La situation militaire des pays du bloc atlantique est assez claire, même si les choses ne sont généralement pas explicitées, mais plutôt recouvertes d’une épaisse couche de jargon diplomatique pour ménager les sensibilités.
Si on oublie la politesse, l’OTAN rassemble :
1) Une superpuissance militaire, la seule dont l’envergure est véritablement mondiale
2) Une poignée de pays qui garantissent leur indépendance et leur survie avec leurs propres moyens. Aujourd’hui essentiellement France et Royaume-Uni, il faudra y ajouter Finlande et Suède quand ils rentreront dans l’alliance atlantique, et la Pologne semble décidée à être du lot à l’avenir. On peut appeler ces pays des « alliés » des Etats-Unis
3) Une foultitude de pays qui ont certes des forces armées, mais qui en cas de menace véritablement sérieuse comptent pour garantir leur indépendance sur ce qui est leur arme principale : un téléphone connecté avec la Maison Blanche. Bref, la protection de 1) On peut appeler ces pays des « dépendants » des Etats-Unis
Lorsque les pays de l’OTAN se donnent pour objectif d’armer un pays que la Russie tente de conquérir, c’est tout naturellement l’Amérique qui fait le plus clair du boulot… ne serait-ce que parce que c’est la seule qui peut ! La poignée des alliés ont certes une défense, mais à l’échelle de leur propre taille, pas à celle du continent, sans parler de l’échelle mondiale où Washington opère… ils n’ont pas du tout les mêmes réserves. Paris a envoyé à Kiev un quart de sa meilleure artillerie, c’est un effort important mais… ça ne fait jamais que 18 canons. Londres a mobilisé ses unités d’entraînement et forme des milliers de soldats ukrainiens chaque mois mais… Kiev a besoin de centaines de milliers. Quant à la foule des dépendants, si certains font un effort supérieur (Baltes et Polonais notamment), il reste de dimension assez limitée du fait de leur taille. Les autres font assez peu, et quand bien même ils voudraient faire plus ils ne pourraient pas faire beaucoup.
Même l’Amérique commence à tirer un peu la langue… Washington a envoyé à l’Ukraine au moins un tiers de ses missiles antichar (les fameux Javelin) ainsi que près de 900.000 obus de 155 mm. Pour ces deux matériels, même après montée en puissance industrielle il faudra plusieurs années rien que pour reconstituer les stocks. C’est que la consommation de munitions est hallucinante – certainement l’un des enseignements militaires principaux que l’on tirera de ce conflit. Ceci alors que l’Europe n’est que l’une des trois régions prioritaires pour les Etats-Unis, avec le Moyen-Orient et l’Extrême-Orient, que ce n’est même pas la plus importante des trois… et que Washington regarde avec inquiétude la puissance industrielle montante, dont les chantiers navals sortent des navires à un rythme que les chantiers navals américains peinent à suivre, et les ingénieurs militaires avancent à pas de géant. Voir ici pour une argumentation détaillée de cette thèse.
Bref, il est possible que l’Amérique doive bientôt limiter le volume de son aide militaire. Bien sûr, la puissance militaire de la Russie aussi est en train de diminuer, et fortement, mais Moscou a toujours compté sur des stocks véritablement gargantuesques de munitions assez simples – un risque pour Kiev est que la Russie ne soit pas encore épuisée lorsque Washington sera forcé de limiter son soutien, de peur de trop affaiblir ses stocks face à l’enjeu beaucoup plus important pour lui que représente la Chine.
Et bien sûr, si les Républicains l’emportent dans les deux chambres aujourd’hui, cette limitation pourrait arriver encore un peu plus tôt – le parti à l’éléphant est encore plus focalisé sur la Chine que ne l’est le parti à l’âne, et puis il y a le facteur Trump. Lorsque l’ancien président dit que des « gens stupides » sont responsables de la guerre, il sous-entend que ces gens stupides se trouvent à l’Ouest, il accuse Biden d’avoir « presque forcé » Poutine à envahir et il en profit pour « exiger la négociation immédiate d’une fin pacifique » à cette guerre.
Si l’Amérique se désintéresse de l’Ukraine, non les Européens ne prendront pas le relais. Parce qu’ils ne peuvent pas.
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