Retranscription de « Ce que je crois », le 24 juillet 2022.
Bonjour, nous sommes le dimanche 24 juillet et ce que je vais vous dire s’appellera : « Ce que je crois » et ce qui m’inspire à parler de ce sujet, d’un sujet à ce point sérieux, c’est un article dans Le Monde qui s’appelle : « Dieu et la science : Le mot de « preuve » ne s’applique pas à l’existence de Dieu » et le sous-titre de l’article, c’est : « Dans La science, l’épreuve de Dieu ?, le théologien François Euvé, physicien de formation, interroge les rapports entre la science et la foi. Si les deux doivent entrer en dialogue, il invite à ne pas confondre leur domaine respectif ».
C’est un sujet qui m’intéresse en particulier du fait que je suis depuis 2016 attaché à l’Université Catholique de Lille alors que, quand Pierre Giorgini, le recteur, m’avait tâté en me posant la question : « Est-ce que vous êtes croyant ou non ? » avant de me nommer professeur associé, j’avais dit un très clair : « Non, je ne suis pas croyant. Je ne crois pas à l’existence d’un dieu ». Mais évidemment, aussitôt qu’on a dit ça, les choses se compliquent.
Les choses se compliquent parce que – comme j’en ai discuté récemment dans une vidéo [Tout cela a-t-il un sens ?] – je suis né dans une culture où soit on approuve le christianisme dans lequel tout ça baigne, soit on le rejette mais alors, on est dans un discours – et je l’avais souligné – dans une sorte d’athéisme qui n’a pas grand-chose à dire en sa propre faveur sauf qu’il n’est pas d’accord. C’est une sorte de protestation mais dont on pourrait dire que c’est une protestation un peu infantile parce qu’elle n’arrive pas à dire quelque chose de très intéressant à l’égard de ce christianisme. Et on pourrait résumer en fait cette opposition à ce christianisme non pas du tout au message de l’Évangile mais simplement au fait qu’est apparue ce qui semble alors aux yeux d’un athée comme une classe parasitaire : celle du Clergé, qui s’est réjoui et a exploité de diverses manières pas toujours très recommandables, la croyance des gens à ce qui était dit dans les Évangiles, Évangiles dont ils n’avaient d’ailleurs qu’une connaissance, je dirais, assez éloignée du texte lui-même et devaient faire confiance sous la forme du catéchisme à des résumés assez expéditifs de différents endroits des Évangiles, résumés qui, le plus souvent – et j’en ai parlé récemment à propos de la totale mésinterprétation de la parabole des talents – résumés qui souvent s’éloignaient extrêmement en fait du message originel.
Alors, où est-ce que ça me situe par rapport à toutes ces histoires ? Eh bien, quand je vois qu’il est question de rétablir un dialogue avec la foi, entre les théologiens et les scientifiques, comment dire ? je pousse un peu un soupir parce que j’ai l’impression essentiellement que c’est un combat d’arrière-garde. J’ai l’impression que plus personne ne croit au message d’un monde après celui-ci dans lequel certains vont au paradis et d’autres aux enfers – ou « en enfer » s’il n’y en a qu’un – et des choses de cet ordre-là, d’un jugement dernier, du fait que nous serons tous ressuscités après notre mort un beau jour. Tout ça me paraît de l’ordre, voilà, de l’histoire du Labyrinthe avec Ariane, Thésée et le Minotaure. Ça me paraît des histoires du même ordre. Est-ce qu’il y a encore beaucoup de gens qui croient que ça s’est vraiment passé, l’histoire de Thésée, du Minotaure et d’Ariane ? Je ne crois pas. Et d’Icare, voilà, qui prend son envol, Brueghel a fait un très très beau tableau sur la chute d’Icare mais je crois qu’on en est restés là.
Tout ça me paraît donc un combat d’arrière-garde. François Euvé dit très bien qu’il faut distinguer clairement la religion de la superstition mais, je dirais, avec un peu de recul – celui du « catholique zombie » comme le dit très bien Emmanuel Todd – tout ça se confond. Il n’y a plus de grande différence entre la religion et la superstition et, je le rappelle souvent, de la même manière que le but d’Émile Durkheim quand ils fonde la sociologie moderne, c’est de définir la base pour une morale laïque, de la même manière, de manière parallèle et un peu avant, Tylor, le grand anthropologue britannique, assigne à l’anthropologie sociale qui nait la tâche d’« éradiquer une fois pour toutes la superstition ». Et dans la superstition – c’est une grande catégorie chez lui – on trouve, je dirais, comme un sous-ensemble, un sous-ensemble important mais voilà, au milieu, on trouve la religion.
Alors, est-ce que la religion, ce n’est plus rien ? Est-ce que cette idée de croire à Dieu, ce n’est plus rien du tout ? Si je pensais qu’il n’y a rien à dire, je n’aurais pas fait cette vidéo. Je vais vous raconter une histoire. C’est un de mes fils d’ailleurs qui m’a inspiré ça, c’est-à-dire que dans les conversations qu’on avait et qu’on a toujours, il lui arrive de dire, sur un mode ironique et plaisant : « Praise the Lord, Hallelujah ! ». Bon, « Saluons, rendons hommage au Seigneur, Alléluia ! ». Qu’est-ce que c’est ? C’est une référence à ces preachers, à ces prédicateurs que l’on voit parfois dans les films ou si on a la chance de se trouver un jour dans une église où il y a un prédicateur – j’ai eu l’occasion de faire ça en Sierra Leone – à certains moments, le prédicateur s’interrompt et se tourne vers le ciel et dit : « Gloire soit rendue à Dieu, Alleluia ! » et j’ai pris l’habitude à la suite de mon fils, de temps en temps, quand les choses vont dans ma direction, quand une grande bénédiction m’est accordée par le Ciel, de me tourner effectivement vers le Ciel et de dire : « Praise the Lord, Hallelujah ! », voilà : « Loué soit le Seigneur, Alléluia ». Ce n’est même pas de la superstition, je dirais, c’est de l’ordre de l’autodérision ! C’est de l’ordre de l’autodérision.
Cela dit, cela dit, j’ai été frappé il y a quelques années quand j’ai raconté dans un petit billet – c’était au tout début de mon blog, donc on devait se situer, voilà, dans les années 2007/2008 [De la prière, le 7 juillet 2007] – j’ai raconté qu’un soir, une soirée il y a longtemps, une soirée de difficultés à l’époque où je n’avais vraiment plus un radis et j’avais quatre enfants à charge et que je m’étais surpris en train de fixer un coin de plafond, et au bout d’un moment, je me dis : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Pourquoi tu es là, comme ça, à regarder un coin de plafond en pensant à tes soucis ? ». Et l’explication m’était venue, c’est parce que ce coin de plafond, c’est trois en un : ce sont trois arêtes qui se rejoignent en un sommet et j’ai compris – je suis un peu psychanalyste sur les bords et je fais un peu d’auto-analyse – que c’était une représentation graphique – que je pouvais voir de mes yeux voir – de cette image de la Sainte Trinité qui se trouve dans notre religion.
J’avais raconté ça sur mon blog et j’avais eu la chance mais la surprise aussi de recevoir un message d’un théologien qui me disait : « C’est formidable ! Vous avez trouvé Dieu comme ça, dans le coin de votre pièce. Et dans un moment de grande difficulté pour vous, vous avez fait la chose qu’il fallait : vous vous êtes tourné vers Dieu et vous avez prié à votre manière ». Bon, alors j’ai remercié ce théologien. Il m’avait ajouté comme une sorte de post-scriptum dans son message que si – j’ai raconté ça en plein milieu de la crise des subprimes et si l’attention était un peu tournée vers ce que je disais, c’est parce que, bon, j’avais prévu ce truc-là – il m’avait dit : « Si la crise des subprimes n’avait servi qu’à ça, qu’à ce que vous trouviez cette image, ce serait déjà pas mal ». Je lui ai répondu que j’avais le nez sur ce qu’il se passait en ce moment, qu’il y avait énormément de souffrance humaine et que si Dieu avait considéré qu’il fallait vraiment créer tant de souffrance humaine juste pour que moi je découvre Dieu dans un coin de mon plafond, que c’était beaucoup demander ».
Cela dit, et c’est par ça que je vais terminer, il m’arrive effectivement – et est-ce entièrement, voilà, ça c’est la question qu’on se pose quand on a un inconscient… Cet inconscient, qu’est-ce que c’est ? Voilà, c’est la salle des machines, c’est l’opérateur comme dit quelqu’un qui se reconnaîtra. Qu’est-ce qui se passe véritablement entre la conscience et l’inconscient ? Qu’est-ce qu’il se passe dans cette salle des machines, dans la soute, par rapport à ce qu’on pense véritablement ? J’avais fait la réflexion que ce qui m’avait choqué dans ce film qui s’appelle The Perfect Storm. C’était une histoire de tempête, un ouragan pas comme les autres, je ne sais plus comment ça s’appelle du tout en français (« En pleine tempête »), ce qui m’avait frappé en tout cas dans cette histoire où un bateau est pris absolument dans la tourmente et finira par disparaître, que personne ne s’était tourné vers Dieu pour prier. Et ça, c’est à partir d’une autre expérience, c’était mon expérience de pêcheur, que quand ça va vraiment mal, il est difficile – ça ne m’est pas arrivé à moi – il est difficile de ne pas prier, de ne pas se tourner vers le ciel en disant : « Je ne crois pas à grand-chose mais si jamais il y avait quelque chose qui pouvait me tirer d’un tel pétrin – c’est-à-dire de me noyer dans les 5 minutes qui viennent – ce serait quand même pas mal que ça se manifeste ».
Alors, je vais terminer en disant la chose suivante : il m’arrive effectivement, en plus de ce « Praise the Lord, Hallelujah ! » de me tourner vers un coin de plafond et de poser des questions quand je n’arrive pas du tout à trouver la réponse. C’est dans un dialogue, c’est dans un dialogue, espérer, où je me tourne en disant : « Ecoute… » Et là, à qui est-ce que je m’adresse ? Quand je m’adresse à Dieu le Père, je dis : « Ecoutez ». Quand je m’adresse à Jésus-Christ, je dis : « Ecoute… ». Bon, je ne sais pas, voilà, c’est une idée de familiarité, de quelqu’un qui comprendrait ce que je veux dire de la même manière que moi je comprends ce que lui veut dire quand il l’a dit à l’époque où il l’a dit. Et là, je pose des questions. Je pose des questions : « Qu’est-ce qu’il faut faire maintenant ? Comment est-ce qu’on va se sortir de ce pétrin ? » etc. Et là, malheureusement, jusqu’ici, je n’ai jamais rien reçu en retour. Alors, si tu m’écoutes ou si vous m’écoutez [se tourne vers le Ciel], c’est un petit appel du pied parce que notre espèce est vraiment dans de grandes difficultés et si vous pouviez quand même ou si tu peux quand même apporter un élément de réponse, ça me ferait plaisir [rires] parce que ça pourrait nous permettre de ne pas prier simplement pour la venue d’extraterrestres qui pourraient nous dire ce qu’on devrait faire maintenant. Voilà.
Alors, est-ce que vous allez prendre au sérieux ce que je viens de dire là ou pas ? C’est à vous de décider. Est-ce que moi je le prends au sérieux entièrement ou pas ? Je n’en sais encore rien. Je vais y consacrer les quelques minutes qui suivront la fin de cet enregistrement.
A bientôt !
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