Les aventures de Sam Bankman-Fried, le 14 décembre 2022 – Retranscription

Retranscription de Les aventures de Sam Bankman-Fried, le 14 décembre 2022. N. B. La vidéo est désormais visible avec le texte ci-dessous en sous-titres.

Sam Bankman-Fried et Caroline Ellison : deux enfants gâtés en goguette

Bonjour, nous sommes le mercredi 14 décembre 2022 et aujourd’hui un seul sujet : Monsieur Samuel Bankman-Fried, il faut dire « Frîd », il ne faut pas dire « Frayed », ça veut dire « frit » (en anglais), même si ça pourrait être une description de l’état dans lequel il est maintenant. Mais il est clair que ce Fried, ce qui est le nom de sa maman qu’il a accolé à celui de son papa, c’est une abréviation manifestement de « Friedman » et donc ça se prononce « Frîd ».

Monsieur Sam Bankman-Fried est en prison aux Bahamas : il y a un mandat d’arrêt qui a été délivré contre lui hier et il a été arrêté. Il aurait dû se présenter à une commission de l’Assemblée nationale américaine : une commission des finances. Et il ne s’est pas présenté pour la bonne raison qu’il était sous les verrous.

Il avait préparé une longue déclaration préalable de 18 pages que j’ai eu l’occasion de lire. À sa place, a parlé, aurait parlé de toute manière d’ailleurs, le repreneur, la personne qui s’occupe, qui n’est pas vraiment le repreneur, mais c’est la personne qui gère sa compagnie FTX en son absence parce qu’il a déposé son bilan. Il a déclaré faillite sous le régime du chapitre onze aux Etats-Unis qui est une des options que vous avez si vous mettez votre société en faillite. Monsieur Sam Friedman, pardon, Sam Bankman-Fried avait préparé donc un long plaidoyer en sa faveur, sa propre faveur.

C’est un personnage très, très curieux. D’abord il était très pittoresque : il n’abandonnait jamais son short, mais il habitait aux Bahamas dans un climat chaud, donc c’était relativement justifié. Mais il fait partie de ces hommes d’affaires, ces hommes d’affaires du Nouveau-Monde qui aiment se présenter complètement débraillés, qui aiment se faire interviewer en train de jouer un jeu vidéo qu’on a l’air d’arrêter quand on l’interviewe pour le Financial Times ou le Wall Street Journal, on a le sentiment qu’on l’a arrêté sur son chemin vers la plage où il allait surfer ou se faire bronzer.

Il s’est conduit toujours comme un adolescent attardé, ce qui est quand même assez curieux pour une personne qu’on a présentée comme la personne qui allait révolutionner la finance, qui allait faire de l’argent autre chose que ce qu’on connaissait, etc. Il n’y a pas de qualificatif, je dirais favorable, positif, qu’on n’ait pas utilisé à son sujet.

Il y a la capacité du public à se passionner pour des personnages originaux. Et ce qui rayonnait de lui – et ça continue d’ailleurs – ce qui rayonne de lui, c’est une assurance de classe, je dirais « puante » pour employer le mot : la personne qui peut vous embobiner dans n’importe quoi, simplement à partir de l’idée d’un rapport de force sous-jacent : que vous êtes de la gnognotte et que vous irez donc admirer quelqu’un de son niveau.

Ses deux parents, sont des grands professeurs de droit à Stanford : une université américaine prestigieuse. La copine, la copine de Sam, c’est une certaine Caroline Ellison, dont les parents sont des grands économistes au M.I.T. : Massachusetts Institute of Technology, là également une des grandes universités américaines, parmi les plus prestigieuses également, comme Stanford.

Et ils forment un couple. Je ne sais pas s’ils forment toujours en couple. On a entendu dire hier qu’elle s’est adressée… Elle dirigeait une partie de la firme. Donc il dirigeait FTX et puis elle dirigeait Alameda Research, qui est le hedge fund. FTX, c’est une sorte de Bourse, un peu particulière. Ce qu’elle dirige, c’est une – est-ce une filiale ou non ? C’est une autre compagnie qui est un hedge fund à proprement parler.

Le fait est qu’il a siphonné l’argent que les gens déposaient à sa bourse, une bourse donc un peu particulière puisque les gens pouvaient faire des opérations essentiellement sur des cryptomonnaies, mais aussi du change entre du vrai argent et des jetons commercialisables.

Ça, c’était l’activité dont lui s’occupait et il siphonnait essentiellement l’argent que venaient déposer les gogos – excusez moi de les appeler comme ça – et il le faisait passer dans la compagnie de sa copine, qui elle jouait en Bourse, voilà des opérations tout à fait spéculatives, enfin, ce que font les hedge funds.

Et donc jouant sur leur prestige et sur celui de leurs parents. Il semble d’ailleurs que les parents de Sam Bankman-Fried se soient occupés de très très près de l’affaire de leur gosse, ça ne va pas leur amener que des amis ! Ils ont été payés par la firme. Ils ont bénéficié aussi d’habiter dans des endroits qui étaient achetés avec l’argent des clients.

Donc une bourse FTX spécialisée dans les cryptomonnaies mais où les gens ouvrent des comptes et font des opérations sur marge, c’est à dire en ne dégageant qu’une fraction de la somme que cela coûterait véritablement de faire l’opération, ils peuvent travailler, on peut faire des choses. On peut introduire ce qu’on appelle un effet de levier. Ainsi, si vous pouvez mettre des sommes, par exemple, si vous mettez 10 € et que vous pouvez en fait faire des transactions comme si vous en aviez 100, il y a un effet de levier : multiplié par dix. C’est ce qu’on appelle l’effet de levier.

Pour pouvoir faire vos opérations, il faut qu’il y ait de l’argent dans le compte. Et ça, c’est comme ça que ça marche, les appels de marge, c’est qu’il faut qu’il y ait assez d’argent, assez de provisions quand même dans le compte pour les opérations que vous faites.

Alors pourquoi est-ce que ce type de choses est extrêmement dangereux ?

Bien sûr, parce que si vous perdez de l’argent, vous ne perdez pas simplement, je dirais la marge, la petite somme que vous avez déposée, vous perdez tout l’argent que vous devez. Vous jouez avec 10 €, mais vous en devrez 100 à l’arrivée.

Et qu’est ce qui se passe dans ces cas là ? Pourquoi les trucs s’effondrent ? Eh bien parce que il y a au moment où vous commencez à perdre sérieusement, il y a appels de marge. On vous demande d’ajouter des fonds dans vos provisions, de booster vos réserves. Et ça marche jusqu’au moment où vous n’avez plus de réserves. C’est comme un casino, on n’est plus à ce moment là, on vous vire et on vous fait signer dans une atmosphère, je suppose d’après ce que j’ai vu au cinéma, dans une atmosphère comment dire ? assez tendue, on vous fait signer des déclarations disant que vous allez rembourser ça.

Voilà, ce qu’ils ont fait à deux ces gosses là, avec quelques autres qui ont trempé dans cette affaire. Apparemment ils discutaient entre eux sur un site où on peut crypter ses conversations – ce n’est pas c’est pas Telegram, c’est un autre. Ils ont appelé apparemment leur groupe de discussion « wire fraud ». Wire fraud c’est à dire « escroquerie ». Bien entendu on rit sur le fait que oui, ils savaient sans doute ce qu’ils faisaient.

C’est la discussion qui a eu lieu hier donc à l’Assemblée, devant une commission à l’Assemblée nationale, aux États-Unis.

Est-ce qu’ils étaient des escrocs de type « classique », je dirais vraiment des trucs élémentaires, ou bien est -ce qu’il était des gens sophistiqués qui savaient ce qu’ils faisaient et simplement que ça a mal tourné ? John Ray III, qui les a représentés hier qui est donc le repreneur si vous voulez, mais qui en fait a été désigné par une firme de droit pour être la personne qui gère l’entreprise en faillite et qui d’ailleurs faisait partie des personnes qui avaient fait la même chose à l’époque de la chute de la compagnie Enron en 2000, à la fin de l’année 2000, début 2001. Cette personne parle d’escroc « de type ordinaire ».

Là, je crois qu’il y a quand même une erreur : ils savaient de quoi ils parlaient, à la fois Caroline Ellison à la tête de Alameda Research, qui est donc le fonds qui est alimenté par FTX, et Sam Bankman-Fried. Ils savaient de quoi ils parlaient, ils auraient pu le faire de manière honnête.

De toute manière, j’ai lu les 18 pages de la déclaration qu’il aurait faite s’il avait pu se présenter devant la commission, s’il n’avait pas été arrêté le jour où il devait aller parler : il sait de quoi il parle. Bon, il parle et il écrit comme s’il avait quatorze-quinze ans et qu’il était juste un « brat », un enfant gâté, qui fait tout ce qui lui passe par la tête. Mais il en parle comme quelqu’un qui … Il dit par exemple assez longuement : « J’aurais dû faire ceci ou cela », donc il sait ce qu’il aurait dû faire. Il n’est pas… ce n’est pas un naïf : ce n’est pas un gars qui a débarqué là-dedans en se disant « Je vais juste dire aux gens : mettez de l’argent et puis je vais m’acheter un truc là dessus », non.

Il connaissait son sujet. Alors la relation qu’il avait, lui, à la tête de sa bourse FTX avec Caroline Ellison à la tête de Alameda Research, une relation très, très bizarre. Il en parle assez librement. Il faut voir son portrait. Il faut voir le portrait des deux. Il y a quelque chose d’absolument invraisemblable à l’idée que qui que ce soit – à voir leur portrait – aurait confié… Moi, je ne leur aurais pas confié 25 centimes à des branquignols comme cela.

Relation amoureuse entre eux sur le mode polyamour, dont elle a expliqué longuement la structure dans laquelle ça fonctionnait dans la sorte de commune dans laquelle ils vivaient, organisée, dit-elle « comme … un harem chinois ». On voit cette jeune femme qui a l’air d’une gosse de dix ans – excusez moi – on la voit comme « femme fatale », légiférant sur la manière dont on gère le « harem de type chinois » dans lequel ils vivaient, c’est des histoires d’enfants gâtés qui ont mal tourné et qui malheureusement ont été…

Quand il y a des enfants gâtés, il y a des parents responsables. Dans ce cas-ci, ils vont passer un mauvais quart d’heure. Je ne sais pas, les parents de Caroline Ellison, n’iront probablement pas en prison, mais il n’est pas impossible que les parents de Sam – tout professeurs à Stanford qu’ils soient – passent aussi un certain temps derrière les barreaux : ils ont été trop près de tout ça. Le père, en particulier, a conseillé son fils dans sa chute, il le fait probablement encore maintenant. Un professeur de droit, oui il a des choses à dire à son fiston qui a fait toutes les conneries qu’on peut imaginer.

Et bien entendu, ce n’est pas de la vraie finance, c’est de la vraie finance au sens où, ils ont pris du vrai argent à donner à des gens qui croyaient qu’ils étaient vraiment dans la finance. Mais tout ça, c’est des « cryptomonnaies » simplement. Mais bien entendu, quand on achète des « cryptomonnaies », quand on achète des jetons qui ne valent absolument rien et en particulier leur firme avait son jeton à elle. Pour acheter ces jetons comme au casino, il faut donner du vrai argent et donc c’est du vrai argent qui a disparu pour acheter du vent.

Il y a encore des gens qui m’écrivent tous les jours pour me dire : « Oui, mais est-ce qu’il y a une différence entre des jetons comme ça : « de casino » et le véritable argent puisque l’argent maintenant est numérique, puisqu’on ne peut pas l’échanger contre de l’or ? » Non : derrière le vrai argent, il y a des juges, il y a de la prison, il y a des gens qu’on appelle « faux monnayeurs » et qu’on essaye d’arrêter. Et surtout pour garantir cet argent : le dollar, l’euro, etc. il y a la richesse nationale d’une nation entière, c’est à dire que tout ça est garanti par des banques centrales et des banques centrales qui peuvent émettre des obligations, c’est à dire emprunter de l’argent auprès du public et qui ont des revenus.

Et ces revenus, c’est quoi ? C’est les impôts que les gens paient, etc. derrière du vent, derrière de la monnaie de Monopoly, il n’y a rien. Si : il y a le fait que vous avez acheté le jeu et que vous avez des gens qui sont disposés à jouer avec vous, mais il n’y a rien d’autre. La seule chose qu’il y a… il n’y a pas de protection du client, c’est ce qu’on nous dit.

Pourquoi est ce que ça a pu tourner aussi mal ?

Eh bien parce qu’il n’y a pas de lois autour de ça ! Ces gens vont se mettre aux Bahamas ! Ce n’est pas pour rien ! Pour le fait que le bitcoin, ça sert essentiellement à des trafiquants d’armes, à des trafiquants de drogue, à des bakchichs, à de la corruption de manière généralisée. C’est ça : c’est un truc qu’on a voulu mettre en dehors des lois ! Alors les lois les rattrapent, les rattrapent.

Les pays n’auraient jamais dû… les vraies nations n’auraient jamais dû tolérer ce genre de choses ! C’est introduire délibérément un facteur, une manière de gruger les gens, de produire de la catastrophe, de produire, comme dans ce cas-ci, de la cavalerie, des pyramides et des opérations où il n’y a pas de lois.

Il n’y a pas de loi ! Il y a juste la police qui peut intervenir si vous avez vraiment volé des gens et qu’ils peuvent se tourner vers la police. Mais il n’y a pas tout le système d’encadrement, il n’y a pas une police des faux- monnayeurs en bitcoin, en ethereum et compagnie. Tout ce qui est là pour protéger les gens, n’est pas là.

Alors pourquoi est ce que les gens vont ? Parce qu’on leur dit : « Eh bien, c’est justement : c’est ça qui est formidable : vous n’allez pas payer d’impôts ! »

Bon, et alors ? À quoi est-ce que ça sert les impôts ?

Eh bien, ça sert en partie justement à ce qu’il y ait une police, à ce qu’il y ait des juges, à ce qu’on mette les gens en prison s’ils font des saloperies. Là, le fait qu’il y a des impôts qui payent pour les lois qui sont mises en vigueur dans le pays, c’est pour vous protéger vous et en particulier pour protéger les gogos, pour protéger les gogos que vous êtes et qui vont dire qu’ « Il y a une affaire formidable à faire ! »

Bon alors il y a des gens qui sont un peu dans la panade ces jours ci, ce sont les acteurs qui sont allés dire : « C’est formidable, vous connaissez ? » En France, c’était Mme Nabila qui allait dire : « Oui, vous faites partie de ces imbéciles qui n’ont pas encore compris qu’on pouvait devenir super-riche avec du bitcoin et des machins comme ça ! » Ces acteurs sont un peu sur la sellette.

Et puis M. Samuel Bankman-Fried ne cachait pas ses sympathies pour le Parti démocrate. Les sommes considérables qu’il a données à la campagne même de M. le Président Biden, etc. etc. grand donateur aux causes du Parti démocrate.

Bon, ce qu’on a découvert hier dans l’accusation du gouvernement américain, c’est qu’en surface, il donnait aux Démocrates et de manière cachée et tout à fait illégale – d’ailleurs, il est poursuivi pour ça aussi – il faisait des dons à peu près du même montant aux Républicains, mais en se cachant. C’est-à-dire qu’il avait compris que pour pouvoir continuer ses opérations, il lui fallait des appuis politiques.

Il y a une très belle photo, je l’ai mise sur mon blog, de M. Bankman-Fried en compagnie de M. Tony Blair, ancien Premier ministre britannique, et de M. Bill Clinton, ancien président de la République fédérale des États-Unis.

Bon, il avait compris ça, il faisait des trucs pas tout à fait comme un innocent : c’était assez sophistiqué, mais comme il le dit lui-même : il le faisait comme un cowboy. Mais là – je dis ça à sa décharge – il savait ce qu’il faisait, il savait ce qu’il faisait et ce n’était pas entièrement des trucs frauduleux.

Bon, hier, on le charge en disant que c’était de la fraude depuis le départ. On essaie de le traiter au niveau de la justice américaine, comme l’a dit quelqu’un, comme un simple escroc. C’est un peu plus compliqué : il savait ce qu’il faisait, sa copine aussi, savait ce qu’elle faisait. Elle est en train… on l’a compris du choix des avocats qu’elle prend de son côté. Elle n’a pas été arrêtée, mais enfin, ça pourrait lui arriver. Elle a pris des avocats spécialisés dans les tractations entre le système judiciaire américain et d’éventuels coupables. C’est-à-dire des tractations en termes de : « Si je vends la mèche de telle et telle manière, quelle réduction de peine, j’obtiens, lorsque le procureur requerra contre moi ? »

Donc, elle est en train manifestement d’essayer de sauver sa peau. Lui, il est beaucoup plus mal engagé et ses parents sont dans la même panade que lui. Parce qu’ils se sont véritablement trop engagés auprès de leur fils. Ils ont dû croire véritablement que leur fils était un tel génie que l’opération fonctionnerait d’un bout à l’autre.

Qu’est ce qui a mal tourné ?

Bon, il demande de l’argent à des gogos, à des clients. Je les appelle « gogos » parce que c’est pour des châteaux de cartes, comme l’a dit le procureur hier, le procureur américain. Il demande de l’argent. Les gens donnent de l’argent et là il le passe à sa copine en douce, il le file à sa copine à Alameda Research. Et elle fait des opérations purement spéculatives, c’est-à-dire de grands paris. Des grands paris, sur le fait que le taux de change entre telle et telle monnaie va varier dans la direction que ces génies ont déterminée, que tel taux va aller dans telle direction.

Il avait commencé par faire simplement ce qu’on appelle de l’ « arbitrage », Sam. C’est-à-dire qu’il avait trouvé que pour les « cryptomonnaies », il y avait des différences considérables quant au prix auquel on pouvait obtenir de ces jetons dans telle et telle banque extrême-orientale du même genre. Et il faisait ce qu’on appelle de l’arbitrage : acheter où c’est moins cher et revendre là ou c’est plus cher. C’est comme ça qu’il a rassemblé au départ une fortune qu’il a pu dépenser en penthouse aux Bahamas, dans des communautés entourées de murs très hauts et protégées par des gardes.

S’offrir la belle vie. Voilà : la vie de luxe d’un harem « de type chinois », organisée par sa copine à l’air complètement sainte-nitouche.

Voilà : des gosses, des gosses qui ont bien rigolé mais qui risquent des peines de prison assez considérables en raison des 6 milliards au moins de dollars qu’ils ont pris aux gens, pour rigoler entre eux.

Affaire à suivre. Il est dommage bien entendu que des gens sérieux et que même des professeurs de finance essaient de vous justifier l’existence de ces jetons.

Oui, les casinos existent, mais ce n’est pas sans raison qu’ils sont entourés par des murs et qu’on interdit aux gens de faire exactement la même chose dans la rue. Ce sont des endroits qui sont sous surveillance d’une certaine manière. Là, non : des gosses, voilà : des gosses gâtés pourris de familles privilégiées, ont pris l’argent de gens crédules pour aller rigoler entre eux.

Il s’est fait que … Ce sont des accidents qui font que ces trucs là s’arrêtent. Dans le cas de Madoff et de sa pyramide, c’était un accident. C’est le fait qu’il y a eu une crise des subprimes en arrière-plan, que des gens ont dû retirer leurs billes et que le truc s’est écroulé. Dans le cas de Sam Bankman-Fried, le pépin, c’est la chose suivante : c’est que dans sa stratégie de se faire bien voir du monde politique, il n’a pas arrêté de dire qu’il fallait en fait, réguler, réglementer. Ce n’était pas son avantage, mais enfin bon : il savait que ça n’aurait pas lieu de toute manière très rapidement, qu’il fallait réglementer le secteur. Et là, il était de mèche avec un bonhomme qui est à la tête de Binance [Changpeng Zhao], et cet autre bonhomme, lui, n’a pas apprécié du tout les efforts de Bankman-Fried pour pour qu’il y ait une meilleure réglementation de ce secteur.

Alors dans sa déclaration de 18 pages qu’il allait faire et qu’il n’a pas pu faire, Bankman-Fried s’en prend assez violemment d’ailleurs, à ce gars dont il dit qu’en fait il lui avait dit qu’il allait racheter sa firme, mais de mauvaise foi.

Et ça, c’est possible. Est-ce que ce monsieur à la tête de Binance est dans une position enviable en ce moment ? Non. Lui aussi s’est fait beaucoup d’amis dans le monde politique. Il a été reçu par des présidents de la République dans des pays pas très éloignés de chez vous [P.J. : la France], des choses comme ça. Lui essaie de se protéger maintenant. Il s’est protégé en mettant une partie de son argent dans une campagne pour qu’on ne réglemente pas son secteur. Mais comme il est le prochain : il est le prochain domino dans la file qui ne s’est pas encore écroulée, il n’est pas sain et sauf : on ne peut pas encore le déclarer sain et sauf.

Est-ce que ce secteur tout entier va s’écrouler ? Là, c’est d’une fragilité absolument abominable, évidemment, parce que bon, c’est de la spéculation pure. Ce n’est pas encadré véritablement, sauf si vous prenez trop d’argent à des gens à l’extérieur.

C’est d’une très très grande fragilité… mais j’allais dire « vitalité ». Pourquoi j’allais dire « vitalité » ? Parce que des gogos, on en trouve toujours. Parce que des gens à qui on dit : « Vous êtes un imbécile de n’avoir pas compris ! Regardez tous ces gens… », c’est ça la propagande qu’on fait à leur intention, « Regardez tous ces capitalistes qui ont passé 20 ans à gagner de l’argent ! Regardez Monsieur Bezos ! Bon, c’est un des hommes les plus riches du monde, mais qu’est ce qu’il faisait avec sa femme ? Ils emballaient des cartons dans leur garage au début, pour envoyer des livres. Ce n’est pas des losers : on ne peut pas vraiment les appeler des losers, mais au départ, ils n’ont pas compris qu’il y avait des moyens pour gagner vite, de l’argent ! », etc.

Des gens à qui on dit ça, leur réserve est malheureusement quasi infinie : ça fait partie de la nature humaine. C’est ce qu’on appelle parfois, dans un cadre plus policé, on appelle ça l’ « espérance ». C’est un truc qui nous a sauvés dans des circonstances tout à fait abominables, mais qui nous a joué aussi des mauvais tours : on est prêt à gober n’importe quoi. Et surtout quand on vous dit : « Vous êtes en réalité beaucoup plus intelligent que tous ces gens dont on vous dit qu’ils sont intelligents à la télé ! », ça, c’est un message qui marchera toujours sur un certain nombre de personnes.

Alors l’aventure de Monsieur Samuel Bankman-Fried est terminée, celle de Madame Caroline Ellison est mal embarquée, mais ce secteur tout entier d’escroquer les gogos, je crois que tant qu’il restera deux êtres humains, il y en aura un qui essaiera d’escroquer l’autre malheureusement, et l’autre sera tout disposé si on lui fait miroiter des choses qu’il n’a pas et en lui disant surtout qu’il est très très intelligent et que s’il donne l’argent qui lui reste, il sera multiplié par dix, par 20, par 30, par 50, etc.

Bon, allez, à bientôt.

Partager :

6 réponses à “Les aventures de Sam Bankman-Fried, le 14 décembre 2022 – Retranscription”

  1. Avatar de Irène Silvest
    Irène Silvest

    Et en prison il est toujours en short ?

    1. Avatar de torpedo
      torpedo

      Oui, oui, le modèle spécial VIP de couleur réglementaire…
      Version ignifugée à doublure blindée au titane à l’arrière,
      Braguette intégrale à fermeture automatique inviolable devant.
      Les voisins de cellule se marent:
      « Eh Sam! So cool your Bite-Coin’s Purse! »

      Eric.

      1. Avatar de Ruiz
        Ruiz

        Et puis il n’est pas parti avec toute la caisse, il reste 5 milliards parait-il !

      2. Avatar de Garorock
        Garorock

        La caution de 250 millions de dollars (en équivalent panneaux solaire, ça fait combien?) a me semble t-il plutôt été payée par les gogos qui lui ont acheté du bitcoin. 😎
        Gogos qui n’iront pas en prison, mais peut être, pour certain, au secours populaire.
        Bien joué, Sam!

  2. Avatar de konrad
    konrad

    Bonsoir,

    J’ai bien aimé l’analyse de l’affaire. Dans le fond elle témoigne d’un symptôme de notre époque, je trouve. Dorénavant ce sont les enfants qui éduquent – ou dirigent – les parents.
    Lorsque j’étais enfant nous jouions « pour de vrai », c’était un engagement tenus par tous, et une fois revenus à la maison nous redevenions ce que nous étions – non pas des cow boys ou des indiens – mais des enfants !
    Aujourd’hui ils ne jouent plus pour de vrai, parce qu’ils ne jouent plus du tout. Il n’y a plus de distance entre le « principe de plaisir » et le « principe de réalité ».
    Et ceux qui subissent l’attrait de cette insolence juvénilité le font certes par « espérance » mais aussi par cupidité.
    Tout ça pour dire que je suis un « vieux con ». 😉

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta