Illustration par Stable Diffusion (+PJ)
Il m’a toujours été difficile de parler des États-Unis ici (et Dieu sait combien je l’ai fait) en raison de la sympathie d’une fraction importante de ce que j’appellerai mon « auditoire naturel » pour l’anti-américanisme primaire : la conviction profonde que, quoi qu’ils fassent, les États-Unis ont tort.
Non pas qu’ils n’aient jamais tort (et Dieu sait combien souvent ils ont eu tort et continuent d’avoir tort) mais parce qu’il est plus avisé de distinguer soigneusement le bon du mauvais dans ce que fait une puissance dont votre défense nationale à vous dépend, disons, à 90%.
Mon opposition à la politique des États-Unis a débuté (j’ai déjà raconté ça) à l’âge de 15/16 ans quand je me suis impliqué dans l’organisation de marches contre la guerre au Vietnam au niveau lycéen, époque où j’ai conçu un certain respect pour la manière dont le pays mène ses affaires quand un gros dossier m’a été livré accompagné d’un billet disant : « Voici des informations qui vous permettront d’éclairer davantage votre point de vue et permettront, nous l’espérons, que vous le révisiez » (ou quelque chose d’avoisinant).
Depuis cette époque, j’ai eu l’occasion de résider douze ans en continu aux États-Unis. J’ai soigneusement évité bien entendu de m’attarder dans les endroits qui me donnaient de l’urticaire comme le Texas mais je me suis senti parfaitement à l’aise en Californie où les gens que j’ai eu à côtoyer dans la vie quotidienne se répartissaient entre le centre-droit et une brochette d’extrêmes-gauches plus ou moins exotiques.
Où en suis-je aujourd’hui de ce point de vue ?
D’abord, Joe Biden.
Je ne vous ai pas caché qu’il faut (selon moi) faire un petit effort dans la manière dont on élève ses enfants (quand ils seront adultes, ils en penseront – comme les miens – ce qu’ils voudront) et que sur ce plan-là, Joe s’est manifestement planté quand il s’agissait de son fils Hunter.
Cela dit, se rendre en Israël ces jours-ci, tenter (vainement) de rencontrer des interlocuteurs de bonne volonté au plan local, s’efforcer de faire libérer les otages et mettre tout le poids de sa nation derrière lui pour qu’Israël n’envahisse pas Gaza, cela me paraît une excellente chose.
Pour ce qui est de sa nation, les choses ne sont pas simples. La démocratie a l’américaine est loin d’être un cas irréprochable. Juste un exemple : on vous rebat les oreilles avec du « Tous égaux devant la loi ! » et, sans compter que dans les faits les classes sociales et les groupes ethniques « bénéficient » d’un traitement massivement différentiel, un président-voyou peut user de la grâce présidentielle en toute impunité pour sortir de prison les autres voyous de sa bande, lesquels s’y trouvaient à très juste titre.
Et pour ce qui est de Donald Trump (puisque c’est de lui qu’on parle), c’est avec un certain plaisir que l’on constate que la justice de son pays tient bon et finira peut-être par avoir la peau du premier candidat führer de la nation depuis ses débuts. La tactique d’une procureuse (oui, le féminin de « eur » en français n’est pas « eure » mais « euse » et celui de « teur » est « trice ») d’une procureuse donc de l’état de Géorgie semble en effet porter ses fruits puisque ce sont désormais (depuis vendredi) trois « co-conspirateurs » du racket (c’est le terme technique employé par la procureuse) visant à renverser le résultat de l’élection présidentielle de novembre 2020, qui se sont déclarés prêts à cracher le morceau en échange d’une réduction de leur peine (Scott Hall, Sidney Powell et Kenneth Chesebro), en l’occurrence s’engager à expliquer ce qu’ils savent du comportement et des motivations des autres co-conspirateurs, la pression montant d’autant pour ceux-ci et en particulier pour celui siégeant au sommet de la pyramide, à savoir Donald Trump lui-même.
Je le rappelle chaque fois que l’occasion m’en est donnée : les États-Unis, ce n’est pas « loin là-bas », c’est un condensé, une caricature si vous préférez, de l’âme européenne, c’est nous avec nos travers à la puissance deux, c’est nous au carré. La bipolarisation aux États-Unis, avec un électorat et son chef de file à proprement parler fasciste, représentant 25 à 30% des votes, c’est le reflet du déclassement social en effet du tiers, voire de la moitié de l’électorat. Le déclassement social, une préoccupation qui est (au cas où il faudrait le rappeler) également la nôtre.
Et puisque mon opinion sur l’IA vous intéresse dans un contexte tel celui-ci : même si ChatGPT se révélera l’agent qui nous sauvera in extremis du naufrage ultime qu’est l’extinction de l’espèce, d’ici-là il aura été l’élément majeur d’un déclassement social plus rapide et plus complet encore de la plupart d’entre nous. Je vous rappelle en effet que (à part quelques épisodes sans lendemain en 1871 et 1917), nous nous sommes accommodés sans trop rechigner d’un système économique où nous obtenons notre subsistance (au titre de « prolétaire ») de la location de notre temps et de notre force de travail.
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