Illustration par DALL·E
L’IA a le grand tort d’être … artificielle
La recherche scientifique n’est pas pour autant devenue en Occident une entreprise de tout repos à partir du XVIe siècle : l’image du fruit défendu de l’arbre de la connaissance a perduré, se manifestant notamment par un dénigrement endémique de l’innovation technologique. Nous, Occidentaux, dévalorisons en effet systématiquement sur le plan intellectuel nos ajouts technologiques au monde, nos inventions, en les qualifiant d’« artificielles », un mot aux connotations négatives et péjoratives, même quand nous les adoptons d’enthousiasme dans la pratique.
Bien qu’infondée, cette dévalorisation est omniprésente : qui d’entre nous est indifférent à l’argument « … mais il existe aussi un remède naturel à ce mal » alors que le médicament de synthèse, « artificiel », a été spécifiquement conçu pour guérir le patient et qu’il est dépourvu de tout composant coexistant naturellement et susceptible de produire un effet secondaire indésirable. Cette connotation négative attachée à nos propres inventions, jugées « artificielles », est une autre des raisons pour lesquelles nous avons été pris au dépourvu par l’irruption d’une intelligence artificielle d’une qualité éventuellement supérieure à celle de l’article d’origine.
Même si nous sommes restés circonspects à l’idée que l’objet fabriqué par l’homme puisse égaler en qualité l’objet naturel authentique, nous avons admis à contrecœur qu’il était possible pour nos inventions d’égaler ce que l’on trouve dans la nature ; nous n’en restons pas moins mal à l’aise à l’idée que l’artificiel puisse éventuellement surpasser le naturel. Ce n’est évidemment pas le cas lorsqu’il s’agit d’objets technologiques complexes comme un audacieux pont suspendu ou une fusée spatiale, des objets qui nous paraissent extrêmement éloignés de la personne que nous sommes, mais c’est tout particulièrement le cas lorsqu’il s’agit de l’un de nos composants comme notre esprit : la psyché humaine, même si nous serions bien en peine de définir de quoi il s’agit précisément.
Une croyance inconsciente subsiste selon laquelle l’artificiel est par nécessité de moindre qualité que l’authentique naturel émulé : il demeure à nos yeux, un « ersatz » et, s’agissant d’une machine, nous insisterons sur le fait qu’aussi proche que soit son comportement du nôtre, quelle que soit la difficulté croissante à les distinguer, elle n’est jamais capable que de simuler ce qu’elle fait.
C’est dans ce préjugé envers l’artificiel que réside une autre source de notre stupéfaction devant l’intelligence artificielle désormais réalisée. Mais pourrons-nous continuer d’affirmer qu’une intelligence qui nous surpasse déjà sur bien des comparatifs se contente de simuler être plus intelligente que nous alors que nous lui déléguerons un nombre toujours plus grand de nos tâches intellectuelles et de nos décisions ?
Illustration par DALL·E
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