Retranscription de Trump : où sont passés les documents ?, le 4 septembre 2022
Bonjour, nous sommes le samedi 3 septembre 2022.
Il y a quelques semaines, le FBI, la police fédérale américaine, a fait une descente de police à Mar-a-Lago qui est un Country Club appartenant à M. Donald Trump. Un Country Club, c’est un endroit où, en échange d’une cotisation importante, vous pouvez retrouver des gens comme vous : des gens fortunés, jouer au golf avec eux, vous prélasser au bord de la piscine, bavarder dans les différents salons, etc. et ça appartient à M. Donald Trump et il s’est retiré là à la suite du fait qu’il a raté son coup d’État du 6 janvier 2021 et donc, il n’est plus président des États-Unis. Je vous le rappelle, il avait perdu l’élection par une marge de 7 millions de voix (B : 81M > T : 74M), mais il avait tenté un coup d’État le 6 janvier 2021. Ça avait échoué assez lamentablement d’ailleurs. Ce n’était pas mal préparé : il y avait différentes tentatives qui étaient faites à différents niveaux pour essayer de garder le pouvoir mais tout ça a été coordonné par un ivrogne : M. Rudy Giuliani. La commission du 6 janvier, qui enquête sur le 6 janvier 2021 a d’ailleurs eu un malin plaisir à interviewer des gens qui disaient : « Dans quel état de sobriété se trouvait M. Giuliani lors de telle et telle réunion ? » et que les gens disaient « Dans un état pas tout à fait convenable » et ainsi de suite [« Une des personnes participant à cette conversation était-elle en état d’ébriété ? » …] Donc, ça n’a pas marché. On pouvait imaginer quand même que M. Trump continue à comploter pour reprendre le pouvoir en 2024 par des moyens légaux ou pas légaux du tout puisque vous connaissez sa devise : « Ou bien je gagne les élections, ou bien vous avez triché. Bon, et donc, comme vous avez triché dans le cas où j’ai perdu, c’est qu’en fait, j’ai quand même été en réalité proprement élu ».
Au moment où a lieu une perquisition donc il y a quelques semaines à Mar-a-Lago, on trouve des tas de documents classés secrets, secret défense, avec différents niveaux de secret allant des choses qui sont confidentielles, c’est-à-dire qu’il ne faut pas révéler, mais enfin bon, ça ne serait pas si grave que ça, jusqu’à des choses qui sont du plus haut niveau, qui relèvent de l’Espionage Act, de la loi sur l’espionnage et qui concernent les opérations d’espionnage à l’étranger, l’identité des espions, des techniques qui sont utilisées pour recruter des gens dans les pays étrangers, des choses de cet ordre-là. Donc, on trouve des documents de tous les degrés de confidentialité, de secret. C’est curieux parce que, auparavant, l’année précédente, on avait demandé à M. Trump de rendre tout ce qu’il avait pris par mégarde et, en particulier, deux de ses avocats avaient dit : « On a rendu exactement tout ce qu’il fallait. Il n’y a plus rien qui reste ». Et donc, descente de police, on trouve encore plein de trucs. Il y a quelques jours, on montre même une photo. Le FBI se rend dans un cagibi. On a trouvé en particulier toute une série de documents où on voit bien qu’il est écrit « Secret » de tel type sur la couverture, sur les chemises qui sont là. Ce qu’on a appris hier, c’est que beaucoup de ces chemises sont vides, je crois de l’ordre de 70 de ce qu’on a trouvé lors de la perquisition sont vides, d’où la question : où est-ce que ça se trouve, ce qui n’est plus là, à l’intérieur des chemises ad hoc ?
Vous vous souvenez sans doute que depuis 2015, je fais un compte-rendu des activités de M. Trump. Ça a d’ailleurs donné lieu à deux tomes d’un livre qui s’appelle « La chute de la météorite Trump ». Le premier volume s’appelle « Un objet populiste mal identifié » et le second s’appelle « Haute trahison ». Ça a été publié par les Editions du Croquant. La question se pose de savoir s’il y aura jamais un troisième volume et je me suis posé la question au cours des mois récents, au cours de la dernière année : est-ce que mon titre « La chute de la météorite Trump » n’était pas un peu, comment dire ? aventureux dans le sens où, en fait, Trump ne connaîtrait jamais de chute et on le retrouverait président des États-Unis dans un état devenu véritablement fasciste puisque ses velléités de devenir un chef d’État fasciste, il avait réussi plus ou moins en utilisant au maximum ses pouvoirs de président, il a essayé de conserver le pouvoir par un coup d’État le 6 janvier 2021. Enfin, il ne l’est pas mais la possibilité d’un retour était toujours là.
Alors, qu’est-ce que les Démocrates ont fait au cours de l’année et demi, un peu plus, écoulée depuis que M. Biden a été élu président de la République ? Ils ont fait la chose qu’il fallait, c’est-à-dire que, dans un pays où il y a 30 à 40 % de la population qui suit aveuglément M. Trump, des électeurs qui sont convaincus qu’effectivement on lui a volé sa victoire, qui sont prêts à tout, comme le commentateur que j’ai vu tout à l’heure sur Fox News dire : « S’il y a des documents compromettants pour M. Trump à Mar-a-Lago, c’est parce qu’ils ont été plantés bien entendu par le FBI qui travaille au nom du Deep State », etc., c’est-à-dire le cas bien connu de l’explication complotiste qu’on ne peut pas réfuter parce qu’il y a toujours [un élément de pseudo-explication] qu’on peut ajouter. Comme pour ces documents… « En fait, je n’ai pas volé de document dit Trump, et puis d’ailleurs, je les ai tous rendus, et puis ceux qu’on trouve là, en fait, j’avais le droit de dire que c’étaient des documents qui pouvaient sortir, etc. » : la fameuse blague de Freud sur le type qui a rendu un seau troué qu’on lui avait prêté et qui trouve n’importe quelle justification : qu’on ne le lui a pas prêté, qu’il l’a rendu sans trou, que d’ailleurs, il ne sait pas ce que c’est un seau et ainsi de suite, et les partisans de Trump ces jours derniers sont arrivés à produire des arguments de ce type-là.
Alors, la différence entre ce que vous avez pu lire dans la presse au moment de la perquisition, le commentaire que la presse a fait de manière générale et celui que moi j’ai fait, ces commentaires sont très différents. On a dit, la presse américaine : « Négligence ! Comment ce type a pu par distraction quand même prendre tant de dossiers », et puis après : « Comment se fait-il qu’il y en avait qui avaient échappé à son attention puisque quand ses avocats disent ‘On a tout rendu’ et puis quand même, le FBI trouve d’autres choses, etc. ». Une progression, voilà. On commence par dire que le type est négligent, etc. et on arrive aujourd’hui à se dire : « Comment se fait-il quand même qu’il y ait tellement de documents, de chemises vides où il est écrit ‘Top secret’, ‘Secret défense’, etc. », probablement les techniques à utiliser si jamais la Russie devient menaçante – la Russie ou un autre pays – devient véritablement menaçant au niveau d’une attaque nucléaire, etc.
La différence donc entre moi et la presse en général, c’est que j’ai dit le jour de la perquisition : « Eh bien, on va trouver assez rapidement les preuves que M. Trump travaillait véritablement pour la Russie comme tout le monde s’en doutait, comme ça avait été établi par le rapport Steele », dont je vous rappelle qu’il n’a jamais été réfuté, contrairement à une légende colportée par les milieux d’extrême-droite depuis des années, qu’on allait trouver sans problème les preuves que M. Trump roulait véritablement pour son ami déclaré Poutine et que c’était une chose qu’on allait simplement constater. Mais si on avait simplement arrêté Trump, il se serait passé ce que son ami Lindsey Graham annonce pour les jours qui viennent : que toute l’Amérique va descendre dans la rue – la partie de l’Amérique qui est surarmée par ailleurs – et que ce sera la guerre civile.
Donc, il fallait marcher sur des œufs : il fallait que le cas devienne à ce point convaincant que même les partisans les plus … convaincus de M. Trump n’osent rien dire. Et ce qu’on voit ces jours-ci, et en particulier hier, c’est que, petit à petit, les gens le lâchent quand même. Les gens qui ont quand même encore un tout petit peu de jugeote le lâchent les uns après les autres. J’ai parlé dans une vidéo précédente de M. Karl Rove qui est un idéologue bien connu du parti Républicain a dit l’autre jour : « Mais enfin bon, ça ne se fait quand même pas de rentrer à la maison avec des documents top secrets, etc. ». Hier, c’est M. William Barr, le toutou, le caniche de M. Trump à l’époque où M. Barr était ministre de la Justice de M. Trump et avait dit à propos du rapport de la Commission Mueller sur la collusion entre Trump – son camp – et les Russes, avait dit : « Circulez, y a rien à voir ! » et hier, M. Barr dit : « Non, ça ne se fait pas, même quand on est un ancien président, on n’emmène pas les documents top secrets à la maison. On ne les met pas dans le tiroir de son secrétaire. On ne les cache pas dans les caves des bâtiments. On ne demande pas à des gens de transporter les caisses la nuit subrepticement d’un endroit à un autre. On ne vide pas les dossiers. Il y a des choses quand même qu’on ne fait pas ! ». Et ce matin, un autre personnage aussi d’ailleurs qui se fait rembarrer par un reporter qui dit : « Oui, c’est évident que le Deep State a mis tout ça : a planté les documents, a planté des trucs ! On sait bien leur rage à faire tomber Trump ! etc. ».
Mais le dernier carré s’est réduit, comme peau de chagrin. Tous les gens que je voyais tout à l’heure, M. John Bolton – M. John Bolton a quand même été un conseiller à la sécurité internationale de M. Trump dans l’équipe à la Maison Blanche – M. Bolton dit : « Fin de partie : c’est terminé, c’est terminé pour M. Trump. Si on ne l’arrête pas, ça relève de l’ordre du miracle avec intervention divine ». Donc, est-ce que les Démocrates ont joué la partie de manière tout à fait délibérée ou bien est-ce que les circonstances les ont aidés à distiller petit à petit les informations qui font qu’il deviendra absolument clair, je dirais, non seulement pour les gens qui votent Démocrate, et non seulement pour les Républicains qui se sont déjà alignés du côté des Démocrates à condamner M. Trump de manière non-équivoque comme Mme Liz Cheney, M. Adam Kinzinger, et un certain nombre de personnalités du parti Républicain qui l’ont lâché il y a longtemps. Maintenant, on a l’impression qu’il ne va rester que le dernier carré parce que les autres, dans la frange, les William Barr, les Mike Pompeo, les John Bolton, tous les gens qui ont fait partie du cercle de Trump mais qui ont – comme le disait Bolton dans son autobiographie – ceux qui n’ont pas envie de terminer leur vie en prison, ceux-là, sont en train de se rallier. M. Pat Cipollone, Conseiller juridique à la Maison Blanche, on apprend qu’il a parlé très très longuement à un Grand jury il y a quelques jours. C’est le cas aussi pour un autre conseiller juridique à la Maison Blanche [Pat Philbin].
Tout s’effondre autour de M. Trump et, bien entendu, on le sait, il y a d’autres procès en cours, en particulier son intervention au niveau des autorités qui représentent dans l’État de la Géorgie le système électoral. Quand il a donné un fameux coup de téléphone où il demandait exactement qu’on dégage en sa faveur 11.000 voix de votes non-existants, la procédure se poursuit du côté de la Géorgie ; c’est-à-dire que le jour où on va véritablement l’inculper pour avoir fait disparaître des documents et qu’on lui demandera exactement où est-ce qu’ils sont passés puisqu’ils ne sont plus dans les chemises et qu’on ne les a pas trouvés ailleurs à Mar-a-Lago, de savoir à qui exactement, à Moscou ou à St Petersburg, il a transmis ces documents sous une forme ou sous une autre.
La dernière étape c’est qu’on nous dira « Oui les Russes ont ces documents mais enfin, c’est parce qu’il y a quelqu’un qui est allé voler ça dans les caves de Mar-a-Lago. Oui, effectivement, le cadenas n’était pas très épais sur la porte où on avait mis ça… ». Non, il y en avait partout : il y en avait dans les couloirs, dans des caisses dans les couloirs, etc. Est-ce que c’est la dernière défense de Trump de dire : « En fait, ces documents, oui, ils étaient chez moi. J’étais un peu distrait mais quelqu’un, voilà, un espion russe qui passait par là les a volés ! ». [Rires] Ou bien est-ce qu’il faudra qu’on reconnaisse que c’est quand même lui qui les a transmis d’une manière ou d’une autre ? Si on en croit son avocat, M. Michael Cohen, il aura encore trouvé un sous-fifre pour le faire à sa place, pour, en tant que « parrain », ne pas avoir l’air d’avoir vraiment mis la main à la pâte. Mais quand des documents confidentiels se trouvent dans un tiroir dans le secrétaire de son bureau, et même dans sa chambre à coucher, il devient difficile pour lui de prétendre que, voilà, que c’est un gars qui est passé par là, d’abord qui a déposé ça là puis qui a vidé les documents dans la chemise, puis qui les a transmis aux personnes que ça intéresse vraiment, par exemple, imaginons que les Russes soient vraiment intéressés par les plans secrets américains de ce qui se passerait en cas de guerre nucléaire 😉 .
Donc, voilà, le résumé c’est que l’opinion américaine se retrouve ce matin dans le même état que moi le jour où on a fait la perquisition. Ce que je vous avais dit : « La preuve va être faite maintenant de la collusion, pas simplement de la collusion mais le fait que M. Trump non seulement a M. Poutine comme un excellent poteau mais qu’il roule pour lui et pour ses prédécesseurs depuis pas mal d’années, comme on a pu d’ailleurs en avoir une indication, c’était quoi ? en 1985 [en réalité en 1987], quand M. Trump était rentré de Moscou et avait publié à ses frais dans trois journaux : Boston Globe, New York Times, Washington Post, avait publié à ses frais un papier de politique extérieure américaine qui était un copier/coller de la politique officielle de l’URSS à cette époque-là.
Voilà un petit point sur l’actualité de M. Trump aux États-Unis. Phase ultime ou pénultième de la chute de M. Trump ? En tout cas, je crois qu’on se rapproche désormais rapidement du dénouement.
Voilà, allez, à bientôt !
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