Illustration par DALL·E (+PJ)
Premiers extraits
Catherine HAXHE : Je vais demander (…) à Bruno COLMANT. Venez, venez. Est-ce qu’on doit vous présenter, Bruno ? Je vais quand même le faire, non ? – tout le monde sait que vous êtes économiste, fiscaliste, auteur, membre de l’Académie royale de Belgique et chargé de cours. Vous aurez donc aussi à partager avec nos jeunes et puis <vous êtes> l’auteur d’Une brûlante inquiétude dernièrement, inspirée par l’Encyclique de Pie XI (Mit Brennender Sorge) en 1937 contre le nazisme… Vous avez, vous, effectivement, de nouvelles voies à nous montrer.
Bruno COLMANT : Voilà, je remercie de m’accueillir parmi vous aujourd’hui et je suis très content de passer avant Paul JORION qui fera la synthèse de tout ce qui a été dit, parce que c’est l’homme, on a oublié de le dire, qui a vu avant tout le monde ce que nous n’avions pas vu. Donc c’est lui qui avait vu la crise de 2008 avant qu’elle n’arrive et c’est lui qui avait en 2016 commis un livre, Le dernier qui s’en va éteint la lumière : Essai sur l’extinction (Fayard 2016), donc sept avant que l’on commence à parler d’écologie militante et de prise de conscience. Donc je suis très content qu’il puisse finaliser ces interventions.
Moi je dois vous confesser quelques éléments : je ne comprends plus rien, mais rien de rien de rien. Non, attendez, ne prenez pas cet air agacé. (
intervention inaudible du public) Donc laissez-moi parler. Parce que j’entends depuis des mois des gens comme XYZ (
nom incompréhensible), Aurélien Barrau, des Timothée Parrique, des types qui ont fait des bouquins, etc. Ils ont tous des langages incompréhensibles et quand je sors de ces conférences, je ne comprends rien de l’action qu’ils veulent mettre en œuvre. Croître, décroître, changer, ne pas changer, etc. Je n’y comprends rien donc je vous dis que je suis un peu perdu parce qu’à mon avis les choses demandent des changement beaucoup plus radicaux que simplement de l’intellectualisme. Et cela me rappelle en fait un film que vous avez peut-être vu, en tout cas pour les plus âgés, qui s’appelait
Tout le monde, il est beau, tout le monde il est gentil (Jean Yanne, 1972). Je ne sais pas si vous vous souvenez ce film avec Jean Yanne, qui était extraordinaire : à la fin, il prend en fait les commandes du studio de télévision et il dit à son patron, qui s’appelle Pelletier, « la vulgarité, c’est vendre des déodorants en utilisant Jésus ». Permettez-moi d’être grossier ; j’ai envie d’être un peu grossier parce que moi je pense avoir ce sentiment que ça commence à m’emmerder. On est dans l’auditoire
Pierre DRION, vous avez vu ça ? C’est un homme qui est parmi les personnes les plus riches de Belgique ; c’était un militant antiécologique. C’est l’homme qui dit que ce n’est pas vrai, tout ce qu’on vit/dit maintenant. Donc on est ici comme le diable dans un bénitier et donc on est déjà dans une première contradiction. Première chose…
Deuxième chose : je trouve que les prises de conscience sont très tardives quand même, parce que les Belges sont parmi ceux qui ont l’empreinte CO2 la plus élevée du monde. Si on transpose la consommation d’une terre à <l’aune de la> Belgique, on est à 4. On est dans le top 5 des plus grands consommateurs en matière de pollution (…inaudible) donc c’est (inaudible) eh bien, l’appareil mais il faudrait d’abord peut-être changer de comportement individuel.
Troisièmement, j’entends beaucoup de juxtaposition entre ce que l’on appelle le libéralisme – c’est une matière que je connais bien, je l’enseigne – et les problèmes d’écologie. Mais ça a commencé bien avant ! De quoi parle-t-on ici ? Le club de Rome a été fondé quand ? Pas dans les années septante et quatre-vingts, au moment de l’élection de Thatcher ou l’élection de Ronald Reagan. Il a été fondé en 1968. (…) … donc avant la première crise du pétrole. Il faudrait le relire, ce rapport. À l’Académie Royale, on <en> a fêté les 50 ans et donc je l’ai relu. À part lui-même (inaudible) certains pays qui ont changé par <suite d’une> recomposition géopolitique, eh bien, tout était déjà écrit là-dedans. On n’a pas écouté. En 1974, il y avait un candidat à l’élection présidentielle française, après la mort de Pompidou, en 1974, René Dumont qui était passé à la télévision avec un pull rouge et je ne sais pas pourquoi d’ailleurs… Il avait un verre d’eau <à la main> – on peut trouver cela sur YouTube – en disant, attendez, c’est l’eau, c’est cette ressource qui va le plus manquer au XXIe siècle.
J’avais dû lire en 76 à l’instigation d’un prof d’humanité, L’utopie ou la mort <Le Seuil 1976> : eh bien dans L’utopie ou la mort, tout est prévu mais quasiment à l’année près, (inaudible). Donc je trouve que c’est un tout petit peu dangereux de juxtaposer, on va dire, le néolibéralisme et les problèmes d’écologie. Le néolibéralisme a certainement amplifié le consumérisme mais le consumérisme est un produit des années 50 et 60. D’ailleurs, dans les années 60, il y a eu de grandes manifestations en France, notamment à Marseille, contre la pollution.
Donc quand on fait le fil de l’histoire, il faut être honnête avec soi-même. <J’y mets un peu> d’énervement, mais qu’est-ce que nous avons changé, nous, dans le comportement individuel, vraiment… parce que si on enlève dans cette salle tous les habits qui sont faits surtout au Bangladesh et en Chine ou dans des pays qui sont les moins-disant sociaux, on serait tous à poil. Donc il ne faut quand même pas l’oublier. On rentre je ne sais pas comment, parce que tous ceux qui ont des voitures, eh bien, devront utiliser leurs semelles si tant est qu’elles n’ont pas été confectionnées au Bangladesh.
Donc je demande aussi, est-ce que la prise de conscience n’est pas un substitut à l’action ? On fait beaucoup de colloques, finalement, sur l’écologie mais dans le fond, est-ce que la prise de conscience n’est pas une façon de se dire que parce qu’on est en conscience, on a changé quelque chose ? – La réponse est non. Est-ce que l’intellectualisme que démontrent certains n’est pas lui-même un alibi pour faire repousser sur les autres ce qu’on n’a pas envie de changer en nous-mêmes ? C’est pour ça que très rapidement, on a commencé à parler des hyper-riches. Donc en fait le langage de l’écologie consiste toujours à dire : il y a des hyper-riches qui ont des avions, et les avions, etc. En fait le problème n’est pas là. Le problème, c’est nous : nous qui n’avons pas changé de comportement, c’est la classe moyenne. Et ça c’est quelque chose de très important que par honnêteté, on doit intégrer dans notre comportement.
Donc cela veut dire que le changement, il passe par nous. Mais moi, je veux aller plus loin, Paul JORION ne va pas me démentir. J’allais dire que je suis un produit parfait d’un néolibéralisme qui a dit qu’il faut changer la vie, et qui a voulu changer la vie d’ailleurs. Je pense qu’on ne peut pas concilier l’économie de marché dont nous sommes tous les bénéficiaires dans cette salle avec les problèmes d’écologie. Ce n’est pas possible. C’est-à-dire qu’on ne peut pas être dans une logique de capitalisme et d’accumulation qui nous caractérise tous, dans une logique de consommation, dans une logique de jouissance narcissique, du présent au détriment du futur et préserver la planète. Ce n’est pas possible.
Donc nous sommes dans une logique où aujourd’hui nous voulons absolument profiter d’un présent, peut-être d’autant plus qu’on sait qu’il n’y a pas d’avenir, au détriment de ce même avenir. C’est ça la réalité ! Et d’ailleurs je crains même une chose, c’est que la proximité des grands drames écologiques auxquels on va assister. Parce qu’il n’y a pas que le CO2. Il y a tous les marqueurs et les indicateurs, on sait tous ça dans cette salle. Ils vont se rapprocher avec d’autant plus de vigueur qu’on approche de l’année 2030 et ça risque même de conduire à des comportements d’autant plus exacerbés en termes de consommation qu’on croit que la consommation ou l’argent vont nous protéger contre les cataclysmes auxquels on espère échapper et qu’ils vont frapper les autres plutôt que nous.
Quand même, il faut bien réfléchir à tout ça. Et donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire que si l’on veut vraiment changer, en tout cas, faire face à ces risques existentiels, en fait, on devrait changer complètement le système : changer complètement le système !
Il va y avoir un système qui sera beaucoup plus dirigiste et sans doute que nous vivions dans un appauvrissement personnel qu’on réfute d’ailleurs, beaucoup plus profond que ce qu’on fait maintenant parce que c’est bien parler d’écologie, c’est bien de parler de nos enfants, mais pensez à vos arrière-arrière-petits-enfants, ceux qui vont vivre, qui vont naître en 2080, 2100, 2120… je ne sais pas trop. Est-ce qu’aujourd’hui on est en conscience de ce qu’ils vont faire ? Est-ce qu’aujourd’hui, on fait assez pour eux ? Et la réponse est négative.
Donc je pense que les débats sont à mon avis très intellectuels et très stériles, mais j’ai la conviction et je ne l’applique pas à moi-même parce que je peux parler des choses, parce que si on voulait vraiment changer quelque chose, on devrait changer de système et sans doute avoir un système – je répète – beaucoup plus privateur de liberté individuelle en espérant qu’on soit dirigé par des gens qui soient lucides, intelligents et visionnaires avec une adhésion à ce qu’ils font, que ce qu’on fait maintenant.
C’est ça, le vrai problème maintenant. Et tout le reste, c’est quoi ? Ce sont des détails ! Je pense… c’est pour ça que je ne suis pas de bonne humeur maintenant, parce que je pense que l’individualisation des problèmes avec des grands mots, des grands machins, etc., ça ne sert strictement à rien et donc je pense que si l’on veut à d’autres niveaux sans penser au grand saut écologique et donc de toute façon – je vais y arriver – c’est à un autre niveau, individuel et personnel, qu’on va changer quotidiennement les choses et je crois par exemple que la sobriété à laquelle on devrait s’astreindre, ça, c’est un point de départ intelligent, structurant, non seulement individuel mais aussi politique. Et c’est par ça qu’il faut commencer.
Mais je pense que Paul à qui je vais passer la parole dans quelques secondes maintenant sera beaucoup plus à même de faire une synthèse, de manière on va dire « politique », eu égard à tout ce que j’ai lu de ce qu’il avait écrit, d’ailleurs.
Voilà ce que je voulais partager avec vous, merci beaucoup.
Catherine HAXHE : Paul JORION, en 2007, vous avez écrit Vers la crise du capitalisme américain <(La Découverte, 2007)> où donc vous annonciez en effet la crise des subprimes. On ne vous présente plus non plus : docteur en sciences sociales de l’ULB, anthropologue à vos heures, fonctionnaire des Nations-Unies, chercheur en intelligence artificielle, banquier pendant quelques années, psychanalyste… Paul JORION, à vous.
Paul JORION : Merci beaucoup, Madame. L’usage n’est pas qu’on se renvoie des compliments mais avec les mots que Bruno vient de dire, c’est extraordinaire, d’autant que – il le sait – la première fois qu’on s’est vus, on était vraiment, je dirais, aux pôles <les plus extrêmes au sein> de l’éventail politique. Ensuite on s’est rencontrés et on a pu rapprocher les points de vue. La première fois qu’on s’est vraiment parlés, c’est quand – je voudrais le signaler – quand tu t’étais excusé pour quelqu’un d’autre et ça, je dirais, c’est le type de réciprocité qu’on espère dans nos sociétés. Je fais référence à la situation internationale globale.
J’étais étudiant à l’ULB, et à mon époque dans les années 60, cela aurait été extrêmement contesté de renvoyer à la personne d’Élisée Reclus <1830-1905>. Je vous rappelle que c’est la personne qui a fait imploser l’ULB, dans ses premières années, parce qu’il avait pris parti pour
l’anarchiste Vaillant qui avait fait exploser une bombe à clous dans l’Assemblée nationale en France <en 1893≥. Ça, c’est la personne d’Élisée Reclus. Tout à l’heure, fort aimablement, il a été dit « loin des extrémismes ». Élisée Reclus, il faut le rappeler, était un extrémiste. C’était l’un des grands penseurs de l’anarchisme. C’est la première personne bien entendu qui a pensé la géographie en publiant des livres qui s’appellent
Histoire d’un ruisseau,
Histoire d’une montagne, etc.
On parlait de pays, on parlait de régions, mais c’est sous l’égide de cette personne-là <que nous sommes aujourd’hui>, qui a su prendre position pour des remises en question fondamentales de la société.
Je vous rappelle, Madame, une petite citation que vous ne connaissez peut-être pas, sa position sur la révolution : il était contre la révolution. Il faut faire les choses autrement. Qu’est-ce qu’il a dit à propos de la révolution ? « Il ne faut pas confier le destin du genre humain à une balle perdue ». Je trouve que c’est une très belle, une très belle pensée. Mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas se fâcher.
La semaine dernière, j’étais à Sailly-lez-Lannoy, à quelques kilomètres de Lille et on m’a posé la question, quelqu’un dans la salle : « Mais comment faut-il faire pour que les politiques écoutent enfin ce que nous leur disions ? Nous les élisons sur un programme et on n’a pas le souvenir que ce programme ait jamais été appliqué » (ie fais référence aussi à la situation en Belgique). Et je dis à ce moment-là qu’il y a des époques où le peuple, les citoyens, peuvent se faire entendre. Alors les gens me regardent avec des yeux un peu ébahis et je dis « En 1788, par exemple »? Et j’ai regardé l’assemblée autour de moi – et le maire en particulier – il n’y a personne qui a bronché. Il y a une jeune femme, à droite, qui a souri et qui a compris ce que j’étais en train de dire.
Alors, est-ce qu’on pourrait mettre la citation à l’écran ? Voilà, elle est là. Eh bien, on va lire ça ensemble. Je vais utiliser malheureusement une grande partie du temps qui m’a été alloué à lire quelque chose qui a été écrit par quelqu’un d’autre.
« Quel est le premier objet de la société ? C’est de maintenir les droits imprescriptibles de l’homme. Quel est le premier de ces droits ? Celui d’exister. La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là ; la propriété n’a été instituée ou garantie que pour la cimenter ; c’est pour vivre d’abord que l’on a des propriétés. Il n’est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes. Les aliments nécessaires à l’homme sont aussi sacrés que la vie elle-même. Tout ce qui est indispensable pour la conserver est une propriété commune à la société entière. Il n’y a que l’excédent qui soit une propriété individuelle et qui soit abandonnée à l’industrie des commerçants. […] Quel est le problème à résoudre en matière de législation sur les subsistances ? Le voici : assurer à tous les membres de la société la jouissance de la portion des fruits de la terre qui est nécessaire à leur existence, aux propriétaires ou aux cultivateurs le prix de leur industrie, et livrer le superflu à la liberté du commerce. Je défie le plus scrupuleux défenseur de la propriété de contester ces principes, à moins de déclarer ouvertement qu’il entend, par ce mot, le droit de dépouiller et d’assassiner ses semblables » (Maximilien Robespierre, « Les subsistances » [1792])
Voilà. La première fois que moi j’ai connu ça, c’était dans les attendus du procès qui a été fait après la catastrophe de Marcinelle. À regarder l’auditoire aujourd’hui j’ai l’impression que la plupart d’entre nous étaient nés en 1956. C’est une petite remarque bien entendu sur les jeunes, mais comme il a été dit, ils sont très très peu nombreux aujourd’hui. C’est normal et c’est peut-être très représentatif…
Ceci se trouve en grande partie dans les attendus du tribunal. Il n’a pas été relevé à l’époque et je n’ai pas vu dans les commentaires à propos de ça que c’est une citation. C’est une citation du discours de Robespierre sur les subsistances. Ça, c’est mon programme.
C’est mon programme et c’est ce qu’on a appelle la gratuité pour la subsistance. Il se fait par une coïncidence ou alors c’est parce qu’étant élevés dans les mêmes endroits, on arrive aux mêmes conclusions. Henrietta Moore à Londres, University College, a proposé cela sous le nom de « service universel de base », en reprenant en fait l’expression de « revenu universel de base » : le « service universel de base ». La gratuité pour l’indispensable, cela représente – elle a fait le calcul… Le revenu universel de base en Angleterre, au Royaume-Uni, ça représenterait 6% du PIB. C’est beaucoup ! La gratuité pour l’indispensable, c’est 2%.
Alors une toute petite réflexion sur la manière dont fonctionne notre système économique. Je vais remonter quand même encore beaucoup plus haut que les deux personnes qui ont présenté <ici> Rethinking Economics. Comment se forment les prix ? – il y a deux théories : il y a une théorie récente de Cournot <1838> qui s’appelle l’offre et la demande. Le prix est déterminé par l’offre et la demande. Quand j’ai cherché comment on avait pu corroborer cela expérimentalement, quelles sont les grandes enquêtes qui ont été faites pour prouver la loi de l’offre et de la demande, je n’ai jamais vu que cela ait été fait ! C’est quelque chose qu’on croit, c’est une croyance, c’est sympathique. Il y a des théories plus anciennes : la première théorie a été proposée par Aristote qui a dit que le prix se constitue de telle sorte que les deux parties dans la transaction, l’acheteur et le vendeur, se retrouvent dans la même situation sociale. On peut résumer cela en disant que le riche reste riche et le pauvre reste pauvre, ou encore de manière plus concise encore, le pauvre l’est davantage parce que le rapport de force lui est défavorable. C’est la représentation de la constitution du prix en fonction du statut social de l’acheteur … finalement c’était une théorie qui n’était pas très radicale parce que quelques années plus tard, quatre siècles plus tard, une théorie plus radicale encore a été proposée. Vous la connaissez sans doute. Ça s’exprime de telle manière : « À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance, mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a ». Vous connaissez ça sans doute. Je n’ai pas encore mentionné le nom de la personne qui a prononcé ces paroles, en tout cas, ça se trouve dans l’évangile selon saint Luc, c’est dans la « parabole des talents ». Non excusez-moi, ça c’est la version de Matthieu et il y a une autre version qui s’appelle la « parabole des mines » chez saint Luc. Donc c’est une version radicale d’Aristote : concentration absolue de la richesse… c’est celle qu’on entend chez Jésus-Christ.
Alors il faut dire, cette « parabole des talents » a été complètement trafiquée par l’Église, complètement représentée sous la forme de Jésus-Christ qui dirait qu’il faut mettre son argent à la caisse d’épargne. Il a été fait allusion à la caisse d’épargne tout à l’heure. Quand on sait qu’on est dans la Parousie, c’est-à-dire que tous les gens qui sont en train d’écouter Jésus-Christ, la foule qui est là, est convaincue qu’après-demain le ciel va descendre sur la terre, conseiller aux gens d’aller mettre leur argent à la caisse d’épargne… cette affaire n’apparaît pas, je dirais, dans un type de chronologie vraisemblable.
Alors je vais terminer là-dessus : qu’est-ce que c’est que le PIB, le produit intérieur brut ? C’est la somme des valeurs ajoutées ? Alors qu’est-ce que c’est la « valeur ajoutée », maintenant que nous savons ce que c’est qu’un PIB. La valeur ajoutée, c’est bien sûr quand il y a transaction, c’est la différence entre le premier prix et le second, ou on pourrait dire « le prix de revient » et le « prix de vente ». Comment cela se régulerait ? Quelle est la régulation de ça ? Eh bien on vient de le dire : ça, c’est la théorie du prix, c’est-à-dire que plus le rapport de force et défavorable à l’acheteur, plus il paiera cher. On additionne tout ça : ça nous fera le produit intérieur brut. Quand y a une différence positive entre deux produits intérieurs bruts, on appelle ça la croissance. Notre système est fondé entièrement sur la formation des prix, c’est-à-dire sur le rapport de force entre l’acheteur et le vendeur.
C’est ça, c’est là que se trouve le fondement même des choses, et on est dans une société qui évolue à toute allure… J’ai entendu beaucoup de trucs, voilà, beaucoup de propos anti-« intelligence artificielle », le transhumanisme étant voilà, je dirais, la fin de tout. On nous a parlé des Martiens qui vont, les extraterrestres qui vont venir avec une nouvelle vision des choses. Je vous rappelle que cette nouvelle vision des choses, elle existe en ce moment : ça s’appelle ChatGPT, c’est l’intelligence artificielle. Je suis dans la maison du libre-examen mais c’est aussi une institution où j’ai été élevé qui représente l’esprit des Lumières, c’est-à-dire qu’avec l’intelligence, on peut essayer de résoudre nos problèmes. Il faut qu’on pense à cela : l’intelligence nous permet de changer les choses mais il faut aussi que nous soyons dans une société où nous puissions taper du poing sur la table et demander à nos élus que les choses changent comme nous les avons élus pour le faire. Il y a mon amie Annie Le Brun que vous connaissez peut-être… elle m’a posé un jour la question, elle m’a dit « est-ce que vous avez jamais lu les discours lors de l’abolition des privilèges de la nuit du 4 août 1789 ? ». Et je lui dis « oui je connais cela » et elle m’a dit – je termine là-dessus – « est-ce que vous les avez lus dans l’ordre ? » Et à ce moment-là, on comprend comment se fait l’histoire, on comprend comment changent les choses… Pourquoi ? – parce que ce qu’on voit, c’est que le premier qui parle, c’est un discours qui est complètement écrit. Le deuxième fait référence à ce qui a déjà été dit… comme on a fait aujourd’hui. Le troisième, il ne lit que la moitié de son texte et puis il improvise. Le dernier, il ne fait que répondre à ce qui se passe dans la salle. C’est quand il y a des dynamiques de ce type-là… un moment Pearl Harbor et ces moments Pearl Harbor, il faut qu’ils aient lieu, véritablement, pour qu’il y ait des prises de conscience mais ils ont lieu dans des dynamiques entre êtres humains et pour que cela ait lieu, pour que la mayonnaise prenne, il faut effectivement qu’on soit dans des situations où on se dit qu’on n’a pas le choix et la question qui se pose à propos de nos arrières-petits-enfants, comme il l’a été dit, et comme je vais le répéter, c’est qu’il n’est pas du tout certain qu’il en existe. Merci.
Illustration par Stable Diffusion (+PJ)
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