Illustration par DALL·E (+PiBi)
Au centre de l’océan Pacifique, près de l’équateur, Kiribati et Tuvalu sont de magnifiques îles. Mais leur destin est en train de changer rapidement en raison du changement climatique. Tuvalu et Kiribati sont en première ligne sur la planète, subissant en premier le poids de la crise climatique, et nous posent une question impérieuse. « Qui est responsable ? »
L’altitude moyenne des Tuvalu et des Kiribati n’est que d’environ deux mètres au-dessus du niveau de la mer. Actuellement, le niveau de la mer monte d’environ 4 millimètres par an à Tuvalu et de 2 centimètres par an à Kiribati. Si cette tendance se poursuit, ces deux pays risquent d’être submergés dans les 50 prochaines années. Deux des neuf îles de Tuvalu sont déjà sous l’eau, et Kiribati a vu plusieurs de ses îles, dont la capitale Tarawa, inondées à plusieurs reprises par les marées hautes et les cyclones.
L’élévation du niveau de la mer ne se limite pas à l’inondation de l’espace physique. La salinisation des eaux souterraines entraîne une augmentation de la salinité des sols et des eaux souterraines de l’île. Il est donc difficile de faire pousser des cultures de base telles que le taro et les noix de coco, ce qui menace la sécurité alimentaire et met en péril les moyens de subsistance des habitants. Les cyclones se combinant avec de fortes marées inondent régulièrement les infrastructures clés, et les coûts énormes de la reconstruction affaiblissent encore plus le système économique de Tuvalu et de Kiribati.
Tuvalu et Kiribati ont choisi des voies différentes pour répondre à cette crise. Tuvalu a opéré une transition vers une nation numérique, tentant de préserver son identité nationale dans l’espace numérique alors même que son territoire est submergé. Kiribati, pour sa part, achète des terres aux Fidji afin de construire un nouveau foyer pour permettre à sa population de survivre. Toutefois, ces efforts ne résolvent pas entièrement le problème.
Entre-temps, l’Australie et la Nouvelle-Zélande accueillent certains des réfugiés climatiques des îles du Pacifique, comme Tuvalu, dans le cadre d’un effort humanitaire. L’Australie a signé un accord avec Tuvalu en 2023 pour accorder la résidence permanente à 280 Tuvaluans chaque année. La Nouvelle-Zélande propose également des visas humanitaires aux habitants des îles du Pacifique. Mais ces politiques ne sont peut-être pas dénuées d’arrière-pensées.
Les politiques de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande reposent sur des calculs géopolitiques visant à renforcer leurs propres positions stratégiques et à contrer l’expansion de la Chine dans le Pacifique. Tuvalu est l’une des quatre seules nations insulaires du Pacifique à entretenir des relations diplomatiques avec Taïwan, ce qui a d’importantes implications stratégiques pour l’Australie et les États-Unis. La politique australienne en matière de migration climatique va donc au-delà d’un simple soutien au renforcement des liens diplomatiques avec Tuvalu et vise à lutter contre la Chine.
Des actions démontrant que la crise des pays souffrant de la crise climatique peut être instrumentalisée en outil politique. Au nom de l’aide aux victimes de la crise climatique, les grandes puissances tentent de trouver une solution tout en poursuivant leurs propres intérêts stratégiques.
Mais s’agit-il d’humanitarisme ou de calcul stratégique ? Les pays insulaires du Pacifique ne représentent que 0,03 % des émissions mondiales de CO2. Leur responsabilité dans la crise climatique est infime, mais elles en subissent de plein fouet les effets. Cela montre que la crise climatique n’est pas seulement une question environnementale, mais une question dont les pays développés doivent assumer la responsabilité.
La première administration Trump aux États-Unis, en particulier, a sapé les efforts mondiaux de lutte contre la crise climatique en se retirant de l’Accord de Paris, et la future administration Trump a promis de soutenir l’industrie des combustibles fossiles et d’affaiblir les réglementations environnementales. En tant qu’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au monde, ces actions des États-Unis ont réduit et continueront de réduire les chances de survie de pays comme Tuvalu et Kiribati.
La situation de Tuvalu et Kiribati n’est pas seulement un problème pour les petites nations des îles du Pacifique. Ce sont les premiers pays à disparaître de la ligne de front de la crise climatique : premier à voir le soleil se lever et premier à le voir se coucher, Kiribati est devenu un symbole de la réalité de notre planète. Or aujourd’hui, leur journée risque de s’achever avant un nouveau matin. La vitesse à laquelle leurs lendemains disparaissent est la même que celle de notre irresponsabilité et de notre indifférence. Tuvalu et Kiribati nous posent donc une question forte.
Les nations du monde développé, dont les émissions de CO2 ont contribué à la crise climatique, doivent aujourd’hui prendre ses responsabilités. Elles doivent apporter un soutien concret et pratique, notamment en matière de financement de la lutte contre le changement climatique, de transfert de technologies et de politiques de protection des réfugiés climatiques.
Les histoires de Tuvalu et de Kiribati vont au-delà de leur destin tragique : elles constituent un avertissement sur l’état actuel de la planète.
Si nous ne répondons pas à cette question, la crise climatique fera de nombreuses autres victimes. Tuvalu et Kiribati sont peut-être le dernier avertissement qu’il nous reste.
Illustration par DALL·E (+PiBi)
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