Illustration par DALL-E (+PJ)
Le rejet par certains de l’IA ne viendrait-il pas du fait que celle-ci pourrait venir détrôner Homo Sapiens Sapiens du haut de sa pyramide de l’évolution ?
Qu’est-ce qui fait la fierté des humains sinon ce qu’ils nomment leurs savoirs, leurs connaissances qui fondent leurs cultures ? Toutes les sociétés humaines sont dirigées par les « sachants », (même si beaucoup se sont autoproclamés comme tel). Des « premiers de cordées » aux « élites », du Monarque au Président, tous sont identifiés dans la société comme les « sachants » et tout est mis en place dans la société pour que les dirigeants soient ceux qui savent plus que les autres, en s’appuyant sur des comités d’experts, des instituts, jusqu’aux services de renseignement. En France, la « méritocratie » se distille au tamis du savoir et même le système éducatif repose sur l’idée profondément ancrée que « l’élève » (à la tête vide) doit venir puiser et s’abreuver du savoir généreusement prodigué par le « Maître » (à la tête bien pleine).
Mais voilà qu’un machin capable de s’exprimer par un langage complexe, autrefois l’unique dotation de l’être humain, vient rabaisser nos capacités individuelles de savoir, même le plus érudit, au niveau d’un vulgaire mammifère. S’il en être ainsi, qui sommes nous donc maintenant ? Que sommes-nous devenus dans la grande histoire de l’évolution ? L’IA descendrait de l’humain comme ce dernier descendrait du singe ? Impossible, inconcevable, insupportable !
D’où nous vient cette idée ? Déjà pour Aristote, « le philosophe est celui qui possède la totalité du savoir dans la mesure du possible », au point même que Platon voudrait voir les philosophes « régner dans la cité ». Mais nous pouvons remonter encore plus loin, avant le Déluge, quand Adam et Eve goûtèrent le « fruit du savoir » (du Bien et du Mal). Depuis que l’Homme est Homme, le savoir est sa statue intérieure. Dépossédé du savoir, l’humain est-il encore Homme ?
Dans quel cadre l’IA surpasse-t-elle les capacités humaines ? Essentiellement dans le stockage de données, la capacité de les analyser pour en faire des synthèses et réaliser des projets. Ces capacités sont dans le fondement de nos sociétés dites modernes. L’employabilité chère au DRH repose sur ces compétences, par extension salariale notre capacité financière à assurer notre survie et un peu plus de confort. Mais l’intelligence humaine se limite-t-elle à ces capacités ? N’est-ce pas le fait d’avoir été biberonné pendant 40 ans aux valeurs du néolibéralisme (rentabilité, productivité, optimisation, croissance…) qui nous a fait intégrer culturellement la « gouvernance par les nombres » (QI, statistiques, évaluations, sondages, objectifs mesurables et quantifiables, stratégies…) ? Mais l’intelligence humaine se limite-t-elle à cela ?
La culture occidentale doit beaucoup à l’héritage de l’antiquité grecque et notre conception de l’intelligence également, comme me le confirme ChatGPT :
« La mathématique grecque était étroitement liée à la philosophie et à la recherche de la vérité. Les mathématiciens grecs cherchaient à comprendre la nature de la réalité à travers l’étude des nombres, des formes géométriques et des relations mathématiques. Les idées mathématiques grecques ont également influencé d’autres domaines de la pensée, tels que la physique et la cosmologie. »
Pourtant des philosophes comme Platon ont remis en cause cette hégémonie des mathématiques.
« Platon, par exemple, considérait les mathématiques comme des connaissances partielles et illusoires. Dans son dialogue “Le Sophiste”, il soutient que les mathématiques sont des simulations imparfaites de la réalité et qu’elles ne peuvent pas prétendre à la véritable connaissance. Platon mettait en avant l’importance de la dialectique et de la philosophie pour accéder à la vérité. »
De même que Nietzsche aux siècles derniers,
« Dans une perspective plus moderne, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche a également critiqué l’influence excessive des mathématiques dans la pensée occidentale. Il soutenait que les mathématiques réduisaient le monde à des formes abstraites et ignoraient la richesse et la diversité de l’expérience humaine. Nietzsche considérait que l’obsession pour les mathématiques et la recherche de certitude étaient des symptômes de la « volonté de puissance » qui caractérisait la culture occidentale. »
Les Stoïciens se placent dans l’entre-deux en accordant une grande importance au mathématiques tout en limitant leur place sur le chemin de la sagesse.
« Les Stoïciens étaient très attachés à la logique et à la rationalité, et ils considéraient les mathématiques comme une branche de la logique. Ils voyaient les mathématiques comme une méthode pour cultiver la pensée rationnelle et développer la capacité à raisonner de manière cohérente. Les mathématiques étaient perçues comme un moyen de s’exercer à la rigueur et à la précision de la pensée.
Les Stoïciens reconnaissaient également la valeur des mathématiques en tant que domaine d’étude indépendant. Ils utilisaient des exemples mathématiques pour illustrer leurs enseignements philosophiques. Par exemple, le stoïcien Chrysippe a utilisé l’analogie des figures géométriques pour expliquer la nature de l’univers et la structure de la connaissance.
Par ailleurs, les Stoïciens accordaient une grande importance à l’étude de la nature et à la compréhension de l’ordre cosmique. Ils voyaient dans les lois mathématiques un reflet de l’ordre naturel et les considéraient comme un moyen de saisir l’harmonie et la régularité de l’univers. »
Associant notre héritage culturel de l’Antiquité avec l’engouement de la modernité industrielle occidentale pour les mathématiques, il n’est pas étonnant que notre perception de l’intelligence se trouve focalisée sur la rationalité des nombres et des modélisations. Mais n’avons nous pas oublié l’enseignement des Stoïciens ?
« Il est important de noter que les Stoïciens ne considéraient pas les mathématiques comme la seule voie vers la sagesse. Ils mettaient davantage l’accent sur la philosophie morale et l’éthique, considérant que la vertu et la sagesse étaient plus importantes que la connaissance mathématique. Les mathématiques étaient plutôt considérées comme un outil complémentaire pour développer l’esprit et la capacité à raisonner de manière logique. »
De tout temps, l’outil a permis à l’être humain de se libérer de contraintes physiques ou intellectuelles pour lui permettre d’accéder à des compétences autres et sans aucun doute, lui permettre d’accéder à un autre niveau de conscience. L’IA ne sera-t-elle pas l’outil qui nous libérera de notre asservissement à l’hégémonie actuelle de la rationalité mécaniste pour nous permettre de retrouver d’autres dimensions de l’intelligence humaine comme la conscience de notre place dans la nature sans compétition avec elle, une autre identité ?
C’est peut-être un plan D ! 😉
Et avec le concours gracieux de ChatGPT 3.5
Laisser un commentaire