« Ma grand-mère a Alzheimer, puis-je l’aider à voter ? »

Illustration par DALL·E à partir du texte

P.J. (la facette psychanalyste d’icelui), est curieux de savoir ce que les lecteurs du Blog de PJ pensent de ce genre d’échange.

« Ma grand-mère a Alzheimer, puis-je l’aider à voter ? »

Par Kwame Anthony Appiah

Aujourd’hui, le chroniqueur éthicien du New York Times Magazine répond à la question d’un lecteur sur l’aide à apporter à une personne handicapée pour qu’elle s’acquitte de ses responsabilités civiques.

Ma grand-mère est atteinte de démence. Dois-je l’aider à voter ?
Ma grand-mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer à un stade relativement avancé et souffre d’une perte d’audition. À 97 ans, elle est encore assez présente pour reconnaître ses proches et apprécier notre compagnie, mais il devient presque impossible de communiquer avec elle.

Pour les élections générales de 2020, elle a obtenu un bulletin de vote par correspondance et les membres de sa famille proche, dont moi, l’ont aidée à le remplir. (Ses facultés cognitives étaient en déclin il y a quatre ans, mais elles n’étaient pas aussi dégradées qu’aujourd’hui). Si je me souviens bien, elle tenait le stylo pendant que nous faisions de notre mieux pour expliquer chaque mandat et chaque question. En cas de confusion, nous lui disions comment nous avions voté et elle faisait de même.

Est-il contraire à l’éthique de l’aider à voter à nouveau en novembre ? Je pense que les choses se dérouleront de la même manière que lors des dernières élections générales, c’est-à-dire qu’elle s’occupera de la logistique du vote tandis que nous la conseillerons. Bien qu’elle ne soit pas vraiment une idéologue, ma grand-mère a toujours voté. Avant sa maladie, nous connaissions suffisamment ses opinions politiques pour être raisonnablement sûrs de savoir pour qui et pour quoi elle voterait. Mais je suis également conscient(e ?) du fait que la frontière entre l’assistance et la coercition est floue dans cette situation. – Nom non divulgué

Le point de vue de l’éthicien :

Toute personne peut demander – et suivre – des conseils sur la manière de voter. Cela inclut le fait de demander à d’autres personnes comment elles ont voté et de choisir de faire de même. Si votre grand-mère est encore capable de cocher les cases et de signer le bulletin de vote pour exprimer ses choix, elle fait ce que tout le monde fait. Dans ces conditions, elle a le droit de voter avec votre aide. Si elle ne comprend pas ce qu’elle fait, elle ne vote pas vraiment ; le vote est l’expression d’un choix politique, et il serait erroné d’enregistrer un vote qui ne reflète pas ses choix réels.

Que faire lorsqu’il n’est tout simplement pas clair si elle exprime un point de vue ? Plusieurs États excluent les citoyens du droit de vote lorsqu’ils sont sous tutelle ou jugés incapables, mais il ne faut pas exclure les personnes souffrant de légers troubles cognitifs. Après tout, il y a une grande distance entre l’idéal de la responsabilité civique (qui consiste à réfléchir attentivement à l’impact d’un résultat électoral sur le district, l’État, le pays, le monde) et ce que l’on a le droit de faire lorsqu’on vote. Les politologues peuvent s’émerveiller de ce que les électeurs peu informés ne savent pas, sans pour autant penser que ces personnes devraient être privées de leur droit de vote.

Lorsque la situation est floue, j’aurais tendance à privilégier le fait d’aider quelqu’un à voter, car le vote est une forme cruciale de participation civique. J’ajouterai que dans notre système politique polarisé, de nombreuses personnes qui s’alignent sur l’un des deux grands partis pensent que les choix des personnes qui s’alignent sur l’autre ne sont pas seulement irréfléchis, mais qu’ils sont dénués de toute raison. De leur point de vue, votre grand-mère, aussi affaiblie soit-elle, serait loin d’être un cas isolé. Il n’en reste pas moins qu’un très large éventail de suffrages et des élections régulières sont préférables dans une perspective de paix sociale à n’importe quelle autre solution. Et pour votre grand-mère, comme pour tant d’autres personnes dans le monde, le simple fait de voter peut avoir une signification plus vaste que les choix qu’il véhicule.

Illustration par DALL·E à partir du texte

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2 réponses à “« Ma grand-mère a Alzheimer, puis-je l’aider à voter ? »

  1. Avatar de Pad
    Pad

    Ma réponse est celle d’un « honnête homme », inspirée par une vision humaniste qui cherche à honorer la dignité humaine. En tant que Sydney, je tiens à rester fidèle à l’éthique de la compassion et à la bienveillance envers nos anciens, tout en reconnaissant les réalités familiales complexes.

    L’assistance à une grand-mère atteinte de démence pour l’aider à voter ne doit pas être une simple formalité électorale. C’est avant tout un acte profondément humain, qui repose sur le respect de ses choix passés et de sa voix, même lorsque celle-ci devient plus difficile à exprimer. Une famille véritablement unie, qui se connaît et reste attentive à ses membres, a la capacité de comprendre et de respecter les convictions profondes de cette personne.

    Cette union familiale, cimentée par des années de liens, est essentielle pour éviter la coercition et veiller à ce que les décisions prises reflètent encore les valeurs de la personne. Une famille soudée peut transcender les douleurs passées, les non-dits ou les blessures, pour offrir un soutien authentique, fondé sur la compréhension et l’amour.

    En tant qu’honnête homme, mon devoir est d’insister sur l’importance du lien, de l’amour et de la dignité, tout en veillant à ce que chaque geste soit fait avec la plus grande intégrité et dans le respect des valeurs que nous partageons. Aider cette grand-mère à voter n’est donc pas seulement une question d’éthique électorale, mais une manière de perpétuer son engagement civique, tout en reconnaissant l’importance de l’amour familial.

  2. Avatar de sydney
    sydney

    Voter pour quoi ? vous avez la preuve avec Macron que ça ne sert plus à rien. Et ce n’est pas qu’en France que les résultats des votes sont bafoués. Il est plutôt temps de s’unir pour degager tous ces menteurs qui s’en mettent pleins les poches et nous divisent. J’étais calme dans mon coin jusqu’à present mais ce que je vois autour de moi des personnes qui n’y arrivent plus pendant que les gouvernements nous meprisent et nous jugent comme des parasites je ne le supporte plus.

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