Petite histoire de sobriété humaine, ou la naissance d’un village en plein cœur du désert…, par Emmanuel Rousseaux

[Mauritanie, 1994 ] … De retour de mission, entre Ouadane et Chinguetti [deux anciennes cités caravanières au sud du Sahara], Ethmane Ould Dadi choisit de faire escale et de passer la nuit dans un campement nomade. Quelques tentes brunes en poils de chameau, se trouvaient là, parsemées et à peine visibles au milieu des grandes dunes de sable jaune.Nous fûmes très bien accueillis, comme il se doit des règles d’hospitalité et d’une visite officielle, où la Fondation était censée représenter le Gouvernement. Rassemblés sous une grande tente et assis sur le sol recouvert de tapis, la discussion en hassanya put avoir lieu avec nos hôtes. J’observais un peu en retrait. Ethmane m’expliqua l’histoire de ce groupe de nomades, qui, après mûre réflexion, avait décidé de se fixer définitivement ici. Première condition, l’existence d’un puits et donc la présence d’eau en quantité suffisante. La motivation de cette décision apparut un peu plus tard. Nos hôtes nous amenèrent plus loin où ils étaient en train de construire deux petites salles de classe rectangulaires en banco. C’est-à-dire érigées en briques de terre crue, extraite directement dans une carrière à proximité et creusée sous la couche de sable.

Ils se rendaient compte que cette vie ancestrale de nomade du désert ne pouvait plus continuer pour leurs enfants. Ils devaient leur assurer l’éducation pour qu’ils puissent avoir les moyens plus tard de s’intégrer au monde et trouver un emploi « normal ».

Je feuillette aujourd’hui par hasard un guide sur la Mauritanie. C’est une édition récente. Page 172, je vois une photographie : « Campement semi-nomade d’El Kheouiya ». Je m’aperçois qu’il s’agit exactement du lieu où nous avions fait escale. Le campement nomade avait fait place à un tout petit village. Elle montrait à présent des habitations en dur. Mais aussi, un peu plus loin, quelques Tikitt, c’est-à-dire des constructions traditionnelles légères, à la manières de huttes de branchages et de paille, très bien ventilées à l’intérieur, et prolongées à l’extérieur par des enclos pour des animaux. Et encore plus loin, un jardin avec quelques plantations nourricières, poussant là, comme un petit miracle de la nature. Comme il en existe dans les oasis traditionnels.

Ainsi les nomades d’antan avaient concrétisé leur projet. Ils avaient créé un petit village en plein désert, dans ce milieu totalement aride voire hostile. Ils étaient passés, presque, de l’état de nomades à celui de sédentaires. « Presque », en effet, car quelques membres du groupe continuaient encore à nomadiser dans les environs une partie de l’année. Evidemment, leur mode de vie était d’une extrême sobriété, de quoi faire pâlir tous les écologistes du monde.

Au fait, El Kheouiya, le nom donné au village, signifie en hassanya : « Là où il n’y a plus rien », ou « le Vide ».

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17 réponses à “Petite histoire de sobriété humaine, ou la naissance d’un village en plein cœur du désert…, par Emmanuel Rousseaux”

  1. Avatar de arkao

    Réponse optimiste au billet de Terence ?
    L’humanité peut survivre dans des environnements hostiles.

    1. Avatar de Hervey

      Pensez quand même arkao, à réserver une place aux points d’eau.

  2. Avatar de Hervey

    On se sent bien dans vos habits d’écriture.
    Je loue votre style.
    C’est à cette musique que je vous ai reconnu.

    1. Avatar de Emmanuel
      Emmanuel

      Merci pour ce compliment….!

  3. Avatar de Lagarde Georges
    Lagarde Georges

    Le Sahara semble nettement plus accueillant que la planète Mars …

  4. Avatar de Hervey

    Toponymie :
    QUILLAGUA n’est pas la marque d’une eau minérale mais le nom d’un village du CHILI doté de conditions très particulières.
    En espagnol ça pourrait se traduire (publicité aidant) par « eau légère comme une plume »
    ou bien « AQUI AGUA » que l’on peut traduire par « ici était l’eau » ou « eau d’ici ».
    L’humour jusque dans le toponymie … ça aide à vivre, n’est-ce pas ?

    1. Avatar de Jacqueline Subias
      Jacqueline Subias

      Bonjour à vous !

      Emmanuel R .
      Je suis d’accord avec les intervenants, votre style est, selon ma manière de percevoir, « délicieux » (dans le sens « raffiné » mais sans le « luxe »)
      Et vous avez le don de dire l’essentiel en peu de mots :

       » Ils avaient créé un petit village en plein désert, dans ce milieu totalement aride voire hostile. » (…) « Evidemment, leur mode de vie était d’une extrême sobriété, de quoi faire pâlir tous les écologistes du monde ».

      Ces peuplades courageuses et intelligentes ne sont pas de prétentieux utopistes ni de doux rêveurs parlant d’écologie
      (Ni d’enthousiastes bo-bo donnant (ou imposant via médias) leurs « solutions » de bo-bo, en toute bonne foi, ces naïfs qui ne voient le monde que par la performance et la compétition…).

    2. Avatar de timiota
      timiota

      Pour l’eau, l’habitant US serait plus près de 400 l (x10 de l’Atacamien) que 4000 l (de conso dites « domestique »)
      https://www.cieau.com/le-metier-de-leau/ressource-en-eau-eau-potable-eaux-usees/la-consommation-deau-domestique-est-elle-la-meme-a-travers-le-monde/
      (bien que je n’ai pas le chiffre exact).
      Dans l’ensemble de l’eau consommée, il y a en plus les gros postes de l’eau agricole et industrielle.
      Là les US avec 10^15 litres/an (~ 1 million de milliard), sont à 9 m3/j (9000 l).
      Le maïs a soif (pas de racines profondes, malgré la sélection … ).

  5. Avatar de Tonnie

    Cependant, après un certain temps, quelqu’un viendra et emportera tout ce qu’il a construit jusqu’à présent. Tout comme les orcs du Mordor sont venus en Ukraine

  6. Avatar de Jacqueline Subias
    Jacqueline Subias

    Plus pragmatique :
    J’en profite pour faire une recommandation importante (que je répèterai ailleurs sur un billet parlant de canicule) :

    Je viens de me souvenir d’un détail très important que les européens ne connaissent pas pour la plupart, appris d’Africains et de mes parents ayant vécu 20 ans en Afrique, en mangeant avec des pringles très salés un excellent guacamole peu salé (parce que le sel dérangeait la saveur) :

    Quand il fait très chaud, surtout manger assez salé pour retenir l’eau dans le corps (sauf pour traitement médical où il y a prescription). Et ne pas boire trop d’eau et trop fraîche, cf ce site que je viens de trouver pour meilleure explication que la mienne :

    https://www.exquado.com/publication/surconsommation-deau-quels-les-risques

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Les « légumes riches en flotte », ça marche bien pour les cyclistes par temps chaud.
      On n’a pas soif après un demi-concombre, parce que l’eau est « distillée » par le système digestif peu à peu, avec un peu de sels minéraux en effet.
      (l’assaisonnement sel/vinaigre suffit).
      Sinon, les boissons chaudes « du désert », aident à transpirer quand l’organisme « n’y pense pas assez ».
      (Idem les jeunes veaux qu’on garde à l’étable si on n’est pas sûr que leur mère les mettra à l’ombre, surtout pour des jumeaux, n’ont pas quatre bras, les maman-vaches,
      leur organisme n’a pas encore les réflexes pour supporter le soleil).

      1. Avatar de Jacqueline Subias
        Jacqueline Subias

        #timotia
        Je suis tout à fait d’accord avec vous. Mais en France ou en Europe de climat tempéré, les gens peu habitués à la grosse ou extrême châleur font par réflexe des gestes dangereux : ex. trop d’eau fraîche vite absorbée dangereuse pour le système rénal comme dit sur lien. De même le réflexe non averti fait aussi consommer trop de glaces sucrées, pas bon pour le coeur (mais si bon pour le moral !)
        Perso, je bois bcp de bouillons de légumes verts que j’adore, bourrés de sels minéraux, selon saison chauds ou tièdes . Ce qui me permet de consommer salé mais de manière raisonnable (et gourmand). Je résiste mieux ( je suis du midi, un peu plus habituée à la châleur). Mais…. je mange des glaces Mmmmmm…. en essayant de me limiter !
        Quant aux légumes riches en eau tels tomates, concombres, aubergines etc… ils sont plus ou moins gorgés d’eau selon qu’il y ait bcp de sécheresse ou non.
        Ex du + au – =
        1- les cactus des déserts torides pour l’extrême, en France : 2- les légumes provençaux , 3-ceux des régions plus tempérées, 4 – ceux des régions où il y a pluviométrie fréquente , dont 4bis – le Pays Basque pluviométrie importante, où les légumes stockent d’eux même moins d’eau parce qu’ils en ont moins besoin.

      2. Avatar de Jacqueline Subias
        Jacqueline Subias

        suite Timotia :
        J’entends par rapport à l’hydrométrie les légumes qui viennent des pays chauds découverts et importés chez nous depuis la découverte de l’Amérique (versan sud/est plat). Parce que pour les légumes d’origine + ou – nord dont pommes de terre issues des Andes et Chilie (versan sud/ouest où il peut y faire très très chaud ou très très froid selon hauteurs) c’est l’inverse = + c’est pluvieux comme en Irlande, + ils s’imprègnent d’eau et sont moins goûteux : eux ont besoin de soleil et non d’eau.
        bizarre bizarre ? vous avez dit bizarre ? (sourire)
        Je ne suis experte en rien, mais en culture très générale (dont souvant approximative) très experte….. lol

      3. Avatar de Jacqueline Subias
        Jacqueline Subias

        J’ajoute encore et termine :
        Les arrosages importants ne servent qu’à la rentabilité : + on arrose ou plus il pleut + les légumes sont gros , nombreux et moins nutritifs (et moins goûteux) + il y a rendement…. D’où développement extrême en Irlande de la pomme de terre qui se produit en quantité pour résoudre plus vite la pauvreté (avec famine générale qui a suivi suite à mildiou duquel la p.d.t. n’était pas « immunisée »)
        Le rendement très important par arrosage intensif étant dû à la pensée dominante capitaliste = + c’est productif + c’est vite fait vite expédié + plus c’est rapidement rentable poil au râble.

        D’où la sagesse bien moins vorace de ces Mauritaniens et autres résistants ( qui résistent à la folie de l’idéal capitaliste devenu ) qui nous touchent beaucoup tant on manque de sagesse…

  7. Avatar de gaston
    gaston

    Merci pour cette belle page et cette évocation d’un moment passé.

    Vous vous félicitez de retrouver un endroit qui était cher dans votre souvenir et de le voir quelque peu prospérer dans le sens où les « pionniers » de 1994 ont réussi dans leur entreprise de créer un lieu de vie moins précaire que le nomadisme, avec école etc …

    Mais le fait de le découvrir dans un guide comme le Routard ou le Petit Futé me pose question.
    Ne craignez vous pas que cet endroit « magique » devienne à la Mauritanie, ce que Ksar Ghilane est devenu à la Tunisie ?

    « Le tourisme écolo n’existe pas » nous dit le militant Henri Mora dan son livre « Désastres Touristique ».

    Puisse El Kheouiya puisse toujours mériter son nom !

    1. Avatar de gaston
      gaston

      En complément de mon commentaire, je poste un lien sur le livre d’Henri Mora :
      https://www.lechappee.org/auteurs/henri-mora

  8. Avatar de timiota
    timiota

    Ils ont un petit côté Nambikwara, ces ex-nomades-mais-pas-tout-à-fait.
    (https://fr.wikipedia.org/wiki/Nambikwara).

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