Fourier [1772-1837] renvoie l’une à l’autre les positions inverses de la philosophie pure et du désir forcené car elles vivent également d’exclusions et de négations et elles butent sur l’impossible et sur l’échec. La connaissance cherche éperdument à s’établir en une région supérieure, mais elle ne peut expliquer les choses sans affronter leur étrangeté réelle, elle engendre, dans son cours, ce qui doit ruiner le projet initial d’une domination absolue ; et pourtant si elle ne sait pas comprendre ses origines et les limites de son emprise, elle peut être engloutie et la civilisation qui la fonde, par un retour en boomerang de ses activités imprudentes, inattentives aux équilibres naturels complexes. Quant aux passions « ignobles », ou qui agissent isolément, elles se nourrissent de tortures, d’humiliations et finalement de cadavres. Là encore, le héros est écrasé par ce qu’il a mis en œuvre, il subit, à terme, la loi d’un partenaire plus puissant. Les systèmes opposés du savoir et du désir séparés vont aussi sûrement à l’abîme : « le globe, écrit Fourier, est en péril imminent ».
Préface de Simone Debout-Oleszkiewicz à Charles Fourier, Le Nouveau monde industriel et sociétaire ou invention du procédé d’industrie attrayante et naturelle, distribuée en séries passionnées, Paris : Bossange père, 1829 ; réédition 1971 : Paris : Anthropos, pages VIII et IX.
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