Aviez-vous entendu parler de « la Grande Démission » ? Il y a bien sur le Blog (merci Paul d’avoir relayé !) ce témoignage très brillant de Laurent Lievens. Un très grand merci à lui. Il explique parfaitement sa démarche, depuis le monde universitaire belge où il se trouve.
« La grande démission », donc. Le phénomène a pris d’abord de l’ampleur aux USA, parait-il. Mais il s’est étendu à l’Europe et la France. Le problème, c’est que nous avons l’impression d’être submergés par plusieurs crises simultanément, sans trop savoir quoi, à part sentir qu’il y a de plus en plus de choses qui « clochent »… Le Soliton de Paul avait fait mouche, et déjà 6 ans sont passés : crise sociale (souvenez vous avant le Covid-19 dans plusieurs pays dont la France), crise sanitaire (la pandémie Covid-19), crise écologique (no comment !), crise économique et financière (l’inflation bien réelle et la montée des taux d’intérêt, qui n’est pas accompagnée par une indexation des salaires, donc ?), crise militaire (guerre en Ukraine), etc.
Alors revenons à cette Grande Démission. Aujourd’hui je viens de quitter un collègue, qui travaille dans une grosse société d’Ingénierie de plus de 5000 employés en France et à l’international. Lui et son équipe collaborent avec moi sur un grand projet dont j’ai la responsabilité… Et il se trouve que je dois préparer une réunion de comité de pilotage décisive pour la suite, qui va avoir lieu dans les jours qui viennent… Évidement la pression monte, et je m’active avec les membre des équipes. Ce matin, nous avons une réunion. À son arrivée, il me dit : « Monsieur X, il faut que je vous parle. Ce n’est pas une très bonne nouvelle ». Je m’inquiète, pensant peut-être à un pépin de santé (il a un certain âge, et on sait que l’espérance de vie en bonne santé ne dépasse pas en moyenne 60 ans, donc…). Nous montons jusque dans la salle de réunion pour nous isoler et parler. Il me dit : « Monsieur X, c’est à propos de moi au sein de ma société (je passe les détails) », et il me dit encore : « Demain j’ai une réunion importante avec le comité de direction. Des résultats de cette réunion, j’ai pris ma décision de rester ou de démissionner ». Mon collègue est un peu plus âgé que moi (peut-être 61 ans), une famille avec au moins un enfant à charge qui doit entamer des études supérieures. Je ne m’attendais pas à ça de lui, et vu son poste, c’est un coup dure pour le projet et pour moi. La confiance étant grande entre nous deux, nous avions eu à commenter la « volatilité » des jeunes générations sur le marché du travail. Mais chez les séniors, cela semblait « résister ». Oui, parce que c’est plus difficile de bouger après un certain âge ? Et là, ça se produit. J’avoue que moi-même je me suis souvent posé la question. Mon collègue explique le contexte de la grande incertitude dans lequel il se trouve, outre la pression qu’il subit de plus en plus importante, menaçant sa santé. C’est son médecin qui l’a mis en garde. Tout ça l’aurait décidé, à contre-cœur. Dans son service, me dit-il, ils sont passés de 10 à … 1. Ils font appel à des sous-traitants, et encore, avec peine. Et on lui demande toujours de répondre à des offres pour d’autres clients et de travailler sur d’autre projets sans avoir la ressource. Bref, ça ne peut pas tenir… mais du coup, je me dis : « Et moi, comment je vais faire ? » Je ressens la pression monter encore d’un cran, et je réalise un sens du mot effondrement. Je pense à une falaise ou à un versant de montagne qui s’effondre. De proche en proche, au fil des départs, la charge de travail se concentre sur ceux qui restent… qui se trouvent à leur tour fragilisés. C’est un phénomène en chaîne. C’est bien un effondrement. Si c’est isolé, les choses se tassent et résistent. Mais en cas de généralisation, c’est bien un effondrement qui se produit.
Alors à quand le Grand Chaos ?
Auteur : Véronique Lalot : « Tohu Bohu » – 2022
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