Première critique à chaud de « La vie large », nouvel essai écrit par M. Paul Magnette, président du parti socialiste francophone belge, par Cédric Chevalier

Première critique à chaud de « La vie large », nouvel essai écrit par Monsieur Paul Magnette, président du parti socialiste francophone belge

Quand le réel résiste irrémédiablement à notre désir et notre volonté, nous pouvons renoncer à ce désir et à cette volonté ou décider, consciemment ou non, de vivre dans une fiction où le réel se pliera tôt ou tard à notre désir et à notre volonté. A nos risques et périls. Durant l’histoire, une telle attitude effrontée s’est soldée par des découvertes scientifiques importantes… ou le malheur, voire la mort de son porteur. Les frontières perçues de la réalité ont été repoussées plus loin, devenant vraisemblablement plus proches des limites du réel, toujours en partie insaisissables. Nous vivons toujours dans une régime particulier de réalité. Notre imagination est bornée par des frontières souvent arbitraires. C’est pourquoi la politique a souvent été définie comme « l’art de rendre possible ce qui semble impossible ». La politique se fonde sur les affects et la mécanique du désir. On n’attrape pas des mouches avec du vinaigre. En politique, on en convient, l’avenir énoncé se doit donc d’être « désirable ». C’est le régime de réalité « politique ». Mais le possible politique est une catégorie subordonnée au possible biophysique. La réalité politique se heurte au réel qui résiste. Que faire quand le réel sous-jacent résiste au point que plus aucun avenir possible n’est rigoureusement « désirable » ? C’est-à-dire, plus rigoureusement, que faire quand tous les scénarios futurs sont « inférieurs », au moins sur une caractéristique objective, aux conditions générales de notre environnement planétaire actuel ? Certains très rares théoriciens politiques ont décidé de prendre acte de ce fait qui semble émerger progressivement des travaux scientifiques. D’autres estiment qu’entre le réel et la « désirabilité », c’est le réel qui doit céder. Est-ce le cas de Paul Magnette, président du PS et intellectuel socialiste de réputation européenne ? Il vient en tout cas de publier son dernier essai intitulé « La vie large », d’après une expression de Jean Jaurès (« nous ne voulons pas être des ascètes, nous voulons la vie large »).

De nombreux écologistes à la fibre sociale seront d’accord avec lui sur de nombreux points. Il y a de claires convergences entre la pensée socialiste et la pensée écologiste. Chacune d’entre elles a des apports historiques qui peuvent contribuer à relever les défis actuels de l’humanité. Mais chacune d’entre elle a failli à sa manière, et doit réaliser un aggiornamento. Et l’aggiornamento n’est pas mineur… Paul Magnette reconnaît que le socialisme n’a pas été premier de classe en écologie. Tandis que de plus en plus d’écologistes reconnaissent que l’écologie politique n’a pas été première de classe en justice sociale. Ce sont des euphémismes. Il se peut donc qu’une synthèse de ces deux courants soit possible, qui tienne compte du réel actuel et futur. D’ailleurs, le philosophe Serge Audier a démontré à quel point le socialisme avait certaines racines écologistes et à quel point l’écologisme avait certaines racines socialistes. L’écosocialisme et l’écologie sociale ou sociale-écologie sont des exemples de tentatives de synthèses. J’ai proposé également une telle synthèse sociale-écologique dans mon Terre en vue ! Plaidoyer pour un Pacte social-écologique (Luc Pire 2021). En quoi ma proposition de synthèse diffère-t-elle de celle de M. Magnette ? Principalement dans la prise d’acte que nous entrons irréversiblement dans l’Anthropocène, une nouvelle ère où l’espèce humaine découvre des conditions d’existence qu’elle n’a jamais expérimentée, des conditions d’existence nettement plus défavorables que celles de l’Holocène, ces 12.000 années d’essor des civilisations qui aboutissent à nos jours. Nous entrons dans la temporalité de l’Urgence, avec un grand U, faite d’incertitude radicale et de menaces existentielles. Le problème métaphysique fondamental est celui de la « limite » et de sa « transgression ». Toute pensée politique qui ne parvient pas à penser cette dialogique (Edgar Morin) entre la limite et sa transgression devient caduque. La limite, c’est le réel qui résiste.

Le problème, c’est donc la prise en compte de la limite, du réel (qui résiste à quoi ? au désir et à la volonté humaine), qui risque de faire s’écrouler tout l’édifice argumentatif de M. Magnette. Je pense, comme d’autres observateurs (scientifiques, philosophes, intellectuels…) que les possibilités biophysiques et thermodynamiques de la vie sur Terre vont non pas « s’élargir » mais se rétrécir. Comme l’ingénieur Jean-Marc Jancovici, je lis les rapports scientifiques les plus récents et je prends acte de l’impossibilité biophysique de certains scénarios et de l’irréversibilité de certaines évolutions de la Biosphère pour les prochaines décennies. Il y a, d’ores et déjà, des « pertes et préjudices » dont la pensée politique ne peut pas faire l’impasse. Cela impose des limites à l’ensemble des scénarios possibles pour l’humanité au cours du XXIe siècle.

En conséquence de la prise en compte de la limite, du réel, il me paraît singulier de parler de vie large quand la vie terrestre s’est largement effondrée depuis 50 ans, que l’empreinte écologique mondiale, en ce compris les émissions de gaz à effet de serre, continue sa croissance accélérée, et que le nombre de morts liés à l’Ecocide mondial augmente chaque année. Sur le plan personnel, je partage totalement l’ethos de la vie large. Mais il mérite d’être davantage spécifié. Le problème fondamental de la proposition de « la vie large » de M. Magnette est qu’elle semble reposer sur un postulat qui n’est pas démontré, ou plutôt qui est infirmé par tous les constats scientifiques raisonnables. On voit mal comment nous pourrons mener « la vie large », comment « le monde à venir améliorera le bien-être et le plaisir d’une immense majorité de la population », si des territoires presque équivalents à des sous-continents (comme le Pakistan et le Moyen-Orient) deviennent déjà « inhabitables » durant les prochaines décennies, d’ici à 2100 si la trajectoire écocidaire se poursuit.

La « vie large », même sous une version « ascétique » que M. Magnette pourfend pourtant, n’est d’ores et déjà plus garantie dans ces territoires prochainement inhabitables à cause de l’élévation constante des températures et des catastrophes climatiques qui en découlent. Il reste bien sûr toujours, même en situation matérielle d’ascèse, des marges d’élévation dans la sphère qualitative spirituelle. La joie d’exister est possible même dans des conditions environnementales extrêmes (désert, montagne, toundra…). C’est même pour faciliter cette recherche que des sages se mettent volontairement en situation d’ascèse. Mais l’ascèse dont nous parlons ici, c’est le jardin d’Eden par rapport aux catastrophes que nous promet déjà l’Anthropocène. Les Pakistanais peuvent bien vivre « la vie large », privilégiant des valeurs postmatérialistes et un mode de vie modéré matériellement, bénéficiant de larges services publics et d’un Etat garant de la minimisation des inégalités sociales, cela leur fait une belle jambe quand un tel pourcentage de leur territoire devient de facto inhabitable, comme les inondations et les canicules des dernières a
années l’ont montré.

Proposer une nouvelle utopie de « la vie large » écosocialiste, comme le fait M. Magnette, est-ce donc compatible avec les faits scientifiques ? Proposer une nouvelle utopie, n’importe laquelle, alors que nous entrons peut-être définitivement dans l’ère des dystopies, est-ce responsable ?

Cela nous amène à un mot qui semble-t-il n’existe pas encore : le Dystopocène (puisque la mode intellectuelle est à la création de mots en -cènes…).

Le Dystopocène pourrait être défini comme l’Âge en philosophie politique où toutes les utopies (communiste, socialiste, écologiste, libérale, sociale-démocrate, chrétienne, décroissante, … et évidemment néolibérale et transhumaniste) sont devenues biophysiquement impossibles. Toutes, sans exception. Seules demeurent possibles les dystopies, c’est-à-dire des configurations sociétales suboptimales par rapport à toutes les utopies précitées. La Politique se résume alors à choisir de plusieurs maux le moindre, à minimiser le mal, et non plus à rechercher le plus grand bien pour le maximum de gens. Pour ceux qui estiment même renoncer à toute politique (ce qui n’est pas mon cas), il ne reste plus qu’à apprendre à flotter dans la tempête, en s’inspirant des apports des stoïciens et des bouddhistes.

Le Dystopocène est un Âge forcément sombre.

Dans un large chapitre, M. Magnette relit Hans Jonas, un philosophe fondamental pour la pensée de l’écologie politique. Jonas répondait au Principe Espérance de Ernst Bloch (communiste) par son Principe Responsabilité. Il estimait que la réalité de notre puissance technologique, à même de provoquer notre propre extinction, soit la fin de l’humanité, signait la fin de toutes les utopies. En conséquence, il fallait se contenter d’un « scepticisme miséricordieux » et non plus d’un « optimisme impitoyable ». Il fallait gouverner selon une « heuristique de la peur » (vis-à-vis de l’enjeu de la poursuite de l’humanité), et tuer définitivement l’espoir des « lendemains qui chantent ». Mais M. Magnette estime que Jonas s’est trompé, avec les écologistes et les décroissants et les collapsologues. Que ça ne fait pas envie donc ça ne fait pas une politique. Que ça n’affecte pas un corps politique. Il veut encore proposer un avenir désirable. Un avenir éco-socialiste. Une nouvelle utopie.

Le hic donc c’est que l’avenir n’est peut-être déjà plus, matériellement, réellement, désirable, dans tous les sens du terme. Disons-le autrement : aucune loi de la physique n’impose, comme dans les films américains, qu’à un moment t du déploiement temporel de l’histoire de la Terre, il existe le moindre scénario futur favorable, sur au moins quelques dimensions significatives, à l’humanité. Peut-être n’y a-t-il, sauf sursaut anthropologique (économie de guerre mondiale pour la métamorphose), plus aucune branche de scénario qui ne soit pas dystopique, en tout ou partie ? Cette spéculation devient plus crédible lorsqu’on la démontre au moyen des connaissances scientifiques actuelles : même si nous faisions cesser immédiatement toutes nos émissions de gaz à effet de serre, le climat mondial continuerait à se dégrader significativement durant de nombreuses décennies à siècles, en fonction des effets (dans l’inconnue de niveau exact des seuils de basculement irréversible, des effets de seuil, au sein de la Biosphère). Ceci, avec ou sans « vie large ». Et les exemples de tels phénomènes irréversibles sont nombreux.

Alors on fait comment pour « affecter un corps électoral » quand on n’a plus rien de désirable à lui proposer, qui ne soit pas un pari irresponsable sur l’avenir, irresponsable car non fondé sur les faits scientifiques ? Certains tentent un compromis avec le réel qui résiste.

Jean-Marc Jancovici rappelle pourtant que l’essentiel de ce que nous appelons « progrès » repose sur l’usage des combustibles fossiles.

Une vie heureuse sans combustibles fossiles a toujours semblé matériellement possible sur Terre (notamment via la décroissance).

Mais nous ne sommes plus sur cette Terre-là. Le climat terrestre a d’ores et déjà changé et nous ne pourrons plus revenir en arrière. Nous ne pouvons plus extraire et encore moins brûler de combustible fossile, dès à présent, à en croire les scientifiques.

Il faudrait donc presque renommer la planète pour expliquer que nous sommes entrés dans l’Anthropocène, et que nous ne vivons plus sur le caillou que nous croyions bien connaître. Le sol sur lequel les châteaux en Espagne de la politique s’édifiaient, les utopies, ce sol là s’est dérobé sous nos pieds. Le décor immuable de la pièce de théâtre politique se fissure, craque de toutes parts, tombe même sur la tête des acteurs politiques. Gaïa s’est réveillée. Nous sommes sur une Terre rebelle. Hans Jonas voulait détruire philosophiquement la notion d’utopie notamment à cause du potentiel de violence et de barbarie qu’elle recèle. A nouveau, si le réel ne cède pas à mon désir et à ma volonté, jusqu’à quelle extrémité n’irais-je pas ? Les exemples des excès tragiques de l’utopie abondent dans l’histoire. Evidemment, ce que propose Hans Jonas, les écologistes éclairés, les décroissants et les collapsologues, c’est moins sexy, c’est moins « désirable ». Mais à jouer avec les illusions des gens, avec « l’espérance de l’utopie », combien de désespérés ne sommes-nous pas en train d’engendrer ?

J’espère -malgré tout je reste humain- tous les jours que je me trompe dans cette analyse, que partagent pourtant nombre d’observateurs avisés. Et que M. Magnette a raison… et qu’un horizon éco-socialiste ou social-écologique (décroissant matériellement, forcément, mais croissant dans la qualité de vie…), soit encore possible biophysiquement… Que nous puissions encore espérer dans l’utopie. Moi aussi, je voudrais croire dans « la vie large », je trouve que ce serait une très belle vie, sur une très belle planète. Mais cette « très belle planète » existe-t-elle encore ?

M’inspirant comme M. Magnette de Machiavel, je me dis même que, peut-être, tactiquement, comme pour les premiers communistes et les premiers socialistes, il faut accepter de « tromper » le peuple avec une illusion, pour favoriser la ruse de l’histoire, et nous mettre dans une trajectoire « moins pire » que toutes les autres. Peut-être faut-il vendre cette « vie large », pour rassembler les forces du bien, en sachant pertinemment bien que la vie sera surtout beaucoup plus matériellement, et peut-être démocratiquement, « étroite » dans le prochain siècle, ou le suivant.

Peut-être que l’horizon de « la vie large » est le dernier moyen de déclencher une politique qui mette en place l’Etat d’Urgence écologique (cf. mon premier essai avec Thibault de La Motte) et l’Etat-Résilience dont, quel que soit le scénario futur, nous aurons de toute façon besoin, pour « minimiser le mal ». L’Etat d’Urgence écologique, démocratique, et l’Etat-Résilience, tout aussi démocratique, c’est peut-être la dernière manière de répondre rationnellement à l’Anthropocène, via une « économie de guerre ». Cette nouvelle « vie étroite » que le réel qui résiste va nous imposer, est le fruit pourri du productivisme du libéralisme, du socialisme et du communisme historiques. C’est nous qui avons déclenché cette guerre et qui sommes en train de la perdre.

Peut-être ne faut-il pas alors dévoiler la terrible réalité politique d’un horizon définitivement dystopique trop vite ? Pour ne pas nourrir le désespoir, le populisme, les bas instincts, la bête immonde, la barbarie, et favoriser, tant que faire se peut, le déclin le plus pacifique et le plus démocratique possible ? Ou est-ce l’inverse, à trop espérer dans l’illusion, on s’assure la violence du désespoir ?

« Calmez-vous, il reste assez de canots pour tout le monde » permet de sauver plus de passagers que « au secours, il n’y a plus assez de canots pour tout le monde ! ». Ça se discute.

Mais même ces hypothèses instrumentales me semblent caduques.

Je crois plutôt qu’on veut rester sur le pont de 1e classe, au son des violons, le plus longtemps possible, à boire du champagne. Que dure, encore un peu, s’il vous plaît, le rêve étoilé. Je crois plutôt que face à une « fenêtre d’Overton écologique » qui ne laisse plus passer aucun rayon d’utopie radieuse, certains politiques ont décidé de faire un trou dans le mur, espérant y forcer le passage de la lumière. Mais on ne peut pas percer le mur du réel.

Quoiqu’il en soit, cet essai de Paul Magnette signe une nette évolution dans la pensée socialiste, qu’il faut saluer. Mais le doute demeure sur l’utopisme.

Voilà en tout cas qui expliquerait le plus grand déni et la plus grande inertie de toute l’histoire. Comme un des traîtres du premier opus des film Matrix, on préfère fermer les yeux et continuer comme avant car il vaut mieux vivre encore un peu dans ce rêve douillet mais illusoire que se réveiller en plein cauchemar. J’espère me tromper, vraiment. Il n’est jamais agréable de faire partie de ceux qui brisent les rêves d’autrui, même quand ils sont illusoires.

Partager :

31 réponses à “Première critique à chaud de « La vie large », nouvel essai écrit par M. Paul Magnette, président du parti socialiste francophone belge, par Cédric Chevalier”

  1. Avatar de Guy Leboutte

    Nous sommes donc dans une pensée de la fin du monde, et/ou dans son déni.

    Je ne puis qu’être d’accord.

    « Briser les rêves d’autrui, même quand ils sont illusoires »? Quel rêve peut-on encore nourrir aujourd’hui, sans illusion ?

    Je n’en ai aucun. Je ne vois que le chaos.

    1. Avatar de Guy Leboutte

      Ceci nous introduit aussi à la gratuité.
      Celle de l’acte gratuit, sans fondement et sans perspective.
      Vivre intensément chaque jour encore vivable, avant le néant.

  2. Avatar de un lecteur
    un lecteur

    Je pense qu’il faut postuler que l’Humanité n’a pas d’autre pilote que des « mécanismes » vivant par opposition à physique. Que le modèle que nous en avons maintenant est pitoyable, et qu’il faut mettre tout en oeuvre pour en obtenir un au plus vite qui nous permettra de prendre des décisions « raisonnable » et non pas mensongère pour repousser le frontal avec la réalité vivante. Pour le climat, les scientifiques ont déjà fait le taff, pour le reste, on en est resté au rapport Meadows (1972).
    Le plus vite nous avons cet outil, meilleures sera notre chance de survie.
    Qui prendra et fera appliquer ces décisions, …, certainement pas la classe politique actuelle, sans pouvoir et sur le point de basculer dans le fascisme totalitaire et arbitraire. Bien mieux que « l’art de rendre possible ce qui semble impossible », je préfère plus simplement « l’art du possible », en Suisse on dirait « l’art du compromis ».

  3. Avatar de Gépé
    Gépé

    Si l’on voulait brosser un décor complet, aux couleurs de l’écologie et du socialisme, il faudrait étendre aussi sur la palette celles de l’anarchie et du municipalisme libertaire, de la spiritualité aussi.

    La pensée libertaire constitue à mes yeux comme c’était le cas pour Albert Camus,  » l’espoir et la chance des derniers hommes libres. » ( Isabelle Attard )

  4. Avatar de timiota
    timiota

    Le crypto-Magnette qui est en moi me dit que les deux termes de l’alternative sont trop extrêmes.

    Extrême 1 : un monde « vie large » en 2120 avec en gros un confort basique (sub-petit-bourgeois) étendu à une société de 8 à 12 milliards d’humain assez homogène (??) et assez égalitaire (???).

    Extrême 2 : un monde qui n’a pas résisté aux fluctuations où les humains sont moins de 100 millions en 2120, ce qui évidemment les autorise à carburer encore à 10 T CO2/an, par personne.

    Je plaide pour la possibilité d’existence d’une réalité « entre deux » (passage à 10 milliards, descente en partie incontrôlée et chaotique mais qui s’arrête vers 5 milliards), avec une forte dose d’éducation des filles (bon sur tous les tableaux) et un stress fort mais suffisant pour passer à une grosse dose de « communs » (comme l’agriculture africaine traditionnelle) et de low-tech (pour la robustesse et l’adaptation locale, tout le génie civil en gros), avec quelques fondamentaux restant high tech (acier, alu, verre, silicium, chimie des polymères : « portes et fenêtres » en gros) et opérant sur des modes assez circulaires, peu de batteries haute perf seulement des batteries low perf pauvre en cobalt et lithium, etc.,

    Même avec 10% de chance d’en arriver là, les graines plantées aujourd’hui par nos choix de 2022 ainsi que les savoirs que nous transmettrons, sur l’organisation sociale, sur les addictions du capitalisme productiviste et du consumérisme, eh bien tout cela vaut encore la peine de se fatiguer plutôt que de courir après un champagne de plus.

    Je crains que les visions en noir et blanc soient le résultat de la structure de notre cerveau : Il projette une tendance sans pouvoir la nuancer. Dans la rue, je me crois arrivé à la hauteur d’un immeuble qui me sert de repère sur le trottoir d’en face alors que j’en suis encore à 30 m, mais mon cerveau anticipe que je marche sans trop de peine et me projette en avant. A une occasion où j’ai du marcher avec des béquilles (un ménisque…), j’ai pu tester l’étendue du biais, puisque je ressentais assez fort la peine de ces 30 m encore à faire .
    De la même façon, nous ne nous projetons « facilement » que sur les scénarios extrêmes. Sur les scénarios « moyens », nous aurions, si nous devenions des âmes immortelles, la frustration de ne pas pouvoir distinguer les bonnes graines que nous aurions planté et de voir en fouillis les plantes envahissantes que nous aurions trop laissé prospérer. Le cerveau dans sa grande sagesse évite de se projeter sur ces situations « ni ni ». La raison teintée de morale suggère néanmoins qu’on peut avoir raison d’avoir oeuvré, même la veille d’un certain chaos. Un peu comme si nous devions préparer des croix-rouges futures (pensées pendant la guerre N pour limiter l’inhumanité de la casse de la N+1) , et que ces croix-rouges deviennent, de surcroit, les points cruciaux lors des pires moments, autour d’une vision humanitaire d’un genre « renouvelé ».

    C’est forcément dur d’élaborer une théorie adaptée à ce qui est évoqué, car il s’agirait d’une théorie des hétérogénéités. Ce serait pourtant passionnant, car elle toucherait au coeur des questions de lois d’échelle, celles qui font qu’une solution à l’échelle d’un village qui a l’air éco-comme-il-faut et sociale-comme-il-faut-aussi ne se transpose pas à un regroupement nettement plus grand comme une grande ville ou une mégalopole.

    De fait, les chiffrages optimistes pour la transition énergétique (Smil dans IEEE Spectrum du mois d’octobre 2022), sont de l’ordre de 275 000 milliards de $ sur 30 ans, soit 9000 milliards $/an ou 10% du PIB de 94 000 milliards/an (x5 celui des USA semble-t-il). C’est comparable à l’effort de guerre des USA de 42 à 45, mais pendant 30 ans et sans tenir compte de l’impact sur les USA eux-mêmes des dégâts (la guerre WWII n’était pas sur le territoire US, quasiment). C’est 30 à 50 fois plus que les programmes dédiés historiques aux USA comme le projet Manhattan (0.3% du PIB USA pendant 3 ans) ou le projet Apollo (0.2% pendant 11 ans) .

    Ce qui est vraisembable, c’est que ce 10% du PIB investi pour limiter les dégâts sera effectif quand le PIB aura décru de 50%, ce qui nous mettra dans un ciseau conduisant au « ni ni » évoqué. Malgré cette incapacité à faire mieux, le point de fonctionnement du « ni ni » (cas moyen ci-dessus, en réalité très chahuté, pas tranquille du tout, pour l’agriculture, les fluctuations c’est pas bien du tout par exemple) mérite qu’on y travaille maintenant, tout à fait sans filet .

    1. Avatar de Merlin II
      Merlin II

      Après le grand effondrement, ceux qui survivront devront bien s’organiser avec les moyens du bord et l’héritage techno-industriel.
      On devrait pas être loin de nos utopies de jeunesse (millésime 49 !), c’est à dire des communautés paysannes genre kibboutz ou quelque chose dans le genre. (ex le film de Kurosawa « Rêve », -> Le village des moulins à eau https://www.dailymotion.com/video/x93ib2 – quand il y a encore des rivières avec de la vraie eau !!)
      Et c’est pas triste du tout, c’est même désirable

  5. Avatar de Khanard
    Khanard

    personnellement j’ai bien aimé l’ouvrage de Paul Magnette mais … si je ne me trompe pas l’eco-socialisme est une vieille ritournelle qui refait surface avec ce livre.
    Je dois avoir des dizaines d’ouvrages qui ont traité de cette notion , les étagères croulent sous des bouquins qui en ont fait une ébauche . Là je souhaitais vous faire une liste de tous ces auteurs qui ont théorisé l’eco-socialisme mais cela aurait été fastidieux pour vous et pour moi . Je citerai tout de même Gorz , Habermas , Jürgen Dahl sans oublier Georgescu-Roegen , Aldous Huxley et bien sûr Paul Jorion .
    Alors un livre de plus ? Pourquoi pas mais certains des auteurs cités ci-avant sont morts sans avoir vu l’ombre du début de commencement d’un frétillement d’un changement de cap .
    Je suis désolé mais cela commence à être désespérant

    Désolé .

    1. Avatar de Garorock
      Garorock

      Ce n’est pas désespérant.
      Il faut recommencer le début…
      Faire des dessins.
      C’est fatiguant. C’est tout.
      Il n’y a pas le choix.
      Il faut que ça tienne par les deux bouts.
      Des clubs et des soviets.
      Sinon cela ne marche pas.
      Des soviets sans les bolchos
      Des clubs sans les fachos.
      Des CNRS dans les soviets.
      On devrait depuis longtemps avoir commencé à construire des abris.
      Nous en sommes encore à devoir distribuer les outils…

    2. Avatar de Merlin II
      Merlin II

      Ou comme disait Woody Allen:
      « J’aimerais terminer sur un message d’espoir. Je n’en ai pas. En échange, est-ce que deux messages de désespoir vous iraient »

      1. Avatar de Paul Jorion

        Hum… la vraie citation est carrément un cran au-dessus 😉 .

        « Plus qu’à tout autre moment de l’histoire, l’humanité est à la croisée des chemins. Une voie mène au désespoir et à l’impuissance absolue. L’autre, à l’extinction complète. Prions que nous ayons la sagesse de faire le bon choix. »

        More than any other time in history, mankind faces a crossroads. One path leads to despair and utter hopeless- ness. The other, to total extinction. Let us pray we have the wisdom to choose correctly.

  6. Avatar de Khanard
    Khanard

    Ah j’oubliais aussi Alain Touraine , Le retour de l’acteur (1984)

    1. Avatar de Henri
      Henri

      @Khanard

      Alain Touraine ? Il doit y avoir une petite erreur là…lui qui voulait que les sociologues se débarrassent du concept de social…il semble faire un peu tache dans votre liste, non ?

      Lui qui traitait M. Bourdieu de  » Populiste  » en étant proche idéologiquement de la pensée politique de Michel Rocard, et de DSK, il est clair que le « macronisme » doit lui aller comme un gant. Sa fille ne s’y est d’ailleurs pas trompé, elle œuvre actuellement au travail du guide éclairé et jupitérien en polissant le déni écologique et en choyant les dénégations pratiques.

      Il y a bien le livre intitulé  » La société post-industrielle  » mais le thème de l’écologie n’y affleure pas vraiment. M.Touraine a vu plus tard dans l’écologie un mouvement culturel en tant qu’énième signe de la crise de la Modernité mais il ne me semble pas qu’il s’y est longtemps attardé. A lire sa biographie, aucun ouvrage ne semble parler véritablement d’écologie. Qu’en est-il aujourd’hui ? A t-il écrit d’autres ouvrages conséquents que je ne connaitrais pas ? Je vous remercie alors de me les préciser, je les lirai.

      Son dernier ouvrage paru :  » Macron par Touraine  » en dialogue avec Denis Lafay – ed. Broché

       » Enfin un pilote dans l’avion « , estime Alain Touraine à l’évocation d’Emmanuel Macron. Mais pour aller où? Et comment ?

      Une bonne question mais désormais plutôt datée…

      1. Avatar de Khanard
        Khanard

        Le seul livre que j’ai lu d’Alain Touraine est « Le retour de l’acteur » . Dans cet ouvrage il n’aborde pas l’écologie, ce ne semble pas être son sujet d’étude comme vous le dites, mais une approche de ce que pourrait une autre société .
        En fait l’article de Cédric Chevalier semble aboutir à la question du comment on organise nos sociétés et la dimension sociale passe à mes yeux par la manière dont on pourrait remodeler la notion de travail, de durée du travail , de la façon qu’on doit partager , faire don , de son travail .
        C’est ce qu’a essayé de faire Touraine dans cet ouvrage, qui date de 1984 , Macron était bien jeune , et lire un livre ne veut pas forcément dire adouber ce qui est écrit .
        Sinon on tombe dans le campisme .
        Apprends à connaître ton adversaire pour mieux le combattre .

        1. Avatar de timiota
          timiota

          C’était aussi l’époque où m’était passé entre les mains « la société bloquée » de Jacques Crozier (1970), et en très gros, cela correspondait au passage par-dessus bord de certains repères (le mariage etc.) d’une société stable. Cela me semble des « effets zombies » des sociétés d’apparence stable du 19ème (Balzac ou Zola, mais justement ils en saisissent le mouvement aussi), ou de la Belle Epoque (1900) interrompue par deux guerre, et qui ne tient plus la route vers 1970.
          Le livre de Touraine me semble dans la même veine, et malgré un appel au changement « important », je ne suis pas plus surpris que ça que rétrospectivement, la filiation de ces pensées là soit quelque part dans la « deuxième gauche » blairiste, qui a terminé entre autres en Valls à trois temps assez claudiquante.

          1. Avatar de Khanard
            Khanard

            je suis d’accord avec vous . D’ailleurs quand on s’intéresse à Giddens et Beck avec leur fameuse troisième voie le « en même temps » d’Emmanuel Macron y trouve son explication . Mais à mes yeux ça ne peut pas marcher.

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Dira-t-on que c’est Gaïa qui nous tient la chandelle ? Ou que c’est nos torchères qui la tienne à Gaïa ?

      1. Avatar de Hervey

        :-))
        ???
        Dubitatif.
        Mais ce n’est pas une panne de secteur.

  7. Avatar de Cédric Chevalier
    Cédric Chevalier

    Petit complément.

    Je songe à une critique plus approfondie, à froid. Peut-être que je perds mon temps. Je ne veux pas le descendre en flammes, ce livre, il n’est pas dénué d’intérêt. C’est juste que je veux avoir le courage de tirer les conclusions auxquelles parvient ma « raison critique », même par rapport à un objet qui m’est sympathique. Je me méfie de « ce qui nous est sympathique », « ce qu’il nous est confortable et agréable de penser ». C’est souvent à cet endroit que les pires illusions se situent.

    Je me méfie de ceux qui, avec un sourire de sympathie un peu paternaliste, disent des écologistes éclairés, des décroissants et des collapsologues, « qu’ils manquent de réalisme ». Car le réalisme, ce n’est pas le discours politique qui va en fixer l’aune, c’est le réel, la Biosphère. Dans le monde réel, parfois, survivre, ça fait mal, c’est difficile, voire même pénible. Cela demande un courage, une lucidité et une force morale hors du commun.

    Et contrairement à ce que certains prétendent, les communautés humaines en sont capables, elles l’ont toujours été durant l’histoire. Il faut traiter les citoyens en adultes et pas en enfants.

    Le pire actuel me semble ce que le philosophe Stephen Gardiner a appelé « a perfect moral storm » pour la catastrophe climatique. La conjonction de nombreuses défaillances éthico-politiques dans le chef des sociétés humaines, face au phénomène climatique (et l’écocide en général). En particulier, le pire politique actuel me semble ceux qui, parfois bien intentionnés parfois de purs cyniques, font croire, actuellement ou prospectivement, qu’ils font ou vont faire « ce qu’il faut », rassurant les citoyens, alors qu’ils ne font pas ce qu’il faut, et que nous restons sur la trajectoire du pire. C’est l’équivalent moral du commerce d’indulgences par l’Eglise du passé. Si vous achetez mes indulgences, vous pourrez continuer à pécher. Entre deux médecins, l’un vous disant « prenez ce petit médicament sucré et continuez à fumer, ça va aller » et l’autre vous disant « ça va être très difficile, vous allez devoir faire un acte de volonté pure, cesser totalement de fumer, faire du sport, manger sainement, sinon vous allez mourir prématurément », lequel les patients préfèrent-ils croire ? Plus l’histoire racontée est belle, plus elle est dangereuse, plus elle nous maintient dans l’illusion confortable que « ça va aller ». C’est du green washing qui s’ignore. La « vie large » est plus attirante que la « vie étroite ». Cela a toujours été le risque de l’utopie.

    Les citoyens sont anxieux à juste titre, ils veulent être rassurés (par pitié), les politiciens sont anxieux également, ils veulent pouvoir rassurer (ils ont pitié des citoyens, même inconsciemment). Tout cela génère en théorie des jeux un équilibre parfait : celui où tout le monde se ment à soi-même et aux autres (« a perfect moral storm »). Un équilibre où on élit les politiciens qui vont nous raconter la plus belle histoire, celle à laquelle nous voudrions croire, encore un peu. Un équilibre où la lâcheté éthique domine et où la majorité « veut croire aux illusions qu’on lui vend ». Etre lucide, ce serait reconnaître l’immensité du crime moral que nous sommes collectivement en train de commettre : l’Ecocide planétaire (Lordon parle d’Anthropocide pour rappeler l’enjeu : pas de maison, pas d’habitants). Insupportable. Il faut avoir un syndrôme d’Asperger, imperméable au « contrat social implicite des indulgences », comme Greta, pour voir et dire tout haut que l’empereur est nu. Elle-même sert finalement de paratonnerre éthique par rapport à la « perfect moral storm ». C’est le fameux « fou du roi ». Le film Don’t Look Up aborde ce nexus. Parfois je me demande si les partis écologistes eux-mêmes ne sont pas les pires ennemis de l’écologie. Surtout les partisans de « l’écologie positive ». Parfois, je soupèse l’idée qu’ils occupent de facto le marché électoral, empêchant des partis « réellement écologistes » d’émerger, en vendant une soupe verte illusoire. Je ne sais pas…Comme il me reste toujours des moments de doute sur la gravité du diagnostic (biais d’optimisme humain dont je souffre comme mes semblables), et que les conclusions auxquelles j’arrive sont beaucoup plus désagréables que celles des écologistes et des écosocialistes mainstream, je suis moins pétri de certitudes que d’autres.

    Enfin, tactiquement, comme il y a des néolibéraux encore au pouvoir, il reste difficile de s’attaquer aux politiciens les plus proches de la gauche… Pourtant, peut-être est-ce là la meilleure manière d’utiliser les munitions rhétoriques dont on dispose : convaincre ceux qui peuvent l’être (encore un effort ?), renoncer à convaincre les autres (ils sont trop loin).
    De nombreux engagés disent qu’on n’a pas le temps de changer le capitalisme, ni le temps pour une réforme spirituelle de la vertu (l’auto-limitation), qu’on doit continuer à proposer un projet « désirable ». Le sous-entendu que demander aux gens de « s’auto-limiter », c’est leur demander « l’impossible ». Mais peut-être que nous n’avons pas le choix que de promettre du sang et des larmes, et que ça reste mieux que continuer comme aujourd’hui. On verra bien. Le réel nous dira prochainement s’il y avait vraiment des raccourcis pour ne pas effectuer ces efforts sur nous-mêmes. Pas dit que l’ethos hédoniste de l’époque résiste aux événements…

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Je ne sais pas si c’est Giraud (Gaël) citant Irénée de Lyon qui m’inspire sans le savoir, mais la séquence
      empire-romain / invasion des huns/vikings {arkao dira le vrai ?) / église et clergé des premières abbayes me semble indiquer comment quelque chose se transmet malgré la coupure des « flux d’empire ».
      Les romains auraient-ils du se préoccuper de « mieux faire durer leur empire » ?
      Les flux n’auraient pas tenu, ce qui s’est transmis est « ailleurs », c’est le droit romain, c’est le carburant des rhétoriques qui nous semblent vaines aujourd’hui (arianiens, Nicée I et II, que sais-je) mais qui ont occupé l’espace médiatique de leurs temps et par la même gardé une flamme morale à vocation universelle pour les plus faibles (réanimée par les franciscains, sans parler des hérétiques), qui subira ensuite les influences des modernités successives (protestantes, jansénistes, contre-réformistes, puis sans religion : saint-simonisme, ou socialismes pré-marxistes, …). Les morales d’en face (des Vikings etc.) non moins intéressantes par elles-mêmes n’avaient pas à traiter la protection des plus faibles comme « principe de correction dans des empires », elles protégeaient des inégalités extrêmes au sein de structure plus limitées, où la pléonexie des chefs (leur accumulation irraisonnée de richesse) pouvait être désarmée par le groupe.

      Bref, de la même façon, un enseignement écologique, au moins dans sa composante scolaire, serait destiné à long terme et malgré les effondrements fractals ou autres, à faire valoir la co-présence des vivants comme fondement d’une « vie bonne », sinon d’une « vie large », cela étant un principe assez fort pour ne survivre aux métamorphoses des demis- ou pleins effondrements qui auraient le toupet de survenir.

    2. Avatar de Henri
      Henri

      Le livre fut publié en 2012 et il semble faire écho à celui de M.Magnette publié en 2022, mais au regard de l’excellente critique de M.Cedric Chevalier, il le devance largement paradoxalement…les auteurs déjà n’étaient pas dupes.

      Titre : « Où va le monde ? – 2012-2022 : une décennie au devant des catastrophes » -Ed. Broché

      Yves Cochet – Jean-Pierre Dupuy – Susan Georges – Serge Latouche

      « Tous les discours des personnalités économiques ou politiques qui s’expriment dans les médias ont un point commun : la reprise est en vue, la croissance va revenir, on va s’en tirer. Certes, il y aura des sacrifices à faire, des réformes à effectuer, mais, grosso modo, le cours ordinaire des choses reprendra à terme. C’est là l’illusion qui expose au danger. Pourtant, nul n’arrive à se projeter dans le grand bouleversement de demain et à anticiper les mutations. Si rien ne change, nous savons – même si beaucoup refoulent cette perspective – que nous allons à la catastrophe. 

      Pour Yves Cochet, il faut se préparer au choc et le penser comme tel. Pour Jean-Pierre Dupuy, on doit changer de mode de pensée (« faire comme si le pire était inévitable ») ; pour Susan George, il est urgent de subordonner tout à fait l’économique au politique, au social et à l’écologique. Quant à Serge Latouche, il nous invite à penser le déclin inéluctable de l’ordre néolibéral occidental et espère qu’il sera remplacé par une société d’abondance frugale. »

      Yves Cochet, député écologiste de Paris, ancien ministre de l’Environnement, est l’auteur de Pétrole apocalypse .(Fayard). Jean-Pierre Dupuy, philosophe, est l’auteur de Pour un catastrophisme éclairé (Le Seuil). Susan George, présidente d’honneur d’Attac, est l’auteur de Leurs crises, nos solutions (Albin Michel). Serge Latouche, professeur émérite d’économie, objecteur de croissance, est l’auteur notamment du Pari de la décroissance (Fayard)

      1. Avatar de Khanard
        Khanard

        @henri
        cela va vous paraître décousu mais je souhaite revenir sur la réponse que je vous ai faite au sujet de Touraine.
        Un élément très important est de resituer le contexte dans lequel j’ai été amené à lire Touraine . C’était dans la décennie 80 , après la chute du mur de Berlin où en Allemagne un mouvement socialiste essayait de concevoir une pensée . Il y a là des personnes comme Ivan Illich, Oskar Negt, Horst Kern , Rainer Land , Peter Glotz, Egon Bahr , Arthur Rosenberg , Sergio Benvenuto, Ricardo Scartezzini.
        Tous ces intellectuels, philosophes , syndicalistes œuvraient pour une sociale européenne .
        Je vous l’accorde ils sont inconnus en France mais le SPD allemand a toujours été moteur .

  8. Avatar de Chabian
    Chabian

    J’ai assisté il y a quelques mois à un débat de ce Maire avec le président du parti des verts. En 10 minutes, il a posé (incidemment, sans développer, comme si c’était évident entre gens de bonne compagnie) comme principes :
    1/ Je n’aime pas parler de révolution, on a vu où cela mène, etc. »
    2/ On ne peut pas s’entendre avec les communistes, vous avez vu qu’ils ne sont pas capables de négocier… Donc nous devons nous entendre naturellement avec les verts…
    3/ Les Gilets jaunes, c’est bien, sauf que ce n’est pas la bonne méthode…
    Trois a priori surprenants chez un « progressiste » mais évidents pour le bourgeois…
    Je me suis dit que, si les Gilets jaunes survenaient dans la salle, pour renverser la table et s’imposer, et avec l’appui des communistes, il n’y aurait plus que la police pour protéger les idées vaseuses…
    L’humanité ne va pas prendre le bon tournant sans lutte…

  9. Avatar de Garorock
    Garorock

     » « Calmez-vous, il reste assez de canots pour tout le monde » permet de sauver plus de passagers que « au secours, il n’y a plus assez de canots pour tout le monde ! ». Ça se discute.

    Essayez avec:  » Bougez-vous, il faut construire des canots pour tout le monde! » Ça se discute pas.
    Il s’agit d’aller construire des cabanes dans la montagne… Pour les enfants. Avec les enfants. Avec les enfants qui ont eu des enfants…
    C’est plus sympa que de mettre des sardines dans des boites.
    Bougez-vous, il faut construire des abris pour que les enfants des « on peut pas faire autrement! » et tous les autres mamifères puissent avoir peur de mourir au moins aussi longtemps que nous.

    Si tous ceux qui peuvent couper leur frigo cet hiver prenaient conscience qu’avec l’énergie économisée – et le coca à 2 degrès sur le balcon- ont pourrait construire plusieurs abris dans plusieurs éco-villages… ( même si c’est pas sûr, c’est quand même peut être)

    Ici, à Trifouillis les canards, vallée de la loose, impossible de faire éteindre même la moitié des lumières qui illuminent les rues désertiques durant toutes les nuits.
    Faudrait un 49.3.
    Alors les frigos…
    Mais à la confrérie de Jésus-Guevara, on y croit encore!
    C’est la seule chose à laquelle on croit, d’ailleurs!
    En nous.
    C’est une scop, pas une secte.
    On caresse pas dans le sens du poil. On laisse ça à Gérasimov.
    On va pas tarder à saboter les lampadaires. 😎

  10. Avatar de Henri
    Henri

    Je profite de cette tribune pour vous faire part d’une injustice frappant un jeune couple de maraîchers bio, propriétaires de leur terrain et mettant en pratique un mode de vie rigoureux et soucieux de l’environnement.

    Voyez ce qu’a décidé le maire de la commune de Maché à quelques kilomètres de la Roche-sur-Yon où ils habitent et constatez les deux imaginaires concurrents et l’aberration idéologique contemporaine et l’injustice qu’elle commet !

    Article – Basta ! :

     » Des maraîchers bio astreints à une amende de 1500 euros par mois à cause de leur habitat précaire  » :
    https://basta.media/jeunes-maraichers-en-mobile-home-menaces-d-etre-deloges-la-loi-doit-evoluer-habitat-leger-sobriete-logement

    L’univers kafkaïen en France.

  11. Avatar de Luc Wéry
    Luc Wéry

    Je vous rejoins sur le fait que M. Magnette ne prend pas en compte les limites physiques du monde. Mais il faut voir que parmi les hommes politiques et les ministres qui nous gouvernent, il n’y a aucun scientifiques. En Belgique, les ministres responsables du climat, de l’environnement et même de l’énergie sont soit des diplômés en communication, soit des avocats. Que peuvent-ils connaître aux réalités physiques et scientifiques ? Dans les entreprises privées, on demande d’avoir une formation en rapport avec le poste qu’on occupe, en politique pas du tout. Comment voulez-vous prendre des décisions pertinentes si vous ne comprenez pas le problème à traiter ?

  12. Avatar de Guy Leboutte

    Ici un résumé du livre et son commentaire par Claude Semal, chanteur et comédien engagé dans les luttes sociales, plutôt libertaire, et excellent journaliste-animateur du site L’asymptomatique, sous le titre « Enivrante sobriété : PAUL MAGNETTE PREND LE LARGE » (23 octobre): https://www.asymptomatique.be/enivrante-sobriete-paul-magnette-prend-le-large/

    Semal traite entre autres le livre de travail universitaire à tendance « hors-sol », dont il faudra suivre les pratiques, tout en saluant un contenu qu’il considère devoir être pris au sérieux.

    Comme c’est réservé aux abonnés, le PDF est ici: https://condrozbelge.com/wp-content/uploads/2022/10/asymptomatique.be-23-Oct-Enivrante-sobriete-PAUL-MAGNETTE-PREND-LE-LARGE.pdf

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Merci du pdf @ Guy Leboutte !

  13. Avatar de Chabian
    Chabian

    Yamina Saheb – « Une crise sociale va exploser en Europe » – un exposé intéressant sur le « Pacte de l’Energie ». Il faut se poser la question de la violence… du camp d’en face. Magnette s’était opposé à ce type d’accord européen… mais pas celui-ci.
    https://www.youtube.com/watch?v=PVIUyFhczaw

  14. Avatar de CHEVALIER Cédric
    CHEVALIER Cédric

    “It would mean that we would be handing over to our children and to all future generations, a planet that will be sliding irreversibly towards possessing fewer and fewer places to live,” C’est Johna Rockström, un des climatologues les plus reconnus dans le monde scientifique, qui le dit… Il pointe en substance ma critique de l’essai de Paul Magnette : comment mener « la vie large » dans un monde où l’habitabilité planétaire va « rétrécir » de manière irréversible pour tout le monde, nous occidentaux compris. Seule la décroissance semble encore possible, n’en déplaise, et d’urgence. Ca me fait songer à cette célèbre phrase de Churchill, que j’actualise : « Le gouvernement avait le choix entre la décroissance et la catastrophe climatique ; il a choisi la catastrophe climatique, et il aura la décroissance ». (https://www.theguardian.com/environment/2022/oct/30/cop27-climate-summit-window-for-avoiding-catastrophe-is-closing-fast)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta