Illustration par Stable Diffusion (+PJ)
Ipsos :
Le pouvoir d’achat domine le classement des préoccupations a l’échelle mondiale. Malgré l’importance qu’ils accordent au changement climatique et aux évènements climatiques extrêmes, les citoyens sont moins enclins à s’impliquer et doutent davantage des origines humaines du phénomène.
Nombreux signaux en ce sens ces derniers temps.
Il semblerait que la majorité d’entre nous soyons prêts à toutes les acrobaties psychiques pour ne pas ouvrir nos yeux et faire le nécessaire. Ça me rappelle le régiment SS qui marche en chantant vers le front en 1945, dans le film Fury.
L’idée rationnelle que l’énormité d’une évidence provoque une réaction comportementale rationnelle de la part des individus et collectifs est démentie par l’observation des faits. C’était déjà vrai avant pour l’individu et les collectifs (dictature, pauvreté, colonialisme, patriarcat, drogues…). L’urgence écologique, comme super-wicked problem, ne fait que porter aux extrêmes ce constat : même quand l’espèce humaine tout entière risque de s’effondrer et disparaître, on n’observe aucun effet Pearl Harbor. L’entraide pré-catastrophe n’existe pas de façon significative pour l’éviter, sauf quand on a institutionnalisé cette entraide mais seulement suite à de nombreuses catastrophes subies dans l’histoire (pompiers, ambulances). Comme on ne peut subir un effondrement sociétal ou une extinction totale qu’une seule fois, qu’on ne peut donc institutionnaliser la prévention des effondrements à partir d’une expérience historique, n’est-il pas vain d’attendre une action collective coordonnée de la part de la majorité AVANT l’effondrement ? Nous sommes très bons (et encore) pour nous associer APRÈS une catastrophe mais plutôt très mauvais pour empêcher qu’elles surviennent, sauf les micro-catastrophes (incendie, accident de voiture) et mes catastrophes (inondations décennales). Tout ce qui est macro, séculaire (pandémies), millénaire, plurimillenaire (effondrements) semble échapper au processus d’institutionnalisation de la gestion de la menace). Le risque d’extinction humaine est donc d’autant plus élevé qu’il fait partie de cet angle mort des institutions et de la pensée humaine (encore plus que l’effondrement).
J’ai bien aimé ton tweet Paul, à van Ypersele, où tu écris que la volonté politique fait partie des moyens (je l’entends au sens philosophique aussi, de moyen au service d’une fin, qui est ici la (sur)vie). Je pense rigoureusement impossible, à partir de la conception spinozienne et de La Boétie du pouvoir (conception mathématique, quantitative, numérique et vectorielle de la composition des puissances d’agir qui place un seuil logique à 50%+1 voix, cf aussi Lordon), qu’une minorité impose par sa puissance d’agir composée sa volonté de (sur)vivre à une majorité dont la force composée est mathématiquement supérieure. On me dira qu’une minorité peut prendre le pouvoir sur une majorité. En fait non selon cette conception du pouvoir boétienne. Même un dictateur jouit d’une majorité démocratique (j’insiste sur le démocratique). Les forces en présence, par action, adhésion ou assentiment passif, soutiennent de facto le dictateur. Dès qu’une majorité est résolue à ne pas servir, le dictateur chute. Évidemment le prix peut être des milliers de morts. Mais c’est pour moi la nature réelle du pouvoir : il est prêté par la multitude à certains, et peut-être repris à tout instant. C’est une pyramide dont la base est la population entière (qui l’ignore).
Donc comme l’a dit François Gemenne : si les citoyens veulent se suicider dans leur majorité, la démocratie n’y pourra rien. Et la dictature non plus.
C’est la tragédie du devenir minoritaire. Je peux mourir parce qu’une majorité aura voulu, par action, adhésion ou assentiment passif, que je meure. C’est la tragédie des Juifs dans l’histoire.
Il faut accepter l’idée qu’il existe des scénarios réels où l’humanité s’effondre et s’éteint sans qu’une minorité active n’y puisse rien, malgré sa lucidité, sa volonté, ses moyens, son activité, sa créativité, son génie… comme un individu ne peut non plus vaincre la mort.
L’humanité peut échapper à l’effondrement ou survivre par hasard ou par volonté majoritaire. Mais pas par volonté minoritaire.
Illustration par DALL·E (+PJ)
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