J’ACCUSE…!
Rendre la parole aux (vrais) intellectuels

Retranscription de Rendre la parole aux (vrais) intellectuels, le 6 octobre 2022.

Bonjour, aujourd’hui, un très grand sujet : le rôle des intellectuels. 

Mon point de départ, ça se passait il y a une dizaine d’années, peut-être une douzaine d’années, c’était un numéro spécial du Nouvel Obs, ça s’appelait « Les intellectuels » et il y avait un gros dossier sur les intellectuels dans lequel je n’étais pas mentionné du tout mais je peux quand même signaler ce numéro parce que le premier gros dossier, il m’était consacré à moi tout seul. Bon, donc, il n’y avait pas de honte à ne pas être mentionné ensuite dans la liste des intellectuels mais il y avait manifestement une différence qui avait été faite entre la personne qu’on pouvait interroger pour faire un premier dossier spécial et ensuite, ce à quoi le numéro de la revue était consacré. 

Dans la partie consacrée aux intellectuels, il y avait un certain nombre de personnes dont je ne vais pas citer les noms – enfin vous devinerez facilement de qui il s’agissait – mais je m’étais déjà fait la réflexion à l’époque que quelque chose s’était passé entre, je ne sais pas, disons les années 1946 à 1950, quand on parlait des intellectuels. 

Quand on parlait des intellectuels, on parlait de gens qui n’avaient pas grand rapport je dirais, en tant que personnalités, avec ceux qu’on retrouverait ensuite, bien des années plus tard, dans ce numéro spécial consacré aux intellectuels par le Nouvel Obs. Il s’était passé quelque chose. C’était quoi ? Comment est-ce qu’on pourrait appeler ça ? « Peopolisation » si on emploie un terme anglo-saxon, « commercialisation », « banalisation » sans doute puisque ces intellectuels représentaient une classe de personnes – des personnes honorables qui étaient passées par l’université – mais qui étaient essentiellement, plutôt que des gens qui réfléchissent véritablement sur leur société, des gens qui pensent uniquement à une chose, à savoir de s’opposer entre eux. C’est-à-dire qu’ils produisent des discours de polémistes où on s’engueule entre soi ou bien, pour des exemples récents, où on s’en prend avec enthousiasme à des personnalités reconnues du passé : on va faire sa carrière par exemple à dire que Freud était un crétin, qu’il couchait avec sa sœur, sa mère, etc. et que tout ça remet en question l’existence même de la psychanalyse. Du sensationnalisme ! C’est ça ! Quand je dis « peopolisation », « commercialisation », en fait, c’est « sensationnalisme ». 

Est-ce que, quand il y avait des débats, je ne sais pas, entre Sartre et Camus, après quand il y avait eu des gens comme Castoriadis, les gens de Socialisme ou barbarie. Ces gens qu’on interrogeait pour avoir leur opinion sur des choses importantes comme la guerre d’Algérie, la guerre d’indépendance de l’Algérie. Est-ce qu’il y avait sensationnalisme ? Non. Souvent d’ailleurs, ces gens étaient liés à des revues, comme la revue Critique, [Les Temps modernes], le Nouvel Observateur, l’Express à l’époque où ces publications étaient saisies par le gouvernement parce qu’on disait des choses extrêmement critiques justement sur la manière dont les gouvernements géraient les guerres d’indépendance des anciennes colonies. 

Je me souviens, j’avais la chance, j’habitais la Belgique et je pouvais lire les exemplaires saisis de l’Express ou du Nouvel Observateur parce que j’avais en particulier un professeur de « morale laïque » (éducation civique) : M. Léon Ingber, qui trouvait que la meilleure façon de nous enseigner à devenir de vrais citoyens, c’était de lire tout haut et de commenter à notre intention les publications qui étaient saisies en France par les gouvernements qui n’aimaient pas trop la manière dont les intellectuels, des vrais, discutaient de la manière dont les gouvernements géraient justement ces mouvements vers l’indépendance des colonies, des protectorats et autres possessions acquises de manière malhonnête par des forces militaires. 

[…] Des questions importantes à l’époque mais où on acceptait véritablement que des intellectuels apparaissent à la une des journaux comme ça avait été le cas, par exemple, avec Zola : quand Zola avait publié dans L’Aurore, sa mise en accusation sur la manière dont les choses étaient traitées dans le cadre de l’affaire Dreyfus, son fameux « J’Accuse…! » [13 janvier 1898]. 

Ce qui caractérisera a posteriori – si on a l’opportunité après de discuter de ces choses-là – cette période disons depuis 2008 pour situer les choses, la période de 2008 à maintenant : 14 années, c’est le fait que les intellectuels n’apparaissent plus dans les journaux, qu’ils n’apparaissent plus dans la presse. Ils doivent essayer de trouver des moyens par des podcasts, des vidéos qu’ils produisent eux-mêmes, par des chaînes YouTube qui diffusent encore leur parole. Mais la manière dont la presse a été confisquée par un certain nombre de personnes, alors que, je vous le rappelle quand même, il y avait des lois en France – je ne sais pas ce qu’elles sont devenues – qui empêchaient les commerçants, les marchands, de truster la presse et d’interdire à ceux qui ne pensent pas de la manière dont eux pensent eux-mêmes (les Grands : les Hersant, les Bolloré et compagnie) d’avoir accès à la parole. On leur permettait de penser et en particulier parce qu’il y avait des lois qui interdisaient justement aux marchands d’imposer simplement leur point de vue à ce qui serait imprimé dans les journaux. 

Ça ne date pas d’aujourd’hui mais quand on regarde, par exemple, la une du quotidien Le Monde où – bien entendu, c’est tout à leur honneur – j’ai été chroniqueur pendant 11 ans pour les affaires financières, quand on regarde cette une du Monde depuis, je ne sais pas, quelques années (peut-être depuis qu’on m’a viré 😉 ), tout ça c’est un mélange extraordinaire de considérations diverses, pas nécessairement commerciales mais où, en première page, on traite essentiellement de banalités, de choses de type « people », de, comment dire ? de hobbies de bobos, de machins comme ça, de bien-pensance : ce n’est pas une pudibonderie comme celle du XIXe siècle mais c’est une nouvelle pudibonderie. 

Par comparaison, avant de commencer cette vidéo, je regardais la une des journaux anglo-saxons, pas tous bien entendu. Bon, il y a des Daily Mail [au Royaume-Uni] et il y a des choses comme ça aux États-Unis : le New York Post, le Washington Times et ainsi de suite, pas le Washington Post ! pas le New York Times ! d’autres publications qui sont de ce type-là. Mais malheureusement, en France, on n’a plus de presse où en première page, à la une, il y aurait les choses véritablement importantes. Quand vous regardez le Guardian, eh bien, vous avez encore en titre la chose la plus importante pour le moment, ensuite des choses un peu plus secondaires et finalement, un peu plus bas, les choses de moindre importance. Quand vous regardez Le Monde [en ligne], c’est le désordre total : vous avez des banalités en une, vous avez les nouvelles importantes en bas de page : des choses de cet ordre-là. Difficile de penser que ça n’a pas un rapport avec le fait qu’on a abandonné ces fameuses lois qui ne permettaient pas aux marchands de pouvoir imposer purement et simplement leur point de vue dans la presse. 

Alors, que peuvent faire les intellectuels : les intellectuels au sens des années 1946 à 1950, aujourd’hui ? Eh bien, ils peuvent continuer à parler en trouvant dans les interstices du système des moyens de s’exprimer par des vidéos comme je le fais en ce moment, par des blogs, par des publications parallèles. 

Vous vous souvenez de cette époque assez récente – puisqu’elle ne s’est terminée qu’au début de cette année-ci – où les intellectuels n’arrivaient plus à s’exprimer que sur des canaux qui étaient financées directement par la Russie ? C’était quand même assez sinistre : assez sinistre que seule la Russie, dans une perspective pas du tout, comment dire ? généreuse mais dans le cadre de cette doctrine Guerassimov – le Général [Valeri] Guerassimov d’ailleurs en difficulté en ce moment – cette doctrine Guerassimov qui consiste à provoquer la zizanie dans les pays considérés comme ennemis, que donc (qu’il s’agisse des RT, de Sputnik directement ou alors des financements occultes de canaux ici ou là) étaient les seuls endroits où les intellectuels au sens des années 1946 à 1950 pouvaient encore s’exprimer. 

Est-ce que ça pourrait changer ? Je ne sais pas. Comme c’est parti, non : on ne voit pas trop comment. Il faudrait réintroduire des lois qui provoquaient un scandale [en 1985] quand M. Hersant commençait à truster un certain nombre de publications dans la presse. Pour le moment, c’est le cas [la concentration a eu lieu] et plus personne ne s’en préoccupe. Comme je le disais tout à l’heure : où sont passées les lois qui empêchaient que ça ne se produise de cette manière-là ?

Alors, malheureusement, quand la presse dit aujourd’hui : « Qu’en pensent les intellectuels ? », eh bien, on va puiser dans ce fonds plus ou moins commercialisé, plus ou moins sensationnaliste, plus ou moins peopolisé qu’on a appelé « les intellectuels » qui sont des gens, oui, parfois, je dirais, d’assez bon niveau, mais qui se sont spécialisés dans la polémique entre eux et à essayer de déboulonner les véritables phares de la pensée d’autrefois : les Sartre, les Freud, enfin les personnalités, vous savez à qui je pense : les véritables intellectuels d’une certaine époque. 

Comment faire pour reprendre un petit peu l’initiative : qu’on nous écoute à nouveau ? Je n’ai pas de recette miracle. Il faudrait peut-être qu’un mécène qui aurait encore, comment dire ? une certaine sympathie pour la pensée pas entièrement anesthésiée, pas entièrement fossilisée, pas entièrement sédimentée déjà, se réintéresse à ce que les idées importantes apparaissent à nouveau en surface et puissent influer sur le cours des évènements. 

Bien sûr, ce que je demande, c’est beaucoup demander, en particulier dans une période comme celle-ci où parler de crises particulières, indépendantes les unes des autres, paraît un petit peu futile et où la seule chose qui parait justifiée, c’est de parler de l’effondrement dans son ensemble. Ce n’est pas le genre de choses qui fait vendre ! Ce n’est pas le genre de choses que les gens veulent entendre ! Quand les gens se préoccupent véritablement de ce qui est important, on appelle ça « éco-anxiété » ou que sais-je encore ? « économie-anxiété », « question de société-anxiété » et comme l’avait fait bien remarquer d’ailleurs une personne qui s’exprimait dans les colonnes du Monde [Claude Halmos], « anxiété », c’est suggérer qu’il n’y a pas de justification à ce qu’on s’inquiète, et non ! l’écologie, la politique telle qu’elle est, la guerre thermonucléaire qui est là, en filigrane, depuis six mois, tout ça, ce n’est pas bidon ! Les gens qui ont peur de ça, ils ont raison ! Quand on appelle leur peur « truc-machin-anxiété », c’est une façon de les faire taire, c’est leur dire : « Ce n’est pas important, n’appelez pas votre député.e, ne gueulez pas dans les commentaires dans les journaux, n’allez pas dans la rue pour dire que tout ça est très important ! C’est votre problème particulier : c’est de l’anxiété ! Allez voir votre psy, allez voir votre psychothérapeute, allez voir votre psychanalyste ! ». De manière significative parmi les gens qui s’adressent à moi pour faire une analyse avec moi, il n’y a personne qui présente les questions qu’il ou elle se pose comme étant de l’éco-anxiété ou des machins bidons comme ça. Non, ce sont des vrais problèmes de société. Il est important qu’on fasse la différence entre des difficultés qui sont liées à une histoire familiale, à un traumatisme dans l’enfance, de séparer de ça de véritables questions de société à propos desquelles il faut que nous gueulions tous ensemble : les analysants ET les psychanalystes ! 

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34 réponses à “J’ACCUSE…!
Rendre la parole aux (vrais) intellectuels

  1. Avatar de Peska
    Peska

    Je n’ai pas suivi d’études supérieures. Ah, ça se voit ?
    Je ne suis pas un intellectuel. Ni un faux, ni un vrai.
    Je suis.
    M’est revenue de mes années-lycée cette idée qui me perturbe, me bouleverse encore que l’on pourrait penser contre soi-même. ( Montaigne ).
    Je me suis toujours efforcé de me tenir le plus possible éloigné des dogmes qui ont traversé les 75 années de mon existence : les monothéismes et l’athéisme, le stalinisme et les trotskismes , le capitalisme et jusqu’aux plus immodestes de ses versions libérales, etc… Je ne me suis réclamé d’aucune de ces chapelles ni d’aucune d’autres et pourtant je les crois toutes utiles – voire nécessaires – à la construction d’un être humain, d’un honnête homme.
    Dans les romans et dans la littérature en général, dans les lectures sauvages et sans prescriptions que j’en ai faites, j’ai découvert, la philosophie et le combat politique, la justice et l’ injustice, la colère, la révolte mais la paix de l’âme et du coeur, l’Amour des hommes et des femmes, la richesse des découvertes multiples et la poésie essentielle à la transfiguration de la réalité.
    Dans les romans, les contes, les nouvelles, les poèmes que j’ai donnés à lire et que je me propose de relire avant ma mort pour savoir, peut-être, ce que j’ai écrit vraiment, à mon corps défendant.
    Nous avons assurément besoin d’intellectuels – fussent-ils de  »vrais » intellectuels – pour organiser et tenir ensemble ce qui forme le constat de nos mystérieuses existences, dans les laboratoires, dans les villes et dans les campagnes, dans les cités et les champs… les forêts, sur les chemins escarpés, parmi nos frères et nos sœurs, pour saisir, pour éprouver et recevoir le monde qui nous échappe. Pour dépasser aussi nos peurs et accepter de vivre nos rêves.
    Dans une société en plein effondrement – rappelons-le nous tandis que nous allons jour après jour de nos drôles de vie – nous sommes tous des protagonistes qui peuvent accompagner qui le souhaite vers un monde qui ne craint plus de faire de l’utopie une réalité. Nos enfants doivent devenir les forgerons d’un monde où il est permis à tous et chacun de s’épanouir en conscience.

    Nous avons besoin de poètes et de prophètes pour un hymne grisant à l’œuvre humaine collective, pour le respect de ce que la Terre porte de vivant(s).
    Des poètes et des prophètes, sûrement.
    Je ne suis pas un intellectuel. Mais cela a-t-il tant d’importance de savoir qui je suis, qui nous sommes ?
    Je suis et vous êtes ; nous nous serons croisés sur cette planète, par hasard, en ignorant superbement si notre voyage prendra fin.

    Ne me quitte plus désormais cette idée  que « La pensée libertaire constitue l’espoir et la chance des derniers hommes libres. » Albert Camus

    1. Avatar de Pascal
      Pascal

      Cher.e Peska
      « Nous avons besoin de poètes et de prophètes pour un hymne grisant à l’œuvre humaine collective, pour le respect de ce que la Terre porte de vivant(s). »
      L’oeuvre humaine collective c’est bien sûr la poésie, la littérature, la philosophie et l’art dans toutes ses dimensions, celle que Paul voudrait transmettre à une IA pour en faire notre héritière transcendant l’humanité, mais n’est elle pas aussi la guerre, l’industrie carbonée, une nouvelle extinction des espèces, l’insondable risque nucléaire ? N’avons nous pas cette fâcheuse tendance à glorifier la « belle humanité » tout en fustigeant la « sale humanité » sans avoir conscience qu’il s’agit d’une seule et même humanité, sans (accepter de) voir qu’il s’agit des deux faces d’une même pièce ?
      Est ce que finalement, nous ne tournons pas en rond depuis des siècles à vouloir séparer les bons des méchants, le bien du mal, le vrai du faux sans voir que l’un n’existe pas sans l’autre ? Où commence l’un, ou commence l’autre, qui pour le dire, comment savoir ?
      L’être humain n’est il pas dupe de son pouvoir de penser ?
      Nous savons penser la nature, la beauté, l’amour, la loyauté, la justice… mais nous savons aussi penser la fourberie, la terreur, la destruction, le crime… de ces choses que nous avons parfois le culot de qualifier d’inhumaines quand elles ne sont que humaines.
      Qu’est ce que la pensée humaine ?
      Nous avons inventé la paix et nous sommes capables de faire la guerre en son nom.
      Nous avons inventé la pensée scientifique pour libérer l’homme du fardeau de ses besoins et de la mort, et nous sommes capables de nous réduire en esclavage pour nourrir la pensée économique.
      Nous avons inventé le passé et pensé l’Histoire qui dans les livres d’école se déploie avec comme principaux repères les guerres et les massacres qu’illustrent les statues de nos villes.
      Nous avons inventé le futur et pensé l’avenir dans des projets qui ne sont que conquêtes et destructions.
      Quelle est donc cette pensée dont nous sommes si fiers et qui nous fait tant souffrir ?
      Elle a fait de nous, paraît-il, des individus. Sorte d’entités qui prétendent se distinguer de la nature, du reste de la Création mais nous ne sommes que les fruits de la nature. Notre pensée peut elle nous rendre à ce que nous sommes véritablement ?

      1. Avatar de Peska
        Peska

        Hélas !

        Mais je crois très sincèrement que la catastrophe en cours, chaos, effondrement etc nous contraint dès à présent à penser l’impensable.

        Je retrouve sur Internet le résumé de l’un des derniers textes de Bruno Latour  » Où atterrir ?  » :
         » Peut-on continuer à faire de la politique comme si de rien n’était, comme si tout n’était pas en train de s’effondrer autour de nous ? Dans ce court texte politique, Bruno Latour propose de nouveaux repères, matérialistes, enfin vraiment matérialistes, à tous ceux qui veulent échapper aux ruines de nos anciens modes de pensée.

        Cet essai voudrait relier trois phénomènes que les commentateurs ont déjà repérés mais dont ils ne voient pas toujours le lien –; et par conséquent dont ils ne voient pas l’immense énergie politique qu’on pourrait tirer de leur rapprochement.
        D’abord la  » dérégulation  » qui va donner au mot de  » globalisation  » un sens de plus en plus péjoratif ; ensuite, l’explosion de plus en plus vertigineuse des inégalités ; enfin, l’entreprise systématique pour nier l’existence de la mutation climatique.
        L’hypothèse est qu’on ne comprend rien aux positions politiques depuis cinquante ans, si l’on ne donne pas une place centrale à la question du climat et à sa dénégation. Tout se passe en effet comme si une partie importante des classes dirigeantes était arrivée à la conclusion qu’il n’y aurait plus assez de place sur terre pour elles et pour le reste de ses habitants. C’est ce qui expliquerait l’explosion des inégalités, l’étendue des dérégulations, la critique de la mondialisation, et, surtout, le désir panique de revenir aux anciennes protections de l’État national.

        Pour contrer une telle politique, il va falloir atterrir quelque part. D’où l’importance de savoir comment s’orienter. Et donc dessiner quelque chose comme une carte des positions imposées par ce nouveau paysage au sein duquel se redéfinissent non seulement les affects de la vie publique mais aussi ses enjeux.  »

        Bruno LATOUR

        Il n’y a pas de hasard. Tout fait sens.
        Quoi qu’il en soit il faut trouver raisons et moyens de vivre.

        1. Avatar de Pascal
          Pascal

          « Encore des mots, toujours des mots, rien que des mots… » disait la chanson. Bruno Latour est il un plus grand penseur qu’Aristote ou Confucius ? Peu importe, voilà plus de 2000 ans qu’on croit changer l’humanité avec des mots et qu’est ce qui a changé ? Sont ce les mots et les pensées qui nous changent et font évoluer la société, ou bien les changements de notre environnement ? Nous avons le plus haut niveau de confort (en Occident) jamais atteint par aucune espèce et nous sommes toujours en guerre comme il y a 5000 ans ! Le pouvoir des mots et de la pensée ne n’sont ils pas une dernière croyance dont il faudrait s’affranchir ?
          Ne sommes nous pas devenus plus producteurs de mots que de gestes ou d’actions ? N’est-ce pas là la grande illusion des intellectuels (et pas seulement) de croire encore que le verbe possède un pouvoir d’action qui finalement nous maintient dans l’immobilité ?

    1. Avatar de Vincent Teixeira
      Vincent Teixeira

      ah ça, c’est de l’archive !

  2. Avatar de Juillot Pierre
    Juillot Pierre

    Sans prétendre vouloir intellectualiser ma conscience, mon sens moral et éthique… je ne sais pas si ce que je propose de soumettre à ce blog…. à ses lecteurs-trices…. à valeur d’intellectualisation intéressante des dernières actus, ayant soit disant mérité d’être chassées par de nouvelles…

    « A en croire Ludovine de la Rochère reçue avec un zèle si particulier ce matin sur cnews , qu’il est singulier de ne pas se rendre compte d’une opération de manipulation de « l’opinion publique » (cette « pute qui prend par la main le juge » des « bas instincts ») voulant faire pâlir d’envie… les concurrents compétitionnant pour obtenir le meilleur score d’audimat…. le meilleur « consentement » à la « soumission/acceptabilité » de sa perte de repères et sens objectifs de moralité, et d’éthique commune, collective et individualiste de grenouilles plongées dans un chaudron lentement porté à ébullition – en acceptant de résumer, réduire toute cette complexité, au « vote » amalgamé des doutes, incertitudes, indécisions de « temps de cerveaux disponibles » qu’à vouer un « culte féroce » à la seule « DICTATURE des émotions » sondées capable de les « réconcilier » avec le « ras le bol fiscal », « poujadisme », « peur d’avoir peur » de perdre en « pouvoir d’achat » si « ‘on’ fait pas le plein de carburant tout de suite avant qu’il en manque et que les prix montent »- à s’en remettre seulement à la « pensée unique » de la subjectivité de « l’égérie » (Ludovine de la Rochère) de la fusion de l’extrême droite avec la droite extrême, du coté obscure des sphères de la dirigeance occulte des « affaires d’État »… les grèves et revendications du personnel des raffineries de Total, etc, ne seraient, en substance, rien d’autre que de « prendre en otage » les artisans, commerçants itinérants, et autres soignant.e.s établi.e.s en « pof. Libéral »e… avec les « travailleurs-euses »…

    Quand la « macronie » et ses soutiens de médias mainstream… trouvent de quoi continuer à jouer aux jeux à sommes non nulles qui l’a (la « renaissance » de la macronie) fait réélire sur une base croissante d’abstentions, votes blancs, nuls, avec une majorité relative, que questionner d’autre, qu’elle évite d’interroger…?

    Si « l’on » (est un con…? Une conne…?) est convaincu que le personnel des raffineries de Total, etc…. que les soutiens des femmes aux foyers, enfants scolarisés, etc…. des dernières classes ouvrières d’une des industries délocalisées… sont illégitimes à faire valoir leur droit de grève, à revendiquer de meilleurs conditions de travail, protections sociales étendues au travers de « salaires différés »…. à obtenir des hausses de salaires indexés sur l’inflation réelle des prix de l’énergie, des denrées alimentaires, etc… inflation dérégulée, dérèglementée, livrée à la spéculation, aux paris boursiers de « profiteurs de guerres »… et sur la gestion des stocks en flux tendus de « pénuries organisées à la baisse »… quand les redistributions indécentes de dividendes aux propriétaires privés des plus « ASSISTES SANS CONTREPARTIES » (parachutes dorés, primes…. salaires variables, stocks-options, retraites chapeaux/dorées, par capitalisation des CSP+, « grands patrons »… pleuvent sans contribuer fiscalement à l’intérêt général, aux biens communs…. dans le règne de la « monarchie républicaine française », soit disant l’un des meilleur régimes démocratiques au monde, pouvant permettre l’accession de cette fusion de l’extrême droite avec la droite extrême… à la gouvernance et présidence du « paradis social » de cet « Etat de droit » et « providence » qu’est la France… est-ce à dire « qu’on » est convaincu que les milliers d’ouvriers (Népalais, Indiens, Afghans….) décédés au Qatar (« paradis fiscal » à qui du gaz et pétrole est acheté en masse, pour « compenser » la fin du commerce de « l’énergie à pas chère » avec la Russie, en échange de ventes massives « d’armements patriotiques » exterminant le peuple yéménite), exploités jusqu’à la mort en pleine canicule, en plein désert, pour construire les infrastructures « éphémères », « superficielles » « artificielles » (au sens de climatiser à ciel ouvert des stades, rues, dans les zones terrestres les plus exposées au dérèglement climatique…) du prochain mondial de foot 2022 (aberration écologique, environnementale, « sociétale ») sous les « ordres » des « fleurons nationaux » comme Bouygues…. Vinci…. et leurs veuves, orphelins, les ONG les défendant… ne méritent aucunes « représentativités », aucun droit à se syndiquer, à militer, à manifester sans brutalités policières, contrôles aux faciès violents, violences commises par plus de 80% du personnel du « monopole de la légitime violence de l’Etat » votant pour l’extrême droite/droite extrême/macronie…?

    Est-ce à dire aussi que les femmes mannequins, et les femmes, jeunes filles, victimes de la « fast-fashion » (mais au delà… les femmes, jeunes filles… des pays pauvres, émergents « recyclant les invendus/ »le prêt à porté déclassé » de l’occident, et/ou les produisant pour exportation) ayant « consenti » de défiler dans un désert Marocain, sous les « ordres » d’une « égérie » du monde du « luxe et de la luxure à la française » nommée « La maison Saint Laurent » (se rappeler aussi que le contexte actuelle, prouve que le sens éthique dans le domaine artistique de la « fashion…. » est « immoralement optimisable fiscalement » qu’amorale comme les « marchés » : avec par exemple le défilé de Balenciaga du 2 octobre 2022 à la Fashion week de Paris, sur le thème de la guerre en Ukraine) et ayant pris connaissance de cette aberration écologique, environnementale, « sociétale »… n’ont aucuns droits à revendiquer quoique ce soit, aucunes « protections sociales » à faire valoir, aucun « droit de réserve » à défendre, aucune « représentativité démocratique » à espérer…? »

    1. Avatar de JMarc
      JMarc

      Vus les commentaires sous cette vidéo j’ai d’autant moins envie de la regarder.

      1. Avatar de Hervey

        Oui, il y a aussi une pub à l’entrée sur les produits d’entretiens cancérigènes.
        Je comprend aussi vos craintes et votre refus d’affronter la vidéo.
        😀

  3. Avatar de Nosfératus
    Nosfératus

    Jean-Paul Sartre: « Penser c’est penser contre soi ». Pour moi c’est une évidence, une vérité inaltérable. Aujourd’hui c’est devenu un perle rare. Sur les réseaux et en écriture les gens (« intellectuels », écrivains, épigones……) diffusent n’importe quoi, c’est du « Moi-Je !!!! ». Et cela a atteint tous les milieux.

  4. Avatar de Otromeros
    Otromeros

    P.Jorion dit :

    … » Vous vous souvenez de cette époque assez récente – puisqu’elle ne s’est terminée qu’au début de cette année-ci – où les intellectuels n’arrivaient plus à s’exprimer que sur des canaux qui étaient financées directement par la Russie ? C’était quand même assez sinistre : assez sinistre que seule la Russie , dans une perspective pas du tout, comment dire ? généreuse mais dans le cadre de cette doctrine Guerassimov – le Général [Valeri] Guerassimov d’ailleurs en difficulté en ce moment – cette doctrine Guerassimov qui consiste à provoquer la zizanie dans les pays considérés comme ennemis, que donc (qu’il s’agisse des RT, de Sputnik directement ou alors des financements occultes de canaux ici ou là) étaient les seuls endroits où les intellectuels au sens des années 1946 à 1950 pouvaient encore s’exprimer.  »

    Par exemple non unique…Frédéric Taddeï doit rougir…(et à mon avis pas de honte..!.)
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_Tadde%C3%AF ===>
    …  » Lorsqu’il rejoint RT France en 2018 (branche francophone de la chaîne russe d’information internationale RT financée par le gouvernement russe), il déclare :
    « Dans un paysage télévisuel sinistré, où les intellectuels, les chercheurs, les savants, les contestataires n’ont plus la parole et où les vrais débats ont totalement disparu, c’est la seule chaîne de télévision qui m’ait donné carte blanche pour faire ce que je faisais dans « Ce soir ou jamais » : des émissions intelligentes, sans parti pris, dans lesquelles on pourra discuter de tout, entre gens qui savent de quoi ils parlent, qu’on ne voit pas ailleurs, et qui ne sont pas d’accord entre eux ».
    Le Huffington Post estime que pour Frédéric Taddéï « ce n’est visiblement pas un souci. Comme il l’a déjà expliqué, il met RT France sur le même plan que CNN ou Al Jazeera »
     » …

    Conclusion… : sur la période trouble du début du XXIème siècle qui s’achève par la révélation concrète au petit matin du 24/2/2022, …de deux maux , il eut fallu, en général et en particulier dans ce blog, choisir le moindre…
    …quitte à « préfacer » clairement chaque article/émission/… (rejetée à priori) en révélant sans ambiguité d’où parlaient ceux qui parlaient et d’où écrivaient ceux qui écrivaient.
    Avis maintes fois exprimé, que je maintiens.

  5. Avatar de Vincent Teixeira
    Vincent Teixeira

    la société du spectacle, l’exhibition du « moi-je », les intérêts personnels, l’hyper-médiatisation de tout, le règne du nombre et de la quantité, la recherche de la célébrité et des honneurs, etc. ont considérablement pollué le champ intellectuel… (du moins ce qui en apparaît publiquement, avec tous ces caquetages médiatiques et idéologiques – la partie émergée de l’iceberg) ; déjà que le terme « intellectuel » est en lui-même assez encombrant, malaisé, hyper chargé de sens… mais bref, un pis-aller, une convention.
    Sur le fond, pensant évidemment à ceux qui font les unes (« Je suis partout »), j’en reviens à Deleuze, qui avait bien vu la tournure que cela prenait…
    disant qu’en France, il y a toujours besoin d’un « pape » intellectuel et médiatique, qui procède le plus souvent par « gros concepts » aussi gros et creux que des dents creuses (« LE monde », « LE peuple », « LA morale », « LA Vérité », etc.), et « plus le contenu de pensée est faible, plus le penseur prend d’importance, plus le sujet d’énonciation se donne de l’importance par rapport aux énoncés vides ».
    On connaît tous les noms et visages qu’on pourrait accoler à ces propos…

    1. Avatar de konrad
      konrad

      Bonjour,

      Il y a aussi un fait capital, l’apparition d’internet et des réseaux sociaux, la démultiplication des médias et la vitesse exponentielle de la diffusion de l’information. Le temps s’est raccourci, ors penser demande du temps.

    2. Avatar de Pascal
      Pascal

      QU’EST-CE QU’UN INTELLECTUEL ?. La pensée, une manie française

      Les Britanniques détestent passer pour des intellectuels et se moquent volontiers des beaux parleurs français. La culture du débat est pourtant bien plus vivante à Londres qu’à Paris, juge l’historien et politologue anglais Timothy Garton Ash.
      https://www.courrierinternational.com/article/2006/05/24/la-pensee-une-manie-francaise

      1. Avatar de Vincent Teixeira
        Vincent Teixeira

        oui, mais ça, c’est un marronier des médias (Français vs Anglais)…
        Certes, ce qu’on appelle « intellectuels » est très français.
        Par contre, « la pensée » (tout court – si l’on peut dire !) est très loin d’être « une manie française », comme vous dites… Elle serait même une des caractéristiques, voire l’apanage de l’être humain… mais là, on ne peut que renvoyer (par exemple) aux origines de la philosophie, aux Présocratiques… ou dans un autre versant, à la pensée chinoise (entre autres)… toutes « manies » qui n’ont vraiment rien de « français ».

        Comme disait Foucault, « la pensée, ça existe, bien au-delà, bien en deçà des systèmes et des édifices de discours. C’est quelque chose qui se cache souvent, mais anime toujours les comportements quotidiens. Il y a toujours un peu de pensée même dans les institutions les plus sottes, il y a toujours de la pensée même dans les habitudes muettes. »
        Par contre, le terme « intellectuel », en effet, est très connoté « français », et au fond superfétatoire – vraiment une convention langagière… Le même Foucault écrivait ailleurs : « Le mot d’intellectuel me paraît étrange. D’intellectuels, je n’en ai jamais rencontré. J’ai rencontré des gens qui écrivent des romans, et d’autres qui soignent des malades. Des gens qui font des études économiques et d’autres qui composent de la musique électronique. J’ai rencontré des gens qui enseignent, des gens qui peignent et des gens dont je n’ai pas bien compris s’ils faisaient quoi que ce soit. Mais d’intellectuels, jamais. En revanche, j’ai rencontré beaucoup de gens qui parlent de l’intellectuel. »

        Se méfier du bruit du monde, qui se partage en clowns et experts de télévision (et autres médias)… Tous les grands « intellectuels » (je préfère parler de penseurs, philosophes, ou historiens, anthropologues, etc.) ont eu une discipline et furent de « bons ouvriers »…
        Dans le même sens que Foucualt, R. Debray (dans un n° de la revue « Lignes », octobre 1997 : « Les intellectuels, tentatives de définitions par eux-mêmes ») : « Intellectuel : un mot dorénavant dont on devrait pouvoir se passer. Au mieux : une imprécision ; au pire, un cache-misère. (…) Je connais des historiens, des démographes, des mathématiciens, des linguistes, des archéologues. Ce sont des métiers qui s’apprennent, se transmettent, s’améliorent. Je ne connais pas de « profession : intellectuel » sauf à baptiser métier un braillard assez flemmard, intermédiaire entre l’écrivain et le journaliste, sans le style et l’imagination du premier (qui exigent un grand labeur) ni les chemises mouillées sur le terrain du second (qui exigent aussi dépense et méticulosité). »

        PS : mis à part son sens étymologique (« intellectualis » = qui se rapporte à l’intelligence, à l’entendement), dans son acception actuelle, c’est un mot très récent (fin XIXeme siècle), qui a commencé à être très employé à l’époque de l’affaire Dreyfus, et dans un milieu très journalistique…

        1. Avatar de Pascal
          Pascal

          Merci Vincent pour toutes ces précisions.
          Il me semble effectivement qu’il y a la pensée, commune à chacun, cette petite voix intérieure qu’on aimerait bien parfois pouvoir éteindre et il y a La Pensée, celle qui se prend au sérieux et qui a la prétention parfois de dire la Réalité ou la Vérité.
          Il n’en reste pas moins que l’une et l’autre cherchent souvent à mettre la réalité dans une cage de mots, tentatives toujours vaines. Cela est bien souvent source de souffrances que l’artiste met en vers ou en verres ou encore en actes quand les mots lui manquent.
          Je ne sais si la pensée est l’apanage de l’homme ou sa malédiction ?

          1. Avatar de Vincent Teixeira
            Vincent Teixeira

            un véritable, authentique, sérieux « travail de la pensée » ne prétend pas détenir « LA Vérité » (ça, c’est pour les idéologues, religieux, missionnaires ou charlatans médiatiques bien connus), mais y tend… tout en se défendant des « absolus »…
            Que ce soit par les mots, les vers (ou les verres), les couleurs, les gestes, peu importe… il y a toujours pensée… autant source de joies que de souffrances, en effet ; « malédiction » est à mon sens « trop dire », en tout cas induit un glissement vers une rhétorique, un terrain un peu trop spiritualiste, voire théologique. Mais il est vrai que cette opposition (sous-jacente) entre la pensée (comme « esprit de pesanteur ») et la vie, l’esprit et le corps, le matériel est pour le coup très occidentale, ou plutôt très judéo-chrétienne… Il me semble au contraire que toute pensée (qui ne se limite pas à des spéculations ou ratiocinations, exprimées par un « jargon de l’authenticité ») a toujours, indissociablement, des racines « matérielles »… la pensée venant en quelque sorte après l’expérience, la sensation…

            PS : à propos de verres justement, et de ces entrailles matérielles de la pensée, ça me rappelle tout à coup Lichtenberg, qui fustigeait les universitaires de son époque (entre autres, car il fustigeait sec !)… et à l’encontre de leur herméneutique, écrivait par exemple ceci : « Parmi les lignes les plus sacrées de Shakespeare, je souhaiterais qu’apparaissent un jour en rouge celles que nous devons à un verre de vin bu dans une minute de bonheur. »

            1. Avatar de Pascal
              Pascal

              « la pensée venant en quelque sorte après l’expérience, la sensation…  »
              Au sein l’univers numérique dans lequel nous vivons, est ce encore vrai ?

              1. Avatar de Vincent Teixeira
                Vincent Teixeira

                … oui, enfin, la vie ne se résume tout de même pas (encore ?!) à l’univers numérique, et n’est pas non plus gouvernée par lui…
                on ne vit pas que là-dedans…
                (personnellement, dès que mon PC est éteint, hors de chez moi ou de mon bureau, je suis vraiment « out », complètement déconnecté, n’ayant pas de smartphone, et ne fréquentant aucun réseau social…
                un air de dinosaures ? mais voyez Richard Stallman (certain qu’il refuse toujours d’avoir un simple téléphone portable)

                1. Avatar de Pascal
                  Pascal

                  Vous faites déjà partie d’une minorité, Vincent ! 😉
                  Mon fils de 20 ans est bien dedans même si on a tenu jusqu’à la 3ème avant qu’il ait son smartphone. Et le monde de demain lui ressemble.

              2. Avatar de Vincent Teixeira
                Vincent Teixeira

                … mais je suis bien d’accord avec vous pour dire que le numérique a profondément changé le monde, la vie, les êtres humains… en fait à peu près TOUT (notre manière de penser, sentir, communiquer, etc.) Mais quand je vois les extrémités abrutissantes auxquelles la servitude volontaire induite par cette quasi prothèse (le smartphone) conduit parfois, je suis ahuri et effrayé (sans parler des regards qui ont disparu – en tout cas au Japon / quelques années – depuis « l’ère covid » – que je n’ai pas remis les pieds en Europe)…
                Je crois malgré tout qu’il y a toujours des gens qui ne sont pas rivés, du matin au soir, à leur écran portable, et regardent encore autour d’eux, les autres, le ciel, les nuages, la lune, les étoiles (quand on peut les voir), etc.
                Sur ce sujet (énorme), Annie Le Brun est celle qui, pour moi, a écrit les choses les plus profondes et capitales (dans son dernier bouquin, « Ceci tuera cela. Image, regard et capital », Stock, 2021)

                1. Avatar de Pascal
                  Pascal

                  Mon expérience locale pyrénéenne aurait tendance à me montrer un monde qui se divise en deux. D’une part, une jeunesse urbaine qui délaisse rarement les écrans et de l’autre une population de jeunes adultes, marginale mais en augmentation, qui choisit de vivre à contre-pied des écrans, proche de la nature en milieu rural. Il y a bien évidemment de multiples intermédiaires.
                  Mais chez mes élèves de 5 à 7 ans néoruraux, on ne sait plus ce qu’est un grillon et les écrans (dont smartphon personnel) en libre service sont de plus en plus fréquents.

                  1. Avatar de Vincent Teixeira
                    Vincent Teixeira

                    c’est ça…
                    il y a encore de « la vie »… et de l’espoir…
                    en même temps, ce qui inquiète tout de même, c’est surtout les plus jeunes…

  6. Avatar de un lecteur
    un lecteur

    Récit causal

    Dans les années 70, le rapport Meadows fixe l’horizon de l’Humanité selon le point de vue scientifique, qui à l’époque régnait en maître absolu de la destinée de l’Humanité, porté par la toute puissance du savoir théorique qui proposait des expériences de pensées dont la charge de validation revenait aux expérimentateurs. Exactement l’inverse de la situation qui prévalait 100 ans plus tôt.
    Le paradis se fera sur Terre et grâce à la science qui avait 50 ans pour régler le problème de notre élimination par cette dernière.
    L’objectif est colossal et nécessite des investissements que l’opium du peuple en vogue à l’époque pourvoira par l’explosion de la masse des consommateurs, suivant l’adage que les petits ruisseaux font les grandes rivières (la véritable loi de la percolation de l’argent).
    Le cadre est posé, pas de place pour les intellectuelles qui n’ont pas apporté grand-chose depuis Aristote aux fondements de la pensée scientifique.
    La suite, on la connaît, l’Humanité a enfanté le «réseau internet» et les smartphones (le transhumanisme et les milliardaires comme sous-produits) sans rien toucher au cadre politico-philosophico-economico-militaro-organisationnel du fonctionnement des États occidentaux, sauf que nous avons tout misé sur l’économico-truc machin-chose (qui ignore très à propos les aubaines pour obtenir un modèle sans limites) et la science qui peut Tout.
    Que les philosophes, les politiques et les militaires soient rétrogradés à des rangs subalternes et au service des deux principes salvateurs fait partie du prix à payer.
    Il semblerait que la Justice n’a pas été embarqué dans cette folle aventure, c’est peut-être notre planche de salut avec l’internet. Qui vivra verra !

  7. Avatar de CHAPONIK Eliane
    CHAPONIK Eliane

    En réponse à Peska j’ai trouvé ceci :  » la mort de tout homme me diminue parce que je suis solidaire du genre humain. Ainsi, n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas. Il sonne pour toi » John Donne (1572-1631)

    1. Avatar de Pascal
      Pascal

      Chère Eliane,
      N’y a-t-il pas dans cette citation les prémices d’un Romantisme pétri de religiosité ?
      Qu’est ce que cette identification au genre humain ? Ne nous laissons pas bercer par les jolis mots. Ce sont les mêmes qui font de la naissance un sacrement. Que serait l’humanité sans la mort, en perpétuelle expansion ? On mesure déjà les dégats de notre prolifération.
      Encore une fois, nous faisons de la vie qui nous est confié, pour un temps, une propriété qui ne peut que nous faire souffrir puisque nous savons depuis l’enfance qu’elle nous sera reprise. Pourquoi nous obstinons nous à refuser de voir que la vie ne nous appartient pas mais dont nous pouvons jouir à chaque instant qui nous est donné ?

  8. Avatar de timiota
    timiota

    Il ne me paraitrait pas scandaleux de nommer « intellectuel » une personne qui émet des pensées pertinentes dans au moins deux (ou trois) domaines usuellement séparés par l’académie telle qu’elle va (géographie, sociologie, philosophie, démographie, politologie,histoire,…).
    A ce titre Annie Ernaux qui a inspiré les sociologues énormément mérite sans doute ce titre par exemple.
    Avec la limite que quelquefois, les disciplines sont redéfinies pour se tailler un costume par les intéressés eux-mêmes, et souvent les plus brillants parce qu’ils « jouent » sur ce tableau avec aisance (je pense à EO Wilson, le père de la « sociobiologie »)

  9. Avatar de l'arsène
    l’arsène

    « Un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche. »
    Michel audiard .
    Cette citation résume à la perfection l’état actuel de la « société ».
    Les cons , ils marchent, ils ont même le vent en poupe à tous les niveaux, médias et politiques s’en donnent à cœur joie pour leur donner de l’audience, il suffit d’allumer le poste.
    Par contre, les intellectuels ou toute personne ayant des choses très intéressantes à formuler, là, ça ne rapporte rien en terme d’audience et de retombées publicitaires.

  10. Avatar de CloClo
    CloClo

    Un beau travail d’intellectuel de mon point de vue, à méditer encore et encore en pleine folie guerrière :

    https://www.youtube.com/watch?v=mtXxv57HYyg

    Extrait du texte lu à la fin :

    « Songez aux fleuves de sang déversés par tous ces généraux et ces empereurs afin que, nimbés de triomphe et de gloire, ils puissent devenir les maîtres temporaires d’une fraction d’un point. Songez aux cruautés sans fin perpétrées par les habitants d’un recoin de ce pixel sur les habitants à peine distinguables d’un autre recoin, comme ils peinent à s’entendre, comme ils sont prompts à s’entre-tuer, comme leurs haines sont ferventes. »

    Accompagné de la traduction du texte complet de Carl Sagan rédigé à l’occasion de la photo de la Terre prise par Voyager 14 février 1990 à plus de 6 milliards de Km…

    « De ce point de vue lointain, la Terre peut ne pas sembler d’un intérêt particulier.

    Mais pour nous, c’est différent. Regardez encore ce point. C’est ici. C’est notre foyer. C’est nous. Sur lui tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu, ont vécu leur vie. Toute la somme de nos joies et de nos souffrances, des milliers de religions aux convictions assurées, d’idéologies et de doctrines économiques, tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations, tous les rois et tous les paysans, tous les jeunes couples d’amoureux, tous les pères et mères, tous les enfants pleins d’espoir, les inventeurs et les explorateurs, tous les professeurs de morale, tous les politiciens corrompus, toutes les « superstars », tous les « guides suprêmes », tous les saints et pécheurs de l’histoire de notre espèce ont vécu ici — sur un grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil.

    La Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique. Songez aux fleuves de sang déversés par tous ces généraux et ces empereurs afin que, nimbés de triomphe et de gloire, ils puissent devenir les maîtres temporaires d’une fraction d’un point. Songez aux cruautés sans fin perpétrées par les habitants d’un recoin de ce pixel sur les habitants à peine distinguables d’un autre recoin, comme ils peinent à s’entendre, comme ils sont prompts à s’entre-tuer, comme leurs haines sont ferventes.

    Nos postures, l’importance que nous nous imaginons avoir, l’illusion que nous avons quelque position privilégiée dans l’univers, sont mises en question par ce point de lumière pâle. Notre planète est une infime tache solitaire enveloppée par la grande nuit cosmique. Dans notre obscurité, dans toute cette immensité, il n’y a aucun signe qu’une aide viendra d’ailleurs nous sauver de nous-mêmes.

    La Terre est jusqu’à présent le seul monde connu à abriter la vie. Il n’y a nulle part ailleurs, au moins dans un futur proche, vers où notre espèce pourrait migrer. Visiter, oui. S’installer, pas encore. Que vous le vouliez ou non, pour le moment c’est sur Terre que nous prenons position.

    On a dit que l’astronomie incite à l’humilité et fortifie le caractère. Il n’y a peut-être pas de meilleure démonstration de la folie des vanités humaines que cette lointaine image de notre monde minuscule. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue »

    Merci et Bon dimanche, sous vos applaudissements

  11. Avatar de Otromeros
    Otromeros

    Osez : (sous-titres anglais en langage primaire que même moi je peux déchiffrer…)
    Et surtout, dès demain…nouveaux-nés, enfants, adolescents, jeunes adultes, adultes tout court, âgés, très âgés, veillards, grabataires, défunts… n’oubliez pas la règle absolue salvatrice…tous sus au thermomètre/thermostat…

    https://www.theguardian.com/world/ng-interactive/2022/sep/29/lady-of-the-gobi-trucking-coal-across-the-desert-to-china

    Bon combat.

  12. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    J’ai reçu une formation scientifique (en fait, avec le recul de l’âge, plutôt un formatage), essentiellement une formation mathématique. Et en mathématiques (et plus généralement en sciences dures), comme chacun sait ou le devine, on s’attache à définir le plus précisément possible les mots utilisés (par exemple le mot « ensemble »). C’est beaucoup moins le cas des sciences molles : il suffit de consulter les grands dictionnaires pour s’apercevoir rapidement que la circularité est la norme. PJ, que je considère comme un « sciences molles », n’échappe pas à la règle : il suffit de consulter son « Principes des systèmes intelligents » pour s’apercevoir que l’intelligence n’y est pas définie (1), bien que le mot revienne « ad nauseam » (pour moi) au fil des chapitres. Et il suffit de parcourir l’article du jour pour s’apercevoir qu’il n’y déroge pas avec la définition du véritable intellectuel. Aussi je tente la suivante : quelqu’un capable de penser par lui-même.

    Dans ma sphère il est pour moi très clair que Thom et Grothendieck sont de véritables intellectuels (en ce qui concerne Thom il suffit de lire sa prose philosophique -et pas seulement mathématique, niveau où PJ le ravale systématiquement- pour se convaincre de l’originalité de sa pensée) mais lorsque Grothendieck écrit (dans « Récoltes et semailles ») qu’il était le seul à avoir le souffle et que ses élèves (dont Pierre Deligne, futur médaillé Fields) n’étaient que des tâcherons, j’interprète son propos en disant qu’il considérait que ses élèves n’étaient pas au même niveau intellectuel que lui.

    Il est clair pour moi que PJ voit ainsi le véritable intellectuel, qu’il en est un et que je n’en suis pas un ; mais tout est question de hiérarchie dans l’intellectualité, tout véritable intellectuel n’étant pas nécessairement au niveau de Grothendieck qui dialogue avec Dieu (2)). Où se situe PJ dans cette hiérarchie ? Haut, très haut. Pour preuves :

    – Paul Jorion 26 septembre 2022 9h29 (3): « Votre gourou aurait dû lire « Principes des systèmes intelligents », déjà disponible de son vivant, et étant publié chez Masson, visible sur son écran radar de mathématicien. (Un livre où en plus il est cité respectueusement à la page 41). ». Thom : » Il y a dans l’affectivité pure une espèce de caractère sui generis qui échappe à toute intellectualité, toute modélisation. Donc on se trouve là devant une sorte de mur, et je n’ai pas d’explication à fournir sur ce mur. Il est là. « . C’est bien : il connaissait ses limites : il avait deviné en quel endroit précis son savoir serait dépassé. » .

    – Paul Jorion 28 septembre 2022 10h55 (3) : « Je n’ai jamais caché mon admiration pour Thom et son œuvre, mais il s’agit de l’admiration d’un intellectuel pour un autre intellectuel, pas de l’adulation d’un sectateur pour un mage [ça c’est pour ma pomme]. »;

    – Paul Jorion 20 juillet 2022 9h27 (4) : Regardez-vous plutôt. Vous faites des copier-coller de Thom depuis des années, et entre deux citations, vous pérorez du haut de l’autorité que vous imaginez que cela vous donne de placer ce grand mathématicien en position de gourou. Je fais moi œuvre originale et pas une seule des pseudo-erreurs que vous avez pseudo-découvertes dans mes textes, ne l’est. ».

    Personnellement je place Thom et Grothendieck au même niveau (pour moi très élevé, pas seulement au niveau strictement mathématique), Thom peut-être un peu plus haut pour la raison suivante.

    Grothendieck a visiblement été ulcéré que Thom vote contre la nomination de Deligne comme professeur permanent à l’IHES (qui se voulait alors être le Princeton français), considérant que les maigres publications contenues dans son dossier de candidature n’étaient que de simples exercices. Je pense qu il y a eu alors entre eux un « c’est lui ou moi », évidemment non dit, et ce fut Grothendieck qui partit. Et Grothendieck est parti, selon moi, à cause d’une petite phrase en conclusion de l’article de Thom « Topologie et signification » (1968) :

    « Je verrais volontiers dans le mathématicien un perpétuel nouveau-né qui babille devant la nature ; seuls ceux qui savent écouter la réponse de Mère Nature arriveront plus tard à ouvrir le dialogue avec elle, et à maîtriser une nouvelle langue. Les autres ne feront que babiller, bourdonner dans le vide -bombinans in vacuo. ».

    Car dans Récoltes et semailles, Grothendieck utilise ce verbe peu courant : bombiner. Pour moi -reconverti pour l’occasion en inspecteur Bourrel-, c’est pour ça que Grothendieck a quitté l’IHES pour aller philosopher du côté des Pyrénées.

    Des citations jorionniennes qui précèdent (j’en ai d’autres sous le coude) je tire la conclusion qu’il est pour moi très clair que leur auteur se place à ce niveau là.

    Pour finir : puisqu’un intellectuel est quelqu’un qui pense par lui-même, qu’est-ce que penser ? Mon gourou Thom a sa réponse:

    «  »L’apparition du langage répond chez l’homme à un double besoin (…) La première contrainte répond au besoin de virtualiser la prédation. l’homme en éveil ne peut, comme le nourrisson de neuf mois, passer son existence à saisir les objets pour les mettre en bouche. Il a mieux à faire : aussi va-t-il « penser », c’est-à-dire saisir les êtres intermédiaires entre les objets extérieurs et les formes génétiques : les concepts. » (Stabilité structurelle et morphogenèse, 2ème ed.p.309).

    Pour moi ce qui distingue Paul Jorion de René Thom c’est que le premier, aristotélicien, refuse de prendre en compte l’influence des formes génétiques platoniciennes.

    À la page 53 de « Comment la vérité… » PJ écrit: « J’avais pu constater personnellement, au sein du panthéon des mêmes populations Xwéda (du Bénin actuel), le regroupement des phénomènes naturels en catégories reproduisant les sept « catastrophes élémentaires » de la théorie géométrique des catastrophes de René Thom. ».

    L’intelligentsia Xwéda plus véritablement intellectuelle que PJ ?

    1: Mon gourou Thom la définit ainsi : « L’intelligence est la capacité de s’identifier à autre chose, à autrui. ».

    2: « La clef des songes » est sous-titré « Dialogue avec le non Dieu ».

    3 : https://www.pauljorion.com/blog/2022/09/22/video-mis-les-conditions-dune-intelligence-generale-artificielle-le-22-septembre-2022/

    4 : https://www.pauljorion.com/blog/2022/04/09/what-makes-a-demonstration-worthy-of-the-name-by-paul-jorion-yu-li/

    1. Avatar de BasicRabbit
      BasicRabbit

      Le bon Dieu (et non le non Dieu)

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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