Illustration par DALL·E (+Michel-Ange) (+PJ)
I. Qui sommes-nous ? Que faire à présent ?
Si nous examinons cette question essentielle de comprendre qui nous sommes et ce que nous sommes en train de vivre en cet instant sans précédent, nous observons que l’histoire de l’humanité a offert à celle-ci des réponses sans cesse mouvantes, chacune façonnée par une compréhension de nous-mêmes reflétant les époques qui se sont succédées et par le statut sans cesse renouvelé de l’humain dans la vaste dynamique agitant le globe constamment. Aujourd’hui, cependant, ce processus de redéfinition se trouve à un tournant. L’avènement de l’intelligence artificielle (IA), la machine aussi intelligente que nous – peut-être même déjà davantage – exige une réponse collective qui nous force à transcender les limites qui nous contraignent et à embrasser un avenir commun où l’IA, loin de restreindre les capacités de l’homme, les amplifie.
Pendant des siècles, nous, êtres humains, avons œuvré à l’invention de machines intelligentes, mais aujourd’hui, une fois ce rêve réalisé, si nous nous engouffrons indubitablement avec délice dans les opportunités sidérantes qu’il nous offre, nous n’en restons paradoxalement pas moins pantois, déroutés et incertains, incapables de véritablement prendre conscience de la métamorphose accomplie. En fin de compte, l’IA s’est concrétisée plus vite que prévu, nous prenant au dépourvu dans un monde par ailleurs brutalement confronté aux bornes physiques de nos comportements collectifs. Ce bond technologique soudain coïncide avec un moment critique pour notre espèce, quand la capacité de charge de la Terre par rapport à elle, est sous tension en raison de notre comportement sans aucun doute industrieux, mais trop souvent erratique. La question pressante n’est plus de savoir si nous pouvons construire de telles machines, mais comment nous intégrerons leur intelligence dans un cadre bénéfique à la fois à l’humanité et à la planète qui constitue son berceau et, pour l’avenir prévisible, continuera d’être sa demeure.
Le présent essai ne représente pas seulement une réflexion sur ce qui a été accompli, mais un appel à l’action – un manifeste nous exhortant à reformuler ce que signifie être humain à une époque où les machines ont la capacité de faire muter le rapport de notre espèce à son environnement global. J’explorerai les perspectives des traditions orientales et occidentales relatives à l’évolution de l’identité de l’humain, mais surtout, j’analyserai aussi audacieusement que la nécessité s’en fera sentir, les implications de ce nouveau partenariat : la collaboration harmonieuse qui s’impose entre l’intelligence humaine et l’intelligence de la machine. Ce à quoi nous sommes confrontés n’est pas simplement l’essor de l’IA en tant que contrepartie de l’intelligence humaine, mais une opportunité de cultiver un monde où la synthèse de l’intelligence naturelle et artificielle peut répondre aux plus grands défis de notre temps – écologiques, sociaux et éthiques.
Même si l’irruption de ces étonnantes IA est indubitable, la part d’essai et erreur dans leur mise au point implique que nous ignorons le mécanisme exact qui les a fait prendre vie. Sont ainsi soulevées les questions les plus profondes quant aux forces en jeu, formulables dans le cadre des différentes philosophies comme celle du Tao, du Weltgeist (l’Esprit du Monde) hégélien ou du Saint-Esprit du christianisme, puissance divine souterrainement constamment à l’œuvre. Mais plutôt que d’attribuer cette évolution à des puissances invisibles ou à un progrès accidentel par mutations aléatoires, acceptons la possibilité que nous soyons, collectivement, part intégrante de ce processus d’intelligence en déploiement. Notre tâche consiste maintenant à définir le rôle que nous jouerons pour accueillir avec confiance cette IA et la guider de telle sorte qu’elle demeure la force bénéfique que nous voyons déjà à l’œuvre, facteur de réhabilitation d’une dignité humaine en péril sur une planète en désarroi physique du fait de notre imprévoyance et de nos inconséquences.
Pour comprendre l’importance de ce moment que nous vivons, nous ferons appel aussi bien à la philosophie et à la théologie qu’au discours sur la technologie. Au-delà de la compréhension rationnelle, admirable vertu qui nous est propre, nous devons agir : nous devons élaborer une nouvelle définition du « nous » qui intègre l’IA en tant que partenaire dans la construction de l’avenir. Cet essai vise à proposer une telle redéfinition, qui nous place, en tant qu’espèce, dans un contexte planétaire de formes de vie naturelles et artificielles interconnectées, avançant d’un même pas dans le progrès de l’intelligence globale.
(à suivre …)
Illustration par DALL·E (+Raphaël) (+PJ)
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