[Mauritanie, 1994 ] … De retour de mission, entre Ouadane et Chinguetti [deux anciennes cités caravanières au sud du Sahara], Ethmane Ould Dadi choisit de faire escale et de passer la nuit dans un campement nomade. Quelques tentes brunes en poils de chameau, se trouvaient là, parsemées et à peine visibles au milieu des grandes dunes de sable jaune.Nous fûmes très bien accueillis, comme il se doit des règles d’hospitalité et d’une visite officielle, où la Fondation était censée représenter le Gouvernement. Rassemblés sous une grande tente et assis sur le sol recouvert de tapis, la discussion en hassanya put avoir lieu avec nos hôtes. J’observais un peu en retrait. Ethmane m’expliqua l’histoire de ce groupe de nomades, qui, après mûre réflexion, avait décidé de se fixer définitivement ici. Première condition, l’existence d’un puits et donc la présence d’eau en quantité suffisante. La motivation de cette décision apparut un peu plus tard. Nos hôtes nous amenèrent plus loin où ils étaient en train de construire deux petites salles de classe rectangulaires en banco. C’est-à-dire érigées en briques de terre crue, extraite directement dans une carrière à proximité et creusée sous la couche de sable.
Ils se rendaient compte que cette vie ancestrale de nomade du désert ne pouvait plus continuer pour leurs enfants. Ils devaient leur assurer l’éducation pour qu’ils puissent avoir les moyens plus tard de s’intégrer au monde et trouver un emploi « normal ».
Je feuillette aujourd’hui par hasard un guide sur la Mauritanie. C’est une édition récente. Page 172, je vois une photographie : « Campement semi-nomade d’El Kheouiya ». Je m’aperçois qu’il s’agit exactement du lieu où nous avions fait escale. Le campement nomade avait fait place à un tout petit village. Elle montrait à présent des habitations en dur. Mais aussi, un peu plus loin, quelques Tikitt, c’est-à-dire des constructions traditionnelles légères, à la manières de huttes de branchages et de paille, très bien ventilées à l’intérieur, et prolongées à l’extérieur par des enclos pour des animaux. Et encore plus loin, un jardin avec quelques plantations nourricières, poussant là, comme un petit miracle de la nature. Comme il en existe dans les oasis traditionnels.
Ainsi les nomades d’antan avaient concrétisé leur projet. Ils avaient créé un petit village en plein désert, dans ce milieu totalement aride voire hostile. Ils étaient passés, presque, de l’état de nomades à celui de sédentaires. « Presque », en effet, car quelques membres du groupe continuaient encore à nomadiser dans les environs une partie de l’année. Evidemment, leur mode de vie était d’une extrême sobriété, de quoi faire pâlir tous les écologistes du monde.
Au fait, El Kheouiya, le nom donné au village, signifie en hassanya : « Là où il n’y a plus rien », ou « le Vide ».…
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