Le principe de fonctionnement des Grands Modèles de Langage … décrit dès 1989

Illustration par DALL·E

Un lecteur d’aujourd’hui de mon livre Principes des systèmes intelligents (1989 – réédité en 2012), attire mon attention sur le fait que je décrivais déjà en 1989 comme seule méthode possible pour la génération d’un texte par une IA, sous le nom de « méthode dite au coup par coup », celle qui fut effectivement découverte bien plus tard par les Grands Modèles de Langage.

4. Les systèmes intelligents dans la perspective de l’auto-organisation

(pages 35 à 42)

Il a été dit au chapitre précédent que l’optimisation du rapport existant entre les éléments de discours stockés en mémoire, leur organisation et les procédures opératoires portant sur eux, constitue ce qui pourra apparaître au sein du système comme son auto-organisation. Il s’agit d’un complexe indissociable et toute réflexion sur l’optimisation ne peut porter que sur l’ensemble. Il faut procéder cependant dans un certain ordre. Faisons débuter l’investigation par une réflexion générale portant sur les stratégies globales de développement d’un système et examinons comment se présentent les options envisageables du point de vue de l’optimisation recherchée.

On peut prendre un discours, une parole, et l’envisager de la manière suivante : comme un parcours séquentiel à l’intérieur d’un espace de signifiants (de mots envisagés comme réalités acoustiques, indépendamment de leur signification), c’est-à-dire comme un chemin tracé sur un lexique compris comme la liste de tous les mots d’une langue. Untel parcours peut consister par exemple à aller de « Le » à « chat », de « chat » à « est », de « est » à « sur », de « sur » à « le », de « le » à « tapis », pour obtenir une phrase chère aux philosophes anglo-saxons de l’IA, « Le chat est sur le tapis ».

On peut alors définir une manière de parcourir ce lexique, de telle sorte que l’on générera, reproduira, tout discours imaginable : un dialogue de Platon, une conversation de café du commerce, un chant vaudou dahoméen.

Cette approche en termes de parcours séquentiel d’un espace de mots est un outil universel : si l’on dispose du lexique d’une langue, il suffit pour tout discours que l’on veut reproduire de définir très exactement le parcours qui lui correspond. Par exemple de la manière décrite plus haut : de « le » à « chat », de « chat » à « est », etc.

Comment faire pour que la machine reproduise un discours particulier ? « Reproduire » non pas au sens de recopier, mais de recomposer en suivant un ensemble de directives. Il existe trois types de méthodes envisageables, dont seules les deux premières ont été prises en considération jusqu’ici.

La méthode dite du singe

La première méthode consiste à utiliser la force brute de l’ordinateur, lorsque la machine explore l’ensemble des tirages d’une vaste combinatoire. Cette méthode peut être dite du singe du fait qu’avant l’avènement de l’informatique on imaginait généralement, lorsqu’on voulait évoquer l’exhaustion d’une combinatoire, l’exemple d’un singe qui écrit à la machine et qui le fait comme un singe, c’est-à-dire en tapant sur les touches au hasard. On se posait alors la question de savoir combien de temps il lui faudrait pour reproduire sans faute un texte donné.

On peut penser aussi à la nouvelle de Borges intitulée La bibliothèque de Babel : je rappelle que dans cette biblio- thèque sont rangés tous les ouvrages que l’on peut obtenir en combinant de toutes les manières possibles tous les signes de l’alphabet. Si l’on cherche un ouvrage particulier, on pourra, avec beaucoup de patience, le trouver un jour dans les rayons, mais entre-temps on aura découvert, par exemple, une copie presque parfaite du livre puisqu’un seul mot diffère par rapport à l’original, ou un exemplaire qui contient effectivement tous les mots de l’ouvrage, mais dans un ordre différent, et ainsi de suite.

Inutile de préciser que la méthode dite du singe est une manière peu efficace pour déterminer un parcours séquentiel sur un espace de mots. On peut améliorer marginalement son rendement en imposant quelques contraintes minimales sur la génération des séquences de mots. On peut imposer par exemple que le même mot n’apparaisse pas deux fois de suite.

Quoi qu’il en soit, la méthode dite du singe n’a jamais été imaginée qu’au titre de plaisanterie.

La méthode dite des règles

La deuxième manière possible d’aborder la question du parcours séquentiel d’un lexique en vue de la reproduction d’un discours donné consiste à déterminer a priori un ensemble tout à fait complet de contraintes auxquelles ce parcours sera soumis. Cette méthode-ci peut être prise au sérieux : c’est elle qui préside à la réalisation de l’ensemble des Systèmes Intelligents aujourd’hui existants. Elle peut s’énoncer de la manière suivante : on définit de façon générale et a priori un ensemble de systèmes de contraintes énoncées sous forme de règles, et on parcourt l’espace des signifiants en s’assurant que ces règles sont à tout moment respectées dans la génération des mots successifs.

Parmi les contraintes retenues, on imposera en général,

a) des contraintes d’ordre syntaxique : l’ensemble des mots de la langue sont partagés en partie du discours et on énumère des règles formulées dans ces termes, par exemple,

« qu’après un article on ne peut trouver qu’un substantif ou un adjectif », etc.

b) des contraintes d’ordre sémantique qui correspondent à l’organisation interne de la langue : par exemple que le verbe « penser » exige pour sujet un substantif dénotant un être animé, etc. ;

c) des contraintes d’ordre pragmatique : par exemple, qu’il n’est pas permis de faire suivre une phrase d’une autre dont le sens est sans rapport avec celui de la première, ou d’une autre qui dit le contraire de ce qu’avance la première, etc. (Aristote 1960 ; Grice 1975, 1978) ;

d) des contraintes d’ordre logique : par exemple, que si l’on dit que la fraise est un fruit, et que tous les fruits sont sucrés, on ne pourra pas dire ensuite que la fraise n’est pas sucrée, etc.

Cette deuxième manière de déterminer le parcours séquentiel d’un lexique, à partir de contraintes a priori selon la méthode dite des règles, permet une formalisation globale du problème et rend compte de toute variation sans ambiguïté aucune. On peut, grâce à elle, définir les conditions d’un discours normal en disant que l’ensemble des règles sémantiques, syntaxiques, pragmatiques et logiques classiques sont d’application. Par exemple, une grammaire en usage dans les écoles permet si l’on respecte ses règles d’écrire un discours exempt d’erreurs de syntaxe. On peut ainsi générer un discours unique mais il est aussi possible de relâcher certaines des contraintes pour que n’apparaisse plus un discours singulier, mais une famille de discours : par exemple, l’ensemble des géométries euclidiennes et non-euclidiennes, l’ensemble des explications d’un phénomène naturel en termes d’agents surnaturels, l’ensemble des discours présentant les traits d’un type particulier d’aphasie, et ainsi de suite.

On peut aussi, à partir d’un tel système de règles, déterminer un type particulier de discours en ajoutant ou en retranchant des contraintes spécifiques qui s’exerceront durant le parcours séquentiel. On peut dire par exemple que la mentalité primitive ne respecte pas un certain aspect du principe de non-contradiction (cf. Jorion 1989). On lèvera cette contrainte particulière sur un discours, soumis par ailleurs à toutes les autres et on obtiendra en sortie un discours de mentalité primitive. Ou bien, on lèvera la contrainte qui veut que l’on ne dise à la suite que des choses ayant un rapport entre elles, et celle qui veut qu’on ne se contredise pas, et on obtiendra en sortie un discours comparable à celui du Chapelier Fou d’Alice au Pays des Merveilles.

Ceci signifie toutefois que si l’on bâtit un Système Intelligent selon la méthode dite des règles, qu’avant même de pouvoir générer une première phrase, il aura fallu construire un système immense en termes de règles et de métarègles stockées, et qui exigera pour son simple fonctionnement un temps considérable. Rien que le « parsage » des phrases d’entrée exige souvent un temps de traitement inacceptable en temps réel, correspondant à des milliards d’opérations séquentielles. Or on sait par ailleurs :

a) que la production d’une phrase par un être humain ne prend que quelques dixièmes de secondes en plus du temps nécessaire à la prononcer,

b) que les influx nerveux parcourent le cerveau à la vitesse de quelques mètres à la seconde, ce qui signifie qu’au cours d’une seconde, le cerveau humain ne peut opérer de manière séquentielle que dix à quinze opérations, alors qu’un micro-ordinateur peut en traiter aujourd’hui dans le même temps jusqu’à plusieurs dizaines de millions.

Ce qui veut dire que même si la méthode dite des règles est rationnellement et esthétiquement satisfaisante, l’être humain ne fonctionne cependant pas de la manière qu’elle suppose.

La méthode dite au coup par coup

La troisième manière de définir un parcours séquentiel sur un lexique est celle-ci : au lieu de disposer d’un système de règles a priori à respecter lorsque l’on met les mots à la suite les uns des autres, il suffit qu’à chaque fois que l’on a écrit (ou dit) un mot, on dispose d’un principe qui permette de déterminer quel devra être le mot suivant.

Ce principe doit résumer, contenir en lui, un nombre considérable de contraintes puisqu’une fois le discours à reproduire reproduit, tout devra s’être passé comme si (en cours de route) avaient été respectées l’ensemble des règles syntaxiques, sémantiques, pragmatiques et logiques qui décrivent a priori la manière dont doivent être concaténés (mis à la suite) les mots qui constituent le discours à reproduire.

Le problème que pose la méthode dite au coup par coup n’est pas simple mais si l’on parvient à le résoudre on aura découvert une méthode qui est, elle, compatible avec la façon dont procèdent des êtres humains. Par exemple, si la méthode suppose qu’à chaque fois qu’un mot a été posé il ne reste que, disons, dix à quinze choix à opérer, alors on peut être sûr que cette méthode est au moins vraisemblable par rapport à ce qui est su par ailleurs du fonctionnement du cerveau humain.

Imaginons qu’ait déjà été trouvé un principe qui permette d’écrire « Le chat » et admettons que l’on sache aussi que le quatrième et le cinquième mots seront « la souris », alors il est vrai que la langue n’oblige à prendre en considération pour le choix du troisième mot qu’un nombre très restreint de candidats possibles : « mange », « attrape », « rattrape », « estourbit », et quelques autres et il est plausible que le nombre de possibilités reste bien en dessous de quinze. Évidemment si l’on entend faire de la poésie, on peut dire « Le chat transsubstantie la souris », mais dans ce cas, le cerveau consacrera bien plus que cent millièmes de seconde à trouver une formule aussi audacieuse, et il est probable qu’aura été à l’œuvre un autre mécanisme que celui qui opère dans la production de phrases ordinaires.

Cela veut dire que sans avoir à définir des règles a priori qui déterminent les parcours légaux à l’intérieur du lexique, on peut imaginer que soient en place de manière constante des « chenaux », des chréodes (*), des passages privilégiés pour se rendre d’un mot à un autre. Par exemple qu’il existe un chenal qui conduise de « pharaon » à « pyramide » mais non de « pharaon » à « rhapsodie », et que si l’on veut vraiment se rendre de pharaon à rhapsodie il faille faire un long détour à l’intérieur d’un lexique précontraint quant aux parcours possibles en son sein. Et il est plausible que l’apprentissage, c’est-à-dire la mise en mémoire des mots, s’opère de cette manière-là, par la création de chenaux.

Ce n’est plus à La bibliothèque de Babel qu’il faut songer alors mais à une autre nouvelle de Borges, Pierre Ménard, auteur du Quichotte. Ménard, écrivaillon ambitieux, s’est convaincu qu’il pourra s’imprégner à ce point des influences diverses subies par Cervantès en termes de style, de préoccupations, de climat social, etc. qu’il parviendra à reproduire – sans le recopier – le don Quichotte, c’est-à-dire à le réécrire exactement comme s’il en était l’auteur : réinventant l’intrigue, réfléchissant au choix de ses mots, recherchant vainement l’inspiration, souffrant de l’angoisse de la page blanche, et ainsi de suite. Il finira par y arriver, du moins pour deux chapitres. Ménard ne peut que rédiger selon la méthode dite au coup par coup : il faut que par identification totale à son modèle fameux il puisse générer les mots l’un après l’autre – sans consultation de systèmes de règles – et reconstituer ainsi entièrement le grand roman épique qui le fascine.

En dépit de sa folie – ou à cause d’elle – Ménard peut être notre référence : il est le héros pathétique de la méthode dite au coup par coup, envisagée ici comme principe directeur pour le parcours séquentiel d’un lexique.

La leçon à en tirer est la suivante : on a vu au second chapitre que le rendement d’un Système Intelligent équivaut à la spécificité des réponses qu’il produit en sorties. La spécificité la plus grande pourra être obtenue si l’élément de discours stocké est le plus petit possible. Mais du coup, les procédures opératoires devront être extrêmement sophistiquées. Ou bien il faudra remédier à cette sophistication par une organisation préalable des éléments de discours stockés. La méthode dite au coup par coup suggère un type d’organisation : l’existence de chenaux tracés entre les éléments de discours. Il faut maintenant envisager ce que ces derniers pourraient être.

============

(*) On pense immédiatement aussi au terme de chréode introduit par Waddington (1957 : 32) pour rendre compte de passages obligés tout à fait analogues en embryologie (cf. aussi Thom 1972 : 121-123 ; Thom & Waddington 1967).

Illustration par DALL·E

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12 réponses à “Le principe de fonctionnement des Grands Modèles de Langage … décrit dès 1989

  1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    PJ : « Un lecteur d’aujourd’hui de mon livre Principes des systèmes intelligents »

    Je pense que c’est le commentateur Colignon David* qui est à l’origine du présent billet. J’interviens parce qu’il y est question de chréode, notion centrale de PSI.

    PJ cite ses « inventeurs » en note de fin de chapitre : l’embryologiste Ch. Waddington et le philosophe-mathématicien R. Thom.

    Ne connaissant de PSI que par ses 13 premiers chapitres (jadis parus sur ce blog), je n’ai pas accès à la bibliographie à laquelle renvoie « Thom 1972 : 121-123 ; Thom & Waddington 1967 ».

    Pour la première il s’agit de « Stabilité Structurelle et Morphogénèse » et de la définition générale de chréode comme champ morphogénétique de type particulier.

    Pour la seconde il ne peut s’agir, à mon avis, que de la traduction française de l’article « princeps » de 1966 :

    1. Une théorie dynamique de la Morphogenèse. Towards a theoretical biology I, C.H. Waddington Editor, Univ. of Edinburgh Press, pp. 152-166, suivi d’une correspondance avec C.H.Waddington; MMM1, pp. 252-288 ; MMM2, pp. 9-35, avec un « chapeau ».
    1.1 Comments by René Thom. Towards a theoretical biology I, C.H. Waddington Editor, Univ. of Edinburgh Press, pp. 32-41. (Commentaire à la conférence inaugurale de C.H. Waddington, The basic ideas of biology, Towards a theoretical biology I, C.H. Waddington Editor, Univ. of Edinburgh Press, pp. 1-32.)

    Je trouve étonnant que PJ ne mentionne pas quelques uns des articles princeps de Thom concernant spécifiquement la linguistique : le dernier chapitre de SSM (2ème ed. 1977) avec une section « Automatismes du langage », ainsi que les nombreux articles « linguistiques » de « Modèles Mathématiques de la Morphogenèse »(1975, 1981).

    * : https://www.pauljorion.com/blog/2024/11/17/cas-dutilisation-comparant-self-aware-machine-aux-approches-traditionnelles-en-matiere-de-pnj/comment-page-1/#comment-1039820

  2. Avatar de Mango
    Mango

    J’imagine qu’il n’y avait personne d’intéressé à votre recherche il y a près de 40 ans… Personne ne l’a comprise. Je vous appellerai : le père de LLM, même si nous ne sommes pas tout à fait d’accord sur les idées politiques. Mais comme je suis plutôt éclectique et que j’admire votre travail…

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      @un lecteur (« Les langues parlées de l’humanité se sont développées indépendamment la majorité du temps. Elles se sont enrichies mutuellement occasionnellement pour former deux catégories, l’une asiatique et l’autre occidentale. »)

      Je profite de votre logo pour conjecturer :

      Les langues occidentales sont masculines (XY)* alors que les langues orientales sont féminines (XX)*. Et il en va de même pour la pensée*.

      * : Je rappelle que pour PJ la pensée orientale et la pensée archaïque sont symétriques, alors que la pensée grecque est anti-symétrique.

      Thom, qui adore jouer de l’analogie (pour lui la théorie des catastrophes est une théorie de l’analogie), remarque que les bosons -particules ayant un vecteur d’état complètement symétrique- sont temporels alors que les fermions -particules ayant un vecteur d’état complètement antisymétrique- sont spatiaux.

      Time is money vs space is money ? Économie de flux face à économie de stock?

      Thom : « La voie de crête entre les deux gouffres de l’imbécillité d’une part et le délire d’autre part n’est certes ni facile ni sans danger, mais c’est par elle que passe tout progrès futur de l’humanité »

    2. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      @Mango (« J’imagine qu’il n’y avait personne d’intéressé à votre recherche il y a près de 40 ans… Personne ne l’a comprise »)

      Je n’ai rien à voir là-dedans, c’est de René Thom qu’il s’agit.

      Thom dit ça dans ce que j’appelle sa vidéo-testament (à 46′)* :

      « La théorie des catastrophes n’a pas besoin d’être argumentée, il suffit de la comprendre. Le malheur, c’est que la plupart des gens ne la comprennent pas. C’est trop difficile, ça sort trop des chemins battus. »

      * : https://www.youtube.com/watch?v=fUpT1nal744

      1. Avatar de Ruiz
        Ruiz

        @BasicRabbit en autopsy C’est donc un très bon test : Une IA est-elle capable de comprendre la théorie des catastrophes ?
        Que doit elle ingurgiter pour celà ?

        1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
          BasicRabbit en autopsy

          @Ruiz

          Pour moi la théorie des catastrophes c’est comme des maths, ça ne s’apprend pas, ça se comprend.

          Je ne pense pas qu’une IA top-down puisse jamais comprendre quelque chose. Par contre elle est capable d’apprendre (= d’ingurgiter) et de retenir des quantités de « connaissances »* très supérieures à celles des humains.

          Pour l’IA bottom-up il faut demander à PJ : c’est l’expert incontesté puisqu’il est le premier (et le seul?) à faire ça.

          * : Je distingue « connaissances » de co-naissance. Pour moi la véritable connaissance ne peut être qu’une co-naissance, à savoir la co-naissance du « moi » périphérique et du « moi » central. Je ne sais pas si pribor.io est capable de faire ça.

  3. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    Le problème essentiel est évoqué au début du chapitre XIII :

    « Les chercheurs et les commentateurs de l’intelligence artificielle sont d’accord pour dire que le principal problème que pose aujourd’hui la manipulation de séquences symboliques (appelées indifféremment ici « mots » selon l’usage commun de la langue, ou bien « signifiants ») est celui de la signification. Or, nous ne disposons pas d’une théorie de la signification, et une représentation de son mécanisme nous fait entièrement défaut. »*

    Pour Thom « la pensée conceptuelle est une embryologie permanente », et il suit logiquement que, pour lui, l’expression de cette pensée l’est aussi :

    « (…) j’avais cette association sujet / endoderme, verbe-action / mésoderme et objet / ectoderme. L’ectoderme c’est l’objet et le monde extérieur, à la fois, parce que cela donne une bonne partie de la peau, mais aussi parce que
    dans le cerveau on s’occupe surtout du monde extérieur. C’est la représentation du monde extérieur. Je ne sais pas ce qu’en pensent les gens, évidemment ils n’en pensent pas grand-chose, je n’ai jamais vu de réaction effective sur ce genre d’idée, ce qui est vraiment très curieux (…) Personne ne m’a jamais fait la moindre observation là-dessus. Je pense que ça stupéfie les esprits et c’est tout. Tant pis. »

    Pour Thom l’expression d’une pensée est donc embryologique : partant d’un mot, d’une phrase, on déploie ce mot ou cette phrase comme l’œuf fécondé se différencie en poule.

    Les femmes sont -dit la sagesse populaire- plus bavardes que les hommes.

    Il est pour moi certain que les femmes enceintes font inconsciemment de l’embryologie. Thom fournit une justification de cette plus grande aptitude féminine -et en retour cette justification conforte le bien-fondé de la théorie thomienne- :

    « On sera frappé par l’abondance des interprétations sémantiques extraites du vocabulaire de la couture : pli, fronce, fente, poche, aiguille… Après tout, si la couture est restée une activité traditionnellement féminine, c’est que sans
    doute, la confection des vêtements est chez l’Homme le stade ultime de l’Embryologie… » (1968, SSM)

    Quand vous parlez, mesdames, vos paroles ont un sens. Sens qui fait souvent défaut aux hommes, à qui il arrive de penser que l’IA peut dépasser l’IH.

    Qu’un humaniste comme l’a été Paul Jorion puisse se déshumaniser au point que pouvoir penser que l’IA puisse dépasser l’IH est pour moi totalement incompréhensible.

    * : http://www.pauljorion.com/blog/2012/04/08/le-fait-que-nous-parlions/

    « Honnêtement, je ne connais pas d’autres réflexions que la mienne qui ait été consacrée à la différence pour ce qui touche au sens, entre ce qu’opère le sémantique d’une part et le syntaxique de l’autre.
    (…)
    Un régiment qui marche au pas est susceptible de provoquer l’effondrement d’un pont qu’il emprunte du fait des harmoniques des ondes de choc que le pas cadencé crée dans sa structure. En marchant au pas, le régiment devient « cohérent » : collectivement synchrone comme la lumière au sein d’un faisceau laser. En disant à ses hommes : « Au pas ! », le sergent-chef peut provoquer la destruction du pont, de la même manière qu’en leur disant : « Rompez le pas ! », il peut prévenir cette destruction. »
    (…)  »

    À la lecture de ces lignes je ne peux m’empêcher de penser à « Topologie et signification » (1968) dans lequel on découvre que la théorie thomienne de la signification repose sur l’idée de résonance.

  4. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    Un des défauts que je vois à l’approche de Jorion est qu’il s’agit pour « son » IA « bottom up » d’auto-organiser un univers de mots qui existent déjà.

    Pour moi une véritable approche « bottom-up » consiste à faire émerger cet univers de mots à partir du cri initial « i » qu’il s’agit de différencier progressivement (et embryologiquement).

    Essayons.

    En modulant le « i » on obtient « ia » en l’inspirant et « io » en l’expirant.

    J’ai lu -je ne sais plus où- que la lettre A était d’abord tournée d’un quart de tour, pointe à gauche, symbolisant un taureau.

    Le taureau Trump contre l’ours Poutine ? L’alpha et l’oméga ?

    Courte conversation entre eux en latin, jouant à qui dirait la phrase intelligible la plus courte.

    Trump : eo rus.

    Cicéron : i

    Traduction pour ceux qui n’ont pas fait de latin (ou l’ont oublié):

    Trump : Je vais en Russie.

    Poutine : Vas-y.

    1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
      BasicRabbit en autopsy

      Rectif : Poutine (pas Cicéron) : i

    2. Avatar de un lecteur
      un lecteur

      Les langues parlées de l’humanité se sont développées indépendamment la majorité du temps. Elles se sont enrichies mutuellement occasionnellement pour former deux catégories, l’une asiatique et l’autre occidentale. Les GPT les maîtrisent et passent de l’une à l’autre sans difficulté. Les mots, les signes, les tokens ne sont que les arcs du réseau mnésique (P-graphe) d’ANELLA . Apprendre une langue, c’est apprendre la structure du réseau (graphe).
      Les langues, comme n’importe quel être vivant, se sont développées sous la forme d’un œuf, le réseau mnésique, et de la poule, la langue parlée. Peu importe les signes, c’est leur enchaînement qui a du sens par rapport à tous les autres.
      On est en plein dans la dualité du signal. Sa forme locale, souvent matérielle, et sa forme globale qui rayonne (linéaire, qui se développe dans le temps et dans l’espace, en fait qui leur donne naissance, mais ça, c’est une autre histoire) sur un substrat.

  5. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    Fin du chapitre XI :

    « un système intelligent se conduit très exactement comme un être humain, puisqu’il s’arrête de parler tout comme nous-mêmes : quand il n’a plus rien à dire. »

    En termes thomiens je vois les choses ainsi. Partant d’une catastrophe complexe (comme par exemple la catastrophe « champignon »), on déploye cette casatstrophes en sous-catastrophes plus élémentaires.

    Nous nous arrêtons de parler lorsqu’il n’y a plus rien à déployer, c’est-à-dire lorsque les catastrophes restantes sont -métaphoriquement- des cuvettes paraboliques (qui sont leur propre déploiement universel).

  6. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    J’ai trouvé le point où Jorion et Thom divergent concernant PSI. C’est tout à la fin du chapitre XI :

    « L’approche permet ainsi d’éviter l’intervention de toute considération d’ordre métaphysique, pour se cantonner dans un univers de modélisation proprement physique. »

    Ainsi PJ pense avoir fait un progrès en évitant « l’intervention de toute considération d’ordre métaphysique », c’est-à-dire en ne considérant les sciences sociales que dans le cadre de la science « moderne », cadre -pour moi étriqué- défini par Bacon et Comte.

    Alors que Thom sort de ce cadre en refusant -entre autres- les principes d’identité et de non-contradiction (se coupant ainsi des mathématiques « classiques »), acceptant ainsi de « monter » en une métaphysique selon lui réaliste qui, seule, permet de redonner du sens au monde*.

    Là encore je ne comprends pas PJ. Car Aristote et Hegel -l’Aristote allemand-, qu’il cite en permanence (et derrière lesquels il s’abrite parfois), sont des métaphysiciens qui se fichent bien de ces restrictions.

    * : Dernière phrase de « Esquisse d’une Sémiophysique » (1988)

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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