Nous sommes au théâtre. Une pièce est jouée devant nous, devant un décor. C’est une ville où le gris de l’acier et du béton l’emporte ; les personnages se déplacent, parlent et agissent. Ils ont l’air de vivre, d’être libres. Nous pouvons les croire presque heureux.
Une voix dit sans que l’on sache d’où elle vient : « Je crois au capitalisme, à l’économie de marché, à la concurrence, à la mondialisation. »
C’est, à coup sûr, un Sarkozy des villes. D’autres l’ont dit déjà, d’autres encore pourraient le dire aussi dans les endroits les plus inattendus.
D’ailleurs, une autre voix dit : « Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires. » C’est certain, le Macron des villes a lâché cette aubade, comme un pet, sans réfléchir.
Soudain…
Les lumières s’éteignent. Toutes. Nul n’y voit goutte ; n’est-ce pas là un effondrement ?
En effet, c’est bien l’image que nous pouvons nous faire d’un chaos. Noir complet et bouche cousue. Immobilité absolue. Plus aucun lien ne subsiste entre les choses et les êtres, entre les êtres et les choses. Entre les êtres et les êtres.
Les spectateurs se sont tus instantanément. Le moment de stupeur passé, on entend un cri ou deux d’un enfant. Et d’un autre. Puis le silence s’installe et pèse sur chacun. De proche en proche on prend la parole, on chuchote ; on écoute. Parfois, peut-être, on s’invective, on se houspille. Les mémoires anciennes regorgent de mots anciens. Mais alors c’est par détresse ou par dépit.
La lumière revient enfin ou hélas, selon que l’on apprécie ou pas les confinements et la volupté de n’être plus tout à fait contraints.
Le décor a complètement changé. Nous sommes à la campagne où le rouge, le bleu et le jaune s’ingénient à faire du multicolore. Les personnages sont les mêmes à quelques exceptions près. À quelques pièces de vêtements et chaussures près qu’ils ont échangés pendant l’interruption. Ils se déplacent avec lenteur et parfois même demeurent assis sans dire un mot de trop.
La pièce se construit sous les yeux des spectateurs qui s’invitent à participer aussi à sa création et à créer partout où cela est possible le nécessaire mais non le superflu. À envisager pour les autres de meilleures vies. Ils parlent et ils s’écoutent. Ils s’installent sur scène et occupent toute la salle bien décidés à se réorganiser hors des limites pour réinventer l’amour de tous pour chacun.
Une voix dit sans que l’on sache d’où elle vient : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie à d’autres, est une folie. »
Les plus subtils reconnaissent instantanément l’autre face du Macron des champs qui ne sait plus tout à fait où il habite ni comment il peut encore épater la galerie.
Et puis, c’est une chorale d’écoliers qui chantent gaiement : « Il faut dire aux enfants ! »
Alors, lorsque le silence se fait, une fillette s’avance, c’est une petite Isabelle fière de ressembler à Louise Michel. Elle dit : « Revisiter nos croyances les plus ancrées, nos définitions de culture, de civilisation et de progrès. (…) À quel moment les humains se sont-ils affranchis des contraintes de leur écosystème. (…) qui a décidé que notre destin divin était de dominer le monde ? ( … ) Changer notre manière de penser le monde pour être en capacité de le changer. (…) Les classes dirigeantes nous ont persuadé que le capitalisme était synonyme de civilisation et que la civilisation était obligatoirement synonyme de progrès. »
« Devant l’autre décor s’imposent maintenant des moments de vie, des histoires d’amour et des veillées d’armes en attendant le retour de l’humanité. »
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