On aimerait évoquer la mémoire d’une amie ou d’un ami décédé en s’abstrayant d’un quelconque « moi, je », en rejetant toute tentation de prendre prétexte d’une telle perte personnelle pour se mettre en avant soi-même. On voudrait parler de cette personne en tant qu’elle et non comme reflet de soi. Mais la tâche est impossible : la facette d’elle-même qu’elle vous présentait avait sa qualité propre, l’amitié qu’elle vous portait faisait partie intégrante du sujet humain qu’elle était, tenter d’en faire abstraction s’assimile à une tâche de désimbrication obligatoirement vouée à l’échec et comme vous brossez par nécessité le portrait d’une personne de qualité, sans quoi vous vous seriez abstenu (sauf obligation contractuelle), son aura vous illuminera vous-même, et plus ce portrait sera louangeur, plus la lumière projetée vous forcera à cligner des yeux, et indisposera ceux qui se trouvent autour.
D’une amitié exceptionnelle, comme on n’en a qu’une ou deux dans une vie, il vaut mieux du coup parler le moins possible, en dire plus déborderait aussitôt dans la parade ou dans l’exhibition. Voilà pourquoi je m’en tiendrai à une seule phrase : Annie, qu’avons-nous partagé dans nos éclats de rire, taxant au fil des années la bonne volonté d’une pléthore de garçons et de garçonnes impatients de rentrer chez eux ? notre incrédulité toujours renouvelée devant le sort du genre humain, sous sa forme commune, et dans chacun de ses destins particuliers.
P.S. Vous auriez quand même pu me prévenir 😉 !
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