Entrée en matière :
On ne devient pas psychanalyste après s’être dit : « Je veux devenir psychanalyste : où vais-je m’asseoir sur un banc ? », comme on se dirait : « Je veux devenir ingénieur » ou « Je veux devenir juriste ».
La transmission du métier de psychanalyste se fait par un apprentissage de type « compagnonnage », dans un processus que l’on appelle d’« analyse didactique ».
Après une phase initiale appelée « analyse thérapeutique », et une fois que la ou le psychanalyste s’est convaincu que l’analyse de l’analysante ou de l’analysant est « réussie », à savoir qu’elle ou lui a su se débarrasser de la souffrance qui l’avait conduit, elle ou lui, dans un premier temps, vers un analyste, on entre dans une phase où celui-ci ou celle-ci va transmettre son savoir acquis à la génération suivante.
Il est recommandé à ce moment-là que l’impétrant (joli mot !) se familiarise avec le savoir acquis par ailleurs au fil du temps dans la profession, à savoir ce que l’on appelle « la littérature psychanalytique ». Ceci étant dit, la littérature psychanalytique seule est bien incapable d’engendrer une ou un psychanalyste ; laissée à elle-même, la littérature équivaut à la proverbiale « emplâtre sur une jambe de bois ».
Réflexion personnelle :
Depuis que j’ai entrepris d’être praticien, je me suis souvent posé la question du pourquoi et du comment les choses ont pu à ce point mal tourner dans ma profession, que l’on en arrive à parler un peu partout, à propos de la psychanalyse, de « charlatanisme ». Qu’a-t-il bien pu se passer ?
Une lecture m’a offert la réponse : le drame qui a eu lieu est celui d’une rupture dans la transmission du savoir psychanalytique * (ce que Freud désignait du terme de métapsychologie).
Lisez donc ceci :
Mais surtout, il y a belle lurette – Freud est tout de même mort il y a cinquante ans ! – que la psychanalyse ne se répand plus dans le monde en empruntant les voies de la succession de maître à disciples, si bien que vouloir tracer des généalogies est devenu un exercice inutile et spécialement leurrant.
Aucune légitimité ne vous vient du fait de pouvoir proclamer une origine qu’il serait vain d’afficher et qui peut fort bien demeurer honteuse. Dire que l’on a fait son analyse avec X ou Y, c’est plutôt se choisir un camp que se couvrir d’une garantie : d’un même psychanalyste peuvent découler le meilleur et le pire ; et il est donc préférable de penser en ce domaine que personne n’engendre vraiment personne.
Je ne sais pas à ce propos s’il y a lieu de penser que l’on peut choisir son psychanalyste en prenant le bon sens pour guide. Disons peut-être que n’ayant pas pu savoir au préalable, comme c’est d’ailleurs la règle, à qui on avait vraiment affaire, on s’est pénétré de la nécessité de choisir de ne pas le quitter à la première difficulté, en se donnant et en lui laissant les chances dont le besoin se fait rudement sentir par les temps qui courent … Les aurai-je pour vous préservées ?
Cela fut écrit il y a 25 ans, en 1999, dans un livre dont le titre, Comment devient-on psychanalyste ? ** souligne qu’il ne s’agissait pas dans le chef de son auteur (comme on l’imaginerait aisément après avoir lu mon Entrée en matière), de la notice nécrologique d’une profession défunte.
Quoi qu’il en soit, le constat était établi dans cet ouvrage, d’une rupture dans la transmission du savoir psychanalytique. La cause de la déchéance de la profession ne doit pas être cherchée ailleurs : un savoir a continué de se communiquer mais par le seul biais de « la littérature psychanalytique », qui n’aurait jamais dû être autre chose qu’un complément d’information dans une profession qui se transmet essentiellement par un apprentissage de type « compagnonnage ».
P.S. : Merci à Judith, dont l’insistance et le soutien ont permis que la transmission du savoir se poursuive par mon truchement et que la chaîne Sigmund Freud – Otto Fenichel – Rudolph Loewenstein – Jacques Lacan – Philippe Julien, débouche, entre autres, sur moi.
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* Geneviève Delbos & Paul Jorion, La transmission des savoirs, Paris : Maison des Sciences de l’Homme 1984
** Jacques Nassif, Comment devient-on psychanalyste ? Ramonville Saint-Agne : érès 1999 : 17-18
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