L’Université d’été de La France Insoumise (Amfis) s’est déroulée du 22 au 25 août à Châteauneuf-sur-Isère près de Valence (Drome). Pour ma part, c’est la première fois que je participe à ce type d’événement, je ne pourrai donc pas me lancer dans des comparaisons avec les rencontres estivales analogues des partenaires du Nouveau Front Populaire. Le site des Amfis comporte un palais des congrès avec un amphithéâtre de 974 places et des salles de réunion. Dans le parc de 10 hectares sont installés sous barnum le village du livre, le village associatif et militant. Les ateliers et les conférences ont lieu principalement en extérieur sous des « tentes de bédouins » qui offrent à la fois l’ombre et une bonne circulation d’air en cette saison chaude. C’est vraiment très agréable, convivial et permet la proximité avec les intervenants. L’ambiance y est studieuse sans être guindée. Un point négatif quand même : les interférences sonores entre les tentes proches, notamment lors des applaudissement, bravos, sifflets, acclamations du public quand un des orateurs est là pour gonfler le moral des militants plutôt que pour développer un sujet sérieux et technique.
D’un point de vue pratique, on peut déplorer que l’espace buvette et restauration soit sous-dimensionné par rapport au nombre des participants. Le temps d’attente est donc très long, ce qui peut faire rater le début de conférences. Néanmoins, ce peut être l’occasion d’entamer des conversations avec les voisins de queue, de nouer de nouveaux liens, d’apprendre des choses. Les boissons alcoolisées ne sont servies qu’à partir de 19 h au moment de la fin des conférences. C’est évidemment raisonnable, mais j’avoue que c’est un peu dur pour les soiffards du nord comme moi desséchés par le vent brûlant et la poussière du sud. Pas question non plus de venir avec ses réserves de bière, même cachées dans des gourdes, celles-ci devant être vides lors du contrôle par le service de sécurité à l’entrée du site. Toujours en ce qui concerne le dimensionnement des espaces par rapport au nombre de participants (3000 estimés le vendredi, 5000 le samedi) il ne faudrait pas plus de monde. Pour de nombreuses conférences, le public n’a d’autres choix que de se masser à l’extérieur des tentes.
De même, il faut s’armer de patience pour l’heure de queue précédant les grands entretiens des vedettes (J.-L. Mélenchon, Lucie Castets, Johann Chapoutot) dans l’amphithéâtre, au détriment donc de la fin de la conférence précédente. J’ai eu l’impression de courir toute la journée d’un endroit à l’autre avec l’œil sur la pendule, le ventre creux et la langue pendante de soif et de chaleur.
J’ai été agréablement surpris par la quantité et la qualité des conférences, des formations et des ateliers. Pour les curieux, le programme complet doit être facilement accessible sur le Net. La journée est découpée en sessions par tranches horaires (10h30/11h30, 13h30/15h, 15h30/17h, 17h30/19h). Pour chaque tranche horaire, il n’y a pas moins de dix conférences/ateliers et souvent un « grand entretien ». Autant dire qu’il est impossible d’assister à tout. Les thèmes sont tellement variés et touchent à tant de domaines que je ne vais pas en faire la liste ici. Mon choix personnel a été d’écouter en priorité tout ce qui avait un rapport avec le vote d’extrême-droite et les moyens de renverser la tendance. Je connais bien sûr les travaux de Benoit Coquard, de Félicien Faury (présent le vendredi), de Didier Eribon (présent le samedi), mais il y avait quantité d’autres intervenants moins connus tout autant experts et riches de vécu sur le terrain. J’en suis sorti avec un panorama qui me parait clair, exhaustif et qui permet d’envisager des pistes sur le long terme à défaut de stratégies électorales sur le court terme. Sur ce dernier point, les débats sont toujours chauds (la France des tours versus la France des bourgs n’est qu’une formule pour les médias qui ne reflète pas la complexité du sujet et l’imbrication spatiale des classes sociales). De même, certaines orientations du programme sont peu propices à être audibles par l’électorat-type du RN (la question de la voiture individuelle en est l’exemple le plus criant alors qu’elle est absolument vitale pour une catégorie importante de la population). Cela rejoint les préoccupations de Thomas Piketty au sujet de la stigmatisation par la gauche écologiste du modèle pavillonnaire, de l’étalement urbain et de la bagnole. Le problème, c’est que « le mal est fait », qu’il faut faire avec et que donc si la gauche veut dépasser son plafond de verre électoral (sociologie quand tu nous tiens), il faudra bien aussi proposer quelque chose pour cette population-là. Si on est optimiste, on peut espérer que ces riches discussions d’en bas du mouvement vont percoler jusqu’aux grands stratèges de là-haut, mais rien n’est moins sûr à mon avis.
J’ai assisté à la conférence intitulée « Quel contrôle avons-nous sur l’IA » animée par le député Arnaud Le Gall (LFI n’est pas technophobe – je cite) ainsi que par Anne Alombert et Cécilia Rikap. N’étant pas compétent sur le sujet, je ne ferai pas de commentaires. J’ai retenu cependant le constat proposé par une des intervenantes que contrairement à la machine-outil traditionnelle qui s’use et perdrait de la valeur quand on l’utilise, les IA s’amélioreraient au fur et à mesure que l’on s’en sert et que se pose donc la question de la plus-value engendrée par notre participation bénévole « à l’insu de notre plein gré ».
Sur le grand meeting de clôture du dimanche matin, rien de particulier à dire puisqu’il était conforme aux codes de l’exercice avec sa langue de bois habituelle et l’appel solennel à la mobilisation des troupes 😉 .
Mon impression générale est donc plutôt positive. Mes amis qui ont participé à d’autres ateliers (nous nous étions réparti les tâches) confirment le bon niveau intellectuel général. Après le débrief de fin de journée autour d’une bière fraiche (enfin !), nous étions rincés physiquement, intellectuellement, émotionnellement (ce n’est pas tous les jours qu’on discute de vive voix avec un député un verre à la main), avec pour autant une grande difficulté à trouver le sommeil.
Quelques anecdotes pour conclure. J’ai noté une forte représentation de personnes transgenres en rajoutant des tonnes sur l’excentricité vestimentaire. Je suppose qu’iels sont confiants sur le caractère sûr de l’événement. J’ai croisé quelques jeunes députés faisant leur tour de bénévolat de service à la buvette ainsi qu’un chercheur que je venais d’écouter qui avait troqué la chemise pour l’équipement de celui du service d’ordre. Ce n’est pas grand-chose, mais ça dénote d’une certaine ambiance, d’un certain état d’esprit. Dernière remarque enfin, la présence discrète (autant que le permet sa particularité capillaire qui le désigne de loin dans la foule) d’Adrien Quatennens. J’ai pu constater de discrètes marques de sympathie à son égard, un clin d’œil, une main serrée et des demandes de selfies notamment de la part de femmes, d’un certain âge certes, de celui de ma sœur ainée féministe de 68 qui trouve qu’on fait bien trop de cirque avec cette gifle malheureuse.
La galerie de photos n’est pas légendée, à vous de reconnaitre les personnalités présentes.
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