L’histoire politique de Silvio Berlusconi est centrée sur ses affaires juridiques. Une persécution politique selon lui et ses partisans. Un entrelacement d’intérêts privés et mafieux dont, selon ses détracteurs, il s’est défendu avec une armée d’avocats. 36 procès au total, dont 11 acquittements, 10 procès clos, 8 prescriptions et 2 affaires d’amnistie. En octobre 2012, Silvio Berlusconi a été condamné à 4 ans de prison pour fraude fiscale et il a été expulsé du Parlement. Il y est revenu en 2018 à la suite de l’acceptation de la demande de sa “task force” judiciaire, une fois écoulés les trois ans prévus par la loi pour présenter une requête à compter d’avoir purgé sa peine.
Au nom d’une lutte anachronique contre le communisme, il a dédouané le post-fascisme. Au nom de la realpolitik, il a fait des affaires avec Kadhafi, Erdogan et surtout avec Poutine avec qui il a noué une amitié durable qui l’a amenée récemment à justifier la guerre de Russie.
Un style de vie rappelant celui des politiques de certains pays sud-américains, ou plutôt, digne d’une république bananière. Football et femmes, (très) jeunes filles, avec les fameuses fêtes bunga-bunga. L’establishment international l’a tenu à distance à plusieurs reprises. Tout le monde se souvient des sourires ironiques de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merkel lors de la conférence de presse de 2011, face aux assurances données par Silvio Berlusconi au sujet de l’état de la dette italienne. Même l’élite du capitalisme l’a mis sur la touche en 2001, avec ce titre de The Economist : » Why Silvio Berlusconi is unfit to lead Italy« .
Les politologues se demandent si Berlusconi a été le premier populiste du genre. C’est peut-être vrai. Du bref phénomène qu’à représenté Bernard Tapie en France, mais surtout aux fortes similitudes actuelles avec Donald Trump, Berlusconi était et est avant tout le symbole d’une société italienne divisée. Divisée culturellement plus qu’économiquement, divisée dans le sens de l’histoire, dans la conception du travail, dans les comportements quotidiens.
Dans cet océan d’hypocrisie rhétorique et médiatique qui submerge actuellement l’opinion publique italienne à la suite de la mort de Berlusconi, la réalité des faits est cachée, qui oppose ces deux modèles quasi-anthropologiques d’Italiens. De l’Italien entreprenant, rusé et opportuniste d’un côté et le citoyen travailleur qui défend ses droits et paie ses impôts, de l’autre, le premier l’emporte largement sur le second. Avec la mort de Berlusconi, l’apothéose de cet Italien rusé et opportuniste atteint son paroxysme. Le deuil national a été proclamé en Italie pour ce mercredi 14 juin et cet « hyper-Italien », condamné pour fraude fiscale, celui qui a scindé le pays, entrera dans la cathédrale de Milan avec les honneurs de l’État et les condoléances de tous les citoyens italiens, conformément à l’article 2 de la loi du 7 février 1987, n.°36.
C’est l’Italie de 2023, l’Italie de Giorgia Meloni et de Matteo Salvini. C’est l’Italie, point.
Il Caimano de Nanni Moretti, 2006
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