’Etat US en faillite ? Contestable ou non, c’est l’opinion du moment, fut-elle adossée à une idéologie libertarienne encore plus contestable. Signer des décrets à la chaîne, lâcher Musk pour les exécuter à vive allure et brutalement… Au moins ce sera fait et difficile de revenir en arrière. Cliquet encore ! Mais guerre civile en vue.
Panama ? Face aux besoins de faire circuler librement les navires US de la côte Ouest à la côte Est, rien de tel que d’annoncer une annexion en vue pour dénoncer une mainmise chinoise sur les infrastructures portuaires du canal (vrai), ce qui contrecarre l’objectif de pouvoir affronter la Chine sans entrave !
- Finalement ? Sans doute un retrait partiel ou total des Chinois sur les ports panaméens, et l’obtention d’un tarif préférentiel symbolique pour le fret inter-costier US.
Les immigrés mexicains, l’énergie abondante du Canada, le Groenland, etc. La liste s’allonge à l’infini, avec toujours le même modus operandi.
La technique est claire : lancer une bombe diplomatico-géo-politicienne
À bien y regarder, la méthode porte certains fruits, c’est indéniable. Surtout face au plus faible.
Mais pour plus puissant ? Est-ce que les USA auront les moyens d’affronter l’empire asiatique une fois les autres incendies maîtrisés ? Auront-ils les moyens de concentrer leurs énergies sur leur nouvel ennemi fabriqué de toute pièce par leur imaginaire ? Quand est-ce que la Chine a envahi un autre pays ?
Vont-ils cette fois pousser le Japon vers de nouvelles aventures chimériques ? D’autres pays utilisés en proxi pour affaiblir le nouveau péril jaune ? Sans doute, c’est leur bonne vieille méthode.
Mais en interne ? L’Amérique aura-t-elle encore la force de combattre, puisque c’est un but annoncé ? Le risque est très grand : la société américaine est malade, très malade, au bord de l’implosion même. Elle se délite, elle est fatiguée. Elle se protège d’invasions fantasmées. Elle se fabrique des ennemis extérieurs à combattre car elle ne sait pas fonctionner autrement, toute portée qu’elle est par ses mythes fondateurs idylliques mais mensongers, sa destinée manifeste soutenue par une matrice religieuse devenue inexistante (Emmanuel Todd).
Quelle guerre extérieure les USA ont-ils gagnée seuls depuis 1945 ? Aucune, sauf à Grenade ! Vous pouvez vérifier. Quelle image ce miroir leur renvoie-t-il alors que le pays est obèse de richesses et malade ? Ainsi mourra l’empire ? incapable d’utiliser sa puissance phénoménale à bon escient et de sauver la planète qu’il considère – de façon pathologique – comme une seule et unique ressource destinée à lui seul ?
Illustration par DALL·E
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