Revue Générale, Charles Ponzi, Bernard Madoff et Sam Bankman-Fried : faux ou vrais financiers de génie ?, à paraître

À paraître dans la Revue Générale.

Charles Ponzi, Bernard Madoff et Sam Bankman-Fried ne sont pas de la race de ces escrocs ordinaires qui, ayant pris conscience de la crédulité insondable de ceux de leurs congénères qui cessent de voir le bout de leur nez aussitôt que l’appât du gain leur trouble la vue, décident froidement d’en tirer tout le parti qui sera possible. Non : ce sont des hommes qui crurent d’abord à leur propre génie avant que les bornes de celui-ci ne leur apparaissent et qu’ils refusent alors de décevoir ceux qui continuent d’y croire, pompant les ressources des gogos tard venus pour satisfaire les authentiques fidèles de la première heure : récompensant ceux qui avaient reconnu leur génie quand il éclatait aux yeux du monde, quitte à berner ensuite à l’échelle industrielle les imbéciles prêts à croire au génie quand il avait hélas cessé d’être. Nous avons tort de voir en ces trois anti-héros des êtres immoraux car ils ne le furent jamais à leurs propres yeux : prenant quelques libertés sans doute vis-à-vis de règlements tatillons, mais recherchant le bien et voulant faire bénéficier la multitude de la compréhension qu’ils ont acquise de la manière dont la finance « marche vraiment ». Autrement dit, pour nous qui sommes du vulgaire : des escrocs non pas ordinaires mais extraordinaires puisqu’après mûre réflexion, et du coup, en toute connaissance de cause.

La « pyramide » ou « cavalerie »

Ces montages financiers que l’on appelle en français « pyramides » ou « cavaleries », les Américains les désignent du nom de « Ponzi schemes » en hommage au grand Carlo Ponzi : créations de valeur fictives, aucune opération commerciale à proprement parler nétant à lorigine des gains souvent fabuleux que réalisent les plus chanceux des participants. La crédibilité de la combine est soutenue pendant un temps par la capacité de larnaqueur à verser aux souscripteurs les gains faramineux quil leur a promis, non pas du fait de la création effective de nouvelles richesses mais parce que de nouveaux souscripteurs, alléchés par les gains quil leur fait miroiter, affluent en masse alors que se répand la bonne nouvelle des profits réalisés par les premiers bénéficiaires, les cotisations des nouveaux entrants permettant le versement des sommes promises à ceux qui se sont inscrits avant eux, transvasement de la quote-part versée par les derniers venus aux participants des débuts.

Le nom « pyramide » renvoie au fait quune base très large supporte une structure imposante dont le sommet est, lui, étroit. La pyramide seffondre ou la cavalerie vient s’écraser sur un mur lorsque le montant des nouvelles cotisations entrantes a cessé datteindre le niveau des versements à faire. L’impossibilité de trouver de nouvelles recrues est alors due soit au fait que la source en est purement et simplement tarie, soit parce que le doute s’est instillé quant à la viabilité de la formule parmi les nouveaux candidats potentiels, sous les coups de boutoir parfois de courageux lanceurs d’alerte.

Le génie de Ponzi (1882 – 1949) fut d’avoir saisi que le principe moteur de la cavalerie, c’est une accélération progressive sans à-coups. Madoff (1938 – 2021) comprit qu’une cavalerie potentiellement perpétuelle suppose une gestion fine du nombre des cavaliers sur le champ,  quimporte qu’il soit de course ou de bataille. Quant à Bankman-Fried (1992 – …), son génie fut d’avoir découvert que, de la même manière qu’il suffit pour être célèbre dans un monde devenu celui des réseaux sociaux, de le clamer d’une voix qui porte, il est possible aujourdhui d’être un génie sans autre mérite que des parents professeurs à Stanford ou au M.I.T. affirmant à la cantonade dun ton docte que, décidément, non, bon sang ne peut mentir !

Trois personnalités hors du commun

Des trois, Ponzi fut certainement le moins honnête : « tout petit déjà… », pourrait-on dire. Arrivé de son Émilie-Romagne natale en 1903, serveur à Boston, il se fera aussitôt pincer à ne pas rendre la monnaie et sera plus de dix ans sous les verrous à différentes époques de sa vie. Madoff sera passé au contraire pour un financier modèle jusqu’au jour fatidique où il confiera à deux de ses fils que son affaire n’était qu’une vaste pyramide, lesquels, impitoyables, contacteront aussitôt la police – si l’on en croit du moins la version officielle. Mais son parcours avait été jusque-là irréprochable : n’avait-il pas été Président, en 1990, 1991 et 1993, du Nasdaq, la première bourse en volume des échanges aux États-Unis, spécialisée dans les firmes à technologie avancée ? Son réseau ne laissait non plus rien à désirer : au cas où le pot aux roses aurait été près d’être mis au jour, des membres de sa famille savamment distribués au sein des organismes de surveillance auraient pu le prévenir à temps, voire même neutraliser d’éventuels esprits chagrins potentiellement malveillants. Quant à Bankman-Fried, il se cantonnera avec une belle constance avant son arrestation dans le rôle de l’enfant prodige un peu brouillon et égaré, blâmant sa seule candeur pour ses propres déboires, pâles reflets cependant de ceux qu’il causait au même moment à ses meilleurs clients : « Une erreur que j’ai honte d’avoir faite… De façon très gênante, je ne savais pas grand-chose de ce qui se passait… », tels seront littéralement ses propres paroles. Propos, qu’il répétera sous des formes diverses à qui voudra bien l’interviewer durant les quelques semaines qui s’écouleraient entre la faillite de sa firme FTX, le 11 novembre 2022 et son arrestation un mois plus tard, le 12 décembre.

Mais qualifier de « plus ou moins escroc » nos trois compères est un peu court. Plus pertinent sans doute serait de s’interroger s’il était justifié pour eux d’imaginer, comme c’était le cas, que leur principal talent était d’avoir su toucher du doigt comment la finance « marche vraiment » ? Autrement dit, la « pyramide » et la « cavalerie », constituent-elles pour la finance un régime exceptionnel ou seraient-elles peut-être, à peu de choses près, sa forme ordinaire ?

L’arbitrage

Ce que l’on appelle en finance « arbitrage », est l’opération banale consistant à acheter bon marché à tel endroit et revendre plus cher à tel autre. C’est ce que Ponzi entendait faire, comme il l’expliqua dans une lettre qu’il adressa au New York Times en juillet 1920 : « J’écrivis à un correspondant en Espagne à propos du magazine en question et je reçus en réponse un Coupon Postal International quil me fallait échanger contre des timbres américains qui me permettraient de lui faire parvenir un exemplaire de la publication. Acheté en Espagne, le coupon valait à peu près l’équivalent dun cent en monnaie américaine, mais ici, je reçus en échange du coupon des timbres pour un montant de six cents. Je menquis alors du taux de change dans dautres pays. Je commençai par en échanger de faibles quantités. La formule fonctionnait sans problème. Le premier mois, 1.000 dollars se transformèrent ainsi en 15.000. Jinvitai des amis à se joindre aux opérations. Pour commencer, jacceptai des dépôts sur mon titre, payables à quatre-vingt-dix jours, avec versement de 150 dollars par 100 dollars déposés. Bien que promis à quatre-vingt-dix jours, jeffectuai les paiements à quarante-cinq jours. »

Bien sûr, il aurait fallu à Ponzi des quantités considérables de ces coupons postaux. Au faite de sa carrière, pour alimenter son affaire, 160 millions de ces coupons auraient été nécessaires alors qu’il n’y en avait en circulation à cette époque, que 27.000.

C’est la même technique de l’arbitrage qui permit à Bankman-Fried de se constituer un capital initial : il collectait la « prime kimchi » que l’on touche en achetant des « cryptomonnaies » à Hong Kong et en les revendant en Corée ou au Japon où elles se traitent à un prix plus élevé.

La gestion fine des entrées et des sorties

De manière surprenante, pour ne pas dire proprement choquante, Frank Fabozzi et Franco Modigliani (prix « à la mémoire dAlfred Nobel » d’économie en 1985) expliquèrent dans un livre rédigé conjointement que les banques commerciales opèrent de manière quasi-permanente en régime de « cavalerie », les secteurs occasionnellement chancelants de leur activité étant soutenus par ceux qui sont alors florissants : « … une banque dans une position délicate », écrivaient-ils, « ne doit pas automatiquement déposer son bilan tant quelle est à même de verser à ses épargnants intérêt et principal, faisant pour cela appel à ses réserves ou liquidant certains de ses actifs, mais, surtout, en utilisant la technique dite de Ponzi” : en attirant de nouveaux clients » (Fabozzi & Modigliani, Mortgage and Mortgage-backed Securities Markets, 1992).

Et le fait est que si Bernard Madoff sut mener sa barque aussi longtemps (de la fin des années 1980 à décembre 2008), c’est qu’il avait compris qu’une gestion fine des entrées et des sorties permettait de faire d’une pyramide, une structure quasi-permanente. C’est pour l’avoir compris qu’il avait fait de la souscription à son fonds une course d’obstacles, exigeant un parrainage suivi de l’antichambre que constituait un séjour prolongé dans une file d’attente. Si la pyramide s’effondra tout de même, c’est que des participants de longue date, victimes de pertes subies ailleurs en raison de la crise des subprimes, durent retirer des fonds.

Madoff présentait les revenus de son fonds de placement comme résultant d’opérations financières légitimes : la mise en œuvre dune stratégie particulière où se trouvaient combinées la gestion dynamique dun portefeuille dactions, c’est-à-dire leur achat et leur revente rapides, et lutilisation de collars, lesquels sont un montage particulier doptions portant sur ces actions. Et il est vrai que si le marché boursier restait porté par une tendance haussière constante et sans mouvements désordonnés à la hausse ou à la baisse, la stratégie que Madoff prétendait appliquer pour ses clients aurait bien permis dengranger des gains réguliers et aurait été susceptible de générer le rendement d’environ 1% par mois quil affirmait obtenir.

Mais comme cela avait été le cas de Ponzi et de ses coupons postaux dont le volume des opérations excéda rapidement celui qu’auraient permis ceux en circulation, vu la faible taille du marché des options et le volume gigantesque pris par les opérations de Madoff, sa stratégie aurait totalement déséquilibré ces marchés : elle était irréalisable à l’échelle qui était devenue la sienne, celle des dizaines de milliards de dollars que le nouveau Ponzi brassait en réalité. Les audits qui furent réalisés une fois que le voile fut levé sur la supercherie, montrèrent que le marché naurait jamais pu absorber le volume des transactions que Madoff prétendait faire dans les relevés minutieux quil communiquait scrupuleusement à ses clients. Un lanceur d’alertes dont les appels furent ignorés, avait d’ailleurs deviné cela.

Notons qu’évaluée en dollars contemporains, la pyramide de Ponzi se montait à environ 300 millions alors que la fraude de Madoff porta sur 64,8 milliards, soit 216 fois plus, ou 100 fois plus environ si l’on considère que 35 milliards sur les 64,8 représentaient des gains potentiels mais purement fictifs puisque les transactions n’avaient lieu qu’en imagination… ce qui n’empêcha pas les souscripteurs grugés de déclarer comme pertes les gains-mirages qui leur avaient été promis ! Confirmant par là qu’en finance, même l’imagination n’est pas dépourvue de valeur marchande !

La poudre (d’or !) aux yeux

Avec Sam Bankman-Fried, il s’agissait d’autre chose encore : ne fut-il pas présenté comme « l’homme qui révolutionnerait la finance », qui ferait de l’argent « autre chose que ce qu’on a connu jusqu’ici ». Il n’est pas de qualificatif positif auquel on n’ait recouru pour caractériser sa personne. Rayonnait en réalité de lui une assurance de classe « puante », le mot n’étant pas trop fort : la personne capable de vous embobiner dans n’importe quelle combine sur la seule base des paillettes dont sont saupoudrés les rapports de force sous-tendant nos sociétés quand ils sont envisagés du bas vers le haut : qu’étant vous de la gnognotte, il va de soi que vous admirerez une personne de son calibre à lui.

Bien entendu, avec les prétendues « cryptomonnaies », il ne s’agit pas de vraie finance, ou plus exactement, il s’agit de vraie finance au seul sens où Bankman-Fried et sa bande subtilisèrent du véritable argent à des personnes qui imaginaient elles se retrouver par la grâce de son intermédiaire au cœur même du réacteur de la finance. À ceci près qu’il est question avec les « cryptomonnaies », non pas d’authentiques monnaies mais de simples équivalents de jetons de casino. La magie du casino se dissipe bien entendu aussitôt refranchies ses portes, il n’en est pas moins vrai que ses jetons ont été acquis avec du véritable argent dans un espoir de gains à venir et que si l’on a perdu, c’est du véritable argent qui aura servi à acheter seulement de la poudre aux yeux.

Au vu et au su de tous, Bankman-Fried soutenait financièrement le Parti démocrate, pendant qu’en douce et de manière dailleurs parfaitement illégale (il fut poursuivi pour cela aussi) il consentait des dons d’à peu près le même montant aux Républicains. Il avait compris que la poursuite de ses opérations dépendait de manière vitale de ses appuis politiques.

On l’a vu avec Madoff, ce sont des accidents qui déterminent le moment précis où une pyramide s’écroule. Dans le cas de Sam Bankman-Fried, le pépin fut que dans sa stratégie de se faire bien voir du monde politique, il militait en faveur d’une réglementation du secteur des « cryptomonnaies ». Il n’y avait là qu’une opération de relations publiques sans grand risque financier car il n’ignorait pas qu’au train où vont habituellement les réformes, un changement significatif du climat dans le secteur ne constituait pas une menace imminente. Or Bankman-Fried était en affaires avec un certain Changpeng Zhao à la tête de Binance, une bourse de « cryptomonnaies » rivale, lequel n’appréciait que très peu les efforts de son concurrent en faveur d’une meilleure protection du consommateur. Dans la déclaration de 18 pages que Bankman-Fried avait préparée en vue d’une audition où sa présence était souhaitée devant le United States House Committee on Financial Services et qu’il ne put exposer pour avoir été arrêté la veille, le Copernic supposé de la finance s’en prenait violemment à Zhao dont il affirmait qu’il lui avait promis de racheter sa firme, mais de mauvaise foi : pour mieux la couler d’intention délibérée… la musique ne s’interrompant jamais au bal des aigrefins !

Bulles financières et « pyramides » ou « cavaleries »

Robert J. Shiller, professeur de sciences économiques à Yale University (prix « à la mémoire dAlfred Nobel » d’économie 2013), a qualifié les bulles financières de « machines de Ponzi spontanées » (Shiller, Irrational Exuberance, 2000), soulignant qu’indépendamment de la malfaisance de certains de ses acteurs, la finance présente une prédisposition à se mettre en régime de pyramide ou de cavalerie.

Shiller marchait en réalité sur les traces de l’économiste keynésien Hyman Minsky (1919 – 1996), lequel avait expliqué que la finance pouvait se mettre à fonctionner en « régime Ponzi » quand une dynamique de crédit entrait dans une phase d’emballement. Dans son article intitulé « The Financial Instability Hypothesis » (1993), Minsky décrivait le processus d’un tel emballement. Au départ, l’emprunteur reste maître de la situation parce qu’il est en position « couverte » : les revenus de la somme empruntée lui permettent de verser les intérêts et de rembourser le prêt à maturité. Le dérapage intervient quand le revenu des sommes empruntées suffit encore au versement des intérêts mais a cessé de pouvoir assurer le remboursement du principal, forçant l’emprunteur à reconduire, « faire rouler », sa dette d’échéance en échéance ; Minsky parle alors de régime « spéculatif ». Enfin, lorsque les revenus sont insuffisants même à acquitter les intérêts, l’emprunteur est obligé d’emprunter toujours davantage pour faire face à ses obligations, ce que Minsky caractérise à juste titre comme un cycle de crédit entré en « régime Ponzi ». J’ai ainsi pu montrer dans mon ouvrage L’Implosion (2008) qu’on avait pu observer en 2006, lors des prémisses de la crise des subprimes, la transition d’un moment « couvert » vers un moment « spéculatif », avant que le marché ne bascule tout entier en « régime Ponzi » durant le premier semestre 2008.

Dans le même ordre d’idées, la formule des stock-options mise au point en 1975 par le cabinet d’études McKinsey dans l’intention explicite d’aligner une fois pour toutes les intérêts des actionnaires des firmes et leur patronat, rendant impossibles les alliances occasionnelles d’autrefois de l’un ou de l’autre avec les salariés, permet à des startups de fonctionner pour un temps en régime pyramide parce que de jeunes recrues aux dents longues acceptent de travailler pour des salaires de misère en échange de stock-options dont la valeur sur le papier semble s’envoler du fait justement que le bas niveau de ces salaires bradés gonfle les bénéfices apparents.

Conclusion

Que retenir de tout cela, d’une finance toujours en régime de cavalerie ici ou là, la seule différence étant dans l’identité précise du sous-secteur touché alors et le caractère plus ou moins marqué du processus ? Laissons la parole à Carlo Ponzi lui-même, qui déclara à l’occasion de sa dernière interview :

« Même s’ils n’en ont jamais rien tiré, à ce prix-là, c’était peu cher payer. Je leur avais offert sans la moindre intention malveillante, le meilleur spectacle jamais organisé sur leur territoire depuis l’arrivée des Pèlerins ! Cela valait au moins quinze millions de dollars de me voir mettre en place un truc pareil. »

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24 réponses à “Revue Générale, Charles Ponzi, Bernard Madoff et Sam Bankman-Fried : faux ou vrais financiers de génie ?, à paraître”

  1. Avatar de mezigue
    mezigue

    Bankman-Fried = banquier grillé 🙂

    1. Avatar de Karluss
  2. Avatar de Karluss

    1975 McKinsey, déjà eux !
    on pourrait rajouter Stavisky dans la liste des « cavaliers » de la finance apocalyptique.
    les pyramides d’Égypte sont plus solides

    1. Avatar de Guy Leboutte

      Super article, qu’on lit comme une histoire à rebondissements, et très bien écrit. Du tout bon Paul Jorion, ha ha!
      J’espère qu’on vous paie pour cet article?

      1. Avatar de Paul Jorion

        Hélas mon bon Monsieur, je ne suis qu’un pauvre psychanalyste solitaire et très loin de chez lui !

        1. Avatar de Guy Leboutte

          Ah la psychanalyse… C’est savoir se raconter sa propre histoire. 🙂

        2. Avatar de fnh
          fnh

          Est-ce que le psychanalyste ne serait pas d’accord sur le fait qu’il faudrait remplacer « Nous avons tort de voir en ces trois anti-héros des êtres immoraux car ils ne le furent jamais à leurs propres yeux » par « Nous n’avons pas tort de voir en ces trois anti-héros des êtres immoraux bien qu’ils ne le fussent jamais à leurs propres yeux »?

  3. Avatar de l'arsène
    l’arsène

    Très bon article qui me persuade que le système capitaliste en général et le système bancaire en particulier ne sont en vérité que des pyramides de Ponzi en plus sophistiquées, on l’a vu en 2008, une banque s’effondre et toutes les autres sont fragilisées et peuvent aussi disparaitre.
    La solution est pourtant simplissime, se débarrasser de ce système.
    Y a du boulot !

  4. Avatar de Pascal
    Pascal

    Homo pyramidus
    Merci Paul pour ce billet très éclairant sur, me semble-t-il, une des grandes faiblesses que révèle notre histoire humaine au cours de ces derniers siècles, où la technique a permis de démultiplier (presque à l’infini avec l’informatique) la puissance d’action de l’être humain.
    L’un des principes fondateurs de la technologie et de l’innovation est lié aux notions de concurrence et de compétition. Les principaux acquis technologiques, même encore aujourd’hui, sont issus de la recherche militaire qui s’inscrit bien évidemment au cœur de la notion de compétition : la compétition, c’est la guerre. Que ce soit dans le cadre de la guerre territoriale, la guerre économique, la guerre industrielle… l’intention est toujours la même, celle de la domination.
    Et quoi de mieux qu’une pyramide pour dominer ? « Soldats, songez que du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent », disait le petit Corse.
    Depuis toujours, l’homme a compris que sa survie s’inscrit dans un rapport de force, celui qu’on retrouve dans la nature, dans la relation de prédation. Mais les innovations technologiques ont chaque fois permis à l’être humain d’accéder à toujours plus de puissance : le feu, la poudre à canon, le pétrole, jusqu’au nucléaire.
    Toute la recherche n’a-t-elle pas tournée autour du principe du bras de levier ? « Donnez moi un point d’appui et je soulèverai la Terre », disait le grand Archimède. Comment démultiplier la force ? Introduit dans l’entreprise, la force de travail (au cœur du contrat salarial) s’est vue dépassée par la force des machines qui ont permis aux propriétaires des machines, puis aux actionnaires (plus volatiles en cas de crise) d’accéder en haut de la pyramide sociale et de s’y installer.
    Même s’il y eut quelques tentatives de légiférer contre les trusts et les monopoles, l’innovation sémantique et comptable a permis l’émergence des multinationales qui devinrent enfin des « Groupes ». Quel merveilleux mot de celui de « Groupe » qui finalement ne signifie rien d’un point de vue sémantique mais qui recouvre une autre richesse sémantique avec ses filiales, ses sous-traitants, son optimisation fiscale, j’en passe et des meilleurs, jusqu’au Paradis, fiscal bien entendu.
    Quelques belles Pyramides du 21éme siècle : Pyramide du Groupe LVMH exploite 75 filiales qu’il appelle maisons autour de six secteurs cœur : vins et spiritueux, mode et maroquinerie, parfums et cosmétiques, montres et joaillerie, distribution sélective et autres activités, qui repose sur 176 000 salariés. Pyramide du Groupe Total avec 903 filiales revendiquées dans le monde reposant sur 101 000 salariés.
    Mais rien de tout cela n’existerait sans l’innovation majeure du 20ème siècle : la financiarisation. D’où l’on voit dans le billet de Paul que la notion de pyramide est également au cœur du système financier. Car si l’homme a acquis la puissance physique avec la maîtrise du feu, du pétrole et du nucléaire, de par sa capacité à conceptualiser, il inventa aussi une puissance virtuelle : la monnaie. Et de concepts en concepts naquis une science conceptuelle : l’économie. Blagues à part, la richesse pyramidale des banques repose à la base sur les dépôts des épargnants jusqu’à l’arrivée de la « bourse ». Quelle joli nom la « bourse », juste un petit sac où autrefois on glissait ses quelques sous. Mais la bourse devint si grande que les êtres humains purent rentrer dedans en jouant à jeter des papiers dans une corbeille. La richesse qui reposait sur la « force de travail » des salariés pour le patron glissait imperceptiblement en dehors de l’usine pour au final s’illuminer sur de petits écrans noirs qu’on nomma ordinateur. Vous connaissez la suite.
    L’informatique là dedans, n’a été qu’un formidable accélérateur, comme on le voit dans le billet de Paul avec les crypto-monnaies. Un accélérateur dans la virtualisation du fonctionnement humain.
    Et pourtant nous en sommes toujours là : innovation, performance, compétition au service de la recherche de puissance et domination. Regardez bien, l’esprit humain n’a pas bougé depuis des millénaires.
    Seulement voilà, si l’esprit pyramidale n’a de limite que l’infini, la réalité du monde physique, elle, est bien limitée.
    Notre esprit pyramidal hystérique, après avoir atteint son apogée, nous emporte vers notre destruction physique, avec la nature en victime collatérale. C’était inévitable, notre destinée d’homo pyramidus. L’esprit pyramidale ne peut conduire ailleurs qu’à l’effondrement. Comme du temps de Babel, nous rêvons d’aller jusqu’au ciel rivaliser avec Dieu. Comme la grenouille de Monsieur de La Fontaine.
    S’il y a une porte de sortie, cela ne peut être qu’en sortant de l’esprit pyramidal et de ce désir enivrant de puissance et de domination.

    1. Avatar de gaston
      gaston

      La nature est-elle la victime collatérale de notre propre destruction ou sommes-nous les victimes collatérales du sort que nous réservons à la nature ? N’est-ce pas notre anthropocentrisme qui nous a conduit là ?

      1. Avatar de Pascal
        Pascal

        Oui, nous sommes une part de la nature et c’est de croire que nous sommes autre chose qui nous mène là.

  5. Avatar de un lecteur
    un lecteur

    Nous sommes d’accord, toute ressemblance avec la fraude fiscale, l’optimisation fiscale, les Paradis fiscaux, les voleurs ayant une longueur d’avance sur les policiers et la complexité croissante des cavaleries face aux régulateurs tatillons et purement fortuite.
    C’est juste le hasard qui nous joue des tours.

    1. Avatar de Pascal
      Pascal

      C’est le hasard de l’évolution qui nous a fait et c’est la nécessité de notre ambition qui nous joue des tours.

      1. Avatar de un lecteur
        un lecteur

        L’évolution intègre au minimum un mode de sélection. Dans le système financier, on peut le résumer ainsi. Si je connais un moyen de « faire » (de vider des comptes clients, de toute façon ce pognon ils n’en ont pas besoin, on est quand même civilisé) de l’argent, parce que c’est moi et c’est tout, je ferai en sorte que j’en prélève plus (gagne peut convenir vu qu’il y a travail, mais d’escroc, pas de quelqu’un qui « créer » de la richesse, l’ouvrier par exemple) que toutes les autres personnes nécessaires à cette activité (d’escroc).
        Je le concède, il y a une pâle copie du principe d’évolution, mais conditionné à des croyances et une vision de nous-même dans notre finitude et nos limitations humaine et non pas universelle.
        La finance pourrait être vue comme un laboratoire à échelle humaine (Disneyland, multiagent simulator, Pribor.io avant l’heure) avec les financiers dans le rôle des rats de laboratoire, pour tester l’homo-œconomicus dans un environnement contrôlé. Dans cette hypothèse alors, il est évident que les « sciences économiques » construites sur l’atome homo-œconomicus saupoudré de bidouillage mathématico-physique ne vaut pas tripette.

        1. Avatar de Pascal
          Pascal

          Il y a dans l’espèce humaine un caractère qui me semble unique dans l’évolution, c’est son désir insatiable de puissance, qu’elle soit financière ou autre. Et ce caractère traverse toutes les classes sociales sans distinction.

          1. Avatar de gaston
            gaston

            @ Pascal

            Il me semble que ce « désir insatiable de puissance » que vous évoquez est peut-être la conséquence de l’éternelle insatisfaction une fois le palier atteint. Ce que les psychologues appellent « le tapis roulant hédonique ».

            A ce sujet un intéressant article paru dans le Wall Street Journal paru il y a une dizaine de jours :

            https://www.wsj.com/articles/is-this-it-when-success-isnt-satisfying-6fbd62f1

            1. Avatar de Pascal
              Pascal

              Merci Gaston
              Je retiens cette phrase de l’article : « Ou bien l’euphorie du succès disparaît rapidement, remplacée par cette vieille panique que nous espérions voir disparaître. »
              C’est quoi cette « vieille panique  » ? Si nous ne la regardons pas en face, nous ne sortirons jamais de cette fuite en avant vers le plaisir éphémère qui nous condamne au malheur.

        2. Avatar de Pascal
          Pascal

          Question !
          Dans le règne animal, la puissance n’est elle pas uniquement destinée à la préservation ? N’y a t’il pas là un biais dans l’évolution avec l’espèce humaine qui n’ayant plus de prédateurs, a perpétué la nécessité de puissance dans un délire de domination qui ne serait que son incapacité à maîtriser sa propre capacité de puissance ?

          1. Avatar de un lecteur
            un lecteur

            Je pense que le biais qui caractérise l’humain et l’humanité c’est sa position, son rang, dans l’évolution du vivant sur Terre. Je pense que les « déviances » qui nous caractérisent, dans une comparaison avec d’autres espèces, peuvent apparaître chez n’importe d’être vivant, pourvu que le rang, sa position dans son milieu (une île par exemple) soit comparable au nôtre sur Terre.

            1. Avatar de Pascal
              Pascal

              « sa position, son rang, dans l’évolution du vivant sur Terre. »
              Ceci est une invention humaine. Une interprétation établie à partir de nos connaissances (limitées) autojustifiant la haute estime que nous avons de nous même, un brin égocentré.😉

              1. Avatar de un lecteur
                un lecteur

                C’est vrai, des langues totémiques sont certainement plus à même d’exprimer cette notion que nous partageons avec le vivant.

  6. Avatar de JMarc
    JMarc

    Vu aujourd’hui : « Le capitalisme, on l’engraisse, on l’engraisse, quand est-ce qu’on le bouffe ? »

  7. Avatar de Ruiz
    Ruiz

    « lors des prémices de la crise des subprimes, » ?

  8. Avatar de gaston
    gaston

    A la fin de cette très chaude journée de mars (49°3 Paris VIIème), 2 nouvelles rafraîchissantes dans la presse sur les cryptomonnaies :

    1) Le célèbre économiste Nouriel Roubini nous confirme que « Le château de cartes crypto est en train de s’effondrer ». (les assidus du blog le savaient déjà)

    https://fr.investing.com/news/cryptocurrency-news/le-chateau-de-cartes-crypto-est-en-train-de-seffondrer-previent-nouriel-roubini-2162093

    2) En Allemagne la plateforme de crypto ChipMixter a été fermée par Europol : elle est accusée d’avoir participé au blanchissement de plusieurs milliards d’euros. Des escrocs ? (les assidus du blog le savaient déjà) 😉

    https://www.numerama.com/tech/1305988-bye-bye-chipmixer-la-plateforme-de-blanchiment-de-cryptos-a-ete-fermee.html

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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