Alexeï Navalny est mort ! …

… mais Julian Assange est toujours en vie. Nous n’avons donc pas grand-chose à nous reprocher.

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123 réponses à “Alexeï Navalny est mort ! …

  1. Avatar de l'arsène
    l’arsène

    Et pour ceux qui s’intéresse aux jeux d’échecs, à l’histoire et à la géopolitique, comme je le suis, surtout les échecs, voilà aussi une analyse très intéressante concernant les conflits actuels, que ce soit au proche orient ou en Europe, et qui explique les risques et les enjeux de tous les protagonistes.
    https://www.legrandsoir.info/l-ere-du-zugzwang-l-emprise-impitoyable-de-la-logique-geostrategique-39375.html

    1. Avatar de François Corre
      François Corre

      Une « analyse » qui « explique »… Ah bon ? 😳

  2. Avatar de Hervey

    https://www.facebook.com/andre.markowicz

    « Vladimir Poutine »
    ou le cadavre qui se décompose
    La mère d’Alexéï Navalny s’est adressée à Poutine pour exiger qu’on lui rende le corps de son fils – c’était le 19 février, – et elle a dit ceci : « Je m’adresse à vous, Vladimir Poutine ». Cette formule, j’ai l’impression que les commentateurs n’y ont pas fait attention.
    Le fait est que c’est, dans l’esprit de la langue, en russe, une formule impossible, inouïe. Quand on s’adresse à quelqu’un, on peut l’appeler par son prénom seul (si l’on est familier avec lui). On peut l’appeler par son nom de famille seul, – si l’on veut être violent, ou familier, ou montrer que l’on est supérieur. Si l’on n’est pas familier, la formule qu’on emploiera est le prénom et le patronyme : on dira, en l’occurrence, « Vladimir Vladimirovitch », en omettant le nom de famille (Poutine). Si l’on parle au président, naturellement, on peut dire « gospodin président » (Monsieur le président). La formule employée par Lioudmila Navalnaia est d’une autre sorte. C’est comme si le nom de Poutine était devenu un nom commun, quelque chose de méprisable en soi. Et c’est bien cela qu’elle veut dire : et ce, d’autant plus que, dans la version écrite de sa déclaration, le mot « vous » (s’adressant à Poutine), et que l’usage du russe impose de mettre avec une majuscule quand le pronom désigne une personne, est écrit sans majuscule. La formule est, en elle-même, un acte de révolte et une condamnation. Le « vous » auquel s’adresse Lioudmila Navalnaïa est une petite chose, méprisable, en même temps qu’il est une maladie planétaire.
    C’est ce que sous-entend, pour l’oreille russe, cette formule, le prénom et le nom de famille, « Vladimir Poutine ». Ce moins que rien, – dont le surnom au KGB (réel, parmi les siens) était « la mite » – est devenu ce qu’il est. La question n’est pas aujourd’hui de comprendre comment (j’en ai parlé et reparlé depuis des années et des années). Ce qui compte, pour aujourd’hui, c’est ça. Et le fait que cette personne qu’une vieille femme seule, qui vient de perdre son fils, emploie le nom du président de la Fédération de Russie comme un substantif et une injure.
    *
    Cette injure est prononcée en miroir de l’injure à l’humanité qu’est le traitement réservé au corps de son fils (je ne parle pas même de l’assassinat, bien sûr). Du chantage auquel est soumise Lioudmila Navalnaïa : hier, elle a enregistré une nouvelle video pour expliquer qu’elle a été autorisée à voir le corps, et que les enquêteurs de l’administration pénitentiaire lui ont dit que l’enquête médicale était finie, qu’ils « savaient les causes du décès », mais que, pour lui rendre le corps, elle devait accepter qu’il soit enterré là où il est mort, dans le cercle polaire. Elle est restée seule, nous dit-elle, pendant plus de vingt-quatre heures, sans que, pendant des heures et des heures, l’administration n’autorise la présence de son avocat, et, pendant des heures et des heures, dans l’état où elle est, elle a subi le chantage des hommes de Poutine (qui, dit-elle, n’arrêtaient pas de répondre à des appels téléphoniques venus de Moscou au moment même où ils lui parlaient) : si elle refusait qu’on l’enterre là-bas, quelque chose pourrait arriver au cadavre (que peut-il arriver de plus ?… ils pourraient simplement ne pas l’enterrer du tout, le faire, tout simplement disparaître). Et l’officier qui lui a parlé à eu cette phrase, en la regardant droit dans les yeux : « le temps travaille pour nous, – ça se décompose, un cadavre. »
    *
    Oui, un cadavre, ça se décompose.
    *
    En même temps, il y a eu un autre mort en Russie, – quelqu’un qu’on appelle aujourd’hui un « Z-bloggeur » , un type d’extrême-droite, partisan de Guirkine (lequel est aujourd’hui en prison), – un nommé Morozov, pseudo « Mourz ». Ce type – une canaille finie, un militaire fanatique, – s’est suicidé. Et il s’est suicidé pour protester contre la campagne dont il était victime de la part de l’équipe de Vladimir Soloviov, et, en fait, du ministère de la Défense. Il avait publié un post sur son blog dans lequel il faisait état des pertes de l’armée russe pour Avdéïevka : il parlait de 16.000 « pertes sans retour » (c’est-à-dire les morts et ceux qui sont blessés si gravement qu’ils ne peuvent en aucun cas revenir sur le front), – 16.000, sans compter les blessés (l’estimation est de 30.000 supplémentaires). Et ces chiffres (qui sont ceux donnés par les Ukrainiens eux-mêmes, et les services occidentaux) ont déclenché un scandale dans les médias russes, et une campagne de haine d’une violence rare – même dans les circonstances actuelles – contre lui. Pas seulement des insultes personnelles. Non, le ministère de la Défense a fait savoir au colonel de son régiment que si, lui, Mourz, il n’effaçait pas son post, le ministère allait cesser toute livraison d’armes supplémentaires et qu’il enverrait ses camarades dans ce qu’on appelle, en Russie même, des « attaques de viande », c’est-à-dire, littéralement, à l’abattoir. – Je tiens cette histoire d’une vidéo de Michael Nacke (vous verrez si vous comprenez le russe – mais il doit y avoir des sous-titres). Mourz a publié une longue lettre dans laquelle il expliquait tout ce que je vous dis là, et il s’est tué.
    *
    Ce qui est monstrueux dans la situation de l’Ukraine, c’est que la raison majeure de la défaite d’Avdéïévka – et, oui, c’est une défaite, et une défaite dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences, parce qu’il y a des prisonniers, et, visiblement, beaucoup, et une défaite stratégique, du point de la position géographique de la ville –, que la défaite, donc, vient, pour une grande part du fait que les USA ont cessé les livraisons d’armes à cause de la pression des républicains (qui sont, très concrètement, des agents de Poutine dans cette guerre). Et que ces absences de livraisons sont, là encore, des décisions non pas simplement tactiques (pour nuire à Biden) mais stratégiques, pour faire continuer le régime de Poutine, – ce qui permet à Poutine de prétendre qu’il est le vainqueur « de l’Occident global ». Ce que je veux dire, c’est que la situation de l’armée russe ne s’est pas du tout améliorée dans les faits depuis deux ans : l’état de délabrement qui était apparu dès les premiers jours de la guerre, le système mafieux qui m’avait tellement frappé dès le mois de mars 2022, tout cela, et bien pire encore, c’est resté, et, si tout le pays a été tourné vers l’industrie de guerre, et si, donc, les sanctions ont été contournées – avec, très souvent, la complicité des entreprises occidentales concernées, – eh bien, l’armée n’existe toujours que par la terreur à l’intérieur même de ses rangs. C’est-à-dire que le système mis en place par Poutine reste ce qu’il est. Une armée comme celle-là, en toute logique militaire, ne peut pas gagner une guerre. Mickael Nacke estime que toutes les attaques actuelles, – la Russie attaque sur tous les fronts à la fois, avec une violence énorme – n’est qu’un immense bluff, que c’est comme une dernière tentative pour forcer, en quelque sorte, le destin avant un effondrement.
    Je ne le pense pas, hélas. Oui, le cadavre se décompose – et mais je ne suis pas sûr que le temps joue pour l’Ukraine. Je pense même que c’est le contraire : le temps joue contre. Pas parce que la Russie peut gagner, mais parce que personne, chez nous, n’a intérêt à ce qu’elle perde.
    *
    Lioumila Navalnaïa, dans ce combat héroïque qu’elle mène pour assurer à son fils des funérailles humaines explique à sa façon que ce que nous avons face à nous, ce n’est pas un homme, un président de la République, pas « M. Vladimir Vladimirovitch Poutine », mais un petit substantif, – comme si son nom même était devenu une injure. Il est, pourrais-je dire, une espèce de cadavre, mais de cadavre qui répand sa décomposition sur le monde tout entier. Et d’abord, avant tout sur ce pays qui est aussi celui de son fils (n’oublions pas que Navalny était à moitié ukrainien, et la famille de son père est originaire… de Tchernobyl. Navalny lui-même rappelait que l’un de ses cousins lointains avait été tué à Boutcha, – sans doute, disait-il, parce qu’il s’appelait Navalny.) Le régime de Poutine est un cadavre bien vivant : pas seulement par son pouvoir de nuisance, mais parce qui le caractérise d’abord : la peur. Il a peur de tout. Il a peur des gens qui déposent des fleurs sur la neige, il a peur d’une vieille personne qui dit juste qu’elle doit récupérer le corps de son fils.
    Il a peur, et nous, nous avons peur encore bien plus, parce que, comme le dit le proverbe russe : « la peur a toujours de grands yeux ». Je ne veux pas, moi, vivre dans cette peur, même si je vis avec. Cette peur-là, si elle nous engloutit, c’est non seulement qu’elle est notre honte présente, c’est qu’elle est notre mort à tous.
    *
    Vous qui me lisez, aidez-moi. Partagez, diffusez, commentez. Pour que d’autres le lisent.

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