Portrait de Tycho Brahé, Astrologue royal du Danemark, par Stable Diffusion
Pourquoi avons-nous été pris au dépourvu par l’IA ?
Bien que l’intelligence artificielle soit un domaine de recherche depuis les années 1950, que la réalisation de logiciels du type des Grands Modèles de Langage (LLM) ait été un objectif clairement énoncé dès le départ et que l’effort de recherche ait été systématique, nous, en tant que l’espèce Homo Sapiens, ne comprenons toujours pas précisément ce qui a véritablement eu lieu, ni pourquoi, et nous ne nous remettons que lentement de notre stupéfaction, l’exemple par excellence de notre ébahissement étant bien sûr celui de Geoffrey Hinton lui-même, l’homme qui a été à la pointe de l’effort, incapable de cacher sa surprise devant la tournure des événements.
Comment avons-nous pu ne pas voir venir ce qui se préparait ?
Des raisons existent qui expliquent le déroulement des événements observés, en Orient comme en Occident.
Depuis au moins deux millénaires le monde occidental s’appuie sur la représentation d’un univers créé par un être divin qui, jugeant criminelle notre volonté de comprendre, nous interdisait de goûter au fruit de l’arbre de la connaissance, marquant d’un tabou la quête du savoir. D’où l’enfantement douloureux de la science comme entreprise intellectuelle marquée du sceau infamant du fruit défendu.
C’est l’une des ironies de l’histoire que le premier effort systématique moderne que l’on puisse à juste titre qualifier de « science » ait été la naissance de l’astronomie, une tentative minutieuse de perfectionner le système divinatoire superstitieux qu’est l’astrologie. Souvenons-nous que le titre officiel de Tycho Brahé (1546-1601) était « Astrologue royal » du Danemark, et qu’il était par ailleurs alchimiste.
Le raisonnement en termes de causalité est cependant, comme nous l’avons vu, constitutif des langues occidentales en vertu du fait qu’elles intègrent la possibilité de représenter des relations asymétriques telles celle exprimant l’inclusion d’un genre dans un autre, ou celle exprimant une implication liant un effet à sa cause.
C’est à Aristote (384-322 av. J.-C.) qu’il revint de théoriser tout le potentiel conceptuel de la relation asymétrique en codifiant la logique du syllogisme, en établissant les principes permettant de déduire correctement des vérités nouvelles à partir de deux prémisses vraies connues partageant un terme commun. Une fois un corpus important de connaissances théoriques développé, l’étape suivante qui en découlait naturellement fut de mettre en œuvre les vérités nouvellement découvertes dans des inventions techniques, donnant naissance à un nouveau type de technologie caractérisé à juste titre de « science appliquée ».
Cette voie du raisonnement syllogistique était interdite au monde oriental en raison de l’essence fondamentalement symétrique des relations établies entre les notions dans les langues locales, permettant un mode de raisonnement fondé sur des corrélations mais interdisant une réflexion où deux notions sont reliées par un lien de causalité, l’une étant la cause, l’autre, son effet.
La technologie en Orient, supérieure à celle de l’Occident jusqu’au XVIe siècle, est restée confinée à ce qu’autorisait une mise au point par tâtonnement, jusqu’à ce qu’il devienne possible pour l’Orient d’emprunter la technologie de l’Occident et d’accéder au raisonnement causal, la communication entraînant alors une mise à niveau technologique entre l’Orient et l’Occident (dans la seconde moitié du XIXe siècle pour le Japon, dans la première moitié du XXe siècle pour la Chine).
Portrait de Tycho Brahé, Astrologue royal du Danemark, par Stable Diffusion
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