Nos positions les plus déterminées et les plus critiques envers le capitalisme n’ont à ce jour aucun autre destin que celui d’échouer au pied de la falaise infranchissable de la nécessité d’avancer des fonds pour entreprendre. Parce que nous ne parvenons pas à installer un principe de financement foncièrement différent, la doctrine capitaliste se trouve à son aise pour s’emparer de l’essentiel de notre activité économique et pour continuer de dicter sa loi.
Nous voilà encore, en ce début du 21ème siècle, réduits à quémander des investisseurs qu’ils veuillent bien localiser un peu d’activité dans nos contrées repoussantes par leurs taxes exorbitantes ou encore qu’ils consentent à modérer leurs pratiques parfaitement légales d’optimisation fiscale, de licenciements boursiers ou d’accroissements de marges en période d’inflation. Et alors que la situation déjà insoutenable de chômage endémique, de misère et d’injustices s’est appesantie de l’urgence de sauver notre écosystème pressurisé à l’excès, nous continuons de dissiper nos efforts en suppliques à l’actionnariat, dans l’espoir de le distraire de son impérieuse recherche de rentabilité maximale qu’il concrétise pourtant sans peine, en se saisissant simplement du fruit du labeur du plus grand nombre, conformément au privilège de celui qui avance les fonds !
Pour nous extraire de la spirale de l’effondrement, pour faire reculer l’impuissance et le désespoir, pour que le destin et la survie du plus grand nombre ne demeurent plus contingentés à l’intérêt bien compris d’une minorité toujours plus puissante, nous devons impérativement refonder le financement de notre activité économique sur un principe nouveau, véritable successeur du modèle capitaliste vétuste.
Opportunité d’une dynamique de changement
Toujours en ce début du 21ème siècle, notre société industrielle fortement carbonée se trouve propulsée sur la voie d’une nouvelle révolution technologique, à la faveur d’un franchissement de cap opéré par l’intelligence artificielle (IA).
Et dans ce secteur d’activité en ébullition, la société PRIBOR est remarquable par son projet original d’une IA capable de penser, de raisonner, de s’exprimer et d’évoluer à la manière des humains. PRIBOR met en œuvre le concept ANELLA (Associative Network with Emergent Logical and Learning Abilities) développé par Paul Jorion pour British Telecom. Le même Paul Jorion a qui nous devons une explication complète et documentée de cette machine à concentrer la richesse qu’est le capitalisme.
La prometteuse mais encore inquiétante Intelligence artificielle est-elle condamnée à emprunter le chemin de l’automatisation dont les gains de productivité, nonobstant nos velléités d’instituer une taxe Sismondi, ont bien été confisqués par les investisseurs au détriment de la société des loisirs annoncée comme le déboucher naturel de la robotisation ? Pourra-t-il en être autrement dès lors que l’IA sera financée selon le modèle capitaliste en vigueur ?
À la lumière de ces circonstances, l’entreprise PRIBOR, représente incontestablement une belle opportunité d’associer, d’une part, la mise en place d’une solution de remplacement du principe capitaliste et, d’autre part, le financement d’une technologie également appelée à transformer le cours habituel de nos vies.
Que pouvons-nous faire : revenir ‘simplement’ sur le privilège de l’actionnaire
Par choix collectif délibéré, désactiver le privilège actionnarial, ressort du dispositif capitaliste pour faire la place à une société dans laquelle le plus grand nombre vivra convenablement du fruit de son labeur en acceptant les efforts de sobriété lorsque ceux-ci s’imposent, parce qu’il est assuré que le bénéfice de l’abondance, lorsqu’elle est réalisable, ne pourra lui échapper.
Précisons d’abord les principes de fonctionnement de ce financement sans privilège actionnarial avant de d’esquisser sa première application au projet PRIBOR.
Contreparties offertes à ceux qui avancent les fonds
Les avances concédées pour le démarrage ou le développement de l’activité seront entièrement remboursables avec paiement d’intérêts.
- le principal sera remboursé par l’entreprise grâce au surplus que dégage son activité. Les versements pourront être décalés dans le temps notamment pour un démarrage d’activité. Le rythme sera adapté aux performances ainsi qu’aux besoins de l’entreprises mais l’investisseur reste libre de se retirer à tout moment (voir ci-dessous) ;
- les investisseurs bénéficieront inconditionnellement d’une assurance de remboursement constituée grâce aux apports d’une fraction de résultat de l’ensemble des entreprises qui rejoignent le dispositif, c’est-à-dire toutes à terme (…). La constitution de cette assurance (jusqu’à ce que l’écosystème de mutualisation des risques s’auto-finance) fait l’objet d’une procédure d’amorçage mise en œuvre dans le cadre de la première opération financée ;
- les intérêts payés sur le principal non encore remboursé sont destinés notamment à contrer l’érosion due à l’inflation. Ils devront être plafonnés afin d’éviter le risque de captation de la valeur ajoutée par l’actionnariat. Il s’agit donc d’un taux variable dans le temps dont le niveau n’est pas décidé par les actionnaires.
- l’actionnaire, quelle que soit sa contribution, pourra participer aux orientations stratégiques de l’entreprise au même titre que ses dirigeants et salariés, par exemple, sur la base d’un principe « une personne physique ou morale pour une voix ». Les attributions des fondateurs, des dirigeants et des salariés dans les choix d’orientation de l’entreprise restent un sujet délicat qui requiert, me semble-t-il, un débat collectif.
Qui décide de la rémunération des avances et à quel taux ?
La désactivation du privilège actionnarial a pour conséquence que l’investisseur ne peut plus prétendre à des exigences telles que :« Il faut que tu me payes autant chaque année ».
Le risque d’érosion des montants avancés signifie par ailleurs qu’il existe un niveau de rémunération « à l’équilibre » en dessous duquel la mise de fonds s’étiole et au-dessus duquel s’installe la machine à concentrer la richesse. C’est à la collectivité qu’il revient de fixer, en toute connaissance de cause, la rémunération des avances, en deçà, à niveau ou au-delà de l’équilibre que représente la juste protection contre leur érosion. L’orientation de la rémunération des avances sera dévolue à une institution où seront représentés la structure qui assure les opérations, les entreprises financées et les investisseurs.
Le niveau de rémunération pourra être déterminé en établissant un ordre de priorité des différentes finalités suivantes (listées dans un ordre quelconque) :
- préserver ou réparer l’écosystème qui rend possible l’existence et l’épanouissement des sociétés humaines ;
- permette à ceux qui s’investissent pour organiser et réaliser le travail de vivre convenablement du fruit de leur labeur,
- contribuer au fonctionnement de la collectivité (de l’État) qui prend soin des populations, crée et entretien les infrastructures sans lesquelles il serait impossible d’entreprendre ;
- conserver les avances des investisseurs en les préservant contre l’érosion du pouvoir d’achat et la perte des fonds (dans le cas de faillites par exemple) ;
Tout comme la collectivité a jugé indispensable d’encadrer la relation entre un employeur et un salarié par un contrat de travail respectant des principes généraux modulés par une convention de branche, la relation entre une entreprise et un investisseur fera l’objet d’un contrat de financement reprenant des principes généraux du dispositif en les déclinant selon les spécificités sectorielles. Cette disposition répond également par anticipation à d’éventuelles critiques à l’emporte-pièce qui tenteront de crier à l’uniformisation.
Comment l’investisseur peut-il se retirer à tout moment ?
L’investisseur qui souhaite recouvrer l’usage d’une partie ou de la totalité de ses avances non encore remboursées peut les céder à un tiers (…) qui continuera de recevoir le paiement du principal et des intérêts à un taux actualisé, déterminé par l’historique de la souscription.
Les taux d’intérêt adoptés successivement depuis la souscription servira de repère pour l’évaluation du prix de cession. La santé de l’entreprise, la dynamique sectorielle et les résultats qu’il est possible d’escompter ainsi que les risques prévisibles y contribueront également. Mais la rémunération des avances étant plafonnés dans ce nouveau dispositif de financement, la transaction devrait échapper à la spéculation (…).
Pour éviter que le dispositif demeure une nouvelle tentative marginale
Consolider sa capacité à financer l’économie réelle : les règles comptables actuelles permettent aux entreprises de déduire de leurs résultats avant impôt, des dotations aux amortissements correspondant à une fraction des investissements antérieurs. Dans le système capitaliste avec privilège actionnarial, ces montants sont systématiquement distribués en dividendes. Les entreprises qui rejoignent le nouveau dispositif devront au contraire destiner leurs dotations aux amortissements à la constitution d’une réserve mutualisée. Toutes les entreprises n’ayant pas besoin d’investir tous les ans cette réserve constituera un puissant moyen de financement de l’activité économique.
Opérer une inversion de la charge de la justification : hier encore, toute proposition de financement s’écartant du modèle capitaliste était sommée d’exhiber la rémunération attrayante qui serait promise à l’investisseur pour le convaincre de risquer ses deniers et pour le dédommager du désagrément de s’en séparer temporairement. Désormais c’est le nouveau principe de financement qui sera la référence. Vous disposez d’une réserve financière, la collectivité vous offre de l’avancer comme ressource pour contribuer à la création de nouvelles richesses. En échange, vos finances seront préservées contre l’érosion due à l’inflation mais également contre tout risque de perte. La collectivité pourra-t-elle demeurer l’assureur en dernier ressort de vos avoirs alors que vous dédaigneriez cette offre ?
Financer le projet PRIBOR selon le nouveau dispositif
Le montant des engagements nécessaires (en fonds propres ?) pour faire décoller le projet PRIBOR est évalué à 1,5 millions d’euros. Ce montant pourrait être financé dans le cadre de la première mise en application du nouveau type de financement selon les étapes suivantes :
- convaincre des mécènes (s’engageant à encourager le nouveau type de financement) de participer, en faisant des dons non remboursables, à la constitution d’une réserve permettant de rembourser 1,5 millions d’euros que PRIBOR sollicitera auprès d’investisseurs. Une organisation à but non lucratif, embryon de l’institution qui sera dédiée au développement du nouveau type de financement sera mise en place pour conserver ces fonds ;
- doté de cette garantie suffisante, l’institution de promotion du nouveau type de financement lancera une campagne de collecte de fonds auprès du grand public en présentant son nouveau principe ainsi que le projet PRIBOR ;
- pour amorcer la garantie d’autres opérations à venir, chaque contributeur pourra répartir son apport entre l’investissement remboursable dédié au projet annoncé et un don (non remboursable) destiné à alimenter la capacité de l’institution de collecte à garantir les avances sollicitées par d’autres entreprises ;
- le processus pourra être recommencé pour une autre opération en s’appuyant, pour la garantie, sur les dons des opérations précédentes et en recourant à d’éventuels nouveaux mécènes. De 100% pour les premières opérations, le taux de couverture du risque pourra être ramené plus tard à celui pratiqué habituellement par les banques en attendant de mieux apprécier le risque de faillite intrinsèque à l’écosystème du nouveau type de financement. Les remboursements opérés par les entreprises permettent également de libérer des garanties qui pourront être engagées dans de nouvelles opérations.
Le point de départ de l’opération consistera donc à identifier et à convaincre des mécènes d’apporter leur concours pour démarrer un nouveau type de financement. Mais d’ici-là, peut-être faudra-t-il lui trouver un nom ?
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