Les carnets du psychanalyste – “Être captivé”

5.1.2022. “Être captivé”.

Un passage dans mes notes mérite quelques éclaircissements : “Être captivé = capturé. Nous sommes parfois les objets des événements se déroulant en-dehors de nous. Exemple : la fille dans la Kalverstraat. Réflexion sur les appartenances chez Lévy-Bruhl”. L’idée là, c’est que n’émerge à la conscience que le produit d’une “soupe” dont l’essentiel se malaxe et se transforme à un niveau inconscient. Cela apparaît tout particulièrement quand nous sommes captivés, c’est-à-dire à proprement parler capturés par des éléments extérieurs qui façonnent alors entièrement notre comportement : nous en sommes l’objet. La “fille dans la Kalverstraat”, c’est une jeune femme qui me précède dans cette étroite rue commerçante d’Amsterdam, et dont j’interprète d’abord la démarche quelque peu erratique comme due à l’ivresse, avant de me rendre compte que non, elle est probablement sobre, mais progresse à son pas en étant captivée par les diverses boutiques de luxe dont les devantures retiennent un bref moment son attention à gauche et à droite. Elle n’est pas maîtresse de sa trajectoire : ce sont les objets présentés dans les vitrines qui en décident. Quand je mentionne “les appartenances chez Lévy-Bruhl”, je renvoie aux réflexions du philosophe de l’entre-deux-guerres quant au fait que, selon les cultures et les individus, le Moi individuel investit dans un rayon plus ou moins large, des choses extérieures aux limites de son corps définies par sa peau : si l’on raye ma voiture, j’en serai fâché, mais ne crierai pas vengeance comme le fera mon voisin dans les mêmes circonstances car il le vivra lui de la même manière que si on lui avait véritablement poché un œil. Dans le cas de mon analysant YH, lorsque le minerai dans sa mine se révèle être “à faible teneur”, c’est sa propre personne qui lui apparaît soudain comme “à faible teneur”, et c’est à ce moment-là et pour cette raison-là, qu’il dévisse.

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25 réponses à “Les carnets du psychanalyste – “Être captivé”

  1. Avatar de naroic
    naroic

    C’est pour moi affreux de le dire – mais la psychanalyse ne me résoudra en rien, comme nombre de mes congénères – et pourtant tellement de dysfonctionnements nous taraudent, le mal-être est une seconde peau – mais pour ce qui me concerne je sais trop bien de quoi tout cela procède et le mieux être – terra incognita – ne peut être un horizon.
    La psychanalyse, de ce que j’en entends c’est l’affaire de ceux pour qui ça allait et puis à un moment ben ça va plus – donc il s’agit de retrouver le chemin qu’ils avaient perdus – mais pour ceux qui n’ont jamais connus de chemin ?

    1. Avatar de Hervey

      Ne pas trop s’inquiéter :
      « Heureux les simples d’esprit le royaume des cieux leur est ouvert ».
      Le serment sur la Montagne

      1. Avatar de Hervey

        Ni serment ni sarment mais sermon … mes excuses.
        Mais l’image du « minerai à faible teneur » est un sujet sur lequel on va probablement débattre de plus en plus.
        Il s’impose déjà dans le secteur de l’économique et l’accès aux matières premières, que ce soit pour fabriquer des obus ou pour changer de direction vers la « transition écologique », deux contextes qui se présentent à nous en priorité.
        Le pourcentage du « minerai à faible » ou « forte teneur » c’est aussi ce qui fait sa valeur.

        Il se pourrait bien que pareil à la déambulation de « la fille dans Kalverstraat » nous ne soyons déjà soumis aux aléas d’un pareil ballet, parcourant les vitrines côté pair et impair sous les feux de la Grand Rue du monde, happés par ce que proposent les boutiques en ces temps d’effets Thucydide.

      2. Avatar de PHILGILL
        PHILGILL

        @ Hervey

        Oui, mais où se trouve le royaume des cieux ?

        Dans l’hypothèse suivante : « Le royaume des cieux est en vous » (cf. Tolstoï), ne pourrait-on pas en conclure alors que ce royaume soit ouvert pour les heureux et les simples d’esprit, et à fortiori, le soit beaucoup moins pour les autres ? Moins ouvert pour les autres, dans le sens justement où, ces derniers sont moins disposés pour des motifs divers et variés à accueillir la joie et/ou à manifester leur propre bonheur, voire à accepter celui des autres, parce que la joie est souvent primaire, expansive, et s’accompagne souvent de désordre, etc…

        De plus, si ce royaume est en rapport direct avec l’esprit, dans ce cas, comment être en capacité de voir, d’examiner celui-ci dans tous ces nœuds, des plus simples aux plus complexes ?
        Et si, dites-vous, il ne faut pas trop s’en inquiéter pour les simples d’esprit, pourquoi devrions-nous nous inquiéter davantage des raisons pour lesquelles l’esprit des autres se retrouve en quelque sorte moins « délié » ?

        Alors, faut-il dans ce but, tout comme nous le proposent Endora et Dimitri (un peu plus bas dans les commentaires) s’exercer à ce que « le mental doit être uniquement concentré sur ce que l’on fait, toutes les pensées doivent être dirigées pour atteindre l’objectif voulu, toutes les informations doivent être prises en compte et ne faire qu’un seul et même bloc à la fin » ?

        Quant à Jean-Yves, ce dernier écrit : « Lors d’une exposition où beaucoup (trop) est donné à voir comme par exemple, l’exposition Art Capital qui se prépare du 15 au 19 février prochain au Grand Palais éphémère avec 2000 artistes, laisser son regard passer très vite d’une œuvre à une autre et ne s’attarder que sur celles qui retiennent davantage l’attention est une solution pour conserver la fraicheur de nos yeux et la maitrise de ce que nous regardons. » Avant de conclure : « peut-être recherchons nous alors consciemment à devenir « l’objet » de notre propre inconscient. »

        Bref, comme cela est devenu presque une habitude maintenant, les posts de Paul Jorion se suivent et s’enchaînement, tournant autour d’un même sujet en passant par exemple de PRIBOR aux carnets du psychanalyste.
        Ici, qu’est-ce qui nous meut quotidiennement du plus simple au plus difficile ?
        Par ailleurs, comment se fait-il que nous soyons, selon lui, « captivés », « c’est-à-dire à proprement parler capturés par des éléments extérieurs qui façonnent alors entièrement notre comportement », au point d’en devenir l’objet même ?

        Eh bien, revenons à l’exemple proposé de Jean-Yves, qui pourrait être tiré d’une expérience Priborienne : un individu déambule parmi des centaines d’œuvres exposées, et tout à coup, il s’arrête (par exemple) devant des gravures de Goya, tant il est est vrai que chaque gravure de Goya semble POSER UNE QUESTION À CELUI QUI LA REGARDE. C’est même ça qui qui fait les grands artistes ; ceux qui savent, via leur œuvre, « voir en nous des choses que nous ne voyons pas »…
        Autrement dit, Hervey, pour en revenir au… « royaume des cieux » que vous citiz, que nous apprend la relation sujet-objet, si chère à la psychanalyse, d’essence tout autant interne qu’externe ?

        1. Avatar de Hervey

          Merci PHILGILL

          Pour parvenir au royaume des cieux il faut suivre Alice et traverser le miroir.
          Version poétique.

          Je ne suis pas plus convaincu de la version religieuse que de la version poétique.
          Je suis sans espoir sur la condition humaine, sur sa capacité à stopper le train d’enfer qui va à la catastrophe mais je suis en vie et continue de rendre cet hommage à la vie … quelque fois d’une manière grinçante.

          Je ne pense pas pouvoir répondre à vos questions et je ne suis pas certains de pouvoir les comprendre correctement.
          Nombre d’innocents trinquent régulièrement dans les conflits ou les catastrophes naturelles … c’est toujours d’actualité … des esprits éclairés pensent que c’était prévisible mais que l’on a pas fait le nécessaire (état des constructions pour les villes turques détruites, frustration et guerre territoriale pour la Russie)

          Dans le détail, il m’est difficile de répondre avec précision à vos questions.
          Il me semble que Endora et Dimitri posent la question de la gouvernance mondiale. Actuellement les Etats Nations n’ont pas une même idée du Droit ce qui laisse place au règlement du différent pas la guerre. Remarquez qu’il peut y avoir guerre civile dans un même Etat pour des raisons similaires …

          Est-ce qu’une exposition gigantesque de trois jours peut agir comme un révélateur et changer le cours des choses … même en admettant que toute la France prenne son billet d’entrée ?

          Mais je vous rejoins sur la justesse de votre interprétation quant au choix des posts en lien avec l’état du monde.
          D’où la remarque pour moi d’une Grand Rue du monde où pareil à « la fille dans Kalverstraat » et à des insectes attirés par la lumière nous allons d’un objet à l’autre à la recherche de ce que le monde aurait de mieux à nous offrir dans ses vitrines.

          1. Avatar de PHILGILL
            PHILGILL

            « Nous allons d’un objet à l’autre à la recherche de ce que le monde aurait de mieux à nous offrir dans ses vitrines. »
            Ok. Très bonne remarque, Hervey.
            Paul Jorion nous raconte, lui, l’exemple de « la fille dans la Kalverstraat ». Je le cite brièvement : « Elle n’est pas maîtresse de sa trajectoire : ce sont les objets présentés dans les vitrines qui en décident. »
            Cela ne vous rappelle rien ?
            Vous vous souvenez sûrement de cette autre relation « sujet-objet » ou réflexion sur les appartenances, et que Paul Jorion aime citer sur son blog ; celle « du pouvoir que les choses exercent sur les hommes, comme on l’entend dire chez Marx quand il écrit : « Le bénéficiaire du majorat, le fils premier-né, appartient à la terre. Elle en hérite », observation que Pierre Bourdieu remit à l’honneur. » Paul Jorion : « Ce n’est pas de la maîtrise de l’homme sur les choses qu’il est question là, comme c’est généralement le cas, mais de l’inverse : de la manière dont les choses nous subordonnent à leur bon ordonnancement dans le rapport que nous avons avec elles, jusqu’à nous réduire en esclavage. »
            Aussi, je m’interroge sur cette parole : « Heureux les pauvres en Esprit, car le royaume des cieux est à eux ! » (Matthieu 5:3). Mais… qui, au fond, en a décidé ainsi ?

            1. Avatar de Hervey

              Oui, vous êtes plus clair que moi dans l’argumentation.
              Ma remarque avait pour but de déplacer le problème sujet-objet sur un plan plus général et qui va faire tâche d’huile dans les semaines et les mois qui viennent, à savoir le contexte guerrier qui s’installe entre Russie/Europe, USA/Chine.

              De l’esclavage, nous n’en sommes jamais sortis, il y a toujours des maitres et des esclaves, des dominants et des dominés.
              L’esclavage moderne existe, en ces mois de février mars 2023 le film est dans la rue.
              Mais il en existe bien d’autres sous d’autres formes en d’autres lieux.

              Lorsqu’on va quitter ce monde, on voyagera léger.
              Rien de ce que l’on aura pu amasser ne nous suivra, les richesses accumulées dans les tombes des pharaons ensevelies sous les pyramides dans des chambres secrètes sont restées sur place … entretenir l’illusion en instaurant ce culte funéraire sert à consolider et perpétrer la hiérarchie sociale.
              La religion chrétienne a voulu casser ce système mais le système l’a très vite rattrapé.
              Ces luttes anciennes sont toujours à l’oeuvre sous des formes différentes.
              Hervey exégèse de Matthieu 😉

              1. Avatar de PHILGILL
                PHILGILL

                Merci Hervey

                Je crois qu’il est normal que vous ressentiez de l’angoisse, ou même de la peur, liée à la possibilité d’une troisième Guerre mondiale. Et vous n’êtes certainement pas le seul à être effrayé par l’état du monde, en ce moment. Force est de constater que le stress est croissant à l’heure actuelle. On peut même dire que cette anxiété est de plus en plus courante y compris sur le blog de Paul Jorion, où chacun, à titre individuel, dans ses commentaires et remerciements essaie de gérer son inquiétude en racontant un peu de son histoire, dans ses propres mots et à sa propre manière…

                Mais si d’une manière générale l’anxiété que beaucoup ressentent en ce moment en France est aussi liée à un sentiment certain et parfois aigu d’impuissance, à savoir, par exemple, « le contexte guerrier qui s’installe entre Russie/Europe, USA/Chine », nous ne devons pas ignorer que pour ceux qui sont déjà pris dans les combats, la situation est bien pire encore, presque inimaginable. Ainsi « selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé, actuellement une personne sur quatre en Ukraine risque de développer des troubles mentaux graves », tels qu’un stress aigu, de l’anxiété, de la dépression, à cause de la guerre.

                Enfin, pour revenir au texte de Paul Jorion, ce dernier cite à la fin le cas d’une personne qui se sent soudainement dévissée psychologiquement, peut-être aussi physiquement, de la même manière qu’il apparaît que le minerai dans sa mine se révèle être “à faible teneur”.
                Du coup, on peut se demander en déplaçant le problème « sujet-objet », comme vous le dites vous-même, « sur un plan plus général », c’est-à-dire à l’échelle planétaire, ce qui arriverait si soudainement la Biodiversité se révèle être à faible teneur… Est-ce qu’à ce moment-là et pour cette raison-là, c’est l’Humanité qui dévisse ?

                1. Avatar de Hervey

                  @PHILGILL

                  Oui.
                  L’effet Thucydide est enclenché avec effet cliquet sans retour possible. Personne ne s’envisage perdant. C’est ce qui remonte du front et de l’histoire qui nous est contée.
                  La guerre se fait avec de l’armement qui se fabrique avec des matières premières qu’il faut aller chercher … assez loin et en quantité.
                  Ici encore, la teneur en minerai de tous ces matériaux se réduit de jour en jour.
                  De plus ces richesses restantes en sous-sols ne sont pas destinées à construire mais à détruire …

                  Jugez vous-même de la louche d’absurdité du potage qui nous est servi !

    2. Avatar de JMarc
      JMarc

      Bonsoir Naroic,

      J’espère que vous n’aurez pas l’impression que mon commentaire minimise vos souffrances.

      Je n’ai pas attendu d’être dans mes sixties (sans beaucoup de fleurs dans les cheveux) pour faire miennes ces paroles de Ferré :
      « Même les plus chouettes souvenirs
      Ça t’a une de ces gueules
      A la galerie « J’farfouille » dans les rayons de la mort »
      La mort dans l’âme, j’y suis abonné depuis toupti ou toudjeun.
      Quelques mois d’analyse m’ont libéré du paroxysme où j’étais. Les très nombreuses années d’analyse qui ont suivi m’ont apporté des améliorations mais je ne suis pas sûr que beaucoup d’entre elles étaient dû à l’analyse elle-même. ça devenait, me semble-t-il, de plus en plus un dialogue de sourds.
      Toujours est-il que ces progrès ont forcément dû s’appuyer sur des épisodes positifs de ma vie.

      Même si vous savez assez bien « de quoi tout cela procède », le savez-vous si bien que cela ?
      Etes-vous bien sûr de ne jamais avoir connu ces chemins qui vous semblent interdits ?
      Une analyse vous donnerait peut-être quelques bonnes surprises.

      J’avais ça sous le coude :
      La psyka, ça vous remet dans vos pompes.
      Cela dit, si vos pompes sont pourries « d’origine », vous aurez peut-être toujours des ampoules très douloureuses aux pieds (bien que moins douloureuses qu’avant) mais elles pourront éclairer votre chemin au lieu de le cacher.

      A lire votre commentaire, vous pouvez sembler fermé comme une huître. Sauf que vous êtes là, parmi les contributeurs récurrents.

      Au plaisir (même quand c’est pas drôle) de vous lire encore.
      JMarc

      1. Avatar de naroic
        naroic

        Cher JMarc,

        Non je ne souffre point, c’est par delà la souffrance – c’est comme une solitude surpeuplée – un sentiment de non appartenance environné – c’est être sensible jusqu’à l’herbe coupée et ressentir les nuances comme une pluie sous un ciel d’été – je constate mon incompétence, incomplétude et je sais avoir été ravagé depuis ma tendre enfance – oui je me suis fermé à la consolation, à la réparation quand ceux qui devaient m’aimer sont ceux-là qui m’ont piétinés – je n’ai pas les moyens de tenter sérieusement la psychanalyse – ai fait quelques séances tout de même – mais une cure de plusieurs années pas possible – mais je me console en estimant au doigt mouillé 70 % des êtres sur cette terre à être au moins aussi indisposés que ma propre personne.

  2. Avatar de PHILGILL
    PHILGILL

    “Être captivé” C’est tout à fait juste et c’est magnifique.
    Mais quand cela commence-t-il donc ?
    Pour ma part, je pense que la variété même constatée de cet état captif, selon les cultures et les individus, dépend également en partie des premières perceptions haptiques et visuelles du nouveau-né, et qui le façonnent déjà.
    « La Vie commence là où commence le regard » —Amélie Nothomb
    https://www.i-hab.fr/wp-content/uploads/2020/04/Le-regard-du-naissant.pdf

  3. Avatar de Endora et Dimitri
    Endora et Dimitri

    Il faut être captivé par tous ce que l’on veut entreprendre dans la vie, le mental doit être uniquement concentré sur ce que l’on fait, toutes les pensées doivent être dirigées pour atteindre l’objectif voulu, toutes les informations doivent être prises en compte et ne faire qu’un seul et même bloc à la fin.

    Etre captivé, c’est créer de l’effort mental, la concentration doit être totale et entière du début à la fin, c’est une équation qu’il faut résoudre en utilisant tous les procédés possibles pour atteindre son but, en utilisant toutes les informations et s’obliger à utiliser son créatif, tenir jusqu’à la fin jusqu’au dernier élément.

  4. Avatar de Jean-Yves
    Jean-Yves

    Peut-être difficile pour certains mais il semble que l’on puisse (encore) choisir, soit de rester très ouvert à ce qui nous entoure (les boutiques ou articles proposés ça et là mais pas que) et de déambuler au rythme de l’offre, soit au contraire, choisir de s’en extraire au risque de passer à coté de quelque chose de potentiellement extraordinaire.
    Lors d’une exposition où beaucoup (trop) est donné à voir comme par exemple, l’exposition Art Capital qui se prépare du 15 au 19 févier prochain au Grand Palais éphémère avec 2000 artistes, laisser son regard passer très vite d’une œuvre à une autre et ne s’attarder que sur celles qui retiennent davantage l’attention est une solution pour conserver la fraicheur de nos yeux et la maitrise de ce que nous regardons.
    A l’inverse, il est possible de forcer son attention, comme dans le cas où l’on dessine le portait d’une personne. Ne plus voir un nez, des yeux ou un menton mais des lignes successives formant des angles variés et souvent animées de courbes nombreuses et inégales et se laisser volontairement captiver et capturer par ses ingrédients qui, si ils sont fidèles, offrirons la « reconnaissance » que nous espérons et dont la magie, quelque part, se déroule là aussi « en dehors de nous ». Peut-être recherchons nous alors consciemment à devenir « l’objet » de notre propre inconscient.

    1. Avatar de Garorock
      Garorock

      Etre captivé et être ensorcelé n’est pas la même chose.
      Les marchands du temple et leurs échopes numériques bientôt balisées par tous les greffiers de Pablo alto, ont ensorcelé nos corps et capitalisé nos esprits.
      Si je n’ai pas réussi à devenir Mick Jagger, ma teneur en minerai est faible…
      Le système actuel a ceci de particulièrement pernicieux, c’est qu’il nous offre la possibilité de s’ensorceler soi-même.
      Il devient comme une deuxième peau.
      C’est dans cette deuxième peau que déambule la fille dans la Kalverstraat.
      L’humanité doit faire sa mue.

  5. Avatar de konrad
    konrad

    Bonjour monsieur Jorion,

    En relisant votre texte, je me suis fait la réflexion suivante ; cette jeune femme était-elle réellement captivée ou simplement distraite ou curieuse des devantures ?
    Il me semble que si elle était captivée, soit elle serait restée un très long moment devant la vitrine ou bien elle serait rentrée acheter l’objet de sa convoitise.
    Comme vous le dites, captiver c’est être prisonnier, captif de l’objet ou d’un individu, donc incapable d’exercer sa volonté face à celui-ci.
    Dans le cas d’un objet, ne serait-ce pas une forme d’addiction ? Il nous rend captif dans la mesure ou nous lui accordons un statut supplémentaire à ce que nous sommes d’ordinaire, ou qu’il nous délivre un effet qui nous sort de nous-mêmes ?

    En poursuivant ma réflexion, à laquelle votre texte invite, je fais le lien avec votre autres post, dont celui sur l’intelligence artificielle.
    Vous écrivez dans le précédent sujet : « Cela apparaît tout particulièrement quand nous sommes captivés, c’est-à-dire à proprement parler capturés par des éléments extérieurs qui façonnent alors entièrement notre comportement : nous en sommes l’objet. »
    Dans cette captivité nous passons de sujet à objet, n’est-ce pas ce glissement qui s’opère dans notre fascination pour l’IA ? Ne sommes-nous pas devenus le jouet de cet « objet » qu’est par exemple l’ordinateur ou le smartphone ?
    Cette prothèse, sensée nous affranchir et nous libérer d’un certain nombre de tâches, n’est-il pas en train de nous captiver ?

    J’ai le sentiment que nous glissons sans presque nous en rendre compte, comme hypnotisé par les prodiges de la machine, de sujet à objet.
    Grace à l’intelligence artificielle nous avons instantanément réponse à tout. Toute question trouve une explication. Et c’est précisément cette « explication » qui à mon avis nous détourne de nous-même. Elle nous conduit à ne plus nous étonner de rien !
    L’explication formulée à tout questionnement de l’esprit appauvrit le mystère et le chosifie.
    Il n’y a pas d’explication à l’amour, pas à l’émerveillement.

    Derrière cela il y a la réification de l’homme – s’il y avait une conspiration elle serait là – en le détachant de son âme.
    En le détournant du jeu – tel qu’enfant on le pratiquait, avec sérieux mais dès qu’on rentrait diner on quittait le costume de cow-boy ou d’indien que l’on avait vaillamment revêtu pour redevenir l’enfant que nous étions, il n’y avait pas tromperie – en affectant de gravité les raisons raisonnantes.

    Dans le fond cela renvoi à une question fondamentale ; Qui suis-je ?
    Un corps de chair, un pouvoir d’achat, un travailleur qui espère sa retraite…?

    Mon propos est peut-être erratique mais votre sujet m’a laissé une place à une réflexion sans filtre et une imagination vagabonde.
    Merci.

    1. Avatar de JMarc
      JMarc

      « En le détournant du jeu – tel qu’enfant on le pratiquait, avec sérieux mais dès qu’on rentrait diner on quittait le costume de cow-boy ou d’indien que l’on avait vaillamment revêtu pour redevenir l’enfant que nous étions, il n’y avait pas tromperie (…) »

      ça me rappelle ce bel aphorisme de Nietzsche :
      « Maturité de l’homme : Retrouver le sérieux que l’on mettait dans ses jeux, enfant. »
      (in Par delà le Bien et le Mal).
      A lier, à allier avec :
      « La maturité, c’est être capable de faire ce que l’on a pas envie de faire. » (c’est de jesaipuki).

      Rêvons et jouons autant et du mieux que nous le pouvons (dans le travail aussi) tant que nous faisons la part des choses.
      Ne prenons pas nos rêves (et cauchemars) pour la réalité et ne nous laissons pas nous faire prendre le « réel » qu’on nous inflige (via la pub ou la compétition par exemples) pour nos rêves.

  6. Avatar de Didier Rombosch
    Didier Rombosch

    https://www.youtube.com/watch?v=JyPe1Jahyfo

    A. H. : Dans le roman, même les infirmiers étaient fous! Mon intention était plus raisonnable, je voulais seulement tourner le premier film de psychanalyse. (…)
    F. T. : Il est très évident pour moi que beaucoup de vos films comme “Notorious” ou “Vertigo” ressemblent à des rêves filmés. Alors à l’annonce d’un film de Hitchcock abordant la psychanalyse on s’attend à quelque chose de complètement fou, de délirant, et finalement c’est un de vos films les plus raisonnables, avec beaucoup de dialogues. En gros je reprocherais à “Spellbound” de manquer un peu de fantaisie par rapport à vos autres films.
    A. H. : Probablement parce qu’il s’agissait de psychanalyse, on a eu peur de l’irréalité et on a essayé d’être logique en traitant l’aventure de cet homme.
    F. T. : (…) Est-ce que cela vous choque que je vous dise que le film est décevant ?
    A. H. : Non, non, je suis d’accord, je crois que tout est trop compliqué et que les explications de la fin sont trop confuses.

    (“Hitchcock Truffaut” p.135/136 à propos de “Spellbound”)

    1. Avatar de JMarc
      JMarc

      Spellbound est décevant en effet, trop caricatural de la psyka.
      Hitchcock partage bien mieux son regard de psychologue, voire/presque de psychanalyste dans d’autres de ses films (tous ?), notamment Vertigo et Fenêtre sur Cour.

      1. Avatar de Paul Jorion

        … et surtout dans Marnie.

  7. Avatar de Karluss

    pour la jeune femme qui tangue d’une vitrine à l’autre, c’est bien son désir qui coule le long de cette rue marchande, un désir conditionné par cet univers mercantile et les projections de son apparence coulant sur les diverses tenues (vestimentaires j’imagine).

    1. Avatar de Ruiz
      Ruiz

      @Karluss Tant que ce n’est pas elle, objet d’intérêt qui est le produit dans la vitrine …

  8. Avatar de timiota
    timiota

    Quand je faisais certaines mesures de croissances bizarres de cristaux, il m’est arrivé de visualiser pendant de longues heures des formes pyramidales, « en mansarde » en gros, tout un zoo, mais avec des motifs très récurrents.

    Dans les jours qui suivaient, un simple coup d’oeil aux hauts des immeubles (depuis un métro aérien par exemple) tournait à une forme de regard captivé, par la résonance des formes simplement, que mon cerveau avait « sur-apprises ». Rien de bien méchant, c’était encore un entrainement à des profondeurs accessibles et partiellement érasables, mais n’est-ce pas cela, une suite de résonances, qui font que la personne « captivée par la vue d’objets ou d’oeuvre d’art » y passe un certain temps, avant que son cerveau ne sature et que les autres « urgences » (bouger, vivre) ne reprennent le dessus ?
    On imagine que les dessins des grottes comme Chauvet ou Cosquer ou Lascaux viennent des longues heures à scruter les animaux en question en vue de la chasse (ou d’autres connaissances à acquérir sur les mouvements), les « imprimant » dans la rétine bien plus que ce que nous faisons aujourd’hui, où notre regard accroche d’abord sur deux sortes de choses dans la ville : les écrits, et les visages (sur les affiches), et ensuite un peu moins sur les véhicules et la signalisation, puis enfin plus aléatoirement en sur tout le reste (quoique quand je vois des tasses Lavazza à une terrasse de café…)

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