Qui aurait pu prévoir, le 24 ou le 25 février 2022, qu’un an plus tard les Ukrainiens feraient l’objet d’une avalanche de propositions de paix et de cessez-le-feu de leurs ennemis mais aussi de leurs amis ? La réponse n’est pas difficile : pratiquement personne car tout le monde, ennemis mais aussi amis, ne croyaient pas qu’un an plus tard, il y aurait encore un pays indépendant nommé Ukraine en état de négocier sérieusement quoi que ce soit avec la toute puissante Fédération de Russie. En somme, si on parle aujourd’hui de paix, on le doit à la résistance héroïque et totalement « imprévue » du peuple ukrainien à l’agression de l’impérialisme grand-russe, laquelle a fait échouer les plans initiaux tant des uns que des autres.
Ceci étant dit, ces propositions de paix font problème. Venant des ennemis de l’Ukraine, elles se résument à un ultimatum clair et net : rendez-vous tout de suite pour qu’il y ait la paix aujourd’hui même ! Ou cette variante : rendez-vous pour que cesse le massacre inutile des Ukrainiens… dont les Ukrainiens sont les seuls responsables. Prononcé presque jour après jour par des éminences du Kremlin telles que Medvedev, Soloviev ou même Poutine lui-même, cet ultimatum ne fait qu’illustrer le cynisme et l’arrogance de ces sinistres personnages. Mais, répété par des gens qui se disent de gauche, il ne fait que scandaliser tout être normalement constitué : Comment est-il possible qu’une proposition de paix pose comme préalable qu’une des deux parties en cause accepte volontairement sa disparition ? Et aussi, qu’elle ne s’arme pas de façon adéquate pour faire front à la « deuxième plus grande puissance militaire » du monde?
Mais, l’hypocrisie de ces prétendus « pacifistes » apparaît dans toute sa splendeur macabre quand ces gens de gauche s’apitoient sur le sort tragique des seuls ukrainiens prétendument « sacrifiés inutilement » par leurs dirigeants, et ne disent rien des hécatombes de jeunes Russes servant de chair à canon au maître du Kremlin. S’ils voulaient vraiment la paix, ils pourraient très bien commencer par demander, en toute priorité, à Poutine de cesser de sacrifier ses compatriotes dans une guerre impérialiste et pas aux Ukrainiens qui ne font que défendre leur droit le plus élémentaire: le droit d’exister…
Si ces « propositions de paix » venant des ennemis des Ukrainiens sont de la plus pure propagande pour les imbéciles, il n’en va pas de même des propositions de paix des amis (ou prétendus amis) occidentaux des Ukrainiens. Prêchant -d’une façon ou d’une autre- la nécessité de « ne pas humilier Poutine », la plupart de ces propositions de paix sont conditionnées par le besoin des grandes puissances occidentales de ne pas couper les ponts avec la Russie, son marché et ses matières premières. C’est d’ailleurs pourquoi l’aide militaire offerte par les pays occidentaux à l’Ukraine fait imperceptiblement penser à celle offerte jadis par les pays du « socialisme réellement existant » au Vietnam luttant contre l’agression américaine : suffisante pour ne pas être vaincu mais insuffisante pour vaincre…
Évidemment, la résistance (imprévue) du peuple ukrainien en armes influe grandement sur la politique ukrainienne des occidentaux, les obligeant à modérer ou même à « oublier » momentanément leurs pressions sur Kiev. Cependant, ces pressions refont périodiquement surface, surtout quand les Ukrainiens rencontrent des difficultés face à l’armée russe. C’est alors qu’elles prennent la forme des propositions (ou plans) de paix conseillant aux Ukrainiens de « modérer » leurs ambitions (par exemple, en abandonnant la Crimée à la Russie) afin de ne pas créer trop de difficultés à Poutine et à son pouvoir à l’intérieur de la Russie.
L’objectif de telles propositions de paix est manifeste : amadouer Poutine afin de le rendre plus « raisonnable » ! Malheureusement, cette tactique présente au moins deux grandes faiblesses, qui la rendent finalement inopérante. D’abord, elle ne tient aucun compte des populations intéressées (p.ex. des Tatars de Crimée) dont elle s’en fout éperdument, ce qui a comme conséquence logique qu’elle se heurte à leur refus et leur résistance. Et ensuite, qu’elle ignore les désastres auxquels ont abouti de telles « politiques d’apaisement » appliquées au XXe siècle à des tyrans comme Hitler ou même à Poutine lui-même dans un passé beaucoup plus récent !
Inopérants pour ces raisons, ces « plans de paix » sont aussi et surtout immoraux car paternalistes et empreints d’arrogance de grande puissance. Voulant décider du sort du peuple Ukrainien en lieu et place de celui-ci, ils ne font que confirmer qu’au-delà des accords et des alliances passagères, le peuple ukrainien ne peut compter finalement que sur ses propres forces. Exactement comme il l’a fait dès le début de cette guerre. Et évidemment sur la solidarité active internationaliste des opprimés et de « ceux d’en bas » en Russie et Biélorussie, en Europe et de par le monde…
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