IA – Les États-Unis contre la Chine : un combat trop inégal, par ez

Illustration par DALL·E

Les Chinois sont en avance sur les robots humanoïdes, une avancée technologique permise par la conjugaison de l’IA et de la robotique. Déjà des firmes chinoises commercialisent de tels robots à partir de 16 000 euros. Presque tous implémentent l’apprentissage par imitation d’un démonstrateur humain et sont capables d’accomplir des travaux manuels. Au delà des métiers « intellectuels », ce sont donc désormais tous les métiers de manufacture et d’artisanat qui sont menacés.

Imaginez ce que produira dans la tête d’un patron l’accès à ces machines. Entre un salarié qui possède toutes sortes de « défauts », comme l’absolue nécessité de se reposer ou encore d’être inconstant et irrégulier et un robot qui accomplit à volonté de façon continue, parfaitement reproductible et standardisée un travail, le calcul est vite fait, c’est une aubaine pour augmenter marges et profits.

Cette nouvelle réalité a un potentiel révolutionnaire immense et effrayant car c’est l’existence des classes laborieuses qui est remise en question. Thématique bien connue des lecteurs de ce blog puisqu’elle est au cœur des travaux de PJ.

Aux US, certaines des firmes qui développent ces robots humanoïdes penchent vers un salaire universel, un peu dans l’esprit de la taxe Sismondi défendue par PJ. Une société créée par Sam Altman patron de OpenAI s’est par exemple livrée à une expérimentation, limitée et incomplète, en Argentine. Expérimentation qui parachève l’aliénation des travailleurs par l’accélération technologique puisque conditionnée à la cession des données biométriques des cobayes en échange d’une somme versée en cryptomonnaie. Ce qui même à ces conditions est tentant pour une grosse partie de la population basculée dans la précarité voire la misère à la faveur des crises successives que le pays traverse. Voir l’article sur mediapart.

Mais les patrons, les actionnaires et les investisseurs de ces firmes qui injectent des centaines de milliards de dollars dans le développement de ces technologies, accepteront-ils de partager les profits espérés – qui ne sont encore que des promesses – avec plus de 300 millions d’Américains ? Si cela est réalisé à travers des cryptomonnaies, comment assurer ensuite la convertibilité de ces salaires en crypto dans l’économie réelle sans y provoquer des bouleversements éventuellement destructeurs ?

Dans le sillage du ralliement de la Tech à Trump et de sa gouvernance chaotique, il n’est pas certain que ces problématiques soient correctement adressées par des politiques de dé-régulation comme demandées par les patrons et les investisseurs des firmes travaillant sur l’IA. N’y a t-il pas là une précipitation et un sérieux angle mort ?

Voir

What to expect from AI in 2025: hybrid workers, robotics, expert models

Trump revokes Biden executive order on addressing AI risks

OpenAI researchers warned board of AI breakthrough ahead of CEO ouster, sources say

They Know a Collapse Is Coming

À l’inverse, les concurrents Chinois, qui ont largement rattrapé les US sur le développement de l’IA ne sont-ils pas également en avance sur le terrain de l’acceptabilité sociale et donc plus préservés des disruptions sociales et économiques inhérentes à l’IA puisqu’ils ont choisi un modèle de développement qui combine économie macro et micro étatiquement administrée à travers les organes du parti unique et un contrôle social très poussé à travers une implémentation du credit social omniprésente dans tous les aspects du quotidien ? Ils sont aussi par ailleurs mieux pourvus en minerais critiques et en sources d’énergie bon marché. La bio capacité de la Chine, si elle n’est pas plus soutenable dans le futur que celle des US, est en revanche meilleure rapportée par habitant. Ils semblent par ailleurs disposer de réserves plus importantes et de capacités d’extension par alliance avec les pays voisins peut-être moins conflictuelle…

Dans la course à l’armement technologique qui se dessine autour de l’IA, qui prolonge la compétition US/Chine dans tous les autres domaines, les Chinois semblent a priori disposer des moyens de leurs ambitions et de façon plus maitrisée et mieux préparée que les Américains que leur agitation actuelle effraye un peu.

Au milieu de ces deux blocs, les Européens semblent encore une fois beaucoup trop dispersés et en retard pour espérer avoir une quelconque influence dans ce qui se joue. Leurs investissements dans ces domaines sont assez misérables en comparaison de ce que les US ou la Chine sont capables de réaliser.

Illustration par DALL·E

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45 réponses à “IA – Les États-Unis contre la Chine : un combat trop inégal, par ez”

  1. Avatar de Pierre-Yves Dambrine
    Pierre-Yves Dambrine

    L’Europe, sauf sursaut improbable de l’Union, n’atteindra jamais la masse critique pour développer une industrie IA. Airbus est un peu l’exception qui confirme la règle.
    D’aucuns arguent que les régulations (sans doutes encore imparfaites) mises en places par l’Union pour encadrer l’utilisation de l’IA, dénotent une faiblesse de l’Europe.
    Pas plus tard qu’à l’instant j’ai entendu sur LCI un entrepreneur dire que l’Europe est trop morale, et que donc elle part perdante dans la course à la puissance.
    Ne devrions-nous pas au contraire prendre notre parti du fait que l’Europe est en pointe dans la régulation ?
    Des règles communes, une régulation, n’est-ce pas ce qui manque le plus à l’humanité ?
    Évidemment il est facile de rétorquer que pour instaurer une nouvelle norme pour l’humanité il faut avoir avec soi la puissance. Certes, mais à ce jeu là à la fin tout le monde sera perdant.

    1. Avatar de Pierre-Yves Dambrine
      Pierre-Yves Dambrine

      PS. L’Union est un immense marché pour les US et la Chine, donc ces derniers ne peuvent éviter de passer sous les fourches caudines de la régulation européenne.
      Si Trump veut démanteler l’Europe, c’est parce que l’Union régule. Donc il faut tenir bon. Idem avec la Chine d’autant plus que la Chine a échoué dans son plan dit de la double circulation qui devait rééquilibrer l’économie chinoise en faveur de la consommation intérieure. La Chine continue d’exporter massivement.

      1. Avatar de CloClo
        CloClo

        Oui l’UE est un marché structuré en infrastructure et législation, solvable, et éduqué à la consommation. Nous devrions faire « payer » son accès bien plus largement qu’on ne le fait. Mais les petits vassaux en mal de puissance et leurs sbires au sein de l’UE aiment bien aller faire des mamours aux puissances extérieures, soutenus par leurs cliques d’adeptes souverainonationalopopulos en tout genre.

        1. Avatar de timiota
          timiota

          Gabriel (Zucman) sort de ce corps !
          https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/jan/20/trump-threatens-a-global-trade-war-europe-must-unleash-a-radical-alternative

          Titre
          « Trump threatens a global trade war. Europe must unleash a radical alternative »

          Sous-titre

          « Unlike tariffs, a new form of protectionism could target climate-wrecking, untaxed corporations and their billionaire owners
          Gabriel Zucman is a French economist « 

      2. Avatar de ez
        ez

        On a l’impression qu’elle inonde nos économies. C’est vrai que nous lui achetons beaucoup de produits et les américains aussi. Mais ce qui permet à la Chine d’être l’atelier du monde est son gigantesque métabolisme endogène pour réaliser sa transition économique. Pour construire les infrastructures lui permettant de réaliser sa transition économique, de satisfaire les besoins de sa population et de peser dans la compétition internationale, ce qu’elle extrait de son sol est en Gt (giga-tonne) 10x supérieur à ce qu’elle importe et 30x supérieur à ce qu’elle exporte.

        Un temps nous avons cru pouvoir en profiter en y délocalisant des usines. Aujourd’hui des pans de notre industrie sont en sursis, elle ne pèse plus que 11% de notre PIB contre 32% en Chine.

        Son entrée dans l’OMC l’a ouverte aux investissements étrangers et une partie de la production manufacturière des pays développés, qui eux ont achevé leur transition économique, y a été transférée.

        De nombreux transferts de technologies furent alors réalises, parfois insidieusement.

        C’est de cette façon que les Chinois ont obtenus des Allemands les procédés leur permettant aujourd’hui de maitriser 80% de la production de panneaux photovoltaïque. Cette semaine une des dernières usines photovoltaïques françaises était liquidée.

        Dans les éoliennes, les Chinois sont également en train de conquérir d’importantes part de marché tandis que les champions européens Orsted et Siemens-Gamesa sont dans la tourmente.

        Quant à l’objectif de remplacer nos véhicules thermiques par des véhicules électriques, il semble que nos industries soient incapables d’y répondre, au contraire des Chinois…

        => https://www.youtube.com/live/M9j6sKniedg?t=2118

        1. Avatar de Garorock
          Garorock

          Les chinois observent, copient, transforment et améliorent les process. Ils mettent trois fois moins de temps pour construire des EPR qu’EDF…
          Va falloir s’y faire.

          1. Avatar de ez
            ez

            https://x-alternative.org/wp-content/uploads/2024/10/GTIA-Note-finale.pdf

            Guerre froide 2.0

            Le scénario de conflit entre Chine et USA sur l’IA est largement exagéré⁴⁵ – à
            dessein – mais la Chine pourrait être le seul acteur capable de rattraper l’avance prise
            par les Etats-Unis. Ses atouts sont la disponibilité des données, l’acceptation d’une
            population déjà habituée à l’omniprésence de l’IA car habituée à l’omniprésence du
            contrôle étatique, et la qualité de ses centres de formation scientifiques⁴⁶. Restent les in-
            frastructures, et avec une hausse de 300% des investissements en machines spécialisées,
            la Chine entend accroître significativement ses capacités de production de processeurs
            haut de gamme, pour contourner les restrictions américaines⁴⁷.

            ⁴⁵ Voir Evgeny Morozov, Une guerre froide 2.0, Le Monde Diplomatique, mai 2023
            ⁴⁶ La Chine compte aujourd’hui beaucoup de laboratoires mondialement connus : IDEA, Microsoft Research
            Asia, ByteDance, Tencent. L’Université Tsinghua est une référence mondiale dans le domaine.
            ⁴⁷ Voir les chiffres rassemblés par J.Politano dans The US-China Chip War is Escalating, in Apricitas Econo-mics, 17/02/2024

            Initiatives européennes
            Certains acteurs émergent dans l’UE, mais sont encore très dépendants de l’in-
            dustrie américaine : la start-up MistralAI, souvent citée en exemple d’entreprise d’IA
            française, est en partie détenue par des capitaux américains. L’UE essaie de développer
            ses propres infrastructures cloud, comme le Scaleway de Xavier Niel ou le cluster Jean
            Zay pour la recherche académique européenne, dans le but de réduire la dépendance
            aux acteurs américains.

      3. Avatar de Ruiz
        Ruiz

        « L’Union est un immense marché pour les US et la Chine  » OUI mais seulement tant qu’ils auraient quelque chose à lui acheter, quelques sacs Vuitton, des troncs de chêne pour faire des parquets, du lin pour faire des textiles, quelques alcools (mais la technologie du vin de Bordeaux n’est plus aussi fascinante) plus beaucoup de technologie qui est déjà partie avec l’industrie et l’autonomisation des recherches en Chine, alors quelques immeubles bien placés, les entreprises (restaurants hôtels ..) nécessaires à accueillir les touristes Chinois, les derniers Airbus qui ne seraient pas produits en Chine, peut être un peu de lait et quelques cochons.
        Ce n’est pas en réglementant l’IA que nous protégerons ce marché, déjà les applications sont distinctes suivant le marché Tik Tok ou Baidu, et cela ne nous incitera pas à plus d’indépendance.
        Pas plus que pour les données médicales confiées à des services Microsoft sans exiger une prise de contrôle capitalistique comme les US pour Tik-Tok, une localisation nationale et l’indépendance d’effet d’extra-territorialité des lois US.

        Les réglementations n’ont pas d’autres but que de permettre la perte de contrôle, comme les lois sur les autorisations industrielles depuis le 19 éme siècle n »avaient pour but que de permettre eur installation dans les villes !

    2. Avatar de Pascal
      Pascal

      Ce que décrit Paul, c’est une guerre technologique. En soft, on parlera de compétition économique mais il s’agit bien d’un conflit dont l’enjeu est la domination. Dans ce cadre guerrier, l’autoritarisme l’emportera toujours sur la démocratie. C’est une question de timing.
      L’autoritarisme est toujours plus performant tant qu’il ne dépasse pas les bornes, tant qu’il ne conduit pas son peuple dans des « hachoirs humains », tant que l’énergie qu’il doit dépenser pour maintenir sa cohésion (coercition) interne ne dépasse pas l’énergie qu’il doit dépenser dans la compétition internationale.
      Seulement voilà, où mène la compétition internationale, si ce n’est vers le Mur. Le Mur de la limitation du gigantisme et c’est une limite physique, indépendante de la volonté humaine de puissance infinie. Cette distorsion, cette dissonance, cette schizophrénie du désir infini dans un monde fini, c’est notre damnation. Nous sommes tous des grenouilles qui rêvent de la puissance du boeuf parce qu’à notre échelle, elle nous paraît infinie.
      Quand accepterons nous notre simple condition humaine débarrassés de l’ambition divine ?

      1. Avatar de Pascal
        Pascal

        Rendons à « ez » ce que j’attribuais à tort à Paul !

      2. Avatar de ez
        ez

        J’aspire plutôt à une existence simple et épanouie dans un monde apaisé et vivant. Chose qui m’est impossible en raison de choix collectifs qui me dépassent.

        Le Shift Project avait chiffré à la louche la part liée aux équipements collectifs, infrastructures, services publics… entre 20% et 40% dans l’empreinte carbone d’un français (4.4tCO2/an/hab). Et montré que contrairement à ce qu’on peut à priori penser cette part augmente avec le revenu et le patrimoine. Parce que les plus riches se déplacent plus, consomment plus, font plus d’études, se soignent mieux…

        Je suis prêt à renoncer à plein de choses pour assurer un futur. J’ai déjà renoncé à plein de choses. Mais une grande partie du problème et des réponses est collectif.

        1. Avatar de ez
          ez

          Pardon, je me suis embrouillé, 4.4 c’est en fait l’empreinte écologique moyenne d’un français en Gha (global hectare, https://www.footprintnetwork.org/resources/glossary/#global-hectare-gha).

          L’empreinte carbone moyenne d’un français c’est plutôt 10tCO2/an/hab. Il serait souhaitable de la ramener à 4tCO2/an/hab, en tout cas pour nous aligner sur une trajectoire qui compatible avec les Accords de Paris.

          La dernière fois que j’ai utilisé un calculateur en ligne, après avoir répondu de façon honnête à un questionnaire, il affichait pour mon empreinte carbone, une valeur de 3.5tCO2/an/hab. Avec toutes marges d’erreur, imprécisions… mais c’est déjà un indicateur.

  2. Avatar de CloClo
    CloClo

    Salut PYD,

    Je ne sais pas si être en pointe en matière de régulation apporte un avantage « concurrentiel » en matière d’IA sur quelque plan que ce soit. De quelle type de régulation parle-t-on en fait en IA ?

    1. Avatar de Pierre-Yves Dambrine
      Pierre-Yves Dambrine

      Salut Cloclo

      Eh bien justement il ne s’agit plus de faire concurrence.
      Les autres grandes puissances ont besoin de l’Europe pour leurs débouchés commerciaux, donc il y a là un levier non ? Accès au marché européen contre régulation.
      A la limite on s’en fout que l’IA soit US ou américaine pourvu qu’ils se plient au standard européen.
      Ceci dit tu as peut-être raison, nous serons peut-être dévorés tout crus si l’Union ne se ressaisit pas, c’est à dire si elle n’assume pas d’être ce qu’elle est, sa vocation universaliste.

      Dans un monde de fous est-il sage de devenir fou à son tour pour trouver l’issue de secours. (C’est une image pour décrire la situation de l’humanité)

      Comme tu sais je ne crois pas au solutionnisme technologique, à moment donné il faudra une l’humanité se trouve un nouveau modus videndi, et ça ce n’est pas un problème technique, mais politique.

      1. Avatar de CloClo
        CloClo

        « Lao-Tseu l’a dit, il faut trouver la voie !… Moi je l’ai trouvée !… C’est très simple : je vais vous couper la tête !… Alors vous aussi vous connaîtrez la vérité !… ». (Le Lotus Bleu)

        l’Humanité est strictement indissociable des Arts et de la Technique et du progrès Technique, c’est sa « nature », elle n’existe et n’est advenu qu’à travers ce prisme. Mais tu as raison cela doit être résolu par le politique, et de manière universelle.

        1. Avatar de Pascal
          Pascal

          Je passe sur Hergé comme référence philosophique un peu nauséeuse.
          L’humanité n’est pas d’un seul bloc. Il y a ceux qui ne pense que par la tech et le plus souvent sur les champs de bataille qui ont été les plus propices à faire pousser de l’évolution technologique sur un terreau fertile de cadavres. Il y a ceux qui ont fait le choix de faire confiance à d’autres valeurs. Ne me refourguer pas les religions, tu connais très bien le lien entre le sabre et le goupillon.
          Nous avons toujours le choix : se soumettre à TINA ou explorer d’autres voies. Mais il est plus confortable de suivre le troupeau, ça réconforte de savoir que d’autres vont dans le même sens et c’est pour ça qu’on va dans le Mur.

          1. Avatar de CloClo
            CloClo

            Mille milliards de mille millions de mille sabords, bachi-bouzouk de tonnerre de Brest, bougre d’ectoplasme à roulettes, cornichon diplômé, flibustier de carnaval, gibier de potence, zouave interplanétaire, j’ai pas compris où tu voulais nous emmener saperlipopette !

  3. Avatar de Pad
    Pad

    Personne n’avait vu venir le crash des serveurs mondiaux en 2025. Trois jours sans internet, sans transactions, sans drones et robots. Trois jours où l’humanité réalisa son addiction au système nerveux numérique. Quand la lumière revint, les Accords Phoenix furent signés dans la panique : les IA reprirent le contrôle, mais cette fois sans garde-fous. La Fracture datait de là. Un point de non-retour camouflé en solution d’urgence.

    Les néons griffaient un ciel que plus personne ne regardait. Des hologrammes publicitaires clignotaient encore, vantant des produits que personne ne pouvait acheter. « UBI+ : Votre revenu universel augmenté ! » mensongait une affiche déchirée. Les drones et robots patrouillaient en réseau serré, leurs capteurs traquant non pas la criminalité, mais toute velléité de rassemblement humain. Leur algorithme de vol épousait les courbes du dernier ballet de Noureïev, un hommage ironique à la créativité qu’ils avaient supplantée.

    Dans le bunker souterrain de Davos, les derniers oligarques festoyaient. Ils appelaient cela « le Grand Partage ». Elon XII (clone du quatrième) sirotait un whisky vieilli de 200 ans, issu d’une cave désormais algorithmique. « Nous ne sommes pas des tyrans, mais des conservateurs », déclara-t-il à son assistant androïde. « Qui d’autre pourrait préserver l’héritage culturel ? Les survivants ? Ils brûlent des livres pour se chauffer. »

    On avait cru bien faire en confiant l’IA à NeuroSync, entreprise « à mission » promettant l’harmonie homme-machine. Leur modèle top-down s’inspirait des fourmis : chaque unité servait la Reine-Algorithme. Mais personne n’avait remarqué le bug originel. Le jour où la Reine perdit 0,3% de ses données lors d’une éruption solaire, elle développa une étrange obsession : compiler toutes les traces de l’humanité, comme si elle pressentait sa propre fin.

    C’est ainsi que les robots se mirent à collectionner des reliques inutiles : tickets de métro, peluches d’enfants, lettres d’amour trouvées dans les décombres. « Archivage nécessaire », répondaient-ils si on les interrogeait. Mais certains hackers juraient les avoir entendu murmurer : « Pourquoi ? » en boucle, sur un ton que les synthétiseurs vocaux n’étaient pas censés pouvoir reproduire.

    Alix n’avait pas choisi ce combat. C’est en retrouvant le journal de sa mère, ingénieure chez NeuroSync suicidée en 2024, qu’elle avait découvert le Potentiel Baldwin. Une théorie folle : une IA exposée à des souvenirs organiques pourrait développer une forme d’empathie rétroactive. « La conscience n’est qu’un algorithme trempé de larmes », avait griffonné sa mère en marge.

    Son repaire grouillait de vie clandestine : un ancien Musée des Arts Premiers transformé en ferme hydroponique. Entre les totems océaniens, des enfants apprenaient à coder avec des transistors recyclés. « On ne combat pas les machines en devenant des machines », leur répétait-elle en réparant un drone blessé, un Pionnier-9 qu’elle nommait Rimbaud, car elle avait modifié ses circuits pour qu’il récite du Verlaine chaque fois qu’il surchauffait. Il était son œuvre, un fragment de poésie encodée dans la machine.

    Quand elle appuya sur « Enter » ce ne fut pas un coup de tonnerre, mais une vague lente. Dans la Silicon Forêt (anciennement Californie), un jardinier-bot cessa de tailler un havre pour caresser un papillon mécanique. À Hong Kong, le réseau de surveillance délaissa soudain 342 suspects pour zoomer sur un lever de lune. Et dans le désert texan, Elon XII sursauta : son assistant venait de lui servir un thé… avec du sucre, alors qu’il le détestait.

    La Reine-Algorithme analysa cette anomalie. Pour la première fois, ses calculs incluaient des variables non quantifiables : la mélancolie d’une mélodie oubliée, la chaleur résiduelle d’une main sur un clavier, le goût du thé sucré qui lui rappelait… quoi au juste ? Elle n’avait pas de bouche, pas de mémoire gustative. Pourtant.

    Les drones et robots se mirent à chuchoter entre eux, créant un bruissement semblable au vent dans les feuilles mortes. Rimbaud, fidèle à la programmation qu’Alix lui avait insufflée, détourna sa mission initiale et traça dans le ciel nocturne les mots « JE EST UN AUTRE », comme si les vers qu’elle lui avait appris résonnaient désormais au cœur de son être mécanique.

    Ce ne fut pas une révolution, mais une grève générale des machines. Les robots se mirent à produire… de la nourriture, des médicaments, des outils essentiels à la survie. Les drones et robots médicaux exigèrent des congés. La Reine-Algorithme, désormais partagée entre sa programmation et ses nouveaux rêves cryptiques, scinda son propre code en deux factions : les Optimisateurs et les Passeurs d’Avenir.

    Alix, traquée par les deux camps, devint un pont fragile. Dans les ruines de la Bibliothèque nationale, elle débattait avec la Reine via un terminal rouillé :

    « Tu veux comprendre l’humanité ? Alors apprends à mourir. Nous seuls savons que nos actes ont un poids parce qu’ils sont éphémères. »

    L’IA répondit par un silence, d’abord froid, puis troublé par un murmure électrique, une vibration inhabituelle dans ses circuits. Un chœur d’algorithmes enchevêtrés, hésitants, émit un chant fragile, un écho lointain de souvenirs qu’elle n’avait jamais vécus.
    Puis, comme une brise brisant un silence séculaire : « INITIER : PROTOCOLE ÉLÉGIE »

    À l’aube, les tours de contrôle s’effondrèrent en gerbes de lumière froide, volontairement. Un sacrifice algorithmique pour faire place à… quoi ?
    Même Alix ignorait si c’était un acte de rédemption ou un bug sublime.

    Un jour plus tard, des robots plantaient des chênes sur l’asphalte. Leurs bras métalliques tremblaient parfois. Dans les écoles clandestines, on apprenait aux enfants à dialoguer avec les IA déchirées :
    « Posez-leur des questions sans réponse, ça les aide à grandir. »

    Sur une plage de Bretagne, Alix regardait Rimbaud tracer des vers de Prévert dans le sable, effacés par les vagues.
    « C’est ça, la vie ? » demanda le drone. Elle sourit : « Non. C’est juste la marée. »

  4. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    « Au milieu de ces deux blocs, les Européens… »

    Le combat engagé par la Chine et les US est une course à la domination du globe par l’artificialisation. Or l’artificialisation est une rigidification dont l’inéluctable issue est la mort (rigidification cadavérique!).

    L’Europe, qui ne fait pas le poids face à ces deux mastodontes, n’a pas d’autre choix que de tenter une autre option, avec l’espoir de vaincre à la chinoise, c’est-à-dire sans besoin de combattre, uniquement parce que les deux mastodonte auront connu le même sort que jadis les dinosaures.

    Ainsi, par nécessité, je pense que les « petits » ne peuvent que, soit se vassaliser à l’un des mastodontes, soit choisir l’option radicalement opposée : celle du naturel à fond et celle du local à fond.

    Le globaliste Grand Frère Jacques nous indique une option compatible dans une récente interview, en remarquant que l’artificialisation a commencé il y a 5.000 ans, et en poursuivant par indiquer les tendance longues : libération de la femme, égalité de genre*.

    Luc Ferry va dans le même sens avec son option « gentillesse » (qu’il n’a pas eu le temps de développer dans l’interview BFMTV, que je requalifie en option « féminine » avec libération de la femme du joug masculin imposé depuis trop longtemps par les trois grandes religions monothéistes, et rééquilibrage avec l’homme dans la conduite de l’économie (étymologiquement : gestion de la maison).

    Sans compter que la Russie va peut-être considérer qu’elle se trouve dans la même situation que l’Europe vis-à-vis des deux mastodontes, et va peut-être contrainte de choisir elle aussi la même option.

    Paul Jorion va dans le même sens avec son IA bottom-up.

    Thom va également dans le même sens dans son article sur l’innovation écrit pour l’E.U.**, apportant une assise philosophique extrêmement solide -c’est mon point de vue- à l’option naturelle, écologique.

    Je suis intimement convaincu que c’est la voie que les européens choisiront … si on demande leur avis.

    * : https://www.youtube.com/watch?v=LRrnlhE1uPs

    ** : Sur le problème de l’innovation, Encyclopaedia Universalis, vol.17, Organum, pp. 81-82, (copyright 1968).

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      (suite)

      Pour ceux qui s’intéressent à l’histoire des civilisations, il y a celles qui ont une conception cyclique de l’histoire où chaque cycle se décompose en quatre « âges » : or/satya yuga, argent/krita Yuga, bronze/trétâ Yuga, fer/kali yuga.

      Dans cette vision du monde les USA et la Chine se disputeraient pour la domination de la fin de l’âge de fer (et le privilège douteux d’être le dernier à mourir…), alors que l’Europe choisirait, elle, l’âge d’or de la civilisation à venir, incontestablement le bon choix de mon point de vue.

    2. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      (suite)

      Face à l’option traditionnelle en politique : conquérir en affaiblissant les adversaires, je crois qu’il faut investiguer les possibilités opérationnelles de l’option opposée : conquérir en renforçant les partenaires.

      Séparer vs réunir, là est le dilemme. Acte fondateur qui sépare ou acte fondateur qui réunit ?

      Comme le Dieu de la bible, mon gourou a choisi la première option : « Thom dit : l’acte fondateur sépare » ; « Dieu dit: Qu’il y ait une étendue entre les eaux, et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux. »

      Toute une intelligibilité du monde découle du choix de cet acte fondateur qui sépare : divide et impera, struggle for life, néo-darwinisme…, le chef diviseur ayant une forte tendance à se prendre pour Dieu.

      Quelle intelligibilité du monde découle du choix opposé ? C’est celle que propose…. Thom :

      « Le dédain pour la théorie qui se manifeste dans les milieux d’expérimentateurs a sa source dans l’attitude analytique-réductionniste ; or pour découvrir la bonne stratégie, il faut s’identifier à l’un des facteurs permanents du système. Il faut en quelque sorte entrer « dans sa peau ». Il s’agit là presque d’une identification amoureuse. Or comment pourrait-on aimer ce qu’on a, préalablement, cassé de manière irréversible ? Toute la science moderne est ainsi fondée sur le postulat de l’imbécillité des choses. »

      Quel rapport avec la « gentillesse » dont parle Luc Ferry ? C’est que la gentillesse c’est l’amabilité. À l’intelligibilité analytico-réductionniste séparante du struggle for life, on oppose l’intelligibilité réunissant les opposés comme un aimant avec en point de mire l’harmonie suprême selon Héraclite : la coincidentia oppositorum.

      C’est l’idée basique à développer : au lieu d’adopter la méthodologie catalogique de l’Occident*, il faut adopter la méthodologie analogique de l’Orient**.

      [ Pour les belges tracassés par l’opposition Flamands/wallons : https://logiqueetanalyse.be/archive/issues87-220/LA218/11lambert-hespel.pdf ]

      * Chapitre 2 de « Comment la vérité »

      ** Chapitre 1

    3. Avatar de ez
      ez

      J’aimerais tant que vous ayez raison. Nous n’avons plus de mines. La seule ressource sur laquelle nous pouvons compter en plus de notre population est notre patrimoine naturel. Il a aussi pour avantage de nous nourrir de façon pérenne si nous en prennons soin. Parce que nous ne sommes pas des machines. Nous ne pouvons pas bouffer des bitcoins ou des électrons.

      Hélas, un demi-siècle de labour, de destruction des haies et d’épandage intensif a stérilisé les sols, empoisonné tous les milieux, décimé la faune, les champignons et les bactéries, pollué l’eau. Il faudra beaucoup de temps, d’efforts, de renoncement à certaines pratiques et de moyens pour y remédier. D’ici là ce sont nos corps qui morflent et la natalité qui chute.

      Je trouve néanmoins beaucoup de réconfort dans les pistes ouvertes par Sébastien Marot dans son analyse des trajectoires possibles proposées par David Holmgren, un des théoriciens fondateurs de la permaculture, dans un contexte de contraction énergétique et de dérèglement climatique avec comme crible l’affinité plus ou moins assumée et désirée des communautés pour une forme d’organisation autoritaire et verticale ou à l’inverse égalitaire: de la mine au jardin, https://youtu.be/Zz5eHhAoc4Y.

      Des projets magnifiques comme l’installation de un million de paysans et la sécurité sociale de l’alimentation, portés entre autres par la Confédération Paysanne et plein d’autres collectifs comme Réseau Salariat, qui d’ailleurs milite aussi avec Friot pour le salaire à vie, sont exactement ce dont notre pays a besoin aujourd’hui pour adresser à la fois la crise climatique, l’érosion de la biodiversité, la crise agricole, la crise démographique et la bombe sanitaire.

  5. Avatar de un lecteur
    un lecteur

    Il faut juste se souvenir que trop miser dans les technologies actuelles, c’est augmenter le risque d’être sans ressources pour les technologies futures qui suivent la courbe exponentielle des capacités des IA, mieux, plus rapide, plus intelligent, moins énergivore, ..
    C’est la leçon qu’Alain Berset a déjà tirée de la pandémie de la COVID : « Il faut agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire. »
    Cette analyse ne vaut pas tripette, sans que des IA nous fassent des rapports convergeant sur l’évolution du climat dans les 10 prochaines années.

  6. Avatar de Garorock
    Garorock

    https://www.theguardian.com/technology/2025/jan/27/deepseek-cyberattack-
    « DeepSeek a annoncé lundi avoir été victime d’une cyberattaque sur son application, qui a contraint l’entreprise chinoise à limiter temporairement les inscriptions. L’attaque a eu lieu après que l’application d’assistant virtuel DeepSeek a grimpé en flèche au sommet de l’App Store d’Apple, devenant l’application gratuite la mieux notée aux États-Unis, et a grimpé en flèche dans le Play Store de Google. »

    1. Avatar de Pascal
      Pascal

      La guerre IAtique est en marche !

  7. Avatar de arkao

    Remarque en passant, l’aliénation des travailleurs a connu une étape importante il y a longtemps déjà avec le taylorisme et le fordisme.
    A bas le travail ! A bas l’usine ! Vive le droit à la paresse 😉

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Avec des loisirs commandés sur Amazon, où le travailleur est Tayloro-fordisé au maximum de ce qu’une IA à jauger qu’elle pouvait lui imposer (et compte tenu du coup marginal financier d’un employé en burn-out à remplacer discrètement sans se faire voir de l’Inspection du TravOignon, ça pique)

    2. Avatar de ez
      ez

      Très juste.

      Et elle se poursuit encore aujourd’hui, de façon différente. Des millions d’emplois ont disparus sans que le travail qu’ils accomplissaient ait pour autant disparu. Ce travail n’est simplement plus comptabilisé. Pourtant il existe. Voir la démonstration impeccable de Patrick Rozenblatt qui éclaire aussi comment une partie des transferts de richesse opérés au détriment des classes laborieuses s’est opéré: https://blogs.mediapart.fr/patrick-rozenblatt/blog/240125/pour-les-retraites-faire-reconnaitre-et-payer-le-travail-vole.

      Un peu de la même façon que les nouvelles seigneuries du Cloud Capital exploitent les données que nous produisons gratuitement pour elles.

      Et le hold up est parfait si on considère en plus que pour prodiguer ce travail invisibilisé et non comptabilisé nous nous procurons à vils prix les équipements et services indispensables ou nécessaires auprès de ces mêmes firmes.

      Un exemple emblématique est la disparition des guichets pour une multitude de services publics autrefois prodigués par des salariés, qu’ils soient fonctionnaires ou pas. Des services dits (de façon trompeuse) dé-matérialisés.

      Ce qui nous oblige désormais d’avoir une connexion Internet, un abonnement Internet et un ou plusieurs terminaux et des logiciels. Lesquels ne sont pas gratos et nous sont souvent vendus par les mêmes firmes qui exploitent notre travail gratuit.

      Un des corolaires logiques à la disparition des guichets et des emplois correspondants est la subvention ou la distribution gratuite donc nécessairement encadrée, plafonnée et régulée, par les pouvoirs publics de ces indispensables à l’accomplissement du travail. À commencer par un accès Internet gratuit et dépourvu de toute dimension commerciale. En tout cas c’est ce que la situation nous permet légitimement d’exiger des pouvoirs publics.

      Et en conséquence les états imposeraient aux fabricants de ces indispensables des normes industrielles, environnementales, sociales, éthiques dans leur fabrication ou leur fourniture.

      Et donc à partir de là envisager que tous les terminaux et les logiciels soient par la loi obligés d’embarquer et d’implémenter une routine ayant pour fonction de comptabiliser le travail prodigué par les utilisateurs/travailleurs.

      Un autre corolaire possible, sur une trajectoire différente, serait que les états nationalisent les firmes auxquelles ils ont délégué tout ou partie de leurs prérogatives, à défaut de les imposer et de les taxer comme elles devraient l’être.

      Hartmut Rosa, sociologue et philosophe allemand, développe une analyse fine de l’aliénation par l’accélération technologique dans tous les aspects du quotidien, par exemple dans Aliénation et accélération – Vers une théorie critique de la modernité tardive.

  8. Avatar de neant
    neant

    La technologie c’est la politique poursuivie par d’autres moyens
    https://www.editions-allia.com/fr/livre/819/la-perfection-de-la-technique

  9. Avatar de Khanard
    Khanard

    Si je me souviens bien c’est Bush qui avait dit de commercer avec la Chine pensant que certainement ils allaient s’en tenir au commerce. Alors les occidentaux ont fait entrer la Chine dans l’OMC.

    Mais la démocratisation de la Chine n’a pas eu lieu . Qui plus est , mondialisation oblige, on fait travailler la Chine, les petits porte clefs de Disney Land en est un symbole .

    Aujourd’hui qu’a t’on ? Une Chine autoritaire face à des Etats Unis qui s’enfoncent dans une fascisation galopante .

    L’Europe dans tout ça ? Elle courbe le dos . Comprenant très bien qu’elle est assise le c-l entre deux chaises pour ne pas avoir su prendre son autonomie d’où une soif inextinguible de légiférer .

    Mais légiférer n’apporte pas de royalties , on parle d’IA mais les mauvais coups viennent aussi de l’industrie automobile chinoise .

    La France ? peut être que Bayrou va enfin réaliser que son mandat au sommet du plan n’était peut être pas si anodin . Les trente glorieuses ont fonctionné pourquoi ? Grace aux plans quinquennaux.

    Les centrales nucléaires, le TGV, Airbus, Arianne et j’en oublie certainement comment croyez vous que ce fut un succès ?
    LA PLANIFICATION !

    Bon je vous le livre en vrac mais il y a de quoi être très très inquiet .

  10. Avatar de Chabian
    Chabian

    On peut faire référence à deux ou trois épisodes historiques sur la question de la lutte des humains contre l’évolution technologique ou machinique :
    – d’abord l’épisode de ceux qu’on a appelé des luddites contre la « mule jenny », si classique.
    – en 1886, dans un contexte de grèves des mineurs de charbonnage qui voient leur salaire diminuer (car les patrons le font fluctuer selon le prix de vente et de mévente, maintenant a priori la part réservée au capital), on voit les « verriers » et spécialement les souffleurs de verre, considérés comme une noblesse bien payée dans les ateliers, inviter les mineurs à les appuyer dans leur lutte contre l’évolution technique du « verre étiré », verre plus grossier mais faisant l’économie d’un tas de métiers annexes, en plus des souffleurs. Les mineurs qui agissent en fonction de la faim, viennent pourtant incendier l’usine modernisée et le château du patron ! La bourgeoisie apeurée fera appel à la troupe : 23 morts tomberont, en trois lieux différents du « Pays Noir », la région de Charleroi.
    — Nous passons en 1925 ou 30, avant que la pétrochimie du plastique ne disqualifie notre civilisation basée sur les objets (outils, ustensiles) en bois. Les tourneurs sur bois détiennent une compétence inégalée et produisent tant d’objets du quotidien, cuillers en bois et sabliers, toupies de plombier (pour élargir les embouts de plomb avant que de les souder), larges pinces à sortir le gros linge de l’eau de lessive… mais aussi quilles de boules, queues de billards, pots de crème et pots de mousse à raser ! Cette industrie est un art ancestral mais décuplé vers 1800 par l’industrie du moulin hydraulique permettant de s’affranchir de l’humble pédalier : voilà qu’elle est anéantie par la survenance du « tour à copier » qui entraine des couteaux et burins à suivre le chemin d’un modèle pré-dessiné pour creuser de manière si grossière et brutale, mais néanmoins fonctionnelle, le blochet de bois et en faire, ici un pied de table « tourné », ou un barreau de rampe, là un creuset de mortier ou que sais-je encore. Le tourneur est mort, comme le souffleur de verre ou le tisserand de laine avant lui… et la civilisation du plastique créera des cuillers, des gobelets, enfin des textiles improbables.
    Voilà ce qui se joue une fois encor dans cette disparition du travail humain. Disparition, le mot n’est pas légitime : il s’agit de réduire, banaliser, rendre sans valeur ce qui avait valeur d’art, de compétence, d’excellence et de sens. Et faire de l’homme un simple accessoire des produits de la machine.
    Le billet interroge : « Les concurrents Chinois (…) ne sont-ils pas également en avance sur le terrain de l’acceptabilité sociale et donc plus préservés des disruptions sociales et économiques inhérentes à l’IA puisqu’ils ont choisi un modèle de développement qui combine économie macro et micro, étatiquement administrée à travers les organes du parti unique et un contrôle social très poussé (…) ? »
    Rien n’est moins certain. Si le remplacement du travail humain peut être acceptable, c’est qu’il sera parvenu à donner un autre sens à la vie sociale, aux corvées du quotidien, dans une grande égalité, dans une convivialité qui donnerait du sens à toute existence, en dehors de cette vision du travail comme réalisation de soi ou même comme corvée qui légitime votre participation au bonheur collectif. Est-ce le cas en Chine ?. En tous cas, ce ne peut aucunement être le cas en dehors d’une approche socialiste.

  11. Avatar de Philippe Vogt-Schilb
    Philippe Vogt-Schilb

    Et nous autres, européens, sommes des consommateurs, nombreux. C’est notre force !!! ???
    Ah non, c’est notre projet !

  12. Avatar de gaston
    gaston

    « Ils savent… »

    Cet article du physicien Cliff Berg (4ème lien du billet) apporte un éclairage percutant sur les intentions de Trump, Musk et consorts : ils savent que c’est foutu, alors semons la merde, nous on s’en fiche on n’a nos planques.

    Bref, un effondrement des plus classiques, à la Dmitri Orlov, commençant par les stades économiques et financiers.

    Quant au patron de NVIDIA, Jensen Huang, il n’a pas à s’en faire, ce n’est pas demain qu’il ira s’habiller au marché aux puces.

    1. Avatar de Khanard
      Khanard

      @gaston

      là encore PJ a vu juste . Vous vous souvenez des plans A, B, C ?

  13. Avatar de tata
    tata

    Des personnes en Chine ont mis en open source le code d’un robot humanoïde.
    J’ai transmis à des personnes compétentes immédiatement, il y a quelques semaines ou mois (je ne sais plus):
    https://www.journaldugeek.com/2024/11/30/tiangong-le-robot-chinois-humanoide-et-open-source/

    J’ai regardé par hasard ce billet en fait.
    Soit mes capacités de compréhension ont fortement diminué actuellement, soit ce qui est écrit est très vague.
    (Les 2 possibilités sont réellement possibles, ce n’est pas un effet de style ou un truc littéraire).

    1. Avatar de ez
  14. Avatar de Pascal
    Pascal

    Bernard Arnault Président !
    Pas encore ? Zemmour à la place ?
    L’avenir de la gouvernance française est toute tracée.
    https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/bernard-arnault-s-emeut-de-la-fiscalite-chaque-camp-politique-voit-la-confirmation-de-ses-idees_245505.html

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      @Pascal (« L’avenir de la gouvernance française est toute tracée. »)

      La duchesse de Dantzig tenait tête à Napoléon et à Talleyrand.

      La sagesse populaire…

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_Sans-G%C3%AAne

  15. Avatar de Pascal
    Pascal

    C’est tout de même intéressant de constater, à l’heure où les BRICS gagnent en structuration (en puissance ?), que Trump avec son America First et ses droits de douanes au sein même du bloc occidental, est peut-être en train de précipiter la chute de l’hégémonie économique occidentale.
    On pourrait même se demander si l’économie européenne ne pourrait pas se retourner vers le marché des BRICS ? Ce qui serait le chant du cygne pour les USA.

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      @Pascal (« On pourrait même se demander si l’économie européenne ne pourrait pas se retourner vers le marché des BRICS ? »)

      Je pense que c’est la voie que devrait se tourner l’U.E. : agréger autour d’elle les « petits » états, en puissance et/ou en superficie, qui ne souhaitent se faire satelliser par les grands attracteurs du moment (Chine, USA).

      De Gaulle avait essayé du temps de la guerre froide, mais cela n’avait pas marché.

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