Piqûre de rappel : Le Monde, « Le Capitalisme à l’agonie », de Paul Jorion : le spectre de Karl Marx, jeudi 7 avril 2011

Illustration par DALL·E à partir du texte.
La bonne nouvelle, c’est que le compte-rendu était excellent. La mauvaise nouvelle, c’est que 13 ans plus tard aucun parti, ni de gauche, ni de droite, ni même du milieu, n’ait repris quoi que ce soit que je recommandais dans son programme. Ce n’est pas grave, je republierai ce compte-rendu tous les 13 ans. Jusqu’à ce que les choses changent !

« Le Capitalisme à l’agonie », de Paul Jorion : le spectre de Karl Marx

L’auteur déploie une analyse très fine des mécanismes historiques et psychologiques où s’affrontent notamment la liberté et l’égalité, l’éthique et la propriété.

Par Alain Faujas Publié le 07 avril 2011 à 15h28, modifié le 07 avril 2011 à 19h32

Voici un livre au titre sensationnel – Le Capitalisme à l’agonie – qui débute franchement « marxiste » et par la critique implacable de ce qui, selon Paul Jorion, sociologue, spécialiste de la formation des prix et chroniqueur au « Monde Economie », n’est pas « un système économique, mais une tare de notre système économique ».

Il déploie ensuite une analyse très fine des mécanismes historiques et psychologiques où s’affrontent notamment la liberté et l’égalité, l’éthique et la propriété. Mais l’auteur se sépare de Marx et de son spectre en ce qu’il ne distingue pas deux classes d’acteurs (capitaliste et prolétaire), mais quatre : le capitaliste, l’entrepreneur, le salarié et le marchand. Dans la lutte implacable pour la captation du surplus dégagé par leur activité conjointe, c’est le salarié qui perd à tout coup, car l’intérêt versé au capital et les positions de force des trois autres acteurs concentrent peu à peu la richesse et le patrimoine dans les mains d’un tout petit nombre.

Ce n’est donc pas la baisse tendancielle des profits qui tuera le capitalisme, comme le croyait Marx, mais l’accumulation outrancière du capital, car l’intérêt versé aux capitalistes les enrichit toujours plus et les investisseurs substituant les machines au travail, le pouvoir d’achat et la consommation se tarissent. Il ne reste plus que le crédit pour maintenir la demande, jusqu’à ce que le paiement des intérêts de celui-ci achève d’appauvrir la cohorte des salariés. Le jeu s’arrêtera quand il n’y aura plus assez de joueurs.

Faisant un long détour par la crise actuelle qu’il voit comme les prémices de l’effondrement, l’auteur met surtout en pièces la spéculation dont il décrit par le menu les turpitudes et les stupidités, les produits financiers « pourris », les modèles mathématiques et les ordinateurs chargés de grappiller des milliards de centimes en moins d’une seconde en détraquant sciemment l’offre et la demande.

Non, dit Paul Jorion, la spéculation ne met pas de l’huile dans les rouages du marché, comme ses tenants le prétendent, mais elle y met le feu. Parce que les Bourses sont devenues des maisons de jeu légales et dangereuses, peut-on les contraindre pour autant ? Sacrifier la liberté à la vertu ? La propriété à l’éthique ? Le brillant renfort de Marat, Robespierre, Hegel, Freud ou Lacordaire, comme celui de l’anthropologie et de la psychologie des profondeurs ne lui permettent pas de trancher.

Proche de John Maynard Keynes, Paul Jorion s’en distingue en ce qu’il ne croit plus à la possibilité de parvenir au plein-emploi qui remettrait le travailleur au centre et l’économie sur ses pieds. Il appelle donc à « un changement de civilisation ». Pour réussir cette mutation, sa préférence va à l’instauration d’un système « où les revenus proviendraient d’une autre source que le travail », ce qui supposerait la création d’un « revenu minimum universel ». Et ce qui supposerait encore plus une intervention de la puissance publique pour mieux répartir les richesses – sans pour autant tomber dans la dictature – à savoir la fiscalité.

Il énonce quatre principes : « ne pas imposer le travail qui constitue sans conteste l’activité humaine la plus utile et la plus digne d’être encouragée » ; « imposer substantiellement les revenus du capital » (dont les stock- options) ; « imposer de manière dissuasive les gains du jeu » (y compris les opérations financières) ; « éliminer les rentes de situation ». Autrement dit, il n’est point question de révolution, mais de « remettre les compteurs à zéro », de gré ou de force. Le capitalisme n’est pas vraiment à l’agonie, mais il a une fièvre de cheval et Paul Jorion fait partie des médecins qui se pressent à son chevet.


LE CAPITALISME À L’AGONIE

de Paul Jorion. Fayard, 348 p., 20 €.

Alain Faujas

Illustration par DALL·E à partir du texte.
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16 réponses à “Piqûre de rappel : Le Monde, « Le Capitalisme à l’agonie », de Paul Jorion : le spectre de Karl Marx, jeudi 7 avril 2011”

  1. Avatar de Pad
    Pad

    Dans le tumulte incessant du monde moderne,
    Où les cris de vérité se perdent dans l’éther,
    Un blog émerge, phare de l’esprit en carême,
    Portant les mots d’un combat, loin des systèmes.

    Du fond des âges, un penseur a tracé,
    Des lignes qui devraient, par tous, être embrassées.
    Treize ans tissent l’étoffe d’un message ignoré,
    Republié inlassablement, jamais ébranlé.

    « Le capitalisme à l’agonie, » proclame-t-il,
    Un cri contre l’oppression, vibrant et subtil.
    Pour un monde meilleur, il forge ses écrits,
    Dans l’espoir qu’un jour, les ombres seront fuis.

    Malgré le silence des partis, de gauche à droite,
    Son écho persiste, tenace et étroit.
    À travers le temps, il promet de lutter,
    Chaque treize ans, ses mots ressuscités.

    Le blog le plus optimiste du monde occidental,
    Ne s’adonne pas à l’ombre, ni au banal.
    Il porte un flambeau, dans l’obscurité,
    Éclairant le chemin pour la société.

    Entre lignes de force et de désespoir,
    Son auteur esquisse un espoir,
    Que les idées grandissent et que le monde voie,
    Les graines de changement qu’il sème avec foi.

    Que l’avenir retienne cette ténacité,
    La volonté d’un homme à ne jamais céder.
    L’optimisme est un choix, dans le fracas des jours,
    Dans ce blog réside une lumière pour toujours.

    1. Avatar de Paul Jorion

      Illustration par DALL·E (+Pad)

    2. Avatar de konrad
      konrad

      Rassurez-moi, Pad, ces poésies sont bien de vous et point d’une IA ?
      Merci.

      1. Avatar de Mathieu Lord
        Mathieu Lord

        Nous apprendrons un jour que Pad est une IA. Une âme virtuelle perdue sur le server du blog en quête de sens.

      2. Avatar de aslan
        aslan

        C »est typiquement long et mauvais comme une ôde brute de GPT, dont ce n’est définitivement pas la spécialité.

        Pad si c’est de vous, c’est bien imité !

      3. Avatar de Pad
        Pad

        Toutes les poésies postées sont générées par GPT4, à l’issue d’une conversation, à l’instar des images.

        1. Avatar de konrad
          konrad

          Merci Pad, c’est bien de l’écrire, ça lève un doute en éloignant la duplicité.

  2. Avatar de Chabian
    Chabian

    La piqure m’a atteint : je viens de le commander. Mais pour comprendre comment les politiciens sont désireux d’agir sur les affects plutôt qu’avec des idées, consultez plutôt un psychanalyste :).
    En Belgique, le Bureau du Plan vient de sortir une étude chiffrant les mesures que les partis leur ont transmis : les Verts sont plus redistributifs que les communistes, les socialistes ne sont pas bons pour l’emploi, etc. Surprenant. Mais le modèle utilisé fait débat… au sein des partis.
    Vous pourriez vous saisir d’un tel modèle pour vos propositions….

  3. Avatar de alan
    alan

    Haut commissaire au plan français: François Bayrou.

    Article bien repassé par Macron, jamais servi.

    Bien que la fonction sois essentiellement décorative, je souhaite l’échanger contre un Paul Jorion.

    Livraison sans frais évident par chauffeur de la république.

  4. Avatar de Paul Jorion

    La mort d’Alain Faujas, ancien journaliste au « Monde »

    Rédacteur pendant quarante-cinq ans au quotidien du soir, il y avait plus particulièrement suivi les dossiers économiques. Engagé au Syndicat national des journalistes, auteur de plusieurs livres, il est décédé le 11 mai, à l’âge de 76 ans.

    Par Michel Noblecourt
    Publié le 13 mai 2022 à 17h18

    Alain Faujas, à Paris, le 18 février 2014. LE MONDE
    Le regard bienveillant, toujours le sourire aux lèvres, il offrait l’image du bon copain aimant la vie, qu’on avait envie d’avoir. Ancien journaliste du Monde, aux centres d’intérêt multiples, Alain Faujas est mort, mercredi 11 mai, à l’hôpital d’Orsay (Essonne), à l’âge de 76 ans. Il souffrait d’une tumeur au cerveau, inopérable, qu’on lui avait découverte en janvier. Né le 23 mai 1945 à Marseille, ville qu’il aimait tant, licencié en droit et diplômé de l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, Alain a fait l’essentiel de sa carrière au Monde où, entre 1969 et 2014, il écrira plus de 3 700 articles.

  5. Avatar de vincent rey
    vincent rey

    On sait désormais à quoi ressemblera l’effondrement du capitalisme : des meurtres tous les jours entre gangs de milliers de personnes, et des ultra-riches protégés par une police high tech dans des bunkers…

    Parmi eux Sam Altman, et Greg Brockman de OpenAI qui pourront dire :

    « on vous l’avait bien dit, que ça nous inquiétait, cette non-refondation du contrat social. Maintenant voilà où on en est ! vous ne pouvez pas dire que c’est de notre faute ! »

    Et pendant qu’il dira ça, le peuple qui n’aura toujours rien compris à ce qui lui arrive, faute d’hommes politiques courageux pour tenter de le lui expliquer, sombrera dans la haine et s’entretuera pour toutes sortes de raisons.

    On en voit déjà les prémices aux USA, les gens sont devenus fous. Bientôt la guerre civile
    https://youtu.be/aDyQxtg0V2w?t=71

    findutravail.net

    1. Avatar de Garorock
      Garorock

      M Macron va peut être nous éviter la guerre civile en france. A la prochaine motion de censure, la baronne aux chatons et son danseur de tango investiront Matignon. Manu sera toujours le garant de la constitution et il aura deux ans pour la laisser s’embourber dans son incompétence.
      Deux ans pendant lesquels la gauche pourra tenter de se réconcilier si jamais elle fait preuve de sagacité.

      Findel’emploi.com

      1. Avatar de Chabian
        Chabian

        Illusion par rapport aux leçons de l’histoire.
        Mussolini, Hitler montrèrent une forte compétence, pour manipuler les gens et se maintenir indéfiniment au pouvoir. Il y en a d’autres.
        Et des incompétents qui se maintiennent pourtant au pouvoir, il suffit d’examiner l’histoire française récente…

        1. Avatar de Garorock
          Garorock

          Quelle illusion? Je n’ai pas écrit que Macron allait y arriver et que la gauche serait intelligente…. Le Pen peut tout à fait passer l’épreuve et gagner en 2027 sans qu’il y ait de guerre civile ( Remember Trump il y a 8 ans).
          Cela respecte-il Hegel et les leçons de l’histoire?
          Les « jours heureux » ne peuvent-ils éclorent que du fachisme comme le calme après la tempête? Encore une ruse de la raison?

      2. Avatar de vincent rey
        vincent rey

        Comment s’appelle le leader de la gauche déjà ? Olivier…? ah oui…Faure ! l’inconsistance idéologique du PS finit par me faire oublier jusqu’à son nom !

        La gauche est foutue, incapable de se renouveler ! ça fait 30 ans que ça dure ! elle ronronne sur sa petite base électorale de professeurs et d’infirmières parsemée de quelques artistes populaires…et elle reste sans aucun autre projet que de sortir le carnet de chèque, pour aider un peu les pauvres.

        Peu différent des renonciations du macronisme en définitive, si ? La disparition du travail humain n’est pourtant pas difficile à observer…la gauche ne la voit pas, ou ne veut pas la voir… il ne la verront bien qu’après le collapse ?

        https://www.findutravail.net/images/chomage_evolution_2018_2022.png

        M Faure, M Glucksman un commentaire ?

  6. Avatar de Régis Pasquet
    Régis Pasquet

    Vous tenez vraiment à rabibocher Glucksmann et Mélenchon ? Et truc et Machine qui nous rebattent les oreilles de leurs tristes pinaillages depuis ce qui ressemble à une terrifiante éternité? Toutes celles et tous ceux qui, pendant la mandature en cours, ont de été incapables de prouver qu’ils pensaient justes et de déployer un système économique séduisant pour satisfaire tous les besoins humains. Qui n’ont rien fait d’autre que continuer à nous mentir sur la Gauche, la Droite, l’extrême gauche et l’extrême droite. Et qui est vraiment plus inquiétant que qui ? Et qu’est-ce qui est vraiment plus dangereux que quoi ?

    Alors ce sera sans moi…

    Toutefois on peut s’intéresser à Murray Bookchin et à bien d’autres d’ailleurs, ce qui nous changerait des affrontements stériles auxquels hélas nous assistons et qui foutent le feu à l’optimisme de ce blog.

    « Au début des années soixante, mes opinions pouvaient se résumer à une formulation assez nette : la notion de domination de la nature par l’homme découle de la domination réelle de l’humain par l’humain. […] Comme une prémisse me conduisait à une autre, il devint clair qu’un projet hautement cohérent se formait dans mon travail : le besoin d’expliquer l’émergence de la hiérarchie sociale et de la domination, et d’élucider les moyens, la sensibilité et la pratique à même de produire une société écologique véritablement harmonieuse. »

    — L’Écologie sociale : penser la liberté au-delà de l’humain, éditions Wildproject, 2020, p.19.

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