Les contreparties sociales et juridiques de l’IA.
Il y a quelques mois je postais ici-même un article au sujet des images réalisées par des Intelligences artificielles ou plus précisément par des applications numériques de text-to image. A l’époque (c’est déjà de la préhistoire) un seul logiciel existait. Les performances étaient déjà surprenantes mais les artistes semblaient plutôt amusés par cette nouvelle technologie. Pourtant j’avais écrit que cet outil risquait de faire disparaître bon nombre d’emplois dans le graphisme.
Sept mois plus tard, 3 nouvelles applications sont apparues dont Dall-E créé par OpenAI, les concepteurs de ChatGPT. Ces nouveaux text-to-image (Dall-E, Stable Diffusion et Midjourney) génèrent des images totalement époustouflantes. En visualisant ce lien référençant un florilège d’images générées par ces applications, vous comprendrez pourquoi je parle de préhistoire lorsque j’évoque les logiciels datant de plus de 6 mois.
Evidemment, désormais les artistes numériques ce sont réveillés et se mettent à craindre pour leurs jobs partout à travers le monde. Ils craignent pour leurs jobs mais également pour leurs prérogatives, à savoir la capacité à créer des images grâce à un savoir développé durant de nombreuses années. Phénomène déjà observé chez les artistes lors de l’apparition de la photographie. Il semblerait qu’une perte de sens soit en train d’émerger chez certains d’entre eux. C’est comme s’ils avaient appris à courir le 100 mètres en 10 secondes et que, tout à coup, apparaissait un compétiteur totalement mécanique courant le 100 mètres en 3 secondes. Il faut préciser que les images IA sont générées en moins d’une minute une fois que l’invite texte est correctement rédigée.
Si la technique n’était pas ce qu’elle est, à savoir du deep-learning basé sur des données collectées sur des serveurs, ces artistes n’auraient aucun recours contre cette technologie. Mais il s’avère que les applications de text-to-image utilisent les travaux de tous les artistes peintres, numérique ou non, des photographes ou autres iconographes pour faire tourner leur moteur. Ces images sont disponibles sur le net par l’intermédiaire de serveurs de quelques tera-bits mais ne sont, en théorie, pas libres de droits. Les artistes estiment qu’ils se font piller leur travail (à juste titre ou non ; là est toute la question qui enflamme les réseaux sociaux et bientôt les juristes).
Depuis quelques semaines, les artistes se regroupent en collectifs pour porter plainte contre les créateurs de ces text-to-image qui pillent leurs œuvres sans verser de contrepartie financière.
On peut se demander, comment des images dupliquées à l’infini souvent par les artistes eux-mêmes qui les rendent visibles sur les réseaux sociaux et diverses plateformes comme Artstation ou DeviantArt, peuvent être protégée en droits. C’est pourtant le cas, comme toutes images apparemment disponibles sur internet. Ces images sont en fait soumises aux droits d’auteurs.
Les applications de text-to-image remettent en question de nombreux usages autour de la création. Un produit soumis aux droits d’auteurs peut-il être dupliqué légalement sur le net, comme on peut l’observer, si cette duplication ne fait pas l’objet d’une marchandisation ? Normalement non, mais on observe que la loi est peu observée dans ce domaine sur internet.
D’autres questions se posent sur les bases de données ou « data » personnelles accessibles sur certains serveurs. L’industrie de la musique a, semble-t-il, protégé son panier d’œuvres en obligeant les géants comme AWS de Jeff Bezos à stocker les données des artistes sur des serveurs non disponibles au pillage des data. Donc à l’heure actuelle, une IA ne peut pas créer une chanson dans le style « David Bowie » car les chansons de l’artiste ne sont pas disponible aux IA.
Un autre problème se pose au sujet des droits d’auteurs, est celui des images générées par le text-to-image. En effet, les image du lien ci-dessus sont totalement libres de droits. Les « prompteurs », ces « artistes » qui tapent du texte pour décrire l’image qu’ils veulent obtenir dans le text-to-image, ne sont pas propriétaires des images, malgré le temps souvent long qu’ils y ont passés. Officiellement, ces images appartiennent aux créateurs des applications Dall-E, Midjourney ou Stable Diffusion. Ces derniers se sont empressés d’annoncer que les images étaient cédées aux « prompteurs », mais ce n’est que théorique. En effet les images qui sortent de Dall-E ou Midjourney sont stockées sur les serveurs de ces futurs GAFAS donc utilisables librement par ces entreprises. Par ailleurs, le droit stipule qu’un copyright ne peut être attribué qu’à des êtres humains. L’IA n’étant pas encore humaine, les droits d’auteurs ne s’appliquent pas.
De nombreuses entreprises telles que Martini utilisent ouvertement, ou bien sous le manteau, ces images IA pour leurs campagnes de publicité. En dehors des économies que permet l’IA pour la réalisation de ces images, on peut être surpris par le choix de ces entreprises d’utiliser des images sur lesquelles elles n’ont aucun droit et qui peuvent être légalement détournées à leur détriment.
Des procédures sont en cours. Mais combien de temps vont-elles durer ? Probablement des années avant qu’un consensus international ne voit le jour. Probablement que l’industrie du divertissement aura été largement bouleversée lorsqu’une décision de justice sera prise. Par ailleurs, si les données artistiques telles que les images protégées par des copyright deviennent interdites pour l’utilisation de bases de données destinées à l’IA, cette jurisprudence ne risquerait-elle pas de se propager à d’autres domaines telles que les data personnelles ? Le développement de l’IA telle qu’elle est développée actuellement ne risque-telle pas d’être fortement ralentie ?
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